« Le cinquième accord toltèque » de Don Miguel Ruiz et José Luis Ruiz, paru en édition de poche en 2024 chez Les éditions Jouvence.
L’Observatoire de la philothérapie ne référence pas de tels livres de développement personnel, celui-ci fait donc exception.
Le cinquième accord toltèque : « Soyez sceptique, mais apprenez à écouter ».
Source : Le cinquième accord toltèque, chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Don Miguel Ruiz et José Luis Ruiz, Les éditions Jouvence, Genève, Suisse, 2024, p. 103.
« Comment allez-vous changer le monde ? En changeant votre monde. Le changement commence par vous. » Don Miguel Ruiz
Le succès des Quatre Accords toltèques, best-seller mondial, ne fait que grandir. Mais quoi de plus naturel quand on sait qu’il est en mesure de transformer votre vie en pulvérisant les milliers d’accords restrictifs que vous avez conclus avec vous-même, autrui et la vie elle-même ?
Il est temps maintenant de vous faire un autre cadeau : le Cinquième Accord toltèque.
Bien que composé de mots, sa signification et son intention dépassent largement sa formulation. Avec ce dernier accord, il s’agit de vous offrir le pouvoir du doute afin de voir toute votre réalité avec les yeux de la vérité, sans mots. Vous cheminerez alors vers l’acceptation complète de vous-même, tel que vous êtes, et l’acceptation totale des autres, tels qu’ils sont. Avec pour récompense votre bonheur éternel.
Don Miguel Ruiz est fils de guérisseuse du Mexique et petit-fils de nagual (chaman). Après des études de médecine, une rencontre avec la mort (NDE) et une expérience extracorporelle ont transformé sa vie. Depuis Don Miguel Ruiz se consacre à la maîtrise de la sagesse ancestrale des toltèques. Son enseignement rencontre un immense succès dans le monde. Il est notamment l’auteur des best-sellers Les Quatre Accords toltèques et La maîtrise de l’amour, parus aux Éditions Jouvence. Don José Ruiz a grandi dans un monde où tout était possible. Dès qu’il a su parler, il a été initié par son père, don Miguel Ruiz, et sa grand-mère, Mère Sarita, guérisseuse. Il est devenu, comme son père, héritier de la lignée toltèque..
Les auteurs souhaitent exprimer leur plus profonde gratitude aux personnes suivantes : Janet Mills, mère de ce livre ; Judy Segal, pour tout son amour et son soutien ; Ray Chambers, pour avoir éclairé le chemin ; Oprah Winfrey et Ellen DeGeneres, pour avoir partagé le message des Quatre Accords toltèques avec tant de gens ; Ed Rosenberg et le major général Riemer, pour leur reconnaissance des Quatre Accords toltèques sur l’insigne de la United States Air Force ; Gails Mills, Karen Kreiger et Nancy Carleton pour avoir généreusement fait don de leur temps et de leur talent pour réaliser ce livre ; et Joyce Mills, Miya Champa, Dave McCullough, Theresa Nelson et Shkiba Samimi-Amri pour leur dévouement et leur soutien constant aux enseignements des Toltèques.
LES TOLTÈQUES
Il y a des milliers d’années, à travers tout le Sud du Mexique, les Toltèques étaient connus comme des « hommes et femmes de connaissance ». Les anthropologues les ont décrits comme une nation ou une race, mais en réalité c’était des scientifiques et des artistes formant une société vouée à explorer et à préserver la connaissance spirituelle et les pratiques des anciens. Maîtres (naguals) et étudiants se réunissaient à Teotihuacan, l’ancienne cité des pyramides situées au-delà de Mexico City, connue comme le lieu où « l’homme devient Dieu ».
Au fil des millénaires, les naguals ont été contraints de dissimuler la sagesse ancestrale et de la préserver dans l’ombre. La conquête européenne, couplée à l’abus de pouvoir personnel de quelques apprentis, a rendu nécessaire de protéger la connaissance de ceux qui n’étaient pas préparés à l’utiliser avec discernement ou qui risquaient d’en user de manière abusive, à des fins personnelles.
Fort heureusement, la connaissance ésotérique des Toltèques s’est transmise et incarnée au fil des générations à travers diverses lignées de naguals. Bien qu’elle soit restée dans le secret durant des centaines d’années, les prophéties anciennes avaient annoncé la venue d’un âge au cours duquel il serait nécessaire de redonner la sagesse au peuple. Aujourd’hui, don Miguel Ruiz et don José Ruiz, naguals de la lignée des Chevaliers de l’Aigle, ont été instruits pour partager avec nous les puissants enseignements des Toltèques.
La connaissance toltèque émane de la même unité de vérité que les traditions ésotériques du monde entier. Bien qu’elle ne soit pas une religion, elle honore tous les maîtres spirituels qui ont enseigné sur Terre. Bien qu’elle comprenne une dimension spirituelle, elle est plus justement décrite comme étant un mode de vie qui se distingue par la facilité d’accès au bonheur et à l’amour qu’il procure.
INTRODUCTION
par don Miguel Ruiz
Les Quatre Accords toltèques ont été publiés il y a de nombreuses années. Si vous avez lu ce livre, vous savez déjà de quoi ces accords sont capables. Ils sont en mesure de transformer votre vie en pulvérisant les milliers d’accords restrictifs que vous avez conclus avec vous-même, avec autrui et avec la vie elle-même.
La première fois qu’on lit Les Quatre Accords toltèques, le livre opère sa magie. Il va bien au-delà des mots imprimés. Vous avez l’impression de connaître déjà chaque mot de cet ouvrage. Vous en ressentiez le contenu, mais sans doute ne l’aviez-vous jamais formulé auparavant. Quand vous lisez ce livre pour la première fois, il remet en question ce que vous croyez et vous entraîne jusqu’aux limites de votre compréhension. Vous parvenez alors à briser de nombreux accords restrictifs et à relever bien des défis, et vous en discernez bientôt d’autres.
Quand vous lisez cet ouvrage une seconde fois, vous avez l’impression de découvrir un texte complètement différent parce que les limites de votre compréhension se sont déjà élargies. Une fois encore, il développe en vous une conscience plus profonde de vous-même et vous atteignez la limite la plus distante dont vous soyez capable à ce moment-là.
Et quand vous le relisez une troisième fois, c’est comme si vous lisiez carrément un autre ouvrage.
Comme par magie, parce qu’ils sont magiques, Les Quatre Accords toltèques vous aident progressivement à recouvrer votre moi authentique. Avec de l’entraînement, ces quatre accords tout simples vous ramènent à ce que vous êtes vraiment, et non à ce que vous prétendez être. Or c’est exactement cela que vous voulez : être qui vous êtes vraiment.
Les principes des Quatre Accords toltèques s’adressent au cœur de chaque être humain, du plus jeune au plus vieux. Ils s’adressent aux peuples des différentes cultures du monde entier, des gens qui parlent des langues différentes, des gens dont les croyances religieuses et philosophiques divergent considérablement. Ils se sont instruits dans des établissements différents, de l’école primaire à l’université, en passant par le collège et le lycée. Si les principes des Quatre Accords Toltèques s’adressent à tout le monde, c’est parce qu’ils relèvent du bon sens.
Il est temps maintenant de vous faire un autre cadeau : le cinquième accord toltèque. Si je n’ai pas inclus ce cinquième accord dans mon premier livre, c’est parce que les quatre premiers représentaient déjà un défi suffisant à l’époque. Le cinquième accord est composé de mots, bien entendu, mais sa signification et son intention dépassent largement sa formulation. Avec le cinquième accord toltèque, il s’agit en fin de compte de voir toute votre réalité avec les yeux de la vérité, sans mots. La pratique de ce cinquième accord a pour résultat l’acceptation complète de vous-même, tel que vous êtes, et l’acceptation totale de tous les autres, tels qu’ils sont. Avec pour récompense, votre bonheur éternel.
Voici de nombreuses années, je me suis mis à enseigner certains des concepts présents dans ce livre à mes apprentis, puis j’ai arrêté, car il semblait que personne ne comprenait ce que j’essayais de dire. Bien que j’eusse partagé le cinquième accord toltèque avec mes apprentis, j’avais pris conscience que personne n’était prêt à apprendre les enseignements qui sous-tendent cet accord. Des années plus tard, mon fils, don José, a entrepris de partager les mêmes enseignements avec un groupe d’étudiants, et il a réussi là où j’avais échoué. Les raisons du succès de don José étaient peut-être sa foi totale dans la transmission de ce message. Sa seule présence exprimait la vérité et remettait en question les croyances des personnes qui suivaient ses cours. Il avait un impact immense sur leur existence.
Don José Ruiz est mon apprenti depuis qu’il est enfant, depuis le jour où il a appris à parler. Dans ce livre, j’ai l’honneur d’introduire mon fils et de présenter l’essence des enseignements que nous avons donnés ensemble au cours des sept dernières années.
Pour que notre message reste aussi personnel que possible, et pour conserver la première personne utilisée dans les précédents livres de sagesse toltèque, nous avons fait le choix de présenter également ce Cinquième Accord toltèque à la première personne. Dans ce livre, nous nous adressons donc aux lecteurs d’une seule voix et d’un seul cœur.
PREMIÈRE PARTIE
Le pouvoir des symboles
CHAPITRE 1
AU COMMENCEMENT
Tout est dans le programme
Dès l’instant où vous naissez, vous adressez un message au monde. Quel est ce message ? C’est vous-même, cet enfant. C’est la présence d’un ange, d’un messager venu de l’infini dans un corps humain. L’infini, le pouvoir total, crée un programme explicitement pour vous, et tout ce dont vous avez besoin pour être qui vous êtes s’y trouve déjà compris. Vous naissez, vous grandissez, vous vous mariez, vous vieillissez et, au final, vous retournez à l’infini. Chacune de vos cellules est un univers en soi. Chacune est intelligente, complète et programmée pour être ce qu’elle est.
Vous êtes programmé pour être vous, qui que vous soyez, et pour votre programme, peu importe ce que votre mental pense que vous êtes. Le programme n’est pas dans le mental. Il est dans le corps, dans ce que l’on appelle l’ADN, et au début de votre existence, vous en suivez instinctivement la sagesse. Quand vous êtes tout petit, vous savez ce que vous aimez, ce que vous n’aimez pas, quand ça vous plaît et quand cela ne vous plaît pas. Vous vous fiez à votre plaisir et vous essayez d’éviter ce qui ne vous convient pas. Vous suivez vos instincts qui vous indiquent comment être heureux, comment profiter de la vie, comment jouer, aimer et satisfaire vos besoins. Puis que se passe-t-il ?
Votre corps commence à se développer, votre mental mûrit et vous commencez à utiliser des symboles pour exprimer votre message. De même que les oiseaux comprennent d’autres oiseaux, et que les chats se comprennent entre chats, les humains se comprennent entre eux grâce à une symbologie. Si vous aviez été emmené sur une île et que vous y aviez vécu tout seul, peut-être vous aurait-il fallu dix ans, mais vous auriez fini par donner un nom à tout ce que vous voyez et vous utiliseriez ce langage pour communiquer un message, fût-ce simplement à vous-même. Pourquoi auriez-vous fait une telle chose ? Eh bien, c’est facile à comprendre, et ce n’est pas parce que les humains sont très intelligents. C’est parce que nous avons été programmés pour nous créer un langage, pour inventer tout une symbologie pour nous-mêmes.
Comme vous le savez, tout autour du globe les hommes parlent et écrivent dans des milliers de langues différentes. Les êtres humains ont inventé toute sorte de symboles, non seulement pour communiquer entre eux, mais également avec eux-mêmes. Ces symboles peuvent être des sons que nous prononçons, des gestes que nous faisons ou encore des lettres et des signes de nature graphique. Il existe des symboles pour des objets, pour des idées, pour la musique et les mathématiques, mais l’usage des sons est la toute première étape : elle signifie que nous apprenons à utiliser des symboles pour parler.
Les humains qui nous ont précédés avaient déjà des noms pour tout ce qui existe, aussi nous ont-ils enseigné la signification de ces sons. Ils appellent ceci une table, cela une chaise. Ils ont même des noms pour des choses qui n’existent que dans notre imagination, comme les sirènes et les licornes. Chaque mot que nous apprenons est le symbole de quelque chose de réel ou imaginaire, et il y a des milliers de mots à apprendre. Quand on observe des enfants de 1 à 4 ans, on voit les efforts qu’ils font pour acquérir toute une symbologie. C’est un effort considérable dont on ne se rappelle généralement pas, parce que notre esprit n’est pas encore mûr, mais à force de répétition et d’entraînement, on apprend finalement à parler.
Sitôt que nous savons parler, les humains qui s’occupent de nous nous enseignent ce qu’ils savent, ce qui veut dire qu’ils nous programment avec leurs connaissances. Ils ont en effet beaucoup de connaissances, lesquelles comprennent notamment toutes les règles sociales, religieuses et morales de leur culture. Ils captent notre attention, nous transmettent des informations et nous apprennent à devenir comme eux. On apprend ainsi à devenir un homme ou une femme, en fonction de la société dans laquelle on est né. On apprend comment « bien » se comporter dans la société, autrement dit comment être une « bonne » personne.
En vérité, on nous domestique, exactement comme un chien, un chat ou n’importe quel animal : en ayant recours à un système de punitions et de récompenses. On s’entend dire qu’on est un gentil garçon ou une gentille fille quand on fait ce que les adultes attendent de nous ; et qu’on est un méchant garçon ou une méchante fille dans le cas contraire. Parfois, on est puni sans avoir mal agi, d’autres fois, récompensé sans avoir fait quoi que ce soit de bien. De peur d’être puni ou de ne pas être récompensé, on essaie de faire plaisir à autrui. On s’efforce d’être bon, puisque les méchants ne reçoivent aucune récompense : on les punit.
Au cours de notre domestication humaine, toutes les règles et les valeurs de notre famille et de la société nous sont imposées. Nous n’avons pas l’occasion de choisir nos croyances ; on nous dit ce qu’il faut croire ou ne pas croire. Les personnes avec qui nous vivons nous donnent leur opinion : qu’est-ce qui est bien ou mal, qu’est-ce qui est juste ou faux, qu’est-ce qui est beau ou laid. Comme dans le cas d’un ordinateur, toutes ces informations se téléchargent dans notre tête. Enfant, on est innocent ; on croit tout ce que nos parents et les autres adultes nous disent ; on leur donne notre accord, et dès lors, cette information se stocke dans notre mémoire. C’est par notre accord que ce que nous apprenons se grave dans notre esprit, et c’est par notre accord aussi que cela y reste. Mais l’information doit tout d’abord passer par notre attention.
L’attention est quelque chose de très important chez les humains, puisque c’est la partie de notre esprit qui nous permet de nous concentrer sur un seul objet ou une seule pensée parmi tout un éventail de possibilités. C’est par l’attention que l’information extérieure accède à l’intérieur, et vice versa. L’attention est le canal que nous utilisons pour émettre et recevoir des messages entre êtres humains. On peut la comparer à un pont qui va d’un esprit à un autre ; nous ouvrons ce pont à l’aide de sons, de signes, de symboles ou de gestes, avec tout ce qui peut capter l’attention. Voilà comment nous instruisons les autres, et voilà comment nous apprenons nous-mêmes. On ne peut rien enseigner à autrui si l’on n’a pas tout d’abord capté son attention ; on ne peut rien apprendre non plus sans faire preuve d’attention.
En utilisant notre attention, les adultes nous apprennent à nous créer toute une réalité dans notre esprit, à l’aide de symboles. Après nous avoir transmis toute une symbologie au moyen de sons, les adultes la renforcent avec l’alphabet et nous apprenons le même langage, mais graphiquement cette fois. Notre imagination commence à se développer, notre curiosité se renforce et nous commençons à poser des questions. Nous ne cessons d’interroger, de questionner ; nous réunissons des informations de toutes parts. Et nous savons que nous avons finalement réussi à maîtriser une langue quand nous parvenons à utiliser des symboles pour nous parler à nous-mêmes, dans notre tête. C’est le moment où nous apprenons à penser. Avant cela, nous ne pensons pas ; nous imitons les sons des autres et nous utilisons des symboles pour communiquer, mais la vie reste simple aussi longtemps que nous n’attachons pas de signification ou d’émotions à ces symboles.
Sitôt qu’on attribue un sens aux symboles, on se met à les utiliser pour tenter de donner un sens à tout ce qui arrive dans notre vie. On les utilise aussi bien pour penser à des choses réelles qu’à d’autres qui ne le sont pas, mais que nous croyons pourtant telles, comme la beauté et la laideur, la minceur et la grosseur, l’intelligence et la stupidité. Et, vous l’avez sans doute remarqué, nous ne sommes capables de penser que dans une langue que nous maîtrisons. Durant de nombreuses années, je ne parlais que l’espagnol. Il m’a fallu de nombreuses autres années avant de maîtriser suffisamment les symboles de la langue anglaise pour penser dans cette langue. Maîtriser un langage n’est pas facile, mais vient un moment où l’on se surprend à penser avec les nouveaux symboles qu’on a appris.
Quand vient le moment d’entrer à l’école, vers l’âge de 5 ou 6 ans, nous comprenons la signification de concepts abstraits, comme juste ou faux, gagnant ou perdant, parfait ou imparfait. À l’école, nous apprenons à lire et à écrire les symboles que nous connaissons déjà, et le langage écrit nous permet d’accumuler davantage de connaissances. Nous continuons de donner un sens à un nombre toujours plus important de symboles, et non seulement la pensée se fait désormais sans effort, mais aussi d’une manière automatique.
À ce stade, les symboles que nous avons appris captent d’eux-mêmes notre attention. Ce sont les choses que nous avons apprises qui s’adressent à nous, et nous écoutons donc ce que nos connaissances nous disent. J’appelle cela la voix de la connaissance, puisque la connaissance s’adresse à nous dans notre tête. Il arrive souvent que nous entendions cette voix dans diverses tonalités ; nous entendons ainsi la voix de notre mère, de notre père, de nos frères et sœurs, et cette voix n’arrête jamais de parler. Elle n’est pourtant pas réelle ; c’est nous qui l’avons créée. Mais nous croyons qu’elle l’est, puisque nous lui donnons vie par la seule puissance de notre foi, avec pour conséquence que nous croyons ce que cette voix nous dit. C’est à ce stade que les opinions des humains qui nous entourent commencent à prendre le contrôle de notre esprit.
Chacun se fait une opinion de nous et de qui nous sommes. Quand nous sommes tout petits, nous ne savons pas qui nous sommes. Nous ne pouvons nous connaître que grâce à un miroir, et les autres font précisément office de miroir. Ma mère me dit qui je suis, et je la crois. C’est totalement différent de ce que me dit mon père, ou encore mes frères et mes sœurs, mais je suis également d’accord avec eux.
Les gens nous disent également de quoi nous avons l’air, surtout quand nous sommes encore tout petits. « Regarde, tu as les yeux de ta mère et le nez de ton grand-père. » Nous écoutons donc les opinions des membres de notre famille, de nos professeurs et des enfants plus grands que nous à l’école. Nous voyons notre image dans ce miroir, nous convenons que nous sommes cela et nous y donnons notre accord, de sorte que ces opinions s’intègrent bientôt à notre système de croyances. Peu à peu, toutes ces opinions modifient notre comportement et nous finissons par nous former mentalement une image de nous-mêmes qui correspond à ce que les autres disent de nous : « Je suis beau ; je ne suis pas si beau que ça. Je suis intelligente ; je ne suis pas très intelligente. Je suis un gagnant ; je suis un perdant. Je suis bonne dans ce domaine-ci ; je suis mauvaise dans celui-là. »
À un certain point, toutes les opinions de nos parents et de nos professeurs, de notre religion et de la société, nous font croire qu’il est nécessaire de nous comporter d’une certaine manière pour être accepté. On nous dit ce qu’il faut être, l’apparence qu’il nous faut voir et la façon dont il faut nous comporter. Nous devons être comme ceci et non comme cela. Et comme il n’est pas acceptable que nous soyons tels que nous sommes, nous commençons à faire semblant d’être quelqu’un d’autre. La peur d’être rejeté finit par devenir la peur de ne pas être à la hauteur, et nous nous mettons alors en quête de ce que nous appelons la perfection. Au cours de cette quête, nous nous formons une image de la perfection, de ce que nous souhaiterions être, mais nous savons que nous n’y correspondons pas, aussi nous mettons-nous à nous juger. Nous ne nous aimons pas et nous nous disons : « Regarde combien tu as l’air idiot, combien tu es moche. Regarde à quel point tu es grosse, petite, faible, stupide. » C’est là que le drame commence, car désormais, les symboles œuvrent contre nous. Nous ne remarquons même pas que nous avons appris à les utiliser pour nous rejeter.
Avant d’être domestiqués, nous nous fichons de savoir qui nous sommes et à quoi nous ressemblons. Notre tendance naturelle est d’explorer, d’exprimer notre créativité, de rechercher le plaisir et d’éviter la douleur. Quand nous sommes petits, nous sommes encore sauvages et libres ; nous courons tout nus sans avoir conscience de nous-mêmes et sans nous juger. Nous disons la vérité, puisque nous vivons dans la vérité. Notre attention est tout entière dans l’instant présent ; nous n’avons pas peur du futur, ni honte du passé. Après notre domestication, nous essayons d’être à la hauteur, aux yeux de tout le monde, mais nous ne le sommes plus à nos propres yeux, puisqu’il nous est impossible d’atteindre notre idéal de perfection.
Toutes nos tendances humaines normales se perdent au cours de ce processus de domestication, aussi nous mettons-nous en quête de ce que nous avons perdu. Nous cherchons la liberté, puisque nous ne sommes plus libres d’être qui nous sommes ; nous cherchons le bonheur, puisque nous ne sommes plus heureux ; nous recherchons la beauté, puisque nous ne croyons plus être beaux.
Nous continuons de grandir et, à l’adolescence, notre corps est programmé pour produire une substance qu’on nomme hormones. Notre corps n’est plus celui d’un enfant et le mode de vie que nous avions jusque-là ne nous convient plus. Nous n’avons plus envie que nos parents nous disent que faire ou non. Nous voulons notre liberté ; nous voulons être nous-mêmes, mais nous avons également peur de nous. Les gens nous disent, « Tu n’es plus un enfant », mais nous ne sommes pas adultes non plus, aussi cette période est-elle difficile pour la plupart des humains. Une fois parvenu à l’adolescence, on n’a plus besoin que les autres nous domestiquent ; on a appris à se juger, à se punir et à se récompenser en fonction du même système de croyances qui nous a été transmis, et en utilisant le même système de punitions et de récompenses. Il se peut que la domestication soit plus facile pour certaines personnes, dans certaines régions du monde, et plus difficile pour d’autres, ailleurs, mais en général aucun d’entre nous n’échappe à ce processus. Aucun.
Au bout du compte, le corps atteint sa maturité et tout change à nouveau. Notre quête recommence, mais désormais, ce que nous recherchons, c’est de plus en plus nous-mêmes. Nous recherchons l’amour, parce qu’on nous a appris à croire que l’amour existait quelque part en dehors de nous ; nous recherchons la justice, car il n’en existe aucune dans le système de croyances qu’on nous a inculqué ; nous recherchons la vérité, puisque nous croyons seulement les connaissances stockées dans notre tête. Et, bien entendu, nous continuons de chercher la perfection, puisque nous sommes désormais d’accord avec le reste de l’humanité : « Personne n’est parfait ».
Don Miguel Ruiz, bien que né et élevé au Mexique par une mère curandera (guérisseuse) et un grand-père nagual (chaman), choisit de faire des études de médecine et de devenir chirurgien. Une rencontre avec la mort (NDE), au début des années 1970, a changé sa vie. li s’est dès lors consacré à la maîtrise de la sagesse ancestrale. Il est maintenant devenu un nagual de la lignée des Chevaliers de I’Aigle, voué au partage de sa connaissance des enseignements des anciens Toltèques.
Les Quatre Accords toltèques, Éditions Jouvence, traduit par Olivier Clerc, 1999 (réédition en 2012, et en Poche en 2005), paru également aux Éditions Guy Trédaniel en 2011[1],[3].
la Maîtrise de l’Amour, Éditions Jouvence, traduit par Olivier Clerc, 1999 (réédition en Poche en 2009), paru également aux Éditions Guy Trédaniel en 2011.
Vivre les quatre accords toltèques au quotidien, Éditions Jouvence, 2001 (réédition en 2018).
Pratique de la voie toltèque, Éditions Jouvence, traduit par Olivier Clerc, 2010 (épuisé).
S’ouvrir à l’amour et au bonheur Éditions Jouvence, traduit par Olivier Clerc, 2003 (réédition en 2018).
Au-delà de la peur, Éditions Jouvence, traduit par Olivier Clerc, 2004
Les croyances fondamentales des toltèques, Éditions Jouvence, 2004.
La voix de la connaissance, Éditions Guy Trédaniel, 2009.
Le Cinquième Accord Toltèque, Éditions Guy Trédaniel, traduit par Olivier Clerc, 2010.
Sagesse et magie de la Maîtrise de l’Amour, Éditions Jouvence, 2013.
Sagesse et magie des Quatre Accords Toltèques, Éditions Jouvence, 2014.
L’art de vivre et de mourir des toltèques, Éditions Guy Trédaniel, coécrit avec Barbara Emrys, 2015.
Les trois questions, Éditions Guy Trédaniel, 2018.
La sagesse des chamanes toltèques, Éditions Guy Trédaniel, 2019
J’ai lu « Le 5e accord toltèques » à la suite de « Les quatre accords toltèques » (voir mon rapport de lecture de ce dernier). Je les ai achetés ensemble, question d’avoir déjà en main la suite au cas où… Et ce, malgré que je suis très loin d’être un fan du développement personnel. « Le 5e accord toltèques » est une vraie farce, une attrape, un piège.
Ce rapport de lecture se base uniquement sur le « Chapitre 8 – Le pouvoir du doute » qui révèle le cinquième accord toltèque. Je le reproduis ci-dessous avec mes commentaires.
Le pouvoir du doute
Voici le Cinquième Accord Toltèque : Soyez sceptique, mais apprenez à écouter. Soyez sceptique, car la majeure partie de ce que vous entendez n’est pas vrai. Vous savez que les humains utilisent des symboles pour parler, or les symboles ne sont pas la vérité. Ils ne sont vrais que parce que nous nous sommes mis d’accord à leur sujet, et non parce qu’ils sont réellement la vérité. Mais la deuxième moitié de cet accord vous dit apprenez à écouter, et la raison en est simple : si vous apprenez à écouter, vous comprendrez la signification des symboles qu’utilisent les gens, vous comprendrez leur histoire et dès lors la communication s’améliorera beaucoup. Alors, il se pourrait qu’à la place de la confusion qui règne actuellement parmi les humains qui peuplent cette Terre, se manifeste un jour la clarté.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 103-104.
COMMENTAIRE
Écrire que la majeure partie de ce que nous entendons n’est pas vrai parce que nos langues se composent de symboles sur lesquels nous nous sommes mis d’accord quant à leur signification puis nous dirent que ces symboles ne sont pas réellement la vérité ne tient pas la route.
On notera un biais cognitif bien connu, celui de la généralisation à outrance, dans l’affirmation « la majeure partie de ce que vous entendez n’est pas vrai ». Les auteurs n’ont certainement pas écouté et analysé tout ce qui se dit sur Terre pour soutenir que la majeure partie de ce que nous entendons est faux.
* * *
Voici une liste de dix biais cognitifs observés par le Dr. David D. Burns et rapportés dans son livre « Être bien dans sa peau ».
Être bien dans sa peau, David D. Burns, M.D.
Le tout-ou-rien : votre pensée n’est pas nuancée. Vous classez les choses en deux seules catégories : les bonnes et les mauvaises. En conséquence, si votre performance laisse à désirer, vous considérez votre vie comme un échec total.
La généralisation à outrance : un seul événement malheureux vous apparaît comme faisant partie d’un cycle sans fin d’échecs.
Le filtre : vous choisissez un aspect négatif et vous vous attardez à un tel point à ce petit détail que toute votre vision de la réalité en est faussée, tout comme une goutte d’encre qui vient teinter un plein contenant d’eau.
Le rejet du positif : pour toutes sortes de raisons, en affirmant qu’elles ne comptent pas, vous rejetez toutes vos expériences positives. De cette façon, vous préservez votre image négative des choses, même si elle entre en contradiction avec votre expérience de tous les jours.
Les conclusions hâtives : vous arrivez à une conclusion négative, même si aucun fait précis ne peut confirmer votre interprétation.
L’interprétation indue. Vous décidez arbitrairement que quelqu’un a une attitude négative à votre égard, et vous ne prenez pas la peine de voir si c’est vrai.
L’erreur de prévision. Vous prévoyez le pire, et vous êtes convaincu que votre prédiction est déjà confirmée par les faits.
L’exagération (la dramatisation) et la minimisation : vous amplifiez l’importance de certaines choses (comme vos bévues ou le succès de quelqu’un d’autre) et vous minimisez l’importance d’autres choses jusqu’à ce qu’elles vous semblent toutes petites (vos qualités ou les imperfections de votre voisin, par exemple). Cette distorsion s’appelle aussi « le phénomène de la lorgnette ».
Les raisonnements émotifs : vous présumez que vos sentiments les plus sombres reflètent nécessairement la réalité des choses : « C’est ce que je ressens, cela doit donc correspondre à une réalité.
Les « dois » et les « devrais » : vous essayez de vous motiver par des « je devrais… » ou des « je ne devrais pas… » comme si, pour vous convaincre de faire quelque chose, il fallait vous battre ou vous punir. Ou par des « je dois ». Et cela suscite chez vous un sentiment de culpabilité. Quand vous attribuez des « ils doivent » ou « ils devraient » aux autres, vous éveillez chez vous des sentiments de colère, de frustration et de ressentiment.
L’étiquetage et les erreurs d’étiquetage : il s’agit là d’une forme extrême de généralisation à outrance. Au lieu de qualifier votre erreur, vous vous apposez une étiquette négative : « Je suis un perdant ». Et quand le comportement de quelqu’un d’autre vous déplaît, vous lui accolez une étiquette négative : « C’est un maudit pouilleux ». Les erreurs d’étiquetage consistent à décrire les choses à l’aide de mots très colorés et chargés d’émotion.
La personnalisation : vous vous considérez responsable d’un événement fâcheux dont, en fait, vous n’êtes pas le principal responsable.
* * *
Si vous concluez qu’il y a plus d’un biais cognitif dans l’affirmation « la majeure partie de ce que vous entendez n’est pas vrai », je m’accorde aisément avec vous.
Avancer l’idée que notre langage (et nos langues) se fondent sur des symboles en affirmant qu’ « Ils ne sont vrais que parce que nous nous sommes mis d’accord à leur sujet, et non parce qu’ils sont réellement la vérité », c’est croire que la réalité n’est pas accessible à l’Homme. En effet, la vérité est vérité si elle est conforme à la réalité. Or, nous devons passer obligatoirement par un langage construit de symboles pour penser et exprimer nos perceptions de la réalité. Ce n’est certainement pas la table qui nous dit « Je suis une table » mais notre accord commun sur la perception de cet objet à qui nous attribuons le nom « table », un nom qui en devient ainsi le symbole.
FIN DU COMMENTAIRE
Une fois qu’on a compris que pratiquement rien de ce que l’on a appris au moyen de symboles n’est vrai, l’injonction Soyez sceptique prend une dimension autrement plus importante. C’est un outil magistral, puisqu’il fait appel au pouvoir du doute pour discerner la vérité. Chaque fois que vous écoutez un message, qu’il soit de vous-même ou de n’importe quel autre artiste, posez-vous simplement la question : Est-ce la vérité ou non ? S’agit-il de la réalité ou d’une réalité virtuelle ? Le doute vous conduit derrière les symboles et vous rend responsable de chaque message que vous délivrez ou recevez. Pourquoi investir sa foi dans un message qui n’est pas vrai ? En vous montrant sceptique, vous ne croyez pas systématiquement chaque message ; vous ne mettez plus votre foi dans des symboles, et puisqu’elle n’est plus captive des symboles, votre foi se trouve dès lors en vous-même.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 104.
COMMENTAIRE
Ce n’est que par les symboles sur lesquels l’Homme s’est mis d’accord qu’il peut reconnaître la vérité ou la conformité de ce qu’il pense et dit avec la réalité perçue. Défendre l’idée à savoir que n’est qu’« Une fois qu’on a compris que pratiquement rien de ce que l’on a appris au moyen de symboles n’est vrai », c’est renier la vérité et détrousser tous ceux et celles qui nous l’enseignent afin que nous puissions fonctionner dans la société.
Les auteurs, face à tous ces mensonges présumés, nous enjoignent d’être sceptiques : « C’est un outil magistral, puisqu’il fait appel au pouvoir du doute pour discerner la vérité ». « Le doute, soulignent les auteurs, vous conduit derrière les symboles (…) ». Évidemment, ce n’est pas vrai puisque les symboles sont inévitables. Certes, un symbole peut certes en cacher un autre mais nous ne pouvons pas nous soustraire à la perception de la réalité et à l’interprétation de cette dernière avec des symboles.
Les auteurs se révèlent à leurs lecteurs avec un mot qui en dit long sur leur démarche, le mot « foi » : « Pourquoi investir sa foi dans un message qui n’est pas vrai ? » Croyance et vérité sont deux concepts distincts (les liens conduisent à L’Encyclopédie philosophique). Croire dans la vérité est une chose, admettre la vérité ou acquérir une connaissance conforme à la réalité en est une autre.
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Croyance et Vérité
« Croire c’est avoir foi en quelqu’un ou quelque chose sans justification rationnelle, avec certitude, c’est être convaincu d’avoir accès à une vérité – idée que l’on associe bien souvent à « la » Vérité, absolue et immuable. Impossible de prouver une croyance par des faits objectifs, la foi se ressent comme une illumination intérieure.
La Vérité, elle, est l’accord de la pensée avec le réel. Même si cette vérité fut critiquée tout au long de l’histoire de la philosophie[i], les sciences ont pu mettre en avant que la Vérité n’est en fait qu’un point vers l’horizon qui ne fait que s’éloigner au fur et à mesure que l’on avance vers elle, ne faisant d’elle qu’une suite de « provisoires » qui s’améliorent.
Il est possible de considérer que les savoirs que nous dispensent les professeurs, les scientifiques, les spécialistes, les reporters sont des « preuves » du réel, mais nous ne pouvons que les « croire » car nous n’avons pas été confrontés au « réel » qu’ils montrent ou dont ils parlent. Ainsi nous voyons dans cette première approche que vérités et croyances ne sont pas si éloignées l’une de l’autre.
C’est certainement au travers de ce hiatus infime que se façonne la création des principes de vérités cachées, de fake news distillées au cœur même de certaines informations distribuées sur les réseaux « sociaux » à propos de l’Histoire et de certains événements. La place de la vérité au sein de la société actuelle, a moins de chance d’être prise pour ce qu’elle est, alors que le mensonge s’inscrit durablement. Les nouveaux « croyants » ont foi en ces « vérités » qui n’en sont pas délaissant ainsi la raison, confondant le doute avec la défiance, la réflexion avec l’opinion. La vérité devient mensonge, le mensonge la vérité. »
Quel sera les bénéfice d’être sceptique ? Les auteurs répondent : « En vous montrant sceptique, vous ne croyez pas systématiquement chaque message ; vous ne mettez plus votre foi dans des symboles, et puisqu’elle n’est plus captive des symboles, votre foi se trouve dès lors en vous-même ». Un foi délivrée des symboles ? Il n’y a rien de plus symbolique que la foi !
Personnellement, je n’ai pas besoin de croire en la vérité pour l’admettre. Que je crois ou non que cet objet est une table ne change rien au fait que ce soit en vérité une table. Je n’éprouve pas le besoin de croire dans le savoir et la connaissance; je les admets. Car le savoir et la connaissance existent indépendamment de moi. La découverte des éléments du savoir et de la connaissance en ma conscience me donne à penser, non pas à croire.
Dans mon essai et témoignage de gouvernance personnelle, J’aime penser (accessible gratuitement), je dénonce le fait que plusieurs personnes prennent pour vrai ce qu’elles pensent uniquement parce qu’elles le pensent. Le sous-titre de mon ouvrage en rajoute une couche : « Comment prendre plaisir à penser dans un monde où tout un chacun se donne raison ». Se donner raison c’est croire que l’on a raison. Pourquoi faut-il croire que l’on a raison ou non ? On ne peut fonder sa valeur dans le fait que l’on a raison ou son bonheur dans le fait qu’on détient la vérité. C’est donner à la raison et à la vérité un pouvoir dont elles n’ont nullement besoin.
FIN DU COMMENTAIRE
Donc, si avoir la foi c’est croire sans l’ombre d’un doute, et si douter signifie ne pas croire, soyez sceptique. Ne croyez pas. Et qu’allez-vous cesser de croire ? Vous cesserez de croire toutes les histoires que nous créons, nous autres artistes, grâce à nos connaissances. Vous savez que la majeure partie de nos connaissances n’est pas vraie – que toute symbologie n’est pas la vérité – alors, ne me croyez pas, ne vous croyez pas vous-même et ne croyez personne d’autre non plus. La vérité n’a pas besoin que vous y croyiez ; la vérité est, tout simplement, et elle survit, que vous y croyiez ou non. Les mensonges, en revanche, ont besoin que vous y croyiez. Si vous n’y croyez pas, ils ne survivent pas à votre scepticisme et disparaissent tout bonnement.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 104-105
COMMENTAIRE
Douter ne signifie pas ne pas croire mais plutôt remettre en question. Évidemment, si on construit sa vie sur ses croyances plutôt que le savoir et la connaissance, douter de ses croyances devient une question existentielle.
Les auteurs écrivent : « Donc, si avoir la foi c’est croire sans l’ombre d’un doute, et si douter signifie ne pas croire, soyez sceptique. Ne croyez pas. »
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Scepticisme antique (GP)
Être sceptique vis-à-vis d’un problème signifie suspendre son jugement à son propos, ne souscrire à aucune opinion positive, ni dans un sens ni dans l’autre, à son sujet. L’expression « scepticisme antique » (dont la racine grecque skepsis, « enquête », renvoie à la disposition à s’interroger sur le bien-fondé de ses jugements) désigne une tendance philosophique née en Grèce antique et consistant à généraliser cette attitude ordinaire : une philosophie sceptique recommande la suspension du jugement à propos d’une partie (ou même de la totalité) des enquêtes humaines. Le scepticisme philosophique a pris deux formes : la première, pyrrhonienne, doit son nom à son fondateur Pyrrhon d’Élis et compte parmi ses adeptes Timon de Phlionte, Énésidème, Agrippa et Sextus Empiricus. La seconde, le scepticisme académique, est liée à une certaine période de l’Académie de Platon. Arcésilas de Pitane, Carnéade de Cyrène et Philon de Larissa sont ses représentants majeurs.
Les auteurs insistent : « Vous savez que la majeure partie de nos connaissances n’est pas vraie – que toute symbologie n’est pas la vérité – alors, ne me croyez pas, ne vous croyez pas vous-même et ne croyez personne d’autre non plus. » Il ne faut pas tomber dans la folie. Cette fois, c’est le mot « connaissance » qui est utilisé avec le mot « symbologie ».
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Connaissance (GP)
Résumé
« Tu crois savoir mais tu sais pas » (Hugo TSR)
Pensez à toutes les choses que vous savez, toutes les choses que vous connaissez, ou du moins que vous pensez savoir et connaître. Vous savez sûrement que vous êtes en train de lire une entrée sur la connaissance, qu’après l’hiver vient le printemps, que Tintin est un personnage fictif inventé par Hergé et que le lamantin est un mammifère aquatique. Vous savez sûrement aussi lire, parler, courir et compter – mais peut être ne savez vous pas piloter un hélicoptère ou faire du Kung Fu. Vous connaissez aussi sans doute au moins une ville ou une personne, un livre et les paroles d’une chanson. Tous ces exemples sont des exemples de connaissances : ce sont des exemples dans lesquels un sujet, une personne, sait ou connaît quelque chose. Cette entrée propose un aperçu de la manière dont les philosophes ont tenté d’expliquer et de définir la connaissance.
1. Introduction
Que savez-vous ? Vous savez que vous êtes en train de lire une entrée philosophique sur la connaissance, que deux et deux font quatre. La plupart d’entre nous connaissons notre prénom, notre nom et notre date de naissance, ainsi que celles de certains de nos proches. Nous savons en fait un grand nombre de choses : que ce soit à propos de notre vie, du monde, de la culture, de l’histoire. Mais que signifie savoir ? Qu’est-ce que tous ces exemples de connaissance ont en commun ? En d’autres termes : pourquoi ces exemples seraient-ils des exemples de connaissance plutôt que des exemples de croyances, ou d’opinions ? Qu’est-ce qui distingue la connaissance des autres états mentaux tels que la croyance ou l’imagination ? Cette question est celle de la nature de la connaissance, ce que cela signifie pour un individu, une personne, de savoir quelque chose. Comme nous le verrons, il est possible de distinguer plusieurs types de connaissance, qu’on peut aussi appeler connaissance théorique et connaissance pratique. Savoir que l’or est un métal précieux par exemple, est un type de connaissance différent que de savoir lire : le premier concerne une vérité ou un fait, alors que le second concerne un savoir faire.
Ces deux types de connaissance sont au moins aussi importants l’un que l’autre. La connaissance pratique nous permet d’effectuer des tâches essentielles à notre vie quotidienne, comme se déplacer ou communiquer. Mais la connaissance théorique est aussi essentielle, car elle aussi est intimement liée à nos pratiques, à nos actions et à nos habitudes conversationnelles. Il nous arrive de blâmer celui qui agit sur la base d’une croyance irrationnelle, plutôt que sur sa connaissance des faits. Ainsi, la connaissance théorique entretient elle aussi des liens étroits avec nos pratiques quotidiennes.
Il y a cependant une seconde question soulevée par le concept de connaissance : celle du scepticisme. Est-il possible, étant donné ce qu’est la connaissance, de savoir quoi que ce soit ? Comment pouvez vous être sûr, par exemple, que vous êtes en train de lire une entrée sur la connaissance, plutôt que d’être en train de rêver que vous lisez une entrée sur la connaissance ? Nous n’aborderons pas cette question ici, et présupposerons que nous savons réellement plein de choses, bien que parfois, il nous arrive de nous tromper à propos de ce que nous croyons savoir.
Je suis d’accord avec les auteurs lorsqu’ils écrivent « La vérité n’a pas besoin que vous y croyiez ; la vérité est, tout simplement, (…) ». Par contre, je ne suis pas tout d’accord avec les auteurs lorsqu’ils ajoutent, parlant de la vérité, qu’« elle survit, que vous y croyiez ou non. (…) ». La vérité ne « surgit » pas. Elle n’apparaît pas brusquement… à moins que l’on parle alors d’une révélation et, de ce fait, on parle plus souvent qu’autrement de croyances, à l’opposée d’une compréhension raisonnable.
Aussi, je ne comprends pas pourquoi les auteurs soutiennent, par opposition à la vérité, que « Les mensonges, en revanche, ont besoin que vous y croyiez. Si vous n’y croyez pas, ils ne survivent pas à votre scepticisme et disparaissent tout bonnement. ». Pouf ! Comme par magie, si vous ne croyez pas à un mensonge, il disparaît. Il ne suffit plus de démontrer raisonnablement que l’affirmation est un mensonge; il suffit plutôt de ne pas y croire. Mais encore faut-il le reconnaître comme tel et, pour ce faire, de le remettre en question. Ce n’est pas une question de croire ou de ne pas croire.
FIN DU COMMENTAIRE
Mais le scepticisme peut s’exprimer de deux manières. L’une d’elles consiste à se montrer sceptique parce qu’on s’estime trop intelligent pour être crédule. « Regardez combien je suis intelligent. Je ne crois en rien ! » Cette attitude-là n’est pas du scepticisme. Être sceptique, c’est ne pas croire tout ce que vous entendez, et vous n’y croyez pas parce que ce n’est pas la vérité, un point c’est tout. Être sceptique consiste simplement à être conscient que toute l’humanité croit à des mensonges. Vous savez que les humains déforment la vérité, puisque nous rêvons tous et que notre rêve n’est qu’un reflet de la vérité.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 105.
COMMENTAIRE
Ouf ! C’est essoufflant ! Comment peut-on arriver à conclure : « Être sceptique consiste simplement à être conscient que toute l’humanité croit à des mensonges » ? En philosophie, cette définition du scepticisme ne tient pas la route. Être sceptique, c’est suspendre son jugement, non pas juger « que toute l’humanité croit à des mensonges ».
FIN DU COMMENTAIRE
Chaque artiste déforme la vérité, mais ce n’est pas une raison pour juger ce que dit autrui, ni pour le qualifier de menteur. Nous racontons tous des mensonges, d’une manière ou d’une autre, et pas parce que nous voulons mentir. Cela tient simplement à ce que nous croyons ; c’est dû aux symboles que nous avons appris et à la manière dont nous les utilisons. Une fois que vous avez conscience de cela, le Cinquième Accord Toltèque se révèle particulièrement significatif et peut changer beaucoup de choses dans votre vie.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 105.
COMMENTAIRE
Les auteurs jugent eux-mêmes à tour de bras.
FIN DU COMMENTAIRE
Des gens viendront vers vous et vous raconteront leur histoire personnelle. Ils vous communiqueront leur point de vue, ce qu’ils croient être la vérité. Mais vous ne jugerez pas si ce qu’ils disent est vrai ou non. Vous n’aurez aucun jugement, mais vous aurez du respect. Vous écouterez de quelle manière les autres expriment leurs symboles, sachant que ce qu’ils disent est déformé par leurs croyances. Vous saurez que ce qu’ils vous disent n’est qu’une histoire, parce que vous le sentirez. Vous le saurez, tout simplement. Mais vous saurez également quand leurs paroles sont vraies, et vous y parviendrez sans avoir besoin de mots : c’est cela qui compte.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 105-106.
COMMENTAIRE
Un point de vue, selon mon point de vue, n’est pas ce que je crois. Je ne prends pas mon point de vue, par définition, pour la vérité, ni même ma vérité, car la vérité se doit d’être universelle.
FIN DU COMMENTAIRE
Qu’elle soit vraie ou fictive, vous n’avez pas à croire l’histoire de quiconque. Vous n’avez pas besoin de vous forger une opinion quant à ce que dit autrui. Vous n’êtes pas non plus obligé d’exprimer votre opinion à vous. Pas besoin d’être d’accord ou de ne pas être d’accord. Il suffit d’écouter. Plus les propos d’un individu sont impeccables, plus son message est clair. Mais les propos qui émanent d’un autre artiste n’ont rien à voir avec vous. Vous savez qu’il n’y a rien de personnel dans ce qu’il dit. Vous écoutez et vous comprenez tous les mots, sauf que ceux-ci ne vous affectent plus, désormais. Vous ne jugez plus ce que disent les autres, parce que vous comprenez maintenant ce qu’ils font. Ils vous font simplement savoir ce qui se passe dans leur propre monde virtuel.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 106.
COMMENTAIRE
Écoutons et fermons-la. C’est comme cela que nous ferons avancer le savoir et la connaissance… l’humanité ! Tout le monde est dans son monde et ce monde est rien de plus que virtuel. Nous savons qu’il n’y a rien de personnel dans ce que dit l’homme devant vous qui exprime sa détresse. Tout n’est que mensonge et déformation de la vérité. Je ne comprends pas l’attitude des auteurs.
FIN DU COMMENTAIRE
Vous avez déjà conscience que tous les artistes vivent dans leur propre rêve, dans leur monde à eux. Dans ce monde-là, ce qu’ils perçoivent est vrai pour eux. Il se pourrait que ce soit absolument vrai pour les artistes qui expriment leur histoire, mais ce n’est pas la vérité pour vous. La seule vérité, pour vous, est ce que vous percevez dans votre monde. Une fois que vous avez conscience de cela, il n’y a plus rien à prouver à personne. Il n’est plus question d’avoir raison ou tort. Vous respectez ce que disent les autres, puisque ce sont d’autres artistes qui s’expriment. Le respect est très important. Quand vous apprenez à écouter, vous témoignez votre respect aux autres artistes, vous respectez leur art et leur création.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 106-107.
COMMENTAIRE
La vérité de l’autre (ses perceptions) n’est pas votre vérité (vos perceptions). Votre monde et le monde de l’autre. Bref, il n’y a pas de monde que soit le monde de tout le monde. Il n’y a que les mondes personnels. Adieu, le bien commun !
FIN DU COMMENTAIRE
Tous les artistes ont le droit de créer leurs œuvres comme ils veulent. Ils ont le droit de croire ce qu’ils veulent croire et de dire ce qu’ils ont à dire. Mais si vous n’apprenez pas à écouter, vous ne comprendrez jamais ce qu’ils disent. Écouter est très important, dans la communication. Si vous apprenez à écouter, vous saurez exactement ce que veulent les autres. Une fois que vous serez au courant de ce qu’ils veulent, ce que vous ferez de cette information-là ne dépendra que de vous. Vous pouvez y réagir ou non, vous pouvez être d’accord avec eux ou pas, tout dépendra de ce que vous voulez.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 107.
COMMENTAIRE
Les gens ne veulent pas toujours quelque chose lorsqu’ils s’expriment, si ce n’est d’être compris. Une bonne écoute n’implique pas à la fin ce que vous voulez, si ce n’est de comprendre l’autre dans le plus grand respect de sa différence, tout en tenant compte du biais de ma propre différence.
FIN DU COMMENTAIRE
Ce n’est pas parce que les autres veulent quelque chose que vous devez nécessairement le leur donner. Les gens essaient toujours de capter votre attention, puisque c’est par ce biais qu’ils peuvent télécharger n’importe quelle information. Il arrive souvent qu’une information ne vous intéresse pas. Vous l’écoutez, vous n’en voulez pas, vous l’ignorez et vous reportez votre attention ailleurs. En revanche, si cette information capte votre attention, alors vous avez vraiment envie d’écouter et de découvrir si ce qu’on vous dit est important à vos yeux. Ensuite, vous pouvez exprimer votre point de vue, si vous en avez envie, tout en sachant que ce n’est qu’un point de vue. C’est votre choix, mais la clé consiste avant tout à écouter.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 107.
Lorsque j’écoute je ne cherche pas à savoir s’il y a une information importante à mes yeux. J’écoute !
Si vous n’apprenez pas à écouter, vous ne comprendrez jamais ce que je suis en train de vous expliquer en ce moment même. Vous tirerez hâtivement des conclusions et vous réagirez comme s’il s’agissait de votre rêve, alors que ce n’est pas le cas. Quand d’autres artistes partagent leur rêve avec vous, ayez simplement conscience qu’il s’agit de leur rêve. Vous savez ce qu’est votre rêve, comme vous savez ce qu’il n’est pas.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 108.
Un monde de rêves… Désolé : des mondes de rêves. Chacun dans son monde de rêves. J’ai lu ce livre en sachant fort bien, à la simple lecture de la couverture chez le libraire, qu’il ne s’agissait pas de mon rêve. Je ne cherche pas mon rêve dans les rêves des autres.
En ce moment même, je partage avec vous la façon dont je perçois le monde, la manière dont je rêve. Mes histoires sont vraies pour moi, mais je sais que ce n’est pas la vérité réelle, alors, ne me croyez pas. Ce que je vous dis ne représente que mon point de vue. Bien sûr, de mon point de vue, j’ai l’impression de partager la vérité avec vous. Je fais de mon mieux pour avoir la parole la plus impeccable possible, afin que vous puissiez comprendre ce que je dis, mais même si je parvenais à vous transmettre une copie exacte de la vérité, je sais que vous déformerez mon message sitôt qu’il passera de mon esprit au vôtre. Vous l’entendrez et vous vous le répéterez d’une manière complètement différente, en fonction de votre point de vue.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 108.
COMMENTAIRE
Est-ce qu’il y a « La vérité réelle » et « la vérité irréelle » ? Les auteurs écrivent : « (…) je sais que vous déformerez mon message sitôt qu’il passera de mon esprit au vôtre ». En communication, le transmetteur doit coder son message dans le code du récepteur afin d’éviter une interprétation indue.
FIN DU COMMENTAIRE
Maintenant, ce que je dis est peut-être la vérité, peut-être pas, mais il se peut que ce que vous croyez ne soit pas davantage vrai. Je ne représente qu’une moitié du message ; vous en êtes l’autre. Je suis responsable de ce que je dis, mais pas de ce que vous comprenez. Vous êtes responsable de ce que vous comprenez et de ce que vous faites de ce que vous entendez dans votre tête, car c’est vous qui attribuez un sens à chaque mot qui vous parvient.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 109.
Non, non, Non. Vous êtes responsable de la compréhension de votre message vis-à-vis de l’autre. Vous ne pouvez pas soutenir « Je suis responsable de ce que je dis, mais pas de ce que vous comprenez. » Si je comprends bien…
En cet instant même, vous interprétez ce que je dis à l’aune de vos connaissances personnelles. Vous réarrangez les symboles et vous les transformez d’une manière qui préserve l’équilibre de tout votre système de croyances. Une fois que vous aurez atteint cet équilibre, il se peut que vous acceptiez mon histoire comme étant la vérité …ou pas. Vous pouvez également faire la supposition que ce que vous vous dites correspond à ce que j’avais l’intention d’exprimer, ce qui ne veut pas dire que votre supposition soit vraie. Vous pouvez mal interpréter ce que je dis. Vous pouvez aussi utiliser ce que je dis pour me faire des reproches, pour en faire à quelqu’un d’autre, à vous-même, à votre religion ou à votre philosophie, pour être en colère contre tout le monde, et plus particulièrement contre vous-même. Vous pouvez également utiliser ce que vous entendez pour découvrir la vérité, pour vous trouver vous- même, pour faire la paix avec vous et, peut-être, pour modifier le message que vous vous adressez à vous-même.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 109.
COMMENTAIRE
Je n’accorde pas d’importance à mes croyances. Je m’en tiens au savoir et à la connaissance. Mon opinion n’a pas plus de valeur. Je ne comprends pas la logique des auteurs de ce cinquième accord toltèque.
FIN DU COMMENTAIRE
Quoi que vous fassiez de ce que je dis, cela ne dépend que de vous. C’est votre rêve et je le respecte. Vous n’êtes pas obligé de me croire, mais si vous apprenez à écouter, vous parviendrez à comprendre ce que je dis et si l’information que je vous offre vous parle, vous pourrez alors l’intégrer à votre rêve, si vous le désirez. Vous pouvez prendre ce qui marche pour vous et vous en servir pour modifier votre rêve ; quant à ce qui ne vous convient pas, ignorez-le tout simplement. Cela ne fera aucune différence pour moi, mais ça en fera une pour vous, car je suppose – tout en sachant que c’est une supposition – que vous souhaitez devenir un meilleur artiste, et que c’est la raison pour laquelle vous remettez en question vos propres croyances.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 110.
COMMENTAIRE
Ils écrivent réellement « Cela ne fera aucune différence pour moi ». Tout doit faire une différence pour moi lorsque je tente d’aider une personne. Tout, absolument tout ! Si j’écoute ! Or, il semble bien que les auteurs n’écoutent pas leurs lecteurs puisque cela ne fera aucune différence pour eux. Ils écrivent, ils écrivent, ils écrivent… Mais écoutent-ils ?
FIN DU COMMENTAIRE
Alors, soyez sceptique. Ne me croyez pas, ne croyez personne d’autre, mais, surtout, ne vous croyez pas vous-même. Quand je dis, ne vous croyez pas vous-même, mon Dieu, en voyez-vous les implications ?… Ne croyez pas tout ce que vous avez appris ! Ne pas se croire soi-même constitue un avantage immense, puisque la majeure partie de ce que vous avez appris n’est pas la vérité. Tout ce que vous savez, toute votre réalité, ce ne sont rien que des symboles. Mais vous n’êtes pas tout ce paquet de symboles qui s’expriment dans votre tête. Vous le savez, et c’est pour cela que vous vous montrez sceptique et que vous ne vous croyez pas.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 110.
COMMENTAIRE
Les auteurs nous disent « ne vous croyez pas vous-même », pas plus que les autres. Ils ajoutent : « Ne pas se croire soi-même constitue un avantage immense, puisque la majeure partie de ce que vous avez appris n’est pas la vérité. » Selon les auteurs, nous sommes dans le faux. Cependant, croire en soi est une chose et croire en ce que l’on pense en est une autre, tout comme se remettre en question et remettre en questions nos pensées sont également deux choses différentes. Le conseil « ne vous croyez pas vous-même » implique de ne pas se faire confiance, ce qui est souvent pour plusieurs une question de bien-être existentiel.
FIN DU COMMENTAIRE
Si vos croyances vous disent : « Je suis gros. Je suis laid. Je suis vieille. Je suis un perdant. Je ne suis pas assez gentille. Je ne suis pas assez fort. Je ne m’en sortirai jamais », ne vous croyez pas, parce que ce n’est pas vrai. Ces messages sont déformés. Ce ne sont rien que des mensonges. Sitôt que vous voyez que ce sont des mensonges, vous n’êtes plus obligé de les croire. Faites appel à la puissance du doute pour remettre en question tous les messages que vous vous adressez à vous- même. « Est-il vraiment vrai que je sois laid ? Est-il vraiment vrai que je ne sois pas à la hauteur ? » Ce message est-il réel ou virtuel ? De toute évidence, il est virtuel. Aucun de ces messages n’émane de la vérité, de la vie ; ils ne sont que le résultat des distorsions de nos connaissances. En vérité, il n’y a pas de gens laids. « Être à la hauteur » n’existe pas davantage. Il n’existe aucun livre de la loi universel où le moindre de ces jugements soit vrai. Ces jugements ne sont que des accords que les humains ont conclus.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 110-111.
COMMENTAIRE
Ne pas croire que je suis laid est une affaire personnelle. Croire qu’il n’y a pas de gens laid est un jugement universel sur la beauté. Or, la beauté est avant tout une affaire personnelle, jamais universelle. Tout jugement personnel sur ma personne ne sont automatiquement des mensonges. Je ne peux certainement pas nier mes défauts.
FIN DU COMMENTAIRE
Est-ce que vous voyez quelles conséquences entraîne le fait de se croire soi-même ? Vous croire est la pire des choses que vous puissiez faire, car vous vous êtes raconté des mensonges durant toute votre vie, et c’est parce que vous y croyez que votre rêve n’est pas agréable. Si vous croyez ce que vous vous dites, vous pouvez vous servir de tous les symboles que vous avez appris pour vous faire du mal. Votre rêve personnel peut devenir un vrai cauchemar, car c’est précisément en croyant des mensonges qu’on se forge son propre enfer. Si vous souffrez, ce n’est pas parce que quelqu’un d’autre vous fait souffrir ; c’est simplement parce que vous obéissez au tyran qui gouverne votre tête. Quand ce tyran vous obéira, il n’y aura plus ni juge, ni victime dans votre tête, et vous ne souffrirez plus.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 111-112.
COMMENTAIRE
Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation : « Si vous croyez ce que vous vous dites, vous pouvez vous servir de tous les symboles que vous avez appris pour vous faire du mal ». Si plus personne ne croit en ce qu’elle dit et si nous croyons ni nous-même ni personne d’autre, dans quel monde on se retrouve. Se rabattre sur un « tyran qui gouverne votre tête » rejoint l’idée du Malin génie de Descartes.
Méditations métaphysiques
René Descartes
« Je supposerai donc, non pas que Dieu, qui est très bon, et qui est la souveraine source de vérité, mais qu’un certain mauvais génie, non moins rusé et trompeur que puissant, a employé toute son industrie à me tromper ; je penserai que le ciel, l’air, la terre, les couleurs, les figures, les sons, et toutes les choses extérieures, ne sont rien que des illusions et rêveries dont il s’est servi pour tendre des pièges à ma crédulité ; je me considérerai moi-même comme n’ayant point de mains, point d’yeux, point de chair, point de sang ; comme n’ayant aucun sens, mais croyant faussement avoir toutes ces choses ; je demeurerai obstinément attaché à cette pensée ; et si, par ce moyen, il n’est pas en mon pouvoir de parvenir à la connaissance d’aucune vérité, à tout le moins il est en ma puissance de suspendre mon jugement… »
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« De sorte qu’après y avoir bien pensé, il faut conclure et tenir pour constant que cette proposition : je suis, j’existe est nécessairement vraie toutes les fois que la prononce ou que je la conçois en mon esprit. »
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« Qu’est-ce qu’une chose qui pense ? C’est une chose qui doute, qui entend, qui conçoit, qui affirme, qui nie, qui veut, qui ne veut pas, qui imagine aussi, et qui sent. »
— René Descartes,
Méditations métaphysiques.
Avancer « Quand ce tyran vous obéira, il n’y aura plus ni juge, ni victime dans votre tête, et vous ne souffrirez plus » nous donne comme objectif d’être neutre. Or, nous ne pouvons pas nier notre subjectivité.
FIN DU COMMENTAIRE
Votre tyran est sans pitié. Il vous maltraite sans cesse, en utilisant tous ces symboles contre vous. Il se nourrit du poison émotionnel qu’engendrent vos émotions négatives, et pour produire de telles émotions, il juge et émet des opinions. Personne ne vous juge davantage que vous-même. Bien sûr, vous essayez d’échapper à ces jugements, à cette culpabilité, à ce rejet et ces punitions. Mais comment peut-on échapper à ses propres pensées ? Si vous n’aimez pas quelqu’un, vous pouvez vous en aller. Mais si vous ne vous aimez pas, où que vous alliez, vous serez toujours là. Vous pouvez vous cacher de tout le monde, mais il vous est impossible d’échapper à vos propres jugements. Il semble qu’il n’y ait pas d’échappatoire.
Voilà pourquoi tant de gens mangent trop, prennent des drogues, boivent ou développent des dépendances à diverses substances et comportements. Ils font ce qu’ils peuvent pour éviter leur propre histoire, pour fuir leur propre création qui déforme tous les symboles qu’ils ont dans la tête. Certaines personnes ont de telles souffrances émotionnelles qu’elles en viennent à s’ôter la vie. Voilà ce que les mensonges peuvent faire. La voix de la connaissance peut se retrouver à ce point déformée et engendrer une telle quantité de haine contre soi qu’elle finit par détruire un être humain. Tout cela, parce que nous croyons toutes les opinions que nous avons apprises au fil des ans.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 112.
COMMENTAIRE
La question est posée par les auteurs : « Mais comment peut-on échapper à ses propres pensées ? » La réponse : « Il semble qu’il n’y ait pas d’échappatoire. » Nous sommes dans le chapitre « Le pouvoir du doute ». Le doute offre une porte de sortie; il contribue à la création d’une faille qui laissera entrer la lumière.
FIN DU COMMENTAIRE
Imaginez un instant que toutes vos opinions, plus toutes celles des personnes qui vous entourent, s’apparentent à un immense ouragan qui tourbillonne en vous. Imaginez que vous croyiez toutes ces opinions ! Eh bien, si vous êtes sceptique, si vous ne vous croyez pas vous-même, si vous ne croyez personne d’autre, aucune de ces opinions ne pourra vous troubler ni vous décentrer. Quand vous contrôlez votre propre symbologie, vous êtes toujours centré, toujours détendu et calme, parce que c’est votre moi réel qui prend les décisions dans votre vie, et non les symboles. Quand vous souhaitez communiquer quelque chose, vous arrangez les symboles comme vous voulez et c’est ainsi qu’ils sortent de votre bouche.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 113.
COMMENTAIRE
Le problème réel provient du mode de vie ayant pour objectif de croire ou non à tout ce qui se présente en nous et hors de nous. Or, la réalité n’appelle pas à croire ou à ne pas croire.
P.S.: Notez la référence à un « moi réel ». Or, il n’y a pas de « moi irréel ».
FIN DU COMMENTAIRE
C’est vous l’artiste et vous pouvez agencer les symboles comme vous voulez, de la façon qui vous plaît, car ils sont sous votre contrôle. Vous pouvez les utiliser pour demander que ce dont vous avez besoin, pour exprimer ce que vous voulez comme ce que vous ne voulez pas. Vous pouvez partager vos pensées, vos sentiments et vos rêves, en prose ou avec poésie. Mais ce n’est pas parce que vous employez un langage pour communiquer que vous y croyez. Quel besoin avez-vous de croire ce que vous savez déjà ? Quand vous êtes seul et que vous vous parlez à vous-même, c’est parfaitement futile. Que pouvez-vous vous dire que vous ne sachiez déjà ?
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, p. 113.
COMMENTAIRE
Grande réflexion : « Quand vous êtes seul et que vous vous parlez à vous-même, c’est parfaitement futile. Que pouvez-vous vous dire que vous ne sachiez déjà ? » L’écoute, si fortement recommander par les auteurs, commence par l’écoute de soi-même. Et s’écouter implique de s’écouter parler à soi-même pour finalement prendre du recul, douter s’il y a lieu. À la question « Que pouvez-vous vous dire que vous ne sachiez déjà ? », je réponds par l’entrée en scène de notre imagination.
FIN DU COMMENTAIRE
Si vous comprenez le Cinquième Accord Toltèque, vous saisirez pourquoi vous n’avez nul besoin de croire ce que vous voyez, ce que vous savez déjà sans l’aide de mots. La vérité ne s’exprime pas avec des mots. La vérité est silencieuse. C’est simplement quelque chose que vous savez ; vous pouvez la ressentir sans aucun mot, et on appelle cela la connaissance silencieuse. La connaissance silencieuse, c’est ce que vous savez avant d’investir votre foi dans des symboles. Quand vous vous ouvrez à la vérité et que vous apprenez à écouter, tous les symboles perdent leur valeur et la seule chose qui reste, c’est la vérité. Il n’y a rien à savoir, rien à justifier.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 113-114.
COMMENTAIRE
Là, je commence à en avoir assez des propos délirants des auteurs.
« (…) ce que vous savez déjà sans l’aide de mots. »
« La vérité ne s’exprime pas avec des mots. »
« La vérité est silencieuse. »
« Il n’y a rien à savoir, rien à justifier. »
« (…) tous les symboles perdent leur valeur et la seule chose qui reste, c’est la vérité. »
La vérité ne se cache pas derrière des symboles. Elle est faite de symboles. Les symboles, c’est tout ce que nous avons pour penser.
“Quand la vérité est remplacée par le silence, le silence est un mensonge”
― Yevgeny YEVTUSHENKO
FIN DU COMMENTAIRE
Ce que je partage avec vous n’est pas facile à comprendre et, en même temps, c’est si simple que cela paraît évident. Au final, vous réaliserez que les langues sont des symboles qui ne sont vrais que parce que vous pensez qu’ils le sont. Mais si vous les mettez de côté, que reste-t-il ? La vérité. Alors, vous verrez une chaise et vous ne saurez pas comment la nommer, mais vous pourrez vous asseoir dessus et la vérité sera là. La matière est la vérité. La vie est la vérité. La lumière est la vérité. L’amour est la vérité. Le rêve humain n’est pas la vérité, mais cela n’implique pas pour autant qu’il soit mauvais. Être mauvais, voilà encore un autre concept qui n’est pas non plus vrai.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 113-114.
COMMENTAIRE
Oh ! La, la : « Au final, vous réaliserez que les langues sont des symboles qui ne sont vrais que parce que vous pensez qu’ils le sont. Mais si vous les mettez de côté, que reste-t-il ? La vérité. Alors, vous verrez une chaise et vous ne saurez pas comment la nommer, mais vous pourrez vous asseoir dessus et la vérité sera là. » Les symboles ne sont pas vrais parce que je pense qu’ils sont vrais. Un symbole, dans le contexte de ce livre, c’est c’est sur quoi les hommes se sont entendus (le noms et les définitions) pour être capable de communiquer entre eux.
FIN DU COMMENTAIRE
Quand vous aurez compris que vous créez toute cette symbologie pour communiquer avec vos semblables, vous découvrirez du même coup que les symboles ne sont en réalité ni bons ou mauvais, ni justes ou faux. C’est vous, avec vos croyances, qui décidez qu’ils sont justes ou faux. Telle est la puissance de vos croyances, mais la vérité est au-delà de la croyance. Quand vous dépassez les symboles, vous découvrez un monde de perfection où chaque être et chaque chose sont parfaits. Même l’investissement de votre foi dans chacun de vos mots est parfait. Même votre colère, vos drames et vos mensonges sont parfaits. Même l’enfer qu’il vous arrive de vivre est parfait, car seule existe la perfection. Imaginez un instant que vous viviez toute votre vie sans jamais apprendre tous les mensonges que sont vos connaissances, sans souffrir d’avoir investi votre foi dans ces mensonges, dans ces superstitions et ces opinions. Vous vivriez alors comme tous les autres animaux, ce qui veut dire que vous conserveriez votre innocence durant toute votre vie.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 114-115.
COMMENTAIRE
Une croyance ne permet de décider si les symboles sont justes ou faux. Croire ne fait pas la vérité.
La perfection se trouve au-delà des symboles : « Quand vous dépassez les symboles, vous découvrez un monde de perfection où chaque être et chaque chose sont parfaits. » Je ne sais s’il faut rire ou pleurer. La perfection n’est pas de ce monde. La sagesse est d’apprendre à vivre avec les imperfections de notre monde.
Et que dire de cette autre affirmation qui nous dit que nous vivrons comme les autres animaux : « Vous vivriez alors comme tous les autres animaux, ce qui veut dire que vous conserveriez votre innocence durant toute votre vie » ? Vivre comme une personne qui ignore le mal, ce n’est pas l’apanage de l’Homme, de nos sociétés et de nos civilisations. Ignorez le mal et il gagnera en puissance !
FIN DU COMMENTAIRE
Au cours du processus de domestication, vous perdez votre innocence et, ce faisant, vous vous mettez à chercher ce que vous avez perdu, ce qui vous conduit à développer la conscience. Une fois que vous avez recouvré conscience, vous devenez pleinement responsable de votre propre évolution, de chacun de vos choix dans la vie.
Tant que vous êtes éduqué par le rêve de la planète, vous n’avez aucun choix ; vous apprenez tellement de mensonges. Mais peut-être est-il temps de désapprendre tous ces mensonges et de réapprendre à suivre la vérité, en vous fiant à votre propre cœur. Désapprendre, ou ce que j’appelle encore la dédomestication, est un processus très lent, mais puissant. Comme je l’ai dit auparavant, chaque fois que vous retirez votre foi à un symbole, son pouvoir vous est restitué, jusqu’à ce que votre symbologie tout entière n’ait plus aucun pouvoir sur vous.
Quand vous soustrayez tout pouvoir aux symboles pour le reprendre en vous, votre rêve se retrouve impuissant. Et une fois que tout ce pouvoir vous est revenu, vous êtes invincible. Plus rien ne peut vous vaincre. Ou peut-être devrais-je plutôt dire que vous ne pouvez plus vous vaincre vous-même, puisque c’est exactement la même chose.
Quand vous aurez récupéré tout le pouvoir que vous avez investi dans les symboles, vous ne croirez plus la moindre pensée qui se présentera à votre esprit ; vous ne croirez plus votre propre histoire. Par contre, vous l’écouterez, et comme vous la respecterez, vous l’apprécierez. Quand vous allez au cinéma ou que vous lisez un roman, vous n’y croyez pas, mais vous y prenez plaisir, n’est-ce pas ? Une fois que vous êtes capable de faire la différence entre la réalité vraie et la réalité virtuelle, vous savez que vous pouvez faire confiance à la première, mais que vous n’êtes pas obligé d’avoir confiance en la seconde, tout en étant capable de les apprécier toutes les deux. Vous pouvez à la fois apprécier ce qui est et ce que vous créez.
Même si vous savez que votre histoire n’est pas vraie, vous pouvez néanmoins élaborer le plus beau récit possible et diriger votre vie en fonction de lui. Vous pouvez créer votre paradis personnel et le vivre. Et si vous parvenez à comprendre l’histoire des autres et qu’ils parviennent à comprendre la vôtre, alors, ensemble, vous pouvez créer le plus beau de tous les rêves. Mais, pour commencer, vous avez beaucoup à désapprendre, et le Cinquième Accord Toltèque est l’outil idéal pour le faire.
Où que vous alliez dans le monde, les gens vous communiqueront toutes sortes d’opinions et d’histoires. Vous rencontrerez de merveilleux baratineurs qui voudront vous dire que faire de votre vie : « Tu devrais faire ceci, tu devrais faire cela, tu ne devrais pas faire ceci, etc. » Ne les croyez pas. Soyez sceptique, mais apprenez à écouter, puis faites votre choix. Assumez la responsabilité de chacun des choix que vous faites dans la vie. C’est votre vie ; ce n’est la vie de personne d’autre, et vous finirez par découvrir que ce que vous en faites ne regarde que vous.
Depuis des siècles, des gens ont prétendu savoir quelle était la volonté de Dieu. Ils ont parcouru le monde en prêchant la bonté et la vertu, et en condamnant tout le monde. Depuis des siècles, des prophètes ont prédit de grandes catastrophes planétaires. Il n’y a pas si longtemps, des gens ont annoncé qu’au début de l’an 2000, tous les ordinateurs tomberaient en panne et que la société, telle que nous la connaissons, allait disparaître. Certaines personnes ont même pensé que nous allions revenir à l’âge des cavernes. Le 1erb janvier 2000 est arrivé, nous avons fêté cette nouvelle année, ce nouveau siècle et ce nouveau millénaire, et qu’est-il arrivé ? Rien du tout.
Voici des milliers d’années, tout comme aujourd’hui, certains prophètes attendaient la fin du monde. À cette époque, un grand maître a dit : « Il y aura de nombreux faux prophètes qui prétendront parler au nom de Dieu. Ne les croyez pas. » Vous voyez, le Cinquième Accord Toltèque n’est pas vraiment nouveau. Soyez sceptique, mais apprenez à écouter.
Source : RUIZ, Don Miguel et RUIZ, José Luis, Le 5e accord toltèque, Chapitre 8 – Le pouvoir du doute, Les Éditions Jouvence, 2024, pp. 115-118.
COMMENTAIRE
C’est trop pour moi. Je n’arrive plus à commenter. Il me faudrait des années de travail pour démêler les propres des auteurs. J’abandonne.
Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA
Les histoires nous ont réunis.
Les livres ont diffusé nos idées et nos mythologies.
Internet nous a promis le savoir infini.
Les algorithmes ont découvert nos secrets – et nous ont divisés.
Quel monde nous promet l’IA ?
Depuis cent mille ans, nous, les Sapiens, avons acquis un gigantesque pouvoir. Mais malgré nos découvertes, inventions et conquêtes, nous sommes aujourd’hui confrontés à une crise existentielle inédite. Le monde est au bord de l’effondrement écologique. Les tensions politiques se multiplient. La désinformation abonde. Et nous entrons de plain-pied dans l’ère de l’IA, un réseau d’information qui sera bientôt capable de nous dominer.
Avec ce nouvel ouvrage, Yuval Noah Harari, l’auteur du best-seller mondial Sapiens, revisite l’histoire de l’humanité pour comprendre comment les réseaux d’information ont fait et défait notre monde. Il aborde les choix cruciaux auxquels nous sommes – et serons – confrontés, au moment où l’IA révolutionne la médecine, la guerre, les démocraties, et menace notre existence même.
Nexus est un livre capital pour comprendre comment, en faisant des choix éclairés, il nous est encore possible d’empêcher le pire.
Nous avons baptisé notre espèce Homo sapiens – l’homme sage. Mais on est en droit de se demander dans quelle mesure nous avons fait honneur à ce nom.
Au cours des cent mille dernières années, nous autres, Sapiens, avons certes accumulé un pouvoir immense. La simple liste de nos découvertes, inventions et conquêtes noircirait des volumes entiers. Mais pouvoir n’est pas sagesse, et après cent mille ans de découvertes, d’inventions et de conquêtes, l’humanité s’est elle-même précipitée dans une crise existentielle. Nous sommes au bord de l’effondrement écologique, conséquence du mauvais usage que nous faisons de notre pouvoir. Nous sommes par ailleurs occupés à créer de nouvelles technologies, comme l’intelligence artificielle (IA), potentiellement capables d’échapper à notre contrôle et de nous réduire en esclavage ou de nous annihiler. Pourtant, à l’heure où notre espèce devrait s’unir pour affronter ces défis existentiels, les tensions internationales ne cessent de croître, la coopération à l’échelle mondiale se fait de plus en plus difficile, certains pays constituent des stocks d’armes apocalyptiques et une nouvelle guerre mondiale ne paraît pas impossible.
Si nous sommes si sages, nous autres Sapiens, pourquoi faisons-nous preuve d’une telle tendance à l’autodestruction ?
Plus fondamentalement, les quantités d’informations que nous avons amassées sur absolument tout, des molécules d’ADN aux galaxies les plus lointaines, ne semblent pas nous avoir apporté de réponse aux grandes questions existentielles : Qui sommes-nous ? À quoi devons-nous aspirer ? Qu’est-ce qu’une vie bonne, et comment devrions-nous la vivre ? Malgré la masse démesurée d’informations dont nous disposons, nous sommes tout aussi enclins que nos lointains ancêtres aux illusions et aux fantasmes. Le nazisme et le stalinisme ne sont que deux exemples récents, parmi tant d’autres, de la folie collective qui s’empare parfois des sociétés, même les plus modernes. Nul ne conteste le fait que les humains d’aujourd’hui possèdent bien plus d’informations et de pouvoir que ceux de l’âge de pierre – mais notre compréhension de nous-mêmes et de notre rôle dans l’univers a-t-elle réellement progressé ? Rien n’est moins sûr.
Pourquoi sommes-nous si forts pour emmagasiner toujours plus d’informations et de pouvoir, mais beaucoup moins pour acquérir de la sagesse ? Au fil des âges, bien des traditions ont considéré qu’un défaut dans notre nature nous poussait à vouloir posséder des pouvoirs que nous étions incapables de maîtriser. Le mythe grec de Phaéton raconte ainsi l’histoire d’un jeune homme découvrant qu’il est le fils d’Hélios, le dieu Soleil. Désireux de prouver son origine divine, Phaéton réclame le privilège de conduire le char du soleil. Hélios le met en garde sur le fait qu’aucun humain ne saurait contrôler les chevaux célestes qui tirent le char solaire. Mais Phaéton insiste tant que le dieu Soleil finit par céder. Après s’être fièrement élevé dans le ciel, Phaéton perd bel et bien le contrôle du char. Le soleil dévie de sa course, brûlant toute végétation, tuant d’innombrables créatures et menaçant d’embraser la Terre entière. Zeus intervient alors et foudroie Phaéton. Notre humain vaniteux, lui-même en proie aux flammes, tombe du ciel telle une étoile filante. Reprenant le contrôle du ciel, les dieux sauvent le monde.
Deux mille ans plus tard, alors que la révolution industrielle faisait ses premiers pas et que les machines commençaient à remplacer les humains dans de nombreuses tâches, Johann Wolfgang von Goethe publia un conte moral du même ordre, intitulé « L’apprenti sorcier ». Ce poème (que Walt Disney rendra plus tard célèbre sous la forme d’un court-métrage d’animation dans lequel Mickey Mouse interprète le rôle-titre) évoque un vieux sorcier qui, devant s’absenter, demande à son jeune apprenti de veiller sur son atelier et lui confie quelques corvées – aller chercher, entre autres, de l’eau à la rivière. L’apprenti décide de se faciliter la vie : empruntant au sorcier l’un de ses sortilèges, il enchante un balai afin qu’il aille puiser l’eau à sa place. Mais l’apprenti ne sait pas comment arrêter le balai, qui ne cesse plus de rapporter des seaux, menaçant d’inonder l’atelier. Pris de panique, l’apprenti tranche alors le balai d’un coup de hache, avec pour seul résultat que chacune des moitiés s’anime sous ses yeux : ce sont à présent non plus un, mais deux balais enchantés qui déversent leur eau dans l’atelier ! Quand le vieux sorcier revient, l’apprenti l’implore de l’aider : « Les esprits que j’ai invoqués, je ne peux plus m’en débarrasser. » Le sorcier brise aussi- tôt le sortilège et met fin au déluge. La leçon adressée à l’apprenti – et à l’humanité en général – est claire : ne jamais invoquer des pouvoirs qu’on ne peut maîtriser.
Que nous disent les fables de l’apprenti et de Phaéton en ce début de XXIe siècle ? Nous autres, les humains, sommes manifestement restés sourds à leurs avertissements. Nous avons d’ores et déjà déséquilibré le climat terrestre et invoqué des milliards de balais enchantés, de drones, de chatbots et autres esprits algorithmiques qui pourraient échapper à notre contrôle et provoquer un déferlement de conséquences involontaires.
Mais alors, que devons-nous faire ? Ces fables n’offrent aucune solution, si ce n’est attendre qu’un dieu ou un sorcier vole à notre secours. Ce qui constitue, bien sûr, un message extrêmement dangereux : il encourage les gens à se décharger de toute responsabilité pour s’en remettre aux dieux ou aux sorciers. Pire encore, ce message méconnaît le fait que dieux et sorciers sont eux-mêmes des inventions humaines – au même titre que les chars, les balais et les algorithmes. La tendance à créer des choses puissantes aux conséquences imprévisibles n’est pas née avec l’invention de la machine à vapeur ou de l’IA, mais avec celle de la religion. Prophètes et théologiens n’ont cessé d’invoquer des esprits puissants censés apporter l’amour et la joie, mais qui, parfois, ont ensanglanté le monde.
Si le mythe de Phaéton et le poème de Goethe échouent à nous fournir des conseils utiles, c’est parce qu’ils se méprennent sur la manière dont les hommes acquièrent leur pouvoir. Dans ces deux récits, un seul être humain se retrouve investi d’un pouvoir immense, mais il est alors corrompu par l’avidité et son orgueil démesuré. Dès lors, une conclusion s’impose : c’est l’imperfection de notre psychologie individuelle qui nous pousse à abuser de notre pouvoir. Ce que ne saisit pas cette analyse grossière, c’est que le pouvoir des hommes ne résulte jamais d’une initiative individuelle : il découle toujours d’une coopération entre un grand nombre d’êtres humains.
Par conséquent, ce n’est pas notre psychologie individuelle qui nous conduit à abuser de ce pouvoir. Après tout, les hommes ne sont pas seulement capables d’avidité, d’orgueil et de cruauté, mais aussi d’amour, de compassion, d’humilité et de joie. Certes, chez les pires représentants de notre espèce, avidité et cruauté règnent en maîtres et poussent ces acteurs malintentionnés à abuser de leur pouvoir. Mais pourquoi les sociétés humaines décideraient-elles de confier le pou- voir à leurs pires représentants ? En 1933, par exemple, la plupart des Allemands n’étaient pas des psychopathes. Pourquoi, alors, ont-ils voté pour Hitler ?
Notre tendance à invoquer des pouvoirs que nous ne maîtrisons pas ne naît pas de notre psychologie individuelle mais de la capacité unique de notre espèce à coopérer à grande échelle. L’argument central de ce livre, c’est que l’humanité acquiert énormément de pouvoir en construisant d’immenses réseaux de coopération, mais que la manière dont ces derniers sont conçus les prédispose à un usage déraisonnable de ce pouvoir. Notre problème est donc un problème de réseau.
Pour être plus précis encore, il s’agit d’un problème d’information. L’information est la colle qui fait tenir ensemble les réseaux. Mais depuis des dizaines de milliers d’années, les Sapiens ont bâti et pérennisé des réseaux à grande échelle en inventant et en diffusant des fictions, des fantasmes et des illusions collectives – au sujet des dieux, de balais enchantés, au sujet de l’IA et de tout un tas d’autres choses. Si ce qui intéresse en général chaque individu humain, c’est de connaître la vérité sur lui-même et sur le monde, les réseaux à grande échelle s’appuient, pour relier leurs membres et instaurer l’ordre, sur des fictions et des fantasmes. C’est ce qui nous a conduits, notamment, au nazisme et au stalinisme : deux réseaux extraordinairement puissants, dont la cohésion reposait sur des idées extraordinairement fallacieuses. Pour citer la fameuse phrase de George Orwell : l’ignorance, c’est la force.
Le fait que les régimes nazi et stalinien aient été fondés sur de cruels fantasmes et des mensonges éhontés n’avait rien d’exceptionnel au regard de l’histoire, pas plus qu’il ne les prédestinait à s’effondrer. Nazisme et stalinisme font partie des réseaux les plus solides jamais créés par l’homme. À la fin de l’année 1941 et au début de la suivante, les puissances de l’Axe furent à deux doigts de remporter la Seconde Guerre mondiale. Staline sortit finalement vainqueur de ce conflit1 et, au cours des années 1950 et 1960, le dirigeant soviétique puis ses héritiers eurent également de raisonnables chances de gagner la guerre froide. Dans les années 1990, les démocraties libérales finirent par prendre le dessus, mais cette victoire semble aujourd’hui n’avoir été que temporaire. Au XXIe siècle, un nouveau régime totalitaire pourrait bien réussir là où Hitler et Staline ont échoué, et créer un réseau tout- puissant capable d’empêcher toute tentative de la part des générations futures de ne serait-ce qu’essayer de dénoncer ses mensonges et ses fictions. Nous ne devrions pas partir du principe que les réseaux dévoyés sont voués à l’échec. Si nous voulons les empêcher de triompher, il va falloir nous retrousser les manches.
La vision naïve de l’information
La force des réseaux dévoyés est difficile à mesurer, à cause d’un malentendu plus général au sujet de la manière dont opèrent les grands réseaux d’information – qu’ils soient ou non fondés sur des illusions. On peut résumer ce malentendu à ce que j’appellerai la « vision naïve de l’information ». Là où des fables comme le mythe de Phaéton et
« L’apprenti sorcier » offrent une vision pessimiste de la psychologie individuelle des hommes, la vision naïve de l’information voit d’un œil exagérément optimiste les réseaux humains à grande échelle.
Cette vision naïve soutient en effet qu’en collectant et en traitant bien plus d’informations que ne pourraient le faire des individus, les grands réseaux accèdent à une meilleure compréhension de la médecine, de la physique, de l’économie et de nombreux autres domaines, ce qui les rend non seulement puissants, mais sages. Ainsi, grâce aux informations récoltées sur des agents pathogènes, laboratoires pharmaceutiques et services de santé sont capables de déterminer les véritables causes de nombreuses maladies, ce qui leur permet de développer des médicaments plus efficaces et de déterminer leur usage de manière mieux avisée. Cette vision pose comme principe que, recueillie en quantité suffisante, l’information mène à la vérité, laquelle mène à son tour au pouvoir et à la sagesse. L’ignorance, en revanche, semble ne mener nulle part. Si des réseaux dévoyés ou trompeurs peuvent parfois surgir dans des moments de crise historique, ils sont à long terme condamnés à céder devant des rivaux plus clairvoyants et plus honnêtes. Un service de santé qui ne tient pas compte des informations sur les agents pathogènes, ou une multinationale pharmaceutique qui se livre à une entreprise de désinformation, finiront toujours par être terrassés par des concurrents qui font un usage plus raisonnable des informations. La vision naïve implique donc que les réseaux dévoyés sont forcément des aberrations et qu’on peut généralement faire confiance aux grands réseaux pour exercer le pouvoir avec discernement.
Bien sûr, la vision naïve reconnaît que le chemin qui mène de l’information à la vérité est semé d’embûches. Nous pouvons commettre des erreurs de bonne foi en récoltant et en traitant les informations. Des acteurs malintentionnés mus par l’avidité ou la haine peuvent dis- simuler des faits cruciaux ou tenter de nous tromper. Avec pour conséquence que l’information mène parfois à l’erreur plutôt qu’à la vérité. Des informations incomplètes, par exemple, des analyses erronées ou des campagnes de désinformation peuvent conduire les spécialistes eux-mêmes à mal identifier la cause véritable de telle ou telle maladie.
Néanmoins, la vision naïve postule que l’antidote à la plupart des problèmes rencontrés dans la collecte et le traitement des informations consiste à en collecter et à en traiter toujours plus. Bien qu’on ne soit jamais à l’abri d’une erreur, dans la plupart des cas, plus il y a d’informations, plus on se rapproche de l’exactitude. Un seul médecin cherchant à identifier la cause d’une épidémie en examinant un seul patient a moins de chances d’y parvenir que des milliers de médecins récoltant les données de millions de patients. Et si les médecins complotent entre eux pour dissimuler la vérité, le fait de rendre les informations médicales plus accessibles au grand public et aux journalistes d’investigation permettra tôt ou tard de révéler la fraude. Dans cette vision, plus le réseau d’information est grand, plus il tend nécessaire- ment vers la vérité.
Naturellement, le simple fait d’analyser avec justesse des informations et de mettre au jour d’importantes vérités ne garantit en rien que nous utiliserons avec sagesse les capacités qui en résultent. On entend généralement par sagesse l’aptitude à « prendre de bonnes décisions », mais le sens de « bonnes » dépend ici de jugements de valeur qui diffèrent d’une personne, d’une culture et d’une idéologie à l’autre. Des scientifiques qui découvrent un nouvel agent pathogène pourront développer un vaccin pour protéger les populations. Mais si ces scientifiques – ou leurs supérieurs politiques – adhèrent à une idéologie raciste soutenant que certaines races sont inférieures et qu’il faut les exterminer, ces nouvelles connaissances médicales pourront aussi servir à créer une arme biologique capable de tuer des millions de personnes.
Là encore, selon la vision naïve de l’information, un surcroît d’informations offre au moins un remède partiel : à y regarder de plus près, postule cette vision, les désaccords au sujet des valeurs se révèlent être le fruit soit d’un manque d’informations, soit d’une désinformation délibérée. Les racistes seraient donc des personnes mal informées, qui ignorent simplement les faits biologiques et historiques. Des théories du complot bidon leur ont lavé le cerveau, et ils croient que la « race » est une catégorie biologique valable. Par conséquent, le remède au racisme consiste à fournir aux gens davantage de faits historiques et biologiques. Cela prendra sans doute un certain temps, mais dans un libre marché de l’information, tôt ou tard, la vérité s’imposera.
La vision naïve est bien sûr plus nuancée et réfléchie qu’on ne saurait l’expliquer en quelques paragraphes, mais son postulat de départ est que l’information est une chose fondamentalement bonne, et que plus nous en possédons, mieux c’est. Avec suffisamment d’informations et de temps, nous découvrirons forcément la vérité sur tout un tas de sujets, allant des infections virales aux préjugés racistes, et développerons par conséquent non seulement notre pouvoir mais aussi la sagesse nécessaire pour en faire bon usage.
Cette vision naïve, qui justifie la quête de technologies de l’information toujours plus puissantes, constitue depuis le début l’idéologie semi-officielle de l’ère informatique et d’Internet. En juin 1989, quelques mois avant la chute du mur de Berlin et du rideau de fer, Ronald Reagan déclare ainsi que « le Goliath du contrôle totalitaire ne tardera pas à être abattu par le David de la puce électronique », et que « le plus grand de tous les Big Brother est de plus en plus impuissant face aux technologies de la communication. […] L’information est l’oxygène des temps modernes. […] Elle s’infiltre dans les murs cou- ronnés de fils barbelés. Elle flotte par-delà les frontières électrifiées et minées. Des brises de rayons électroniques soufflent à travers le rideau de fer comme si c’était de la dentelle2. » En novembre 2009, Barack Obama prononce un discours assez similaire lors d’une visite à Shanghai, déclarant à ses hôtes chinois : « Je crois beaucoup en la technologie et je crois beaucoup en l’ouverture en ce qui concerne les flux d’information. Je crois que plus l’information circule librement, plus la société devient forte3. »
Entrepreneurs et PDG ont souvent exprimé une vision tout aussi optimiste des technologies de l’information. En 1858, déjà, dans The New ffnglander un éditorial consacré à l’invention du télégraphe pro- clamait : « Il est impossible que les préjugés et les hostilités d’antan continuent d’exister, maintenant qu’un tel instrument a été créé afin de permettre l’échange d’idées entre toutes les nations de la Terre4. » Près de deux siècles et deux guerres mondiales plus tard, Mark Zuckerberg décrit ainsi l’objectif de Facebook : « Aider les gens à partager davantage afin de rendre le monde plus ouvert et favoriser la compréhension entre les hommes5. »
Dans son ouvrage The Singularity is Nearer, publié en 2024, l’éminent futurologue et entrepreneur Ray Kurzweil, retraçant l’histoire des technologies de l’information, parvient à cette conclusion : « La réalité, c’est que pratiquement tous les aspects de la vie s’améliorent peu à peu grâce aux progrès exponentiels de la technologie. » Passant en revue la grande histoire de l’humanité, il s’appuie sur des exemples comme l’invention de l’imprimerie pour démontrer que, par leur nature même, les technologies de l’information tendent à engendrer un « cercle vertueux permettant de faire progresser quasiment tous les aspects du bien-être humain, notamment l’alphabétisation, l’éducation, la santé, la démocratisation et la réduction de la violence6 ».
C’est sans doute dans la déclaration de mission de Google que cette vision naïve de l’information est le plus succinctement condensée : « organiser les informations du monde et les rendre universellement accessibles et utiles ». La réponse de Google à la mise en garde de Goethe est que si un seul apprenti chapardant le livre de sortilèges secret de son maître a toutes les chances de provoquer une catastrophe, dès lors qu’on offre à un grand nombre d’apprentis un accès libre à toute l’information du monde, non seulement ils créeront des balais enchantés utiles, mais ils apprendront à s’en servir avec discernement.
Google vs Goethe
Force est de reconnaître que, dans bien des cas, le fait de disposer de plus d’informations a bel et bien permis aux hommes de mieux com- prendre le monde et de faire un usage mieux avisé de leur pouvoir. Prenez, par exemple, la baisse spectaculaire de la mortalité infantile. Johann Wolfgang von Goethe était l’aîné d’une fratrie de sept, mais seuls sa sœur Cornelia et lui fêtèrent leur septième anniversaire. La maladie emporta leur frère Hermann Jacob à l’âge de six ans, leur sœur Catharina Elisabeth à quatre ans, leur sœur Johanna Maria à deux ans et leur frère Georg Adolf à l’âge de huit mois ; un cinquième enfant, mort-né, n’eut même pas le temps d’être baptisé. Cornelia succomba ensuite à une maladie à l’âge de vingt-six ans, faisant de Johann Wolfgang von Goethe l’unique survivant de la famille7.
Johann Wolfgang von Goethe eut lui-même cinq enfants, qui, à l’exception du fils aîné, August, moururent tous dans les deux semaines qui suivirent leur naissance. Selon toute probabilité, la cause en était une incompatibilité entre le groupe sanguin de l’épouse de Goethe, Christiane, et celui de son premier enfant, après la naissance duquel elle se mit à produire des anticorps, phénomène aux conséquences fâcheuses pour les grossesses suivantes. Cette pathologie, connue sous le nom de…
Présentation de l’auteur sur le site web officiel de l’auteur
Le Professeur Yuval Noah Harari est historien, philosophe, et auteur des bestsellers Sapiens, une brève histoire de l’humanité, Homo Deus, une brève histoire de l’avenir, 21 leçons pour le XXIe siècle, de la série d’essais dessinés Sapiens, de Nous, les indomptables, et de Nexus, une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA. Ses livres se sont vendus à plus de 45 millions d’exemplaires et ont été traduits dans 65 langues, et il est considéré comme l’un des plus grands penseurs contemporains.
Né en 1976 à Haïfa, en Israël, il obtient son doctorat à l’Université d’Oxford en 2002 et est actuellement chercheur émérite au Centre pour l’étude des risques existentiels de l’université de Cambridge. En 2019, à la suite du succès de ses livres, Yuval Noah Harari et Itzik Yahav ont co-fondé Sapienship : une entreprise à but social avec des projets dans les domaines de l’éducation et de la fiction. Le principal objectif de Sapienship est de focaliser le débat public sur les défis cruciaux auxquels le monde est aujourd’hui confronté.
En 2018 puis en 2020, Yuval Noah Harari a prononcé le discours inaugural sur le futur de l’humanité lors des deux réunions annuelles du Forum économique mondial à Davos. Il rencontre régulièrement des chefs d’État pour aborder différents problèmes internationaux, et il a participé à des débats publics avec le Chancelier autrichien Sébastian Kurz, le Premier ministre des Pays Bas Mark Rutter et le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis. Il a également rencontré le Président Emmanuel Macron, la Chancelière allemande Angela Merkel, le Président argentin Mauricio Macri, le Président allemand Franck-Walter Steinmeier, et le maire de Shangaï Ying Yong. En 2018, Yuval Noah Harari a présenté la première conférence TED donnée par un avatar numérique, et en 2019, il a participé à un débat filmé organisé entre lui et le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, sur la technologie et l’avenir de notre société. En 2021, il a fait l’objet d’un reportage dans l’émission « 60 Minutes » (CBS).
Yuval Noah Harari s’est d’abord spécialisé dans l’histoire internationale, l’histoire médiévale et l’histoire militaire. Ses recherches actuelles portent sur des questions de macro-histoire : Quelle relation existe-t-il entre l’histoire et la biologie ? Qu’est-ce qui distingue Homo Sapiens des autres animaux ? L’histoire est-elle juste ? L’histoire a-t-elle un but ? Les gens sont-ils plus heureux aujourd’hui qu’auparavant ? Quelles questions éthiques la science et la technologie posent-elles au XXIe siècle ?
Publié en 2014, Sapiens, une brève histoire de l’humanité est devenu un succès mondial, avec 25 millions d’exemplaires vendus. Aux États-Unis, il est resté dans le palmarès des meilleures ventes du New York Times pendant plus de la moitié du temps les 6 premières années après sa parution. Au Royaume-Uni, il est resté dans le top 3 du palmarès du Sunday Times pendant plus de 96 semaines consécutives. Sapiens a été recommandé par Barack Obama, Bill Gates, Natalie Portman, Janelle Monáe, Chris Evans et beaucoup d’autres. Pour le Guardian, Sapiens a révolutionné le marché de la non-fiction et contribué à populariser les « livres intelligents ». En 2024, Sapiens a figuré dans la rubrique du New York Times « Readers Pick Their 100 Best Books of the 21st Century » (Les lecteurs choisissent leurs 100 meilleurs livres du 21e siècle) et est arrivé en 10e position sur la liste du Sunday Times des « 100 livres les plus vendus au cours des 50 dernières années » (où Homo Deus est également apparu en 44e position).
En 2016, le Professeur Harari revient avec Homo Deus, une brève histoire de l’avenir, un livre acclamé par la critique qui examine les grands défis auxquels l’humanité sera confrontée au XXIe siècle. Homo Deus met en garde contre la menace que représentent de nouveaux pouvoirs technologiques sans précédents, qui pourraient permettre à certains Homo sapiens d’augmenter artificiellement leur corps et leur esprit, tandis que d’autres membres de la société seraient laissés pour compte.
En 2018, Yuval Noah Harari publie 21 leçons pour le XXIe siècle. Après avoir exploré le passé puis le futur, il se concentre sur les questions cruciales du présent et prend le pouls du climat mondial. Que se passe-t-il réellement maintenant ? Quels sont les plus grands défis et choix de notre temps ? A quoi devrions-nous prêter attention ?
En 2020, Yuval Noah Harari (en tant que créateur et co-scénariste) fait équipe avec les artistes de bande-dessinée David Vandermeulen (co-scénariste) et Daniel Casanave (dessinateur). Ensemble, ils créent le premier volume de Sapiens, une adaptation du Sapiens originel en une série de romans graphiques débordant d’intelligence, d’humour et de couleurs. Ce livre illustré met en scène Yuval Noah Harari dans le rôle du guide, qui emmène le lecteur à travers toute l’histoire de l’espèce humaine, accompagné d’un éventail de personnages fictifs, à travers le temps, l’espace et les références culturelles populaires. La série sera publiée en quatre tomes, dont les trois premiers sont déjà disponibles.
À l’automne 2022, Harari s’est aventuré pour la première fois dans l’univers des livres pour enfants, avec la série pour adolescents Nous, les indomptables. Il y raconte l’incroyable histoire des humains – notre espèce conquérante et insatiable – d’une manière accessible aux enfants. La série sera publiée en quatre volumes immersifs, avec des illustrations en couleurs de Ricard Zaplana Ruiz, à commencer par Nous, les indomptables : Comment les humains ont conquis le monde. Ce livre est rapidement devenu un best-seller cité parmi les meilleurs livres pour enfants de 2022 du New York Times, et a été chaleureusement recommandé par Jeff Kinney, Kristen Bell et Kirkus Review. La série continue avec le tome 2 : Pourquoi le monde est-il injuste ? sorti fin 2023.
Fin 2024, Yuval Noah Harari a publié un nouvel essai majeur sur l’évolution de l’humanité dans l’ère de l’information – Nexus : une brève histoire des réseaux d’information, de l’âge de pierre à l’IA. Nous donnant des clés essentielles pour comprendre les promesses et les menaces de la révolution actuelle de l’IA, Nexus retrace l’histoire des réseaux d’information, de l’âge de pierre à la résurgence des populismes actuels, en passant par la Bible, les chasses aux sorcières du début de l’époque moderne, le stalinisme et le nazisme. Cet essai interroge la relation complexe entre l’information et la vérité, les systèmes bureaucratiques et la mythologie, la sagesse et la puissance, et questionne les choix urgents auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui, alors que l’intelligence artificielle menace notre existence même. Nexus a connu un succès immédiat, en 2 e position sur la liste des bestsellers du New York Times, du Times et d’Audible dans la semaine qui a suivi sa parution. Numéro 1 de la liste des audiolivres du New York Times pour le mois de septembre 2024, Nexus a été recommandé notamment par Mustafa Suleyman, Stephen Fry et Kristalina Georgieva.
Le Professeur Yuval Noah Harari a reçu de nombreuses récompenses. En 2020, il a reçu un doctorat honoraire de l’Université Libre de Bruxelles et le prix CITIC de l’auteur en Chine pour Sapiens – t.1 : La Naissance de l’humanité. En 2019, 21 leçons pour le XXIe siècle a été désigné comme « Livre scientifique de l’année » par le magazine allemand Bild der Wissenschaft, et Sapiens a reçu le Prix du livre académique de l’année lors des Academic Book Trade Awards au Royaume-Uni. En 2017, Homo Deus a reçu le prix allemand « Handelblatt » du livre économique « le plus réfléchi et influent » de l’année et, en 2015 Sapiens a reçu le Wenjin Book Award en Chine. Yuval Noah Harari a remporté le prix Polonsky pour la créativité et l’originalité à deux reprises, en 2009 puis en 2012. En 2011, il s’est également vu décerner le Society for Military History’s Moncado Award, pour ses articles exceptionnels sur l’histoire militaire.
Le Professeur Harari donne régulièrement des conférences à travers le monde sur les sujets abordés dans ses livres et ses articles, et écrit pour des journaux tels que The Guardian, The Financial Times, The New York Times, TIME, The Washington Post et The Economist. En 2020, il a écrit et a été interviewé à de très nombreuses reprises sur les principales chaînes d’informations, dont CNN et la BBC, à propos de la crise mondiale du coronavirus, et des conséquences de la pandémie. En 2022, il a publiquement commenté l’invasion de l’Ukraine par la Russie. Son article sur le sujet est devenu celui de la rubrique « Opinion » du Guardian le plus lu de tous les temps. Depuis 2023, Harari a pris position et écrit de nombreux articles sur la guerre à Gaza.
Yuval Noah Harari, en hébreu : יובל נח הררי, né le 24 février 1976 à Kiryat-Ata en Israël, est un historien et professeur d’histoire à l’université hébraïque de Jérusalem, il est l’auteur du best-seller international Sapiens : Une brève histoire de l’humanité et de sa suite Homo Deus : Une brève histoire de l’avenir puis 21 leçons pour le XXIe siècle.
Yuval Harari est né à Kiryat-Ata en Israël de parents juifs libanais séfarades(1) et juifs ashkénazes roumains, ayant émigré d’Europe de l’Est(2). Il se spécialise en histoire médiévale et militaire et obtient son doctorat au Jesus College de l’université d’Oxford en 2002. Il devient enseignant de World History à l’université hébraïque de Jérusalem en 2005.
Harari pratique la méditation vipassana depuis 2003(3), telle qu’enseignée par S. N. Goenka et ses assistants-enseignants, dans la tradition de Sayagyi U Ba Khin (en). Son livre Homo Deus est d’ailleurs dédié à son maître S. N. Goenka(4). Il médite deux heures par jour et fait souvent de longues retraites d´une dizaine de jours à plusieurs mois(5).
En écrivant Sapiens : Une brève histoire de l’humanité, Yuval Harari s’est documenté en zootechnie, sur le traitement des animaux dans l’industrie de la viande, des produits laitiers et des œufs jusqu’à en être horrifié, ce qui l’a amené à devenir végan3,6. Le sort des animaux, en particulier des animaux d’élevage, est traité à plusieurs reprises dans ses ouvrages.
Il est homosexuel, ce qui lui permet selon lui « de remettre en question les idées reçues »5, et vit avec son mari7 et manager Itzik Yahav8 dans le moshav (communauté agricole coopérative) Mesilat Zion près de Jérusalem.
Ses conférences en hébreu sur l’histoire du monde ont été visionnées par des dizaines de milliers d’internautes en Israël. Yuval Harari a proposé également en 2014 une série de cours en ligne gratuits en anglais (MOOC) intitulée « A Brief History of Humankind »9. Plus de 100 000 personnes y étaient inscrites. Harari a pu se faire connaître dans le monde entier par le biais de ses Ted talks10.
Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA
Yuval Noah Harari
Albin Michel, Paris, 2024
Le livre Nexus – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA signé par Yuval Noah Harari donne à penser que les civilisations se transforment avec la capacité de l’homme à produire, recueillir, centraliser et contrôler ou à diffuser l’information au fil des grandes innovations, de la tablette d’argile à l’intelligence artificielle (IA) en passant par l’imprimerie, le télégraphe, l’imprimerie, la presse écrite, la radio, la télévision, l’ordinateur et l’internet.
Difficile pour la presse de passer sous silence un auteur avec plus de 45 millions d’exemplaires vendus de ses livres témoigne les trois exemples ci-dessous.
“Nexus”, de Yuval Noah Harari : l’information, c’est de la dynamite !
Après avoir narré l’histoire de notre espèce, Harari propose, dans son nouvel opus, de la relire à la lumière de ses réseaux d’information. Moins sexy, à première vue. Pourtant, l’historien parvient à dramatiser les livres de comptes mésopotamiens et les querelles d’interprétation de l’Ancien Testament comme s’il s’agissait de la dernière saison de Game of Thrones. Un constat de départ : alors que nous sommes doués pour emmagasiner de l’information, cela ne nous a pas rendus plus sages au fil des millénaires. Pour lui, c’est un problème de réseau et de pouvoir : « L’humanité acquiert énormément de pouvoir en construisant d’immenses réseaux [d’information] mais la manière dont ces derniers sont conçus les prédispose à un usage déraisonnable de ce pouvoir. » Là où la vision « naïve » de l’information voit en elle la solution à tous les maux – il faudrait seulement la « factchecker », la rendre transparente, la faire circuler, la corriger –, Harari soutient qu’elle est, par nature, ambiguë. N’en déplaisent aux gourous de la Silicon Valley, collecter et partager plus d’information ne nous fait pas tendre vers la vérité et la justice. Il n’y a qu’à se souvenir du rôle joué par la diffusion de la Bible dans les guerres civiles européennes. L’information n’est pas ce tissu de signes bien sages : c’est à la fois la colle qui fait tenir les civilisations et la dynamite qui les fait imploser – elle donne forme au réel.
Yuval Noah Harari : « Nos connaissances sont mises au service de mythologies parfois délirantes »
Idées. IA, religions, Israël… L’historien, auteur de « Nexus » et « Sapiens », montre comment les révolutions de l’information ont transformé nos sociétés, de la Bible jusqu’à l’actuel conflit au Proche-Orient. Vertigineux !
Des médias français ont un peu rapidement présenté Nexus (Albin Michel) comme un livre sur l’intelligence artificielle. C’est comme réduire le Nouveau Testament au Livre de l’Apocalypse. Car dans cette fresque vertigineuse, dix ans après Sapiens, Yuval Noah Harari revient une nouvelle fois sur l’histoire de l’humanité, mais à travers les réseaux d’information. Des mythes anciens jusqu’à l’IA en passant par la Bible, l’imprimerie et les médias de masse, l’historien israélien, professeur à l’université hébraïque de Jérusalem, montre comment chaque révolution technologique a entraîné de profonds bouleversements politiques, économiques et sociaux, pour le meilleur comme le pire.
Considéré comme l’un des intellectuels les plus influents de la planète, l’homme aux 45 millions d’ouvrages vendus livre à L’Express ses analyses percutantes sur la technologie, les religions, les mythes nationaux et le monde de demain. (…)
Yuval Noah Harari, prophète contesté de la « big history », des origines de l’homme à l’intelligence artificielle
L’historien israélien, auteur à succès de « Sapiens » et de « Nexus », brosse de grands récits allant des origines du cosmos au développement à venir de l’espèce humaine. Un sens de la généralisation que lui reprochent ses détracteurs.
Costume sombre et chaussettes fantaisie dépareillées, silhouette d’ascète, Yuval Noah Harari apparaît sur la scène de la Cité des sciences et de l’industrie sous les applaudissements de 800 spectateurs. Le 7 novembre, l’auteur israélien de 48 ans est de passage à Paris pour présenter son dernier ouvrage, Nexus (Albin Michel, 576 pages, 24,90 euros), un récit historique promis aux têtes des ventes qui raconte la façon dont les révolutions de l’information ont transformé nos sociétés « de la Bible aux intelligences artificielles [IA] ».
Je me range facilement du côté de l’auteur Yuval Noah Harari lorsqu’il explique que l’information n’est pas nécessairement et obligatoirement « vérité » ou conforme à la réalité. Une information, nous le savons tous aujourd’hui, n’est pas vraie par elle-même.
Première partie – Réseaux humains
Chapitre 1 – Qu’est ce que l’information
(…)
On le voit donc, l’information ne saurait être définie comme un ou plusieurs types spécifiques d’objets matériels. En fonction du contexte, tout objet — une étoile, un volet, un pigeon — peut devenir une information. Mais alors, quel contexte, au juste, définit de tels objets comme des « informations » ? À en croire la vision naïve de l’information, c’est dans le contexte d’une recherche de la vérité que les objets se définissent comme des informations. Un chose est une information dès lors qu’on l’utilise pour tenter de découvrir la vérité. Cette vision associe le concept d’information au concept de vérité, partant du principe que l’information a pour fonction essentielles de représenter la réalité. Il existe une réalité « extérieure », et l’information en est la représentation, de sorte que nous pouvons nous en servir pour en apprendre davantage sur la réalité. (…)
(…)
Qu’est-ce que la vérité ?
Tout au long de ce livre, la « vérité » est entendue comme ce qui représente fidèlement tel ou tel aspect de la réalité. La notion même de vérité repose sur l’idée qu’il n’existe qu’une seule réalité universelle. Tout ce qui a existé jusqu’ici ou qui existera jamais dans l’univers — depuis l’étoile Polaire jusqu’au pigeons du réseau NILI, en passant par les sites d’astrologie en ligne — fait partie de cette unique réalité. C’est ce qui permet à la quête de la vérité d’être un projet universel. Si différentes personnes, nations ou cultures peuvent se nourrir des croyances ou des sentiments divergents, elles ne sauraient posséder des vérités contradictoires, puisqu’elles partagent toutes une même réalité universelle. Quiconque rejette l’universalisme, rejette la vérité.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 1 – Qu’est ce que l’information ?, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp.40-42.
P.S.: Le lien dans cette citation est de nous.
En 1972, alors âgé de 15 ans, j’entrais dans le monde des médias à titre de chroniqueur pour notre hebdomadaire régional, La Tribune de Lévis. Sous le titre « Salut les poètes ! », j’informais et orientais les poètes de la région vers la Société des poètes canadiens-français dont j’étais le plus jeune des directeurs. La chronique eu aussi son pendant à la station de radio locale où je lisais des poèmes en ondes le dimanche soir. Ainsi, j’adhérais déjà à « ce que fait l’information » selon Yuval Noah Harari, c’est-à-dire réseauter.
Ce qu’illustre le cas de l’astrologie, c’est que erreurs, mensonges, fantasmes et fictions sont aussi des informations. Contrairement à ce qu’affirme la vision naïve de l’information, celle-ci n’a pas de lien essentiel avec la vérité, et son rôle dans l’histoire ne consiste pas à représenter une réalité préexistante. Ce que fait l’information, c’est plutôt créer des nouvelles réalités en connectant entre eux des éléments disparates — qu’il s’agisse de couples ou d’empires. Sa caractéristique essentielle, ce qui la définit, ce n’est pas tant la représentation que la connexion : l’information est ce qui relie différents points pour former un réseau. L’information ne nous informe pas nécessairement sur les choses – elle met plutôt les choses « en forme », c’est-à-dire qu’elle les agence. Les horoscopes disposent ainsi les amoureux en formations astrologiques, les bulletins de propagandes disposent les électeurs en formations politiques, et les chants de marche dispose les soldats en formations militaires.
Prenons ce cas paradigmatique qu’est la musique. La plupart des symphonies, des mélodies et des morceaux ne représentent rien — demander s’ils sont vrais ou faux n’aurait aucun sens. Au fil des siècles, les hommes ont créé beaucoup de mauvaise musique, mais pas de fausse musique. La musique a beau ne rien représenter, elle n’en est pas moins remarquablement efficace pour connecter un grand nombre de personnes, synchroniser leurs émotions et leurs mouvements. Elle sait nous faire danser en discothèque et batte des mains en cadence à l’église, faire chanter en chœur les supporters et défiler au pas les soldats.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 1 – Qu’est ce que l’information ?, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp.46-47.
Avec ma chronique, je cherchais à recruter d’aussi jeunes poètes que moi au sein de la Société des poètes canadiens-français. Je me représentais l’information comme « un vecteur de lien social ».
L’information dans l’histoire de l’humanité
Envisager l’information comme un nexus, un vecteur de lien social, permet de mieux comprendre plusieurs aspects de l’histoire humaine qui mettent à mal la vision naïve de l’information comme représentation. Cela explique le succès à travers le siècles non seulement de l’astrologie mais de choses bien plus importantes, comme la Bible. Si certains dénigrent l’astrologie en la présentant comme un aspect aussi mineur que pittoresque de l’histoire de l’humanité, nul ne peut nier le rôle central qu’y a joué la Bible. Si la principale fonction de l’information était de représenter fidèlement la réalité, il serait difficile d’expliquer comment la Bible a pu devenir l’un des textes les plus influents de l’histoire.
La Bible multiplie les erreurs flagrantes dans sa description des affaires humaines et des processus naturels. (…)
(…)
Pourtant, bien que la représentation qu’elle donne de la réalité des origines de l’humanité, de ses migrations et des épidémies qui la frappent laisse grandement à désirer, la Bible ne s’en est pas moins montrée très efficace pour connecter des milliards d’hommes et créer les religions juives et chrétienne. De la même manière que l’ADN enclenche des processus chimiques qui relient entre elles des milliards de cellules pour former des réseaux organiques, la Bible a enclenché des processus sociaux qui ont relié entre eux des milliards d’êtres humains pour former des réseaux religieux. (…)
Pour conclure, l’information représente tantôt la réalité, tantôt non. Mais toujours, elle connecte. C’est sa caractéristique fondamentale. Par conséquent, lorsqu’on étudie le rôle de l’information dans l’histoire, bien qu’il soit parfois pertinent de demander : Avec quelle exactitude représente-t-elle la réalité ? Est-elle vraie ou fausse, les questions les plus cruciales sont généralement les suivantes : « Dans quelle mesure connecte-t-elle les gens ? Quel nouveau réseau crée-t-elle ? »
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 1 – Qu’est ce que l’information ?, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 49-51.
P.S.: le soulignement remplace le mot en italique dans le texte original.
À la suite de ma chronique « Salut les poètes ! », j’ai convaincu le rédacteur en chef de La Tribune de Lévis qu’il nous fallait informer les parents de ce qui passe dans les écoles de leurs enfants, ces derniers ne leurs parlant peu ou pas du tout de leur vie d’étudiant. Un page entière de l’hebdomadaire régional ne fut accorder pour y tenir une toute nouvelle chronique, « La Semaine Étudiante ». Je passais des heures et des heures au téléphones avec des étudiants de différentes institutions scolaires des niveaux élémentaires, secondaires et collégial pour m’informer des activités de leur milieu de vie respectif. J’ai ainsi créée un réseau d’information ayant à sa source les étudiants comme émetteurs et les parents comme récepteurs, le journal étant lu avant tout pas les parents. C’était aussi un nouveau réseau entre les étudiants des différentes écoles et un autre entre les parents. Les étudiants devinrent des lecteurs de la chronique découvrant ainsi ce qui se passait dans les autres écoles de la région. Et ceux et celles qui faisaient la une de la chronique en soutenait la promotion auprès de leurs confrères et consœurs dans leurs écoles. La chronique répondait à une demande de mise en réseaux. Le succès de ma chronique dans le journal fut tel qu’elle donna naissance à une émission hebdomadaire en direct à la station de télévision locale que j’animais avec plaisir. Chacune des émissions était suivie d’une rencontre en personne des téléspectateurs avec l’animateur et ses invités dans un bar de la région. Et une fois par mois, tous les téléspectateurs étudiants se regroupaient par milliers lors d’une soirée dansante dans la plus grande école de la région, le CÉGEP Lévis-Lauzon.
Chers lecteurs, vous comprenez déjà beaucoup mieux mon intérêt pour les médias. Et si je donne une place au livre NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA dans cet Observatoire de la philothérapie, c’est pour questionner le rôle des technologies de l’information dans la diffusion de la philosophie, de l’Antiquité à nos jours, et la perception que nous avons des philosophies apparues au fil du temps.
En contemplant l’histoire de l’information de l’âge de pierre à l’âge du silicium, nous assistons donc à un accroissement constant de la connectivité. qui ne s’accompagne pas d’un progrès en termes de véracité ou de sagesse. Contrairement à ce que professe la vision naïve, nous autres Homo sapiens n’avons pas conquis le monde grâce à notre talent pour transformer les informations en une carte fidèle de la réalité.
Non, le secret de notre réussite, c'est avant tout notre faculté à utiliser les informations pour connecter un grand nombre d'individus. Malheureusement, cette capacité va souvent de pair avec une propension à croire aux mensonges, aux erreurs et aux fantasmes.
Non, le secret de notre réussite, c’est avant tout notre faculté à utiliser les informations pour connecter un grand nombre d’individus. Malheureusement, cette capacité va souvent de pair avec une propension à croire aux mensonges, aux erreurs et aux fantasmes. C’est pour cette raison que même des sociétés aussi avancées d’un point de vue technologique que l’Allemagne nazie ou l’Union soviétique ont pu nourrir des idées délirantes, sans forcément que ces illusions les affaiblissent. À vrai dire, les délires de masses des idéologies nazie et stalinienne, notamment concernant les questions de race et de classes sociales, les ont en fait aidées à faire marcher d’un même pas des dizaines de millions de personnes.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 1 – Qu’est ce que l’information ?, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 52.
P.S.: le caractère gras et l’encadrement du texte sont de nous.
Encore et encore ce fameux verbe : « CROIRE ». Est-ce là un besoin fondamental de l’être humain ? Vivons-nous pour croire ? Faut-il croire dans la vérité ? La vérité est-elle conditionnelle à sa croyance ? Croire quelque chose est-ce en reconnaître la vérité ? Que je crois ou non dans la réalité universelle, cette dernière demeure la seule vraie réalité. Ce que je crois n’est pas nécessairement vrai. Alors pourquoi je fais de la vérité une croyance ? Je n’ai pas besoin de croire pour que ce soit vrai.
« Les histoires furent la première technologie de l’information décisive inventée par l’homme » écrit Yuval Noah Harari. Lorsque l’homme abandonne le nomadisme pour prendre racine et donner lieu à ce que nous appelons la révolution néolithique, les histoires circulent entre les habitants du village sans pour autant circuler d’un village à l’autre, à moins de contacts entre eux. Chaque village d’autosuffisant grâce à l’agriculture et à élevage, il n’y avait pas lieu de partir à la découverte des autres villages dont on ignorait souvent l’existence. Mais l’homme étant ce qu’il est, il a tout de même rencontrer sur son chemin d’autres villages avec lesquels il a partagé ses histoires et inaugurer le commerce. On connaît la suite. Des villages sont devenus des villes, puis des villes-états, incapable de s’autosuffire et ainsi pousser à la spécialisation de certains de ses habitants (artisans) en plus d’être dans l’obligation de commercer avec d’autres villes-états.
(…) Contrairement aux poèmes et au mythes nationaux, qui peuvent être stockés dans nos cerveaux, les systèmes de taxation et d’administration plus complexes des États ont nécessité, pour pouvoir fonctionner, une technologie de l’information unique, non organique. Cette technologie, c’est le document écrit.
Prêt à tuer
Le document écrit a été inventé plusieurs fois, à plusieurs endroits différents. Certains des ses plus anciens exemples remontent à la Mésopotamie antique. Une tablette d’argile cunéiforme datée du vingt-huitième jour du dixième mois de la quarante et unième année du règne du roi Shulgi d’Ur (v. 2053-2054 av. J.C.) tenait ainsi compte des livraisons mensuelles de moutons et des chèvres : 14 moutons avaient été livré le deuxième jour du mois, 7 moutons les troisième jours du mois, (…) Au total, nous apprend cette tablette d’argile, 896 animaux furent livrés ce mois-là. Il était essentiel pour l’administration royale de garder la trace de toutes ces livraisons, afin de contrôler l’obéissance du peuple et d’assurer le suivi des ressources disponibles. Si enregistrer tous ces éléments dans l’esprit d’un humain représentait un insurmontable défi, un scribe pouvait sans peine les inscrire sur une tablette d’argile.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 3 – Document : la morsure des tigres de papier, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 82-83.
P.S.: (…) = passage non cité dans cet article mais présent dans le texte original.
Évidemment, les documents écrits ne sont pas exempts de toute erreur uniquement parce qu’ils sont écrits. Yuval Noah Harari souligne d’ailleurs une erreur sur la tablette d’Ur. Cette dernière dénombrait 896 animaux alors que les chercheurs modernes en compte 898.
Mais qu’ils soient justes ou erronés, les documents écrits ont créé de nouvelles réalités. En enregistrant des listes de biens, d’impôts et de paiements, ils ont grandement facilité la mise en place de systèmes administratifs, des royaumes, d’organisations religieuses et de réseaux commerciaux. Ou, pour être plus précis, ces documents ont transformé la méthode utilisée pour créer des réalités intersubjectives. Dans les cultures orales, les réalités intersubjectives étaient créées en racontant une histoire que de nombreuses personnes répétaient avec leur bouche et mémorisaient dans leur cerveau. Par conséquent, les capacités de ce dernier imposait une limite aux genres de réalités intersubjectives que les humains pouvaient créer. Les hommes ne pouvaient pas fabriquer des réalités intersubjectives que leur cerveau était incapable de retenir.
Les documents écrits, eux, permettaient de dépasser cette limite. Ils ne représentaient pas une réalité empirique objective : la réalité, c’étaient les documents eux-mêmes. Comme nous le verrons aux chapitres suivants, les documents écrits constituaient donc des précédents et des modèles qui seraient ensuite utilisés par les ordinateurs, La faculté des ordinateurs à créer des réalités intersubjectives est une extension du pouvoir des tablettes d’argile et des feuilles de papier.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 3 – Document : la morsure des tigres de papier, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 83.
Mais pourquoi le sous titre « Prêt à tuer » ?
Le pouvoir qu’on les documents de créer des réalités intersubjectives s’incarne magnifiquement dans l’ancien dialecte assyrien, qui traitait les documents comme des choses vivantes qu’on pouvait également faire mourir. Dans cette langue, les contrats de prêt étaient en effet « tués » (duãkum) dès le remboursement de la dette en question. Ce que l’on faisait en détruisant la tablette, en y ajoutant une marque ou en brisant le sceau. Le contrat de prêt ne représentait par la réalité : il était la réalité. Si quelqu’un remboursait l’emprunt mais omettait de «tuer le document», la dette demeurait exigible. À l’inverse, si l’on ne remboursait pas l’emprunt mais que le document «mourrait» d’une autre manière — disons, croqué par un chien —, le dette disparaissait. Cela vaut aussi pour l’argent : si votre chien mange un billet de cent dollars, ces cent dollars cessent d’exister.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 3 – Document : la morsure des tigres de papier, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 84-85.
Puis vient le sous-titre « Bureaucratie » avec cette anecdote en ouverture :
Chaque nouvelle technologie de l’information comporte des goulets d’étranglement inattendus. Elle résout d’anciens problèmes, mais en crée de nouveaux. Au début des années 1730 av. J.C., Marâmtani, prêtresse de la ville mésopotamienne de Sippar. écrit une lettre (sur une tablette d’argile) à un membre de sa famille, pour demander à celui-ci de lui faire parvenir les tablettes entreposées dans sa maison. Elle lui expliquait qu’on lui contestait ses droits sur un héritage, et qu’elle avait besoin de faire valoir ces documents devant un tribunal. Elle achevait son message par cet appel : «Surtout, ne me néglige pas !»
Nous ignorons ce qui s’est passé ensuite, mais imaginez un instant que ce proche ait fouillé partout sans pouvoir retrouver les tablettes manquantes… La quantité de documents produits ne cessant de croître au fil du temps, il s’est avéré de plus en plus difficile de la localiser. Cela représentait un défi particulièrement ardu pour les rois, les prêtres, les marchands, et tous ceux qui amassaient dans leurs archives des milliers de documents. Comment remettre la main sur le bon registre fiscal, le bon reçu de paiement ou le bon contrat commercial lorsque vous en avez besoin ? Les document écrits étaient bien meilleurs que les cerveaux humains pour mémoriser certains types d’information. Mais ils créaient un nouveau problème, particulièrement épineux : celui de leur récupération.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 3 – Document : la morsure des tigres de papier, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 85-86.
Ainsi naîtra la bureaucratie ! Si l’évolution de l’homme a équipé ce dernier pour se débrouiller dans un monde organique : « (…) si vous cherchez une pomme, il faut d’abord localiser un pommier, puis lever la tête. En vivant dans la forêt, les hommes apprennent cet ordre organique.»), il en va tout autrement avec les documents inorganiques, tels que les documents écrits.
Il en va tout autrement avec les archives. Les documents n’étant pas des organismes, il n’obéissent à aucune loi biologique et l’évolution ne les a pas organisés pour nous. Les déclarations fiscale ne poussent par sur une étagère à déclaration fiscales. Il faut les y déposer. Pour ce faire, quelqu’un doit d’abord avoir l’idée de catégoriser les informations par étagères, et déterminer quels documents doivent être déposés sur quelles étagères. Contrairement au cueilleurs, qui n’ont qu’à découvrir l’ordre préexistant de la forêt, les archivistes sont obligés de concevoir un nouvel ordre pour le monde. Cet ordre est ce qu’on appelle la bureaucratie.
La bureaucratie est la manière dont les hommes, dans les organisations de grande ampleur, ont résolu le problème de la récupération et, ce faisant, ont créé des réseaux d’information plus vastes et plus puissants.
Mais comme la mythologie, la bureaucratie a tendance a sacrifier la vérité au nom de l'ordre.
Mais comme la mythologie, la bureaucratie a tendance a sacrifier la vérité au nom de l’ordre. En inventant un nouvel ordre et en l’imposant au monde, la bureaucratie a déformé de manière tout à fait unique notre compréhension du monde. Une bonne partie des problèmes rencontrés par nos réseaux d’information du XXIè siècle — pensez aux algorithme biaisés qui cataloguent mal les gens, ou aux protocoles trop rigides qui ne tiennent par compte des besoins et sentiments humains — ne sont pas nouveaux, ni propres à l’ère informatique. Ces problèmes typiquement bureaucratiques existaient déjà bien avant que quiconque ait pu les imaginer les ordinateurs.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 3 – Document : la morsure des tigres de papier, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 87.
P.S.: l’encadré est de nous.
Je retiens de cette citation :
« catégoriser les informations »
« concevoir un nouvel ordre pour le monde »
« sacrifier la vérité au nom de l’ordre »
« a déformé de manière tout à fait unique notre compréhension du monde »
Puisque le simple fait de créer des catégories pour classer les informations n’est pas un processus naturel, c’est-à-dire, relatif à une réalité préexistante dans le monde, cette catégorisation débouche sur un nouvel ordre intersubjectif pour le monde, et ce dernier priorisant l’ordre au détriment de la vérité (de la conformité avec la réalité), elle résulte en une déformation de notre compréhension du monde.
Bureaucratie et recherche de la vérité
Le terme bureaucratie signifie littéralement le « pouvoir du bureau ». Il fut inventé dans la France du XVIIIe siècle, où les fonctionnaires étaient généralement assis devant une table dotée de tiroirs – le fameux bureau. Le tiroir se trouve donc au cœur de l’ordre bureaucratique. La bureaucratie s’attache à résoudre le problème de la récupération des données en divisant le monde en une série de tiroirs, et en déterminant quel document va venir dans quel tiroir.
Le principe demeure le même, que le document soit placé au fond d’un tiroir, sur une étagère, dans un panier, un pot, un fichier informatique ou tout autre réceptacle : diviser pour régner. Diviser le monde en une série de contenants, et les séparer pour que les documents ne se mélangent pas. Cependant, ce principe a un prix : au lieu de se concentrer sur la compréhension du monde tel qu’il est, la bureaucratie s’acharne souvent à imposer au monde un nouvel ordre, artificiel. Les bureaucrates comment par inventer toute une variété de tiroirs, lesquels sont des réalités intersubjectives que ne correspondent pas nécessairement à de quelconques divisions objectives existant dans le monde. Les bureaucrates tentent alors de faire entrer de force le monde dans ces tiroirs, et si ça coince aux entournures, ils forcent un peu. Quiconque a eu l’occasion de remplir un formulaire administratif ne le sait que trop bien. Il arrive qu’aucune des options proposées par le document ne corresponde à notre situation particulière. On est alors contraint de s’adapter au formulaire, plutôt que l’inverse. Réduire le désordre de la réalité en un nombre limités de tiroirs fixes aide les bureaucrates à instaurer l’ordre, mais ce la se fait au détriment de la vérité. Obnubilés par leurs tiroirs — même lorsque la réalité est beaucoup plus complexe —, les bureaucrates finissent souvent par développer une compréhension déformée du monde.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 3 – Document : la morsure des tigres de papier, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 87-88.
Et les documents ne font pas que remonter à la bureaucratie, cette dernière conçoit, édite et diffuse des documents, ces derniers devant lui revenir. Et il n’est pas aisé de contrôler une bureaucratie, même pour les politiciens.
En 1985, Année internationale de la Jeunesse, en pleine crise économique, le taux de chômage chez les jeunes est très élevé et le gouvernement du Québec a déjà mis en place des programmes d’aides pour les jeunes ayant des projets en tête pour s’en sortir, notamment pour créer leurs propres emplois. Mais le Premier ministre du Québec, Renée Lévesque, est informé au sujet du blocage de l’attribution de ces aides aux jeunes par les bureaucrates. Il décide alors de passer outre la bureaucratie et de recruter lui-même une trentaine de jeunes à intégrer à la bureaucratie et dont la seule et unique fonction sera d’aider les jeunes qui demandent l’aide de l’État pour leurs projets.
Le tout se fait à la hâte, un vendredi soir, alors que le gouvernement du Québec est en pause pour la fin de semaine, je reçois un appel d’un ami fonctionnaire au ministère des communications qui tâte mon intérêt ce travail. « Je suis intéressé. » Il me répond : « Alors du dois de rendre dès demain à 15h.00 au bureau du Premier ministre à Montréal. » C’est à plus de 200 kilomètres de chez-moi et un véhicule du gouvernement est à ma disposition.
Le lendemain, samedi, je me présente au bureau du Premier ministre et je suis dirigé vers une salle de conférence avec tous les autres jeunes provenant de tous les coins du Québec. Le Premier ministre fait son entrée et prend place avec nous à l’énorme table ronde de la salle de conférence. Il nous explique son programme baptisé « Déclic Jeunesse ».
Nous, les jeunes, allons être déployés dans tous les bureaux régionaux de Communication Québec (centre de renseignements de l’ensemble du gouvernement au service de la population). Notre tâche, recevoir les jeunes qui souhaitent recevoir une aide financière de l’État pour leurs projets, les aider à compléter leurs formulaires de demandes dans l’optique avouée qu’ils soient approuvées pour l’obtention de l’aide. Autrement, faire sortir au plus vite les subventions pour les jeunes !
Si le Premier ministre du Québec procède ainsi, plutôt que de confier la tâche à son ministre des communications, ce dernier la confiant à ses fonctionnaire, ce qui est la procédure normale, c’est parce que les fonctionnaires sont au centre du problème : ils ne collaborent pas avec les jeunes et les jeunes les boycottent. L’argent de l’aide de l’État pour les jeunes dort au fond d’un tiroir. Le Premier ministre court-circuite la hiérarchie et passe outre le protocole pour engager lui-même une escouade de jeunes pour venir en aide aux jeunes en mal de financement de leurs projets. Évidemment, la publicité dira toute autre chose :
La bureaucratie est un pouvoir en soi, un pouvoir avec ses propres règles de gouvernance et travaille à son propre rythme. Elle se trouve entre les politiciens et la population.
Après quelques jours de travail au Centre Déclic-Jeunesse, je réalise que les fonctionnaires classent très rapidement les formulaire de demande de subvention des jeunes et je découvre comment ils procèdent. Il faut — disons — que la somme d’argent inscrite à la case F de la première colonne égale la somme d’argent inscrite à la case K de la deuxième colonne et ainsi de suite. C’est la vérification qu’effectue les fonctionnaires pour accepter ou non d’examiner un projet, peu importe s’il s’agit d’une simple erreur, peu importe la pertinence du projet, ses chances de réussite.
Je réunis toutes ces procédures dans un immense cahier et je prends l’initiative de le photocopier pour mes collègues des autres bureaux. Et imaginez ce qui se passe quand je demande au patron du bureau de Communication Québec (là où se trouve le Centre Déclic-Jeunesse) le budget pour envoyer ces cahiers par la poste. Il refuse. Je fais donc parvenir mon cahier au Premier ministre lui avec une note explicative. Je ne connais pas la suite de l’histoire puisque j’ai quitté mes fonctions.
* * *
Yuval Noah Harari intitule le quatrième chapitre de son ouvrage, « Erreurs : le fantasme de l’infaillibilité », et y traite des mécanismes d’autocorrection nécessaires à tout réseau d’information.
Pour pouvoir fonctionner, les mécanisme d’autocorrection ont besoin de légitimité. Si les humains sont enclins à commettre des erreurs, comment imaginer raisonnablement que les mécanisme d’autocorrection en soient exempts ? Pour échapper à cette boucle apparemment sans fin, les humains ont souvent nourri le fantasme d’un mécanisme suprahumain, absolument infaillible, sur lequel ils pourraient s’appuyer pour identifier et corriger leurs propres erreurs. Aujourd’hui, c’est l’IA qui porte cet espoir comme en atteste ce que déclarait Elon Musk en avril 2023 : « Je vais lancer quelque chose que j’appelle Truth GPT, une IA qui recherche la vérité maximale et essaie de comprendre la nature de l’univers. » Nous verrons dans les prochains chapitres pourquoi il s’agit là d’un dangereux fantasme. Lequel a pu, par le passé, se manifester sous une autre forme : la religion.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 4 – Erreurs : le fantasme de l’infaillibilité, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 109-110.
Nous voilà aux portes de la création du livre saint tels que la Bible et le Coran, dit infaillible.
Le livre s’est imposé, au cours du premier millénaire avant notre ère, comme une importante technologie religieuse. Après des dizaines de milliers d’années où les dieux s’étaient adressés aux humains via des chamans, des prêtres, des prophètes, des oracles, entre autres messagers humains, des mouvements religieux tels que le judaïsme se sont mis à défendre l’idée que les dieux s’exprimaient à travers cette technologie nouvelle qu’était le livre. Selon eux, il existe un livre bien précis, dont les nombreux chapitres contiennent toutes les paroles divines à propos de tout, de la création de l’univers aux préceptes alimentaires. Surtout, nul prêtre ou prophète, nulle institution humaine ne pourra oublier ou modifier ces paroles divine, car il sera toujours possible de confronter ce qu’avancent les humains faillibles à ce qui est gravé dans l’infaillible livre.
Mais les religions du Livre avaient elles aussi leurs problèmes, dont le plus évident était celui-ci : qui décide ce qu’il faut inclure dans le livre saint ? Le premier exemplaire n’est pas tombé du ciel : il a fallu que des humains le compilent. (…)
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 4 – Erreurs : le fantasme de l’infaillibilité, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 113-114.
P.S.: (…) = passage non cité dans cet article mais présent dans le texte original.
Nous connaissons la suite, on discuta âprement des contenus à sélectionner pour constituer le livre saint et du livre saint infaillible nous sommes passé à l’institution infaillible (l’Église) dans son interprétation du livre saint, puis à la multiplication du livre saint à la suite de l’invention de l’imprimerie :
Deuxième enjeu, plus crucial encore : le fait de disposer de nombreux exemplaires du même livre empêchait toute altération du texte. Puisqu’il en existait des milliers de copies identiques en de nombreux endroits, il sera facile de dénoncer comme une imposture toute tentative de changer ne serait-ce qu’une malheureuse lettre de ce code sacré. En rendant disponible une multitude d’exemplaires de la Bible dans des lieux fort éloignés les uns des autres, les juifs remplaçaient donc le despotisme humain par une souveraineté divine. L’ordre social était désormais garanti par l’infaillible technologie du livre. C’est du moins ce qu’ils croyaient.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 4 – Erreurs : le fantasme de l’infaillibilité, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 118.
Les livres saints ont ainsi constitué chacun leur réseau d’information, dont certain incluant plus d’un milliard de personnes, et ce, de partout à travers le monde, et chacun sous l’égide d’une Église… infaillible ! Il n’en fallait pas plus pour que des guerres entre les religions éclatent.
Le cinquième chapitre, sous le titre « Décisions : une brève histoire de la démocratie et du totalitarisme ».
Les réseaux d’information dictatoriaux sont centralisés à l’extrême. Ce qui signifie deux choses. Premièrement, le pouvoir central jouissant d’une autorité illimitée, l’information a tendance à affluer vers le centre névralgique, où sont prise les décisions les plus importantes. Dans l’Empire romains, tous les chemins menaient à Rome ; dans l’Allemagne nazie, les informations convergeaient vers Berlin ; et en Union soviétique, vers Moscou. Parfois, le gouvernement central tente de concentrer entre ses mains toute l’information, et d’imposer lui-même toutes les décisions, contrôlant ainsi complètement la vie des gens. Cette forme de dictature totalisante, pratiquée par des dirigeants comme Hitler ou Staline, est connu sous le nom de totalitarisme. Mais toutes les dictatures ne sont pas totalitaires. Nous le verrons, des difficultés techniques empêchent souvent les dictateurs de devenir totalitaires. L’empereur romain Néron, par exemple, ne disposait pas des moyens permettant de microgérer les vies des millions de paysans dans les lointains villages aux confins de l’empire. Une bonne partie des régimes dictatoriaux laissent donc une part d’autonomie considérable aux individus, aux entreprises et aux communautés. Cependant, les dictateurs se réservent toujours le pouvoir d’intervenir dans la vie des gens. Dans la Rome de Néron, la liberté n’était pas un idéal mais un corolaire de l’incapacité du gouvernement à exercer un contrôle totalitaire.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 5 – Décisions : une brève histoire de la démocratie et du totalitarisme, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 161-162.
Dans les années 1970-1980, nous sommes passés de « Le pouvoir est à celui qui détient l’information » à « Le pouvoir est à celui qui diffuse l’information ».
L'information est le pouvoir. Mais comme tout pouvoir, il y a ceux qui veulent le garder pour eux.
Aaron Swartz, Informaticien (1986 - 2013)
C’est pourquoi j’endosse personnellement et professionnellement la culture de gratuité sur internet. J’ai édité de nombreux livres dont les auteurs acceptaient d’en offrir gratuitement la version numérique. À notre libraire en ligne fut donc ajoutée une bibliothèque de livres numériques gratuits qui connaît encore beaucoup de succès depuis sa création il y a plus de vingt ans déjà.
J’ai appliqué la même politique de diffusion de l’information que je détenais lorsque je me suis lancé en recherche marketing (étude des motivations d’achat des consommateurs). J’adressais à mes clients potentiels un document de 24 pages bien tassé, aux allures d’un article de presse écrite, avec toute l’information nécessaire pour bien comprendre en détails mon offre de services. J’optais pour un document d’information plutôt qu’un document de publicité ou de propagande. Que le client potentiel donne suite ou non à sa lecture de mon document, il avait tout de même appris quelque chose d’important. Les conseillers en publicité et en marketing conseillaient à cet époque (années 1990) de se limiter à une brochure sous prétexte que les gens d’affaires et les dirigeants d’entreprise n’ont pas le temps de lire. Toujours selon ces conseillers, je devais m’attendre à une réponse de seulement 20% des clients potentiels à qui j’avais adressé mon document. Or, ce fut le contraire. Plus de 80% des clients potentiels ayant reçu mon document voulaient aller plus loin avec moi et ma partenaire en retenant nos services. Et puisque nous n’étions que deux dans notre entreprise, nous avons du réduire passablement les envois de ce document pour éviter d’être débordés par la demande. Le pouvoir est donc vraiment à celui qui détient l’information ET LA DIFFUSE !
En résumé, une dictature est un réseau d’information centralisé, dénué de mécanisme d’autocorrection puissants. Une démocratie, en revanche, est un réseau d’information décentralisé, qui possède de solides mécanismes d’autocorrection. Lorsqu’on observe un réseau d’information démocratique, on y trouve certes un centre névralgique. Le gouvernement est le pouvoir exécutif le plus puissant d’une démocratie, et les organismes publics collectent et stockent donc d’immenses quantités d’informations. Mais il existe de nombreux canaux d’information supplémentaires, qui connectent une multiplicité de nœuds indépendants. Organes législatifs, partis politiques, tribunaux, presses, entreprises, communautés locales, ONG et citoyens individuels communiquent entre eux librement et directement, de sorte que la majeure partie des informations ne transitent jamais par aucun organisme gouvernemental, et que nombre de décisions importantes se prennent ailleurs. Les individus décident eux-mêmes de leur lieu de vie, de l’endroit où ils travaillent et de la personne qu’ils épousent. Les entreprises font leurs propres choix concernant le lieu d’implantation d’une succursale, les sommes à investir dans tel ou tel projet, les montants a facturer pour les biens et les services qu’elles proposent. Les communautés décident par elles-mêmes d’organiser des œuvres de bienfaisance, des événements sportifs et des fêtes religieuses. L’autonomie n’est pas une simple conséquence de l’inefficacité du gouvernement : elle constitue l’idéal démocratique.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 5 – Décisions : une brève histoire de la démocratie et du totalitarisme, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 162-163.
« L’autonomie », oui mais conditionnée, formatées et souvent inconsciente de l’être. Aucun régime n’est parfait, loin de là, mais il y en a de meilleurs.
La dictature de la majorité
La définition de la démocratie comme un réseau d’information décentralisé doté de solides mécanisme d’autocorrection contraste fortement avec l’idée fausse, quoique très répandue, qui assimile la démocratie aux seules élections. Celles-ci sont un élément essentiel de la boîte à outils démocratique, mais elles ne sont pas la démocratie. En l’absence de mécanismes d’autocorrection supplémentaires, les élections peuvent facilement être truquées. Et même lorsqu’elles sont totalement libres et équitables, cela ne suffit pas non plus à garantir la démocratie. Car la démocratie n’est pas une dictature de la majorité.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 5 – Décisions : une brève histoire de la démocratie et du totalitarisme, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 165.
Les droits de l’Homme et les droits civiques protègent tout un chacun, minoritaire et majoritaire, et limitent le pouvoir du gouvernement. La liberté et l’égalité pour tous sont essentielles à toute démocratie.
Il est important de noter que droits de l’homme et droits civiques n’ont pas pour seul effet de de limiter le pouvoir du gouvernement central : ils lui imposent en outre de nombreuses obligations positives. Il ne suffit pas qu’un gouvernement démocratique s’abstienne d’enfreindre les droits de l’homme et du citoyen — il doit prendre des mesures pour les sauvegarder. Ainsi, le droit à la vie impose au gouvernement démocratique de protéger ses citoyens contre les violences criminelles. Si un gouvernement ne tue personne, mais ne fait par ailleurs aucun effort pour protéger ses citoyens du meurtre, nous n’avons plus affaire à une démocratie mais à l’anarchie.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 5 – Décisions : une brève histoire de la démocratie et du totalitarisme, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 168.
Une seule question me vient à l’esprit : est-ce que le gouvernement des États-Unis d’Amérique en fait suffisamment pour « protéger ses citoyens contre les violences criminelles » en refusant de réglementer davantage l’accès, le port et l’usage des armes à feu ?
Par Adel Miliani, publié le 15 février 2024 à 14h32, modifié le 19 février 2024.
Adopté il y a plus de deux cent trente ans, le deuxième amendement de la Déclaration des droits américaine demeure fondamental pour la population, en dépit des fusillades à répétition.
La plupart des Américains ou des membres de leur famille ont été confrontés à des incidents de violence armée.
C’est l’un des faits contenus dans un rapport sans précédent présenté par le Surgeon General des États-Unis, Vivek Murthy, sur la base duquel il a déclaré que la violence par arme à feu constituait une crise de santé publique aux États-Unis.
Dans le texte, Murthy explique que l’objectif de cette déclaration est de réduire le nombre de victimes dans le pays qui occupe la première place mondiale dans les statistiques sur les décès par arme à feu.
Selon le rapport, depuis 2022, un total de 48 204 personnes sont mortes de blessures liées aux armes à feu, y compris les suicides, les homicides et les décès accidentels. Cela représente 8 000 décès de plus qu’en 2019 et près de 16 000 de plus qu’en 2010.
Lorsque le candidat à la présidentielle américaine annonce qu’il veut réglementer davantage l’achat, le port et l’usage des armes à feu, il perd des votes. Si le candidat adverse à l’élection présidentielle américaine annonce qu’il protègera le deuxième amendement de la constitution du pays ( Traduction : « Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d’un État libre, le droit qu’a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé. » Original : « A well regulated militia being necessary to the security of a free State, the right of the People to keep and bear arms shall not be infringed. », il gagne des votes. À mon avis, c’est de l’anarchie.
Il est particulièrement important de se rappeler que les élections ne sont pas une méthode pour découvrir la vérité, mais bien plutôt une méthode pour maintenir l’ordre en opérant un arbitrage entre les désirs contradictoires des uns et des autres. Les élections établissent non pas ce qu’est la vérité, mais ce que désire la majorité des gens. Or, les gens désirent souvent que la vérité soit autre chose que ce qu’elle est. Les réseaux démocratiques se dotent donc de mécanismes d’autocorrection pour protéger la vérité, y compris contre la volonté de la majorité.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Première partie – Réseaux humains, chapitre 5 – Décisions : une brève histoire de la démocratie et du totalitarisme, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 169.
Des « mécanismes d’autocorrection pour protéger la vérité, y compris contre la volonté de la majorité », dites-vous ? Ce n’est pas le cas aux États-Unis d’Amérique dans le dossier des armes à feu. Et que dire lorsque le président de ce pays ridiculise les mécanismes d’autocorrection que sont les médias ?
L’irruption de la notion de « post-vérité », désignée comme mot de l’année 2016 par le dictionnaire d’Oxford, a suscité beaucoup de commentaires journalistiques, notamment sur le phénomène des fake news, mais peu de réflexions de fond. Or, cette notion ne concerne pas seulement les liens entre politique et vérité, elle brouille la distinction essentielle du vrai et du faux, portant atteinte à notre capacité à vivre ensemble dans un monde commun.
En questionnant les rapports conflictuels entre politique et vérité, Myriam Revault d’Allonnes déconstruit nombre d’approximations et de confusions. Elle montre que le problème majeur de la politique n’est pas celui de sa conformité à la vérité mais qu’il est lié à la constitution de l’opinion publique et à l’exercice du jugement. L’exploration du « régime de vérité » de la politique éclaire ce qui distingue fondamentalement les systèmes démocratiques, exposés en permanence à la dissolution des repères de la certitude, à la tentation du relativisme et à la transformation des « vérités de fait » en opinions, des systèmes totalitaires, où la toute-puissance de l’idéologie fabrique un monde entièrement fictif.
Loin d’enrichir le monde, la « post-vérité » appauvrit l’imaginaire social et met en cause les jugements et les expériences sensibles que nous pouvons partager. Il est urgent de prendre conscience de la nature et de la portée du phénomène si nous voulons en conjurer les effets éthiques et politiques.
Myriam Revault d’Allonnes est professeur à l’École pratique des hautes études. Elle a publié de nombreux essais au Seuil, et notamment La Crise sans fin. Essai sur l’expérience moderne du temps (2012).
(...) les démocratie ne meurent pas uniquement quand les gens ne sont pas libres de parler, mais aussi quand les gens ne veulent pas ou ne peuvent pas écouter.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS - Une brève histoire des réseaux d'information de l'âge de pierre à l'IA, Première partie - Réseaux humains, chapitre 5 - Décisions : une brève histoire de la démocratie et du totalitarisme, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 180.
Écouter pour parler, pour déformer ce qu’on a écouter. Souvent, le problème n’est pas que les gens ne veulent pas écouter et réfléchir à ce qu’ils ont écouté, non, le problème c’est que les gens ont une écoute très active, c’est-à-dire qu’ils déforment instantanément ce qu’ils entendent en opinion. Le relais de la réflexion ne fonctionne pas. L’écoute active, jadis une force dans la communication, n’est plus qu’une chaîne de réactions subjectives même face à une information objective ou, si vous préférez face à la réalité.
Pourquoi est-ce important de savoir bien communiquer?
Pour bien communiquer, il ne suffit pas de parler. Cela nécessite aussi une écoute active, de l’authenticité et de l’empathie. Dans le cadre de la communication, l’écoute active est une façon structurée d’écouter son interlocuteur et de lui répondre. Lorsque vous écoutez de façon active, votre attention se porte sur l’autre personne pour vous permettre de comprendre, d’interpréter et d’évaluer ce qu’elle vous dit.
L’essentiel est de communiquer sans porter de jugement. En milieu de travail, vous pouvez collaborer avec les gens pour établir des objectifs de rendement individuels réalistes, établir un calendrier de rétroaction et mesurer les progrès vers l’atteinte de ces objectifs. Ces techniques faciliteront l’établissement d’une relation de travail plus efficace et plus positive.
Tweets, sms, emails, posts, etc. se multiplient et rebondissent, circulant à une telle vitesse qu’ils deviennent irrattrapables — les agressifs et les toxiques aussi vite relayés que les sympathiques. La facilité et la rapidité avec lesquelles nous pouvons nous exprimer tout autant que l’idée que nous existons que si nous communiquons nous ont fait oublier les vertus du silence. Happés par ce tourbillon compulsif et communicationnel, nous devons réapprendre à nous taire pour redevenir conscients de ce que nous ressentons avant de le dire, pour redonner du poids et de la bienveillance à notre communication , pour ne pas regretter d’avoir parlé . Savoir se taire est la force cachée de la personne qui agit en pleine conscience et sait s’exprimer à bon escient et avec les mots justes .
L’expression « hystérie de la parole » me plaît car elle reflète fort bien les gens qui parlent beaucoup trop et sans arrêt, qui verbalisent à outrance, souvent en sautant du coq à l’âne ou en se perdant dans moult détails. J’ai déjà interrompu une telle personne en lui disant : « Je ne suis pas la poubelle de tes pensées instantanées ».
La deuxième partie de NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA s’intitule « Le réseau inorganique », c’est-à-dire le réseau d’information dont les membres sont inorganiques, soient les ordinateurs, contrairement aux êtres organiques que nous sommes et qui assuraient jusque-là les échanges.
Nous analyserons les relations précises entre les termes « ordinateurs », « algorithme » et « IA » dans la dernière partie du présent chapitre une que nous aurons acquis une meilleure compréhension de l’histoire des ordinateurs. Pour le moment, nous nous contenterons de préciser qu’en substance, un ordinateur est une machine potentiellement capable d’accomplir deux choses remarquables : prendre d’elle-même des décisions, et créer d’elle-même de nouvelles idées. (…)
L’avènement de machines intelligentes capables de prendre des décisions et de créer de nouvelles idées signifie que, pour la première fois dans l’histoire, le pouvoir s’éloigne de l’homme et glisse vers une autre entité. (…)
(…) En termes d’intelligence, ils (ordinateurs) dépassent de loin non seulement les bombes atomiques, mais toutes les technologies de l’information antérieures, comme les tablettes d’argile, les presses à imprimer et les postes de radio. (…) Là où presses à imprimer et postes de radio n’étaient que des outils passifs dans la main de l’homme, les ordinateur sont en passe de devenir des agents actifs échappant à notre contrôle et à notre compréhension, et sont à même de prendre des initiatives pour façonner la société, la culture et l’histoire.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Deuxième partie – Le réseau inorganique, chapitre 6 – Les nouveaux membres: en quoi les ordinateurs sont différents des presses à imprimer, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 241-243.
Bref, les technologies étaient alors des outils maniés par les agents organiques (humains) alors que les ordinateurs sont des agents inorganiques capables de prendre des décisions et de créer de nouvelles idées par eux-mêmes. Cette nouvelle entité inorganique suscite la peur au fur et à mesure qu’elle monte en puissance décisionnelle et créatrice par auto-apprentissage (IA). La science fiction a souvent mise en scène cette peur notamment dans le célèbre film 2001 : l’odyssée de l’espace en avril 1968.
La peur d’ordinateurs puissants n’a commencé à hanter l’humanité qu’au début de l’ère informatique, au mitant du XXe siècle. Mais depuis toujours, les humains sont hantés par une peur beaucoup plus profonde : nous avons toujours eu conscience du pouvoir qu’avaient les histoires et les images de manipuler nos esprits et de créer des illusions. Par conséquent, depuis la nuit des temps, les humains ont toujours craint d’être enfermés dans un monde d’illusions. Dans la Grèce antique, déjà, Platon livrait sa fameuse allégorie de la caverne, dans laquelle un groupe d’individus passent toute leur vie enchaînés au fond d’une grotte, face à une paroi nu — un écran. Sur cet écran, ils voient défiler différentes ombres projetées. Les prisonniers prennent à tort ces illusions qui s’offrent à leur regard pour la réalité. Dans l’Inde antique, les sages bouddhistes et hindous affirmaient que tous les humains vivaient emprisonnées à l’intérieur de la Mãyã — le monde des illusions. Ce que nous prenons généralement pour la « réalité » n’est souvent qu’une simple fiction dans nos esprits. Les hommes sont parfois prêts à mener des guerres atroces, à tuer et à accepter le risque d’être eux-mêmes tués, à cause de leur croyance en telle ou telle illusion. Au début de XVIIe siècle, Renée Descartes craignait d’être maintenu enfermé dans un monde d’illusions par un « mauvais génie » qui créerait tout ce qu’il voyait et entendait. La révolution numérique nous confronte aujourd’hui à la caverne de Platon, à la Mãyã, au mauvais génie de Descartes.
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Deuxième partie – Le réseau inorganique, chapitre 6 – Les nouveaux membres: en quoi les ordinateurs sont différents des presses à imprimer, Édition Albin Michel, Paris, 2024, p. 263.
Yuval Noah Harari ne parle quasiment pas de la philosophie dans son livre NEXUS. La citation ci-dessus est l’un des seuls exemples, un peu élaboré. On n’a une idée du pourquoi au sous-titre « Le nazi kantien » au chapitre 8 intitulé « Faillible : les réseau a souvent tort ». Le texte de ce sous-titre est beaucoup trop simpliste pour associer « nazi » et « kantien ». Voici un très court passage de ce sous-titre qui, même hors contexte, place l’historien Yuval Noah Harari en porte-à-faux avec la philosophie.
La nazi kantien
Depuis des millénaires, les philosophes n’ont cessé de chercher une définition du but ultime qui ne repose pas sur l’alignement avec un but plus élevé encore. Tous ont été attirés par deux solutions potentielles, connues dans le jargon philosophique sous les noms de déontologisme et d’utilitarisme. Les déontologistes (du grec deon, qui signifie « devoir ») pensent qu’il existe des devoirs moraux universels qui s’appliquent à tout le monde. Ces règles morales ne reposent pas sur l’alignement avec un but plus élevé : elles sont intrinsèquement bonnes. Si de telles règles existent réellement, et que nous parvenons à trouver un moyen de les programmer dans des ordinateurs, alors nous pourrons faire en sorte que le réseau informatique soit une force au service du bien.
Mais que signifie « intrinsèquement bonnes, au juste ? On doit la plus célèbre tentative de définir une règle intrinsèquement bonne au philosophe Emmanuel Kant, un contemporain de Clausewitz et Napoléon. D’après Kant, toute règle que je souhaiterait rendre universelle est intrinsèquement bonne. En vertu de ce conception, une personne sur le point d’en assassiner une autre devrait s’arrêter et se soumettre au processus suivant : « Je vais assassiner un être humain. Aimerais-je établir une règle universelle stipulant qu’il n’y a pas de mal à tuer des êtres humains ? Si une telle règle universelle est mise en place, alors n’importe qui pourrait m’assassiner. Donc, il ne devrai pas exister de règle universelle autorisant le meurtre. D’où il s’ensuit que moi non plus, je ne devais pas tuer. » Pour le dire simplement, Kant reformule la règle d’or immémoriale : « Tout ce que vous voulez que les hommes fassent pour vous, faites-le de même pour eux » (Mathieu 7:12).
Cela semble une idée simpliste évidente : chacun de nous devrait se comporter de la manière dont il voudrait que tous les autres se comportent. Mais les idées qui semblent bonne dans le royaume éthéré de la philosophie ont souvent du mal à se transposer sur les terres rugueuses de l’histoire. La question clé que tout historien poserait à Kant est la suivante : quand vous parlez de règles universelles, quelle définition donnez-vous à cet adjectif ? C’est ce qu’on fait, par exemple, Wirathu et les autres extrémistes anti-Rohingyas. En que que moine bouddhiste, Wirathu était certainement opposé à l’idée universelle d’assassiner des humains. Mais il n’estimait pas que cette règle universelle s’appliquait lorsqu’on tuait des Rohingyas, considérés comme des sous-hommes. (…)
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Deuxième partie – Le réseau inorganique, chapitre 8 – Faillible : le réseau a souvent tort, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 334-335.
À mes yeux, Yuval Noah Harari perd toute crédibilité face au rôle de la philosophie dans l’histoire en nommant la discipline comme un « royaume », et ce royaume comme étant « éthéré » et qu’il soutient que les idées philosophiques « ont souvent du mal à se transposer sur les terres rugueuses de l’histoire ». La philosophie ne se compare pas et de loin avec un royaume où un roi gouvernent ses sujets. Aucun philosophe ne s’est imposé ou s’impose de nos jours comme un roi ou chef d’un royaume. Et la philosophie est loin de s’élever au-dessus des choses terrestres puisqu’elle elle-même reconnue comme un mode de vie.
Aussi, une question a retenu mon attention tout au long de ma lecture de NEXUS : quel rôle les réseaux d’information ont joué dans la propagation de la philosophie et, par conséquent, son influence sur l’histoire humaine ? NEXUS ne répond pas à cette question même si la philosophie constitue en soi un « nexus », un réseau d’information dont l’influence pèse lourd sur l’histoire de l’humanité depuis plus de deux milles ans. Et rares sont les réseaux d’information ayant ainsi entrer dans le langage populaire.
Livre numérique gratuit (PDF)
Charles Robin
Tous philosophes ?
L’inconscient philosophique
Saviez-vous qu’un enfant qui dit « Je n’ai pas fait exprès » manifestait en fait son adhésion à la morale déontologiste de Kant ?
Saviez-vous que le fait de dire « Je fais ce que je veux » traduisait un net penchant pour l’existentialisme de Sartre et son rejet du déterminisme ?
Saviez-vous enfin que quelqu’un qui vous disait « Je t’aime » était en réalité victime d’un stratagème de la nature ? Aimer, pour Schopenhauer, c’est d’abord vouloir… reproduire l’espèce !
Avant-propos
Honnie par les foules et combattue par les hommes de pouvoir, la philosophie est parfois obligée de trouver refuge dans les interstices du langage quotidien pour continuer à survivre. C’est de manière invisible (et imprévisible) qu’elle s’immisce dans nos paroles les plus triviales, au point, bien souvent, de nous laisser perplexes quant à la profondeur que certains esprits fantaisistes voudraient leur prêter.
Que notre lecteur soit prévenu : nous faisons partie de ces esprits-là !
Le langage est le véhicule de la philosophie, comme il est le véhicule de toute pensée qui cherche à s’exprimer. Sans langage, la pensée est pour ainsi dire réduite à l’isolement. Elle a besoin d’un canal de diffusion pour pouvoir se faire connaître et communiquer avec d’autres pensées. Le langage est ce canal.
C’est par les phrases que nous prononçons chaque jour que nous informons nos interlocuteurs sur notre personnalité philosophique : nos convictions, nos croyances, nos doutes, nos préjugés…
Lorsque nous formulons une opinion, aussi anodine puisse-t- elle nous sembler, c’est toute une conception philosophique que nous engageons avec elle. Y compris inconsciemment. Surtout inconsciemment.
La question du langage occupe une place centrale dans la psychanalyse, qui en fait l’un des supports de révélation privilégiés de
l’inconscient. S’il est vrai que nos mots peuvent parfois dépasser notre pensée, ils peuvent également la trahir en la faisant remonter à la surface de nos lèvres, contre son gré en quelque sorte. On citera ici un exemple bien connu, celui du lapsus (dit précisément révélateur pour cette raison) que les psychanalystes interprètent comme un symptôme de la pression exercée sur nos pensées par nos désirs refoulés dans l’inconscient.
C’est à dévoiler l’inconscient philosophique de nos petites phrases de tous les jours que ce livre souhaiterait contribuer.
Des petites phrases qui, à force d’être entendues et répétées autour de nous, finissent par ne plus susciter aucun questionnement de notre part. Des petites phrases que l’habitude a condamnées à
l’indifférence, alors qu’elles sont le miroir dans lequel se reflètent nos pensées les plus enracinées.
Lorsque nous prononçons une phrase aussi banale que « Je fais ce que je veux », sommes-nous vraiment sûrs d’en mesurer toutes les implications ? Avons-nous jamais réfléchi à ce que signifiait le fait de dire « Chacun sa vérité » quand notre intention était seulement de plaider pour le respect de la pluralité des opinions ? Comment expliquer l’appréhension qui accompagne si souvent les mots « Je t’aime » qui ne devraient théoriquement faire naître que bonheur et légèreté ? Tel est le type de réflexion auquel nous invitons notre lecteur.
Une réflexion sur ce que nos paroles révèlent sur notre époque et sur nous-mêmes, à l’heure où le sens des mots tend de plus en plus à se diluer dans la profusion des messages et le règne médiatique du slogan.
Pour conclure ce rapport de lecture, je retiens la proposition de Yuval Noah Harari à savoir le création d’un droit à l’explication lorsque la décision prise implique un algorithme opaque. L’auteur se réfère à L’affaire Loomis mettant en cause la peine prononcée contre l’accusée Eric Loomis par la Cour de justice de l’État du Wisconsin aux États-Unis.
L’affaire Loomis
Les fantômes de Descartes et de Grotius à l’assaut de la justice ? 1
Khaled DIKA – 20 avril 2020
Résumé : Nous présentons dans cet article l’affaire E. Loomis (State v. Loo- mis, 881 N.W.2d 749 (Wis. 2016)). Cette affaire a eu un grand retentissement à cause de l’utilisation dans l’instance d’un algorithme qui estime une probabilité de récidive et surtout à cause des conséquences dramatiques de cette utilisation. Nous parlons de l’algorithme secret de COMPAS et de son rôle au cœur de cette affaire. Nous présentons des analyses de plusieurs juristes qui ont conclu à une violation de droits fondamentaux dans l’affaire Loomis et nous apportons nos propres contributions à ce débat. Nous déconstruisons ensuite quelques dis- cours axés sur le caractère disruptif de l’usage des « nouvelles technologies » en montrant l’ancrage de ces discours dans des courants philosophiques du XVIIe siècle. Nous analysons l’éventualité d’un usage des algorithmes d’évaluation du risque de récidive dans une décision qui porte sur la libération conditionnelle, pour montrer le caractère non constitutionnel d’un tel usage hypothétique. Dans la conclusion nous plaidons l’importance des analyses relevant de la philosophie du droit pour mieux comprendre les enjeux de cette affaire et afin de ne pas restreindre les débats à des considérations techniques de « validité statistique » ou de performance d’un modèle.
Voir aussi : Clarisse Valmalette. L’algorithme de dangerosité pénale aux États-Unis : vers une érosion des droits fondamentaux du procès. Annuaire internationale de justice constitutionnelle, 2020, XXXV. https://hal.science/hal-03169476v1.
(…) Au début des années 2020, les citoyens de nombreux pays se voient régulièrement infliger des peines d’emprisonnement fondées en partie sur une évaluation des risques par des algorithmes auxquels ni les juges ni les accusés ne comprennent rien. Et encore, ces peines de prison ne sont que la partie émergée de l’iceberg.
Le droit à une explication
Outre les peines d’emprisonnement, les algorithmes jouent un rôle sans cesse plus important dans de nombreuses décisions nous concernant, certaines insignifiantes, d’autres à même de changer le cours d’une vie : nous admettre à l’université, nous offrir un travail, nous accorder de l’aide sociale ou un prêt. Ils contribuent également à déterminer quels traitements médicaux nous recevons, le montant de nos primes d’assurance, les actualités qui nous parviennent et qui pourrait vouloir sortir avec nous.
En confiant une proportions dans cesse croissante des décisions aux ordinateurs, les sociétés mettent en péril la viabilité même des mécanismes d’autocorrection démocratique, mais aussi de la transparence et de l’obligation de rendre des comptes propres à la démocratie. Comment des fonctionnaires élus pourraient-ils réglementer des algorithmes impénétrables ? La consécration d’un nouveau droit de l’homme est par conséquent de plus en plus réclamée : le droit à une explication. (…)
NOAH HARARI, Yuval, NEXUS – Une brève histoire des réseaux d’information de l’âge de pierre à l’IA, Troisième partie – Politique informatique, chapitre 9 – Démocraties : une conversation impossible ?, Édition Albin Michel, Paris, 2024, pp. 392-393.
Propriétés d’entreprises privées, les algorithmes sont des secrets commerciaux dont elles me veulent pas révéler la méthodologie, même lorsqu’il s’agit de décisions prisent par des administrations publiques sur la base de ces algorithmes. Je pense que le droit à une explication doit être précédé d’un droit à la divulgation et à l’identification de l’algorithme impliqué dans la décision qui nous concerne.
Témoignage de ma recherche personnelle au sujet de la philothérapie (philosophie + thérapie) ou, si vous préférez, de la pratique de la philosophie en clinique. Il s’agit de consultation individuel ou de groupe offert par un philosophe praticien pour nous venir en aide. Elle se distingue de la « psychothérapie » (psychologie + thérapie) en ce qu’elle utilise des ressources et des procédés et poursuit de objectifs propres à la philosophie. On peut aussi parler de « philosophie appliquée ».
La philothérapie gagne lentement mais sûrement en popularité grâce à des publications de plus en plus accessibles au grand public (voir l’Introduction de ce dossier).
L’un des titres tout en haut de la liste s’intitule « Platon, pas Prozac! » signé par Lou Marinoff paru en français en l’an 2000 aux Éditions Logiques. Ce livre m’a ouvert à la philothérapie.
L’auteur est professeur de philosophie au City College de New York, fondateur de l’Association américaine des praticiens de la philosophie (American Philosophical Practitioners Association) et auteurs de plusieurs livres.
Présentation du livre Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie suivie de mes commentaires de lecture.
Cet article présente et relate ma lecture du livre « Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai », de Laurence Bouchet aux Éditions Marabout. Malheureusement ce livre n’est plus disponible à la vente tel que mentionné sur le site web de l’éditeur. Heureusement on peut encore le trouver et l’acheter dans différentes librairies en ligne.
Le livre « La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence » de Madame Eugénie Vegleris aux Éditions Eyrolles se classe en tête de ma liste des meilleurs essais que j’ai lu à ce jour au sujet de la « philothérapie ».
À ce jour, tous les livres dont j’ai fait rapport de ma lecture dans ce dossier sont l’œuvre de philosophes consultants témoignant de leurs pratiques fondées sur le dialogue. Le livre « Guérir la vie par la philosophie » de Laurence Devillairs aux Presses universitaires de France (PUF) diffère des précédents parce que l’auteure offre à ses lecteurs une aide direct à la réflexion sur différents thèmes.
J’ai lu ce livre à reculons. J’ai appliqué les feins dès les premières pages. L’objectivité sociologique de l’auteur m’a déplu. Ce livre présente aux lecteurs des observations, que des observations. L’auteur n’en tire aucune conclusion.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il m’a révélé les coulisses de la quête du bonheur au cœur de notre société néo-libérale. Je savais que cette obsession du bonheur circulait au sein de la population, notamment par le biais des coach de vie et des agents de développement personnel, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle cachait une véritable industrie soutenue par une idéologie psychologisante. Jusque-là, je ne connaissais de cette industrie que le commerce des livres et la montée en puissance des coachs de vie dédiés à la recherche du bonheur.
J’ai adoré ce livre. Il est dense, très dense. On ne peut pas le lire comme un roman. Me voici enfin devant un auteur qui dit tout, où, quand, comment il observe, comment il pense, comment il chemine, comment il voit, comment il entend, comment il anticipe, comment il tire ses conclusions… Bref, un auteur qui expose son propre système de pensée dans un essai plus que formateur pour le nôtre.
La lecture du livre «La consultation philosophique» signé par le philosophe praticien Oscar Brenifier (voir article #11 de notre dossier «Consulter un philosophe – Quand la philosophie nous aide») nous apprend qu’il adresse un document à ses clients potentiels. J’ai écrit à monsieur Brenifier pour lui demander s’il pouvait me faire parvenir ce document.
Cet article présente et relate ma lecture du livre du «La philo-thérapie» de Éric Suárez, Docteur en philosophie de l’Université Laval (Québec), philosophe praticien (Lausanne), publié en 2007 aux Éditions Eyrolles. Ce livre traite de la consultation philosophique ou, si vous préférez, de la philo-thérapie, d’un point de vue pratique. En fait, il s’agit d’un guide pour le lecteur intéressé à acquérir sa propre approche du philosopher pour son bénéfice personnel. Éric Suárez rassemble dans son ouvrage vingt exemples de consultation philosophiques regroupés sous cinq grands thèmes : L’amour, L’image de soi, La famille, Le travail et le Deuil.
Ce livre se caractérise par l’humour de son auteur et se révèle ainsi très aisé à lire. D’ailleurs l’éditeur nous prédispose au caractère divertissant de ce livre en quatrième de couverture : «Étudier in extenso la pensée des grands théoriciens et en extraire un mode de réflexion agissant est une mission impossible pour l’honnête homme/femme. C’est pourquoi l’auteur de cet ouvrage aussi divertissant que sérieux propose des voies surprenantes au premier abord, mais qui se révèlent fort praticables à l’usage. L’une passe par la rencontre avec la vie et la personnalité du philosophe : la voie des affinités électives».
Référencé par un auteur à mon programme de lecture, le livre «La philosophie comme manière de vivre» m’a paru important à lire. Avec un titre aussi accrocheur, je me devais de pousser plus loin ma curiosité. Je ne connaissais pas l’auteur Pierre Hadot : «Pierre Hadot (né à Paris, le 21 février 1922, et mort à Orsay, le 24 avril 20101) est un philosophe, historien et philologue français, spécialiste de l’Antiquité, profond connaisseur de la période hellénistique et en particulier du néoplatonisme et de Plotin. Pierre Hadot est l’auteur d’une œuvre développée notamment autour de la notion d’exercice spirituel et de la philosophie comme manière de vivre.» (Source : Wikipédia)
Jeanne Hersch, éminente philosophe genevoise, constate une autre rupture encore, celle entre le langage et la réalité : « Par-delà l’expression verbale, il n’y a pas de réalité et, par conséquent, les problèmes ont cessé de se poser (…). Dans notre société occidentale, l’homme cultivé vit la plus grande partie de sa vie dans le langage. Le résultat est qu’il prend l’expression par le langage pour la vie même. » (L’étonnement philosophique, Jeanne Hersch, Éd. Gallimard.) / On comprend par là qu’aujourd’hui l’exercice du langage se suffit à lui-même et que, par conséquent, la philosophie se soit déconnectée des problèmes de la vie quotidienne.» Source : La philosophie, un art de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021, Préface, p. 9.
J’ai trouvé mon bonheur dès l’Avant-propos de ce livre : «Laura Candiotto, en insistant sur le rôle joué par les émotions dans le dialogue socratique ancien et sur l’horizon éthique de celui-ci, vise à justifier théoriquement un «dialogue socratique intégral», c’est-à-dire une pratique du dialogue socratique qui prend en compte des émotions pour la connaissance.» Enfin, ai-je pensé, il ne s’agit plus de réprimer les émotions au profit de la raison mais de les respecter dans la pratique du dialogue socratique. Wow ! Je suis réconforté à la suite de ma lecture et de mon expérience avec Oscar Brenifier dont j’ai témoigné dans les articles 11 et 12 de ce dossier.
Lou Marinoff occupe le devant de la scène mondiale de la consultation philosophique depuis la parution de son livre PLATON, PAS PROJAC! en 1999 et devenu presque’intantément un succès de vente. Je l’ai lu dès sa publication avec beaucoup d’intérêt. Ce livre a marqué un tournant dans mon rapport à la philosophie. Aujourd’hui traduit en 27 langues, ce livre est devenu la bible du conseil philosophique partout sur la planète. Le livre dont nous parlons dans cet article, « La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence », est l’une des 13 traductions du titre original « The Big Questions – How Philosophy Can Change Your Life » paru en 2003.
J’ai acheté et lu « S’aider soi-même » de Lucien Auger parce qu’il fait appel à la raison : « Une psychothérapie par la raison ». Les lecteurs des articles de ce dossier savent que je priorise d’abord et avant tout la philothérapie en place et lieu de la psychothérapie. Mais cette affiliation à la raison dans un livre de psychothérapie m’a intrigué. D’emblée, je me suis dit que la psychologie tentait ici une récupération d’un sujet normalement associé à la philosophie. J’ai accepté le compromis sur la base du statut de l’auteur : « Philosophe, psychologue et professeur ». « Il est également titulaire de deux doctorats, l’un en philosophie et l’autre en psychologie » précise Wikipédia. Lucien Auger était un adepte de la psychothérapie émotivo-rationnelle créée par le Dr Albert Ellis, psychologue américain. Cette méthode trouve son origine chez les stoïciens dans l’antiquité.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.
Dans la première partie de ce rapport de lecture du livre « Penser par soi-même – Initiation à la philosophie » de Michel Tozzi, je vous recommandais fortement la lecture de ce livre : « J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.» Je suis dans l’obligation d’ajouter cette deuxième partie à mon rapport de lecture de ce livre en raison de ma relecture des chapitres 6 et suivants en raison de quelques affirmations de l’auteur en contradiction avec ma conception de la philosophie.
J’accorde au livre Agir et penser comme Nietzsche de Nathanaël Masselot cinq étoiles sur cinq. Aussi facile à lire qu’à comprendre, ce livre offre aux lecteurs une excellente vulgarisation de la philosophie de Friedricha Wilhelm Nietzsche. On ne peut pas passer sous silence l’originalité et la créativité de l’auteur dans son invitation à parcourir son œuvre en traçant notre propre chemin suivant les thèmes qui nous interpellent.
Tout commence avec une entrevue de Myriam Revault d’Allonnes au sujet de son livre LA FAIBLESSE DU VRAI à l’antenne de la radio et Radio-Canada dans le cadre de l’émission Plus on de fous, plus on lit. Frappé par le titre du livre, j’oublierai le propos de l’auteur pour en faire la commande à mon libraire.
Le développement personnel fourmille de personnes de tout acabit qui se sont improvisées conseillers, coachs, thérapeutes, conférenciers, essayistes, formateurs… et auxquelles s’ajoutent des praticiens issus des fausses sciences, notamment, divinatoires et occultes, des médecines et des thérapies alternatives. Bref, le développement personnel attire toute sorte de monde tirant dans toutes les directions.
Je n’aime pas cette traduction française du livre How we think de John Dewey. « Traduit de l’anglais (États-Unis) par Ovide Decroly », Comment nous pensons parait aux Éditions Les empêcheurs de penser en rond / Seuil en 2004. – Le principal point d’appui de mon aversion pour traduction française repose sur le fait que le mot anglais « belief » est traduit par « opinion », une faute majeure impardonnable dans un livre de philosophie, et ce, dès les premiers paragraphes du premier chapitre « Qu’entend-on par penser ? »
Hier j’ai assisté la conférence Devenir philothérapeute : une conférence de Patrick Sorrel. J’ai beaucoup aimé le conférencier et ses propos. J’ai déjà critiqué l’offre de ce philothérapeute. À la suite de conférence d’hier, j’ai changé d’idée puisque je comprends la référence de Patrick Sorrel au «système de croyance». Il affirme que le «système de croyance» est une autre expression pour le «système de penser». Ce faisant, toute pensée est aussi une croyance.
J’éprouve un malaise face à la pratique philosophique ayant pour objectif de faire prendre conscience aux gens de leur ignorance, soit le but poursuivi par Socrate. Conduire un dialogue avec une personne avec l’intention inavouée de lui faire prendre conscience qu’elle est ignorante des choses de la vie et de sa vie repose sur un présupposé (Ce qui est supposé et non exposé dans un énoncé, Le Robert), celui à l’effet que la personne ne sait rien sur le sens des choses avant même de dialoguer avec elle. On peut aussi parler d’un préjugé philosophique.
Si votre opinion est faite et que vous n’êtes pas capable d’en déroger, vous êtes prisonnier de votre opinion. Si votre opinion est faite et que vous êtes ouvert à son évolution ou prêt à l’abandonner pour une autre, vous êtes prisonnier de l’opinion. Si votre opinion compte davantage en valeur et en vérité que les faits, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si votre opinion est la seule manière d’exprimer vos connaissances, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous pensez que l’opinion est le seul résultat de votre faculté de penser, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous prenez vos opinion pour vraies, vous êtes prisonnier de vos opinions.
J’ai mis beaucoup de temps à me décider à lire « La pratique philosophique » de Jérôme Lecoq. L’auteur est un émule d’Oscar Brenifier, un autre praticien philosophe. J’ai vécu l’enfer lors de mes consultations philosophiques avec Oscar Brenifier. Ainsi toute association de près ou de loin avec Oscar Brenifier m’incite à la plus grande des prudences. Jérôme Lecoq souligne l’apport d’Oscar Brenifier dans les Remerciements en première page de son livre « La pratique philosophique ».
Quelle est la différence entre « savoir » et « connaissance » ? J’exprime cette différence dans l’expression « Je sais parce que je connais ». Ainsi, le savoir est fruit de la connaissance. Voici quatre explications en réponse à la question « Quelle est la différence entre savoir et connaissance ? ».
J’ai décidé de publier les informations au sujet des styles interpersonnels selon Larry Wilson parce que je me soucie beaucoup de l’approche de la personne en consultation philosophique. Il m’apparaît important de déterminer, dès le début de la séance de philothérapie, le style interpersonnel de la personne. Il s’agit de respecter la personnalité de la personne plutôt que de la réprimer comme le font les praticiens socratiques dogmatiques. J’ai expérimenté la mise en œuvre de ces styles inter-personnels avec succès.
Le livre « La confiance en soi – Une philosophie » de Charles Pépin se lit avec une grande aisance. Le sujet, habituellement dévolue à la psychologie, nous propose une philosophie de la confiance. Sous entendu, la philosophie peut s’appliquer à tous les sujets concernant notre bien-être avec sa propre perspective.
J’ai vécu une sévère répression de mes émotions lors deux consultations philosophiques personnelles animées par un philosophe praticien dogmatique de la méthode inventée par Socrate. J’ai témoigné de cette expérience dans deux de mes articles précédents dans ce dossier.
Vouloir savoir être au pouvoir de soi est l’ultime avoir / Le voyage / Il n’y a de repos que pour celui qui cherche / Il n’y a de repos que pour celui qui trouve / Tout est toujours à recommencer
Que se passe-t-il dans notre système de pensée lorsque nous nous exclamons « Ah ! Là je comprends » ? Soit nous avons eu une pensée qui vient finalement nous permettre de comprendre quelque chose. Soit une personne vient de nous expliquer quelque chose d’une façon telle que nous la comprenons enfin. Dans le deux cas, il s’agit d’une révélation à la suite d’une explication.
Âgé de 15 ans, je réservais mes dimanches soirs à mes devoirs scolaires. Puis j’écoutais l’émission Par quatre chemins animée par Jacques Languirand diffusée à l’antenne de la radio de Radio-Canada de 20h00 à 22h00. L’un de ces dimanches, j’ai entendu monsieur Languirand dire à son micro : « La lumière entre par les failles».
Le succès d’une consultation philosophique (philothérapie) repose en partie sur la prise en compte des biais cognitifs, même si ces derniers relèvent avant tout de la psychologie (thérapie cognitive). Une application dogmatique du dialogue socratique passe outre les biais cognitifs, ce qui augmente les risques d’échec.
Depuis mon adolescence, il y a plus de 50 ans, je pense qu’il est impossible à l’Homme d’avoir une conscience pleine et entière de soi et du monde parce qu’il ne la supporterait pas et mourrait sur le champ. Avoir une pleine conscience de tout ce qui se passe sur Terre et dans tout l’Univers conduirait à une surchauffe mortelle de notre corps. Il en va de même avec une pleine conscience de soi et de son corps.
Le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre français, a été interrogé par la journaliste Pascale Senk du quotidien Le Figaro au sujet de son livre Savoir se taire, savoir parler, coécrit avec Laurent Carouana et paru en 2017. Le titre de l’article a retenu mon attention : Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole».
Reproduction de l’article « Comment dialoguer de manière constructive ? », un texte de Julien Lecomte publié sur son site web PHILOSOPHIE, MÉDIAS ET SOCIÉTÉ. https://www.philomedia.be/. Echanger sur des sujets de fond est une de mes passions. Cela fait plusieurs années que je m’interroge sur les moyens de faire progresser la connaissance, d’apprendre de nouvelles choses. Dans cet article, je reviens sur le cheminement qui m’anime depuis tout ce temps, pour ensuite donner des pistes sur les manières de le mettre en pratique concrètement.
Dans le récit initiatique, il s’agit de partir du point A pour aller au point B afin que le lecteur ou l’auditeur chemine dans sa pensée vers une révélation permettant une meilleure compréhension de lui-même et/ou du monde. La référence à la spirale indique une progression dans le récit où l’on revient sur le même sujet en l’élargissant de plus en plus de façon à guider la pensée vers une nouvelle prise de conscience. Souvent, l’auteur commence son récit en abordant un sujet d’intérêt personnel (point A) pour évoluer vers son vis-à-vis universel (point B). L’auteur peut aussi se référer à un personnage dont il fait évoluer la pensée.
Cet article présente un état des lieux de la philothérapie (consultation philosophique) en Europe et en Amérique du Nord. Après un bref historique, l’auteur se penche sur les pratiques et les débats en cours. Il analyse les différentes publications, conférences et offres de services des philosophes consultants.
J’ai découvert le livre « L’erreur de Descartes » du neuropsychologue Antonio R. Damasio à la lecture d’un autre livre : L’intelligence émotionnelle de Daniel Goleman. L’édition originale de ce livre est parue en 1995 en anglais et j’ai lu la traduction française à l’été 1998 parue un an auparavant chez Robert Laffont. Diplômé de l’université Harvard et docteur en psychologie clinique et développement personnel, puis journaliste au New York Times, où il suit particulièrement les sciences du comportement, Daniel Goleman nous informe dans son livre « L’intelligence émotionnel » au sujet de la découverte spectaculaire pour ne pas dire révolutionnaire de Antonio R. Damasio à l’effet que la raison a toujours besoin d’un coup des émotions pour prendre des décisions. Jusque-là, il était coutume de soutenir que les émotions perturbaient la raison, d’où l’idée de les contrôler.
Ma lecture du livre ÉLOGE DE LA PRATIQUE PHILOSOPHIQUE de la philosophe praticienne SOPHIE GEOFFRION fut agréable et fort utile. Enfin, un ouvrage court ou concis (le texte occupe 65 des 96 pages du livre), très bien écrit, qui va droit au but. La clarté des explications nous implique dans la compréhension de la pratique philosophique. Bref, voilà un éloge bien réussi. Merci madame Geoffrion de me l’avoir fait parvenir.
Dans cet article, je m’interroge à savoir la consultation philosophique doit s’attarder à l’opinion ou au système pensée du client. OPINION – Le philosophe praticien cible l’opinion de son client en vue de démontrer l’ignorance sur laquelle elle repose et, par conséquent, l’absence de valeur de vérité qu’elle recèle. Cette pratique repose sur le « questionnement philosophique ».
Dans son livre « Sentir et savoir », Antonio Damasio propose « Une nouvelle théorie de la conscience ». Il démontre que la conscience ne peut pas exister sans le corps. Il identifie dans le corps la capacité de sentir comme préalable à la conscience.
Un si petit livre, seulement 46 pages et en format réduit, mais tellement informatif. Une preuve de plus qu’il ne faut se fier aux apparences. Un livre signé ROBERT REDEKER, agrégé de philosophie originaire de la France, connaît fort bien le sujet en titre de son œuvre : DÉPRESSION ET PHILOSOPHIE.
La plupart des intervenants en psychologie affirment des choses. Ils soutiennent «C’est comme ceci» ou «Vous êtes comme cela». Le lecteur a le choix de croire ou de ne pas croire ce que disent et écrivent les psychologues et psychiatres. Nous ne sommes pas invités à réfléchir, à remettre en cause les propos des professionnels de la psychologie, pour bâtir notre propre psychologie. Le lecteur peut se reconnaître ou pas dans ces affirmations, souvent catégoriques. Enfin, ces affirmations s’apparentent à des jugements. Le livre Savoir se taire, savoir dire de Jean-Christophe Seznec et Laurent Carouana ne fait pas exception.
Chapitre 1 – La mort pour commencer – Contrairement au philosophe Fernando Savater dans PENSER SA VIE – UNE INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE, je ne définie pas la vie en relation avec la mort, avec son contraire. Je réfléchie et je parle souvent de la mort car il s’agit de l’un de mes sujets préféré depuis mon adolescence. Certaines personnes de mon entourage pensent et affirment que si je parle aussi souvent de la mort, c’est parce que j’ai peur de mourir. Or, je n’ai aucune peur de la mort, de ma mort, de celles de mes proches. Je m’inquiète plutôt des conséquences de la mort sur ceux et celles qui restent, y compris sur moi-même.
À la lumière du documentaire LE SOLEIL ET DES HOMMES, notamment l’extrait vidéo ci-dessus, je ne crois plus au concept de race. Les différences physiques entre les hommes découlent de l’évolution naturelle et conséquente de nos lointains ancêtres sous l’influence du soleil et de la nature terrestre, et non pas du désir du soleil et de la nature de créer des races. On sait déjà que les races et le concept même de race furent inventés par l’homme en se basant sur nos différences physiques. J’abandonne donc la définition de « race » selon des critères morphologiques…
Dans le cadre de notre dossier « Consulter un philosophe », la publication d’un extrait du mémoire de maîtrise « Formation de l’esprit critique et société de consommation » de Stéphanie Déziel s’impose en raison de sa pertinence. Ce mémoire nous aide à comprendre l’importance de l’esprit critique appliqué à la société de consommation dans laquelle évoluent, non seule les jeunes, mais l’ensemble de la population.
Je reproduis ci-dessous une citation bien connue sur le web au sujet de « la valeur de la philosophie » tirée du livre « Problèmes de philosophie » signé par Bertrand Russell en 1912. Mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique, Bertrand Russell soutient que la valeur de la philosophie réside dans son incertitude. À la suite de cette citation, vous trouverez le texte de Caroline Vincent, professeur de philosophie et auteure du site web « Apprendre la philosophie » et celui de Gabriel Gay-Para tiré se son site web ggpphilo. Des informations tirées de l’Encyclopédie Wikipédia au sujet de Bertrand Russell et du livre « Problèmes de philosophie » et mon commentaire complètent cet article.
Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil; et, s’ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système ni un lit. Ne vous lassez pas d’examiner et de comprendre. (…) Lisez, écoutez, discutez, jugez; ne craignez pas d’ébranler des systèmes; marchez sur des ruines, restez enfants. (…) Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui; vous avez compris, en l’écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l’aune, et que les conclusions ne sont pas l’important; restez éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n’est point mort; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s’asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n’est point mort; Socrate n’est point vieux. (…) – Alain, (Emile Charrier), Vigiles de l’esprit.
Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».
J’accorde à ce livre trois étoiles sur cinq. Le titre « Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs » a attiré mon attention. Et ce passage du texte en quatrième de couverture m’a séduit : «En proposant une voyage philosophique à travers l’histoire des émotions, Iaria Gaspari bouscule les préjugés sur notre vie émotionnelle et nous invite à ne plus percevoir nos d’états d’âme comme des contrainte ». J’ai décidé de commander et de lire ce livre. Les premières pages m’ont déçu. Et les suivantes aussi. Rendu à la moitié du livre, je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agissait d’un témoignage de l’auteure, un témoignage très personnelle de ses propres difficultés avec ses émotions. Je ne m’y attendais pas, d’où ma déception. Je rien contre de tels témoignages personnels qu’ils mettent en cause la philosophie, la psychologie, la religion ou d’autres disciplines. Cependant, je préfère et de loin lorsque l’auteur demeure dans une position d’observateur alors que son analyse se veut la plus objective possible.
Tout repose sur le Savoir. L’expérience personnelle et/ou professionnelle qu’on fait du Savoir, après en avoir pris conscience, se retrouve à la base des Connaissances que nous possédons. Les Opinions expriment des Jugements des connaissances et inspirent souvent les Croyances.
La philosophie, mère de toutes les sciences, recherche la sagesse et se définie comme l’Amour de la Sagesse. La sagesse peut être atteinte par la pensée critique et s’adopte comme Mode de vie. • La philosophie soutient la Science et contribue à la naissance et au développement de la méthode scientifique, notamment avec l’épistémologie.
La philothérapie, principale pratique de la philosophie de nos jours, met sans cesse de l’avant les philosophes de l’Antiquité et de l’époque Moderne. S’il faut reconnaître l’apport exceptionnel de ces philosophes, j’ai parfois l’impression que la philothérapie est prisonnière du passé de la philosophie, à l’instar de la philosophie elle-même.
Au Québec, la seule province canadienne à majorité francophone, il n’y a pas de tradition philosophique populaire. La philosophie demeure dans sa tour universitaire. Très rares sont les interventions des philosophes québécois dans l’espace public, y compris dans les médias, contrairement, par exemple, à la France. Et plus rares encore sont les bouquins québécois de philosophie en tête des ventes chez nos libraires. Seuls des livres de philosophes étrangers connaissent un certain succès. Bref, l’espace public québécois n’offre pas une terre fertile à la Philosophie.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il me permet d’en apprendre beaucoup plus sur la pensée scientifique telle que pratiquée par de grands scientifiques. L’auteur, Nicolas Martin, propose une œuvre originale en adressant les mêmes questions, à quelques variantes près, à 17 grands scientifiques.
Cet article répond à ce commentaire lu sur LinkedIn : « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique est indispensable. » Il m’apparaît impossible de viser « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique » et de prétendre que cet équilibre entre les trois disciplines soit « indispensable ». D’une part, le développement personnel est devenu un véritable fourre-tout où l’ivraie et le bon grain se mélangent sans distinction, chacun avançant sa recette à l’aveugle.
En ne s’unissant pas au sein d’une association nationale professionnelle fixant des normes et des standards à l’instar des philosophes consultants ou praticiens en d’autres pays, ceux de la France nous laissent croire qu’ils n’accordent pas à leur disciple tout l’intérêt supérieur qu’elle mérite. Si chacun des philosophes consultants ou praticiens français continuent de s’affairer chacun dans son coin, ils verront leur discipline vite récupérée à mauvais escient par les philopreneurs et la masse des coachs.
“ Après les succès d’Épicure 500 vous permettant de faire dix repas par jour sans ballonnements, après Spinoza 200 notre inhibiteur de culpabilité, les laboratoires Laron, vous proposent Philonium 3000 Flash, un médicament révolutionnaire capable d’agir sur n’importe quelle souffrance physique ou mentale : une huile essentielle d’Heidegger pour une angoisse existentielle, une substance active de Kant pour une douleur morale…. Retrouvez sagesse et vitalité en un instant ”, s’amusaient les chroniqueurs radio de France Inter dans une parodie publicitaire diffusée à l’occasion d’une émission ayant pour thème : la philosophie peut-elle soigner le corps ?
J’attribue quatre étoiles sur cinq à ce livre. Les lecteurs assidus de mes articles connaissent fort bien ma position plus que défavorable face au développement personnel. À l’instar de Thiery Jobard, je suis contre le développement personnel. Je qualifie le développement personnel d’arnaque extrêmement dangereuse pour ses adeptes et notre société.
Le philothérapeute (philosophe consultant ou philosophe praticien) a l’obligation de très bien connaître le contexte dans lequel évolue son client. Le développement de l’esprit critique de ce client passe inévitablement par une prise de conscience de sa cognition en vue de comprendre comment il connaît. Si, dès le départ, le client n’a pas conscience de son mode de pensées, il lui sera difficile de participer activement au dialogue avec son philothérapeute. L’objectif primaire du philosophe consultant demeure de déceler et de corriger les biais cognitifs de son client avant même d’abord une question philosophique. Bref, si la »machine à pensée » du client est corrompu par des «virus cognitifs », une «réinitialisation » s’impose en début de séance de consultation.
Dans son livre « Développement (im) personnel, Julia de Funès, docteure en philosophie, soutient que le développement personnel offre la même recette à tous et qu’à ce titre il ne peut donc pas se qualifier sa démarche de « personnel ». Selon ma compréhension, le développement personnel devrait mettre de l’avant un développement personnalisé, c’est-à-dire adapté à chaque individu intéressé pour se targuer d’être personnel.
Mon intérêt pour la pensée scientifique remonte à plus de 25 ans. Alors âgé d’une quarantaine d’année, PDG d’une firme d’étude des motivations d’achat des consommateurs, je profite des enseignements et de l’étude du processus scientifique de différentes sources. Je me concentre vite sur l’épistémologie…
Ce livre m’a déçu en raison de la faiblesse de sa structure indigne de son genre littéraire, l’essai. L’auteur offre aux lecteurs une foule d’information mais elle demeure difficile à suivre en l’absence de sous-titres appropriés et de numérotation utile pour le repérage des énumérations noyés dans un style plus littéraire qu’analytique.
En l’absence d’une association d’accréditation des philothérapeutes, philosophes consultants ou praticiens en francophonie, il est difficile de les repérer. Il ne nous reste plus que de nombreuses recherches à effectuer sur le web pour dresser une liste, aussi préliminaire soit-elle. Les intervenants en philothérapie ne se présentent pas tous sous la même appellation : « philothérapeute », « philosophe consultant » ou « philosophe praticien » « conseiller philosophique » « philosophe en entreprise », « philosophe en management » et autres.
J’ai lu le livre GUÉRIR L’IMPOSSIBLE en me rappelant à chaque page que son auteur, Christopher Laquieze, est à la fois philosophe et thérapeute spécialisé en analyse comportementale. Pourquoi ? Parce que ce livre nous offre à la fois un voyage psychologique et philosophique, ce à quoi je ne m’attendais pas au départ. Ce livre se présente comme « Une philosophie pour transformer nous souffrances en forces ». Or, cette philosophie se base davantage sur la psychologie que la philosophie. Bref, c’est le « thérapeute spécialisé en analyse comportementale » qui prend le dessus sur le « philosophe ».
Nathaniel Masselot maîtrise fort bien son écriture visiblement axée sur son accessibilité et sa compréhension par tous. Loin de la vulgarisation simpliste, l’auteur nous parle comme nous parlons. Loin de l’écriture hermétique, l’auteur n’a pas la tête dans les nuages et isolé dans une tour surplombant la société; il marche auprès de nous. Avec ses références à l’actualité, il campe son lecteur dans la réalité quotidienne où il évolue.
Ma lecture de ce livre m’a procuré beaucoup de plaisir et de bonheur. Je recherche dans mes lectures les auteurs et les œuvres permettant aux lecteurs d’évoluer de prise de conscience en prise de conscience de la première à la dernière page, de ne plus être le même à la fin de la lecture. Et c’est ce que les lecteurs vivront à la lecture de ce livre.
Je n’ai pas aimé ce livre parce que son titre, LES PHILO-COGNITIFS, se réfère à la philosophie sans pour autant faire un traitement philosophique de son sujet. Mon achat reposait entièrement sur le titre de ce livre et je m’attendais à un livre de philosophie. Mais il s’agit d’un livre de psychologie. Mon achat fut intuitif. J’avais pleinement confiance dans l’usage du mot « PHILO » en titre d’un ouvrage pour que ce dernier ne puisse traiter d’un autre sujet que philosophique. Mais ce n’est pas le cas.
À l’instar de ma lecture précédente (Qu’est-ce que la philosophie ? de Michel Meyer), le livre PRÉSENTATIONS DE LA PHILOSOPHIE du philosophe ANDRÉ COMTE-SPONVILLE m’a plu parce qu’il met en avant les bases mêmes de la philosophie et, dans ce cas précis, appliquées à une douzaine de sujets…
J’ai dévoré le livre LES THÉORIES DE LA CONNAISSANCE par JEAN-MICHEL BESNIER avec un grand intérêt puisque la connaissance de la connaissance me captive. Amateur d’épistémologie, ce livre a satisfait une part de ma curiosité. Évidemment, je n’ai pas tout compris et une seule lecture suffit rarement à maîtriser le contenu d’un livre traitant de l’épistémologie, notamment, de son histoire enchevêtrée de différents courants de pensée, parfois complémentaires, par opposés. Jean-Michel Besnier dresse un portrait historique très intéressant de la quête philosophique pour comprendre la connaissance elle-même.
Ce livre n’était pas pour moi en raison de l’érudition des auteurs au sujet de la philosophie de connaissance. En fait, contrairement à ce que je croyais, il ne s’agit d’un livre de vulgarisation, loin de là. J’ai décroché dès la seizième page de l’Introduction générale lorsque je me suis buté à la première équation logique. Je ne parviens pas à comprendre de telles équations logiques mais je comprends fort bien qu’elles soient essentielles pour un tel livre sur-spécialisé. Et mon problème de compréhension prend racine dans mon adolescence lors des études secondaires à l’occasion du tout premier cours d’algèbre. Littéraire avant tout, je n’ai pas compris pourquoi des « x » et « y » se retrouvaient dans des équations algébriques. Pour moi, toutes lettres de l’alphabet relevaient du littéraire. Même avec des cours privés, je ne comprenais toujours pas. Et alors que je devais choisir une option d’orientation scolaire, j’ai soutenu que je voulais une carrière fondée sur l’alphabet plutôt que sur les nombres. Ce fut un choix fondé sur l’usage des symboles utilisés dans le futur métier ou profession que j’allais exercer. Bref, j’ai choisi les sciences humaines plutôt que les sciences pures.
Quelle agréable lecture ! J’ai beaucoup aimé ce livre. Les problèmes de philosophie soulevés par Bertrand Russell et les réponses qu’il propose et analyse étonnent. Le livre PROBLÈMES DE PHILOSOPHIE écrit par BERTRAND RUSSELL date de 1912 mais demeure d’une grande actualité, du moins, selon moi, simple amateur de philosophie. Facile à lire et à comprendre, ce livre est un «tourne-page» (page-turner).
La compréhension de ce recueil de chroniques signées EUGÉNIE BASTIÉ dans le quotidien LE FIGARO exige une excellence connaissance de la vie intellectuelle, politique, culturelle, sociale, économique et de l’actualité française. Malheureusement, je ne dispose pas d’une telle connaissance à l’instar de la majorité de mes compatriotes canadiens et québécois. J’éprouve déjà de la difficulté à suivre l’ensemble de l’actualité de la vie politique, culturelle, sociale, et économique québécoise. Quant à la vie intellectuelle québécoise, elle demeure en vase clos et peu de médias en font le suivi. Dans ce contexte, le temps venu de prendre connaissance de la vie intellectuelle française, je ne profite des références utiles pour comprendre aisément. Ma lecture du livre LA DICTATURE DES RESSENTIS d’EUGÉNIE BASTIÉ m’a tout de même donné une bonne occasion de me plonger au cœur de cette vie intellectuelle française.
À titre d’éditeur, je n’ai pas aimé ce livre qui n’en est pas un car il n’en possède aucune des caractéristiques professionnelles de conceptions et de mise en page. Il s’agit de la reproduction d’un texte par Amazon. Si la première de couverture donne l’impression d’un livre standard, ce n’est pas le cas des pages intérieures du… document. La mise en page ne répond pas aux standards de l’édition française, notamment, en ne respectant pas les normes typographiques.
J’ai lu avec un grand intérêt le livre LE CHANGEMENT PERSONNEL sous la direction de NICOLAS MARQUIS. «Cet ouvrage a été conçu à partir d’articles tirés du magazine Sciences Humaines, revus et actualisés pour la présente édition ainsi que de contributions inédites. Les encadrés non signés sont de la rédaction.» J’en recommande vivement la lecture pour son éruditions sous les aspects du changement personnel exposé par différents spécialistes et experts tout aussi captivant les uns les autres.
À la lecture de ce livre fort intéressent, j’ai compris pourquoi j’ai depuis toujours une dent contre le développement personnel et professionnel, connu sous le nom « coaching ». Les intervenants de cette industrie ont réponse à tout, à toutes critiques. Ils évoluent dans un système de pensée circulaire sans cesse en renouvellement créatif voire poétique, système qui, malheureusement, tourne sur lui-même. Et ce type de système est observable dans plusieurs disciplines des sciences humaines au sein de notre société où la foi en de multiples opinions et croyances s’exprime avec une conviction à se donner raison. Les coachs prennent pour vrai ce qu’ils pensent parce qu’ils le pensent. Ils sont dans la caverne de Platon et ils nous invitent à les rejoindre.
Ce petit livre d’une soixantaine de pages nous offre la retranscription de la conférence « À QUOI SERT LA PHILOSOPHIE ? » animée par Marc Sautet, philosophe ayant ouvert le premier cabinet de consultation philosophique en France et également fondateur des Cafés Philo en France.
L’essai RAVIVER DE L’ESPRIT EN CE MONDE – UN DIAGNOSTIC CONTEMPORAIN par FRANÇOIS JULLIEN chez les Éditions de l’Observatoire, parue en 2023, offre aux lecteurs une prise de recul philosophique révélatrice de notre monde. Un tel recul est rare et fort instructif.
La philosophie a pour but l’adoption d’un mode de vie sain. On parle donc de la philosophie comme un mode de vie ou une manière de vivre. La philosophie ne se possède pas, elle se vit. La philosophie souhaite engendrer un changement de comportement, d’un mode de vie à celui qu’elle propose. Il s’agit ni plus ni moins d’enclencher et de soutenir une conversion à la philosophie.
La lecture de cet essai fut très agréable, instructive et formatrice pour l’amateur de philosophie que je suis. Elle s’inscrit fort bien à la suite de ma lecture de « La philosophie comme manière de vivre » de Pierre Habot (Entretiens avec Jeanne Cartier et Arnold I Davidson, Le livre de poche – Biblio essais, Albin Michel, 2001).
La lecture du livre Les consolations de la philosophie, une édition en livre de poche abondamment illustrée, fut très agréable et instructive. L’auteur Alain de Botton, journaliste, philosophe et écrivain suisse, nous adresse son propos dans une langue et un vocabulaire à la portée de tous.
L’Observatoire de la philothérapie a consacré ses deux premières années d’activités à la France, puis à la francophonie. Aujourd’hui, l’Observatoire de la philothérapie s’ouvre à d’autres nations et à la scène internationale.
Certaines personnes croient le conseiller philosophique intervient auprès de son client en tenant un « discours purement intellectuel ». C’est le cas de Dorothy Cantor, ancienne présidente de l’American Psychological Association, dont les propos furent rapportés dans The Philosophers’ Magazine en se référant à un autre article parue dans The New York Times.
Nathaniel Masselot maîtrise fort bien son écriture visiblement axée sur son accessibilité et sa compréhension par tous. Loin de la vulgarisation simpliste, l’auteur nous parle comme nous parlons. Loin de l’écriture hermétique, l’auteur n’a pas la tête dans les nuages et isolé dans une tour surplombant la société; il marche auprès de nous. Avec ses références à l’actualité, il campe son lecteur dans la réalité quotidienne où il évolue.
De lecture agréable et truffé d’humour, le livre ÊTES-VOUS SÛR D’AVOIR RAISON ? de GILLES VERVISCH, agrégé de philosophie, pose la question la plus embêtante à tous ceux qui passent leur vie à se donner raison.
Dans un article intitulé « Se retirer du jeu » et publié sur son site web Dialogon, le philosophe praticien Jérôme Lecoq, témoigne des « résistances simultanées » qu’il rencontre lors de ses ateliers, « surtout dans les équipes en entreprise » : « L’animation d’un atelier de “pratique philosophique” implique que chacun puisse se « retirer de soi-même », i.e. abandonner toute volonté d’avoir raison, d’en imposer aux autres, de convaincre ou persuader autrui, ou même de se “faire valider” par les autres. Vous avez une valeur a priori donc il n’est pas nécessaire de l’obtenir d’autrui. » (LECOQ, Jérôme, Se retirer du jeu, Dialogon, mai 2024.)
« Jaspers incarne, en Allemagne, l’existentialisme chrétien » peut-on lire en quatrième de couverture de son livre INTRODUCTION À PHILOSOPHIE. Je ne crois plus en Dieu depuis vingt ans. Baptisé et élevé par défaut au sein d’une famille catholique qui finira pas abandonner la religion, marié protestant, aujourd’hui J’adhère à l’affirmation d’un ami philosophe à l’effet que « Toutes les divinités sont des inventions humaines ». Dieu est une idée, un concept, rien de plus, rien de moins. / Dans ce contexte, ma lecture de l’œuvre INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE de KARL JASPERS fut quelque peu contraignante à titre d’incroyant. Je me suis donc concentré sur les propos de JASPERS au sujet de la philosophie elle-même.
« La philosophie a gouverné toute la vie de notre époque dans ses traits les plus typiques et les plus importants » (LAMBERTY, Max, Le rôle social des idées, Chapitre premier – La souveraineté des idées ou La généalogie de notre temps, Les Éditions de la Cité Chrétienne (Bruxelles) / P. Lethielleux (Paris), 1936, p. 41) – la démonstration du rôle social des idées par Max Lamberty doit impérativement se poursuivre de nos jours en raison des défis qui se posent à nous, maintenant et demain, et ce, dans tous les domaines. – Et puisque les idées philosophiques mènent encore et toujours le monde, nous nous devons d’interroger le rôle social des idées en philosophie pratique. Quelle idée du vrai proposent les nouvelles pratiques philosophiques ? Les praticiens ont-ils conscience du rôle social des idées qu’ils véhiculent dans les consultations et les ateliers philosophiques ?
J’aime beaucoup ce livre. Les nombreuses mises en contexte historique en lien avec celui dans lequel nous sommes aujourd’hui permettent de mieux comprendre cette histoire de la philosophie et d’éviter les mésinterprétations. L’auteure Jeanne Hersch nous fait découvrir les différentes étonnements philosophiques de plusieurs grands philosophes à l’origine de leurs quêtes d’une meilleure compréhension de l’Être et du monde.
Mon intérêt pour ce livre s’est dégradé au fil de ma lecture en raison de sa faible qualité littéraire, des nombreuses répétitions et de l’aveu de l’auteur à rendre compte de son sujet, la Deep Philosophy. / Dans le texte d’introduction de la PARTIE A – Première rencontre avec la Deep Philosophy, l’auteur Ran Lahav amorce son texte avec ce constat : « Il n’est pas facile de donner un compte rendu systématique de la Deep Philosophy ». Dans le paragraphe suivant, il écrit : « Néanmoins, un tel exposé, même s’il est quelque peu forcé, pourrait contribuer à éclairer la nature de la Deep Philosophy, pour autant qu’il soit compris comme une esquisse approximative ». Je suis à la première page du livre et j’apprends que l’auteur m’offre un exposé quelque peu forcé et que je dois considérer son œuvre comme une esquisse approximative. Ces précisions ont réduit passablement mon enthousiasme. À partir de là, ma lecture fut un devoir, une obligation, avec le minimum de motivation.
J’ai beaucoup aimé ce livre de Michel Lacroix, Se réaliser — Petite philosophie de l’épanouissement personnel. Il m’importe de vous préciser que j’ai lu l’édition originale de 2009 aux Éditions Robert Laffont car d’autres éditions sont parues, du moins si je me rapporte aux différentes premières et quatrièmes de couverture affichées sur le web. Ce livre ne doit pas être confondu avec un ouvrage plus récent de Michel Lacroix : Philosophie de la réalisation personnelle – Se construire dans la liberté parue en 2013 et qui sera l’objet d’une rapport de lecture dans ce dossier.
Personnellement, je me suis limité à lecture du livre car je préfère et de loin l’écrit à l’audio. J’aime le titre donné à ce livre, « Une histoire de la raison », plutôt que « L’histoire de la raison », parce qu’il laisse transparaître une certaine humilité dans l’interprétation.
Les ouvrages de la collection Que sais-je ? des PUF (Presses universitaires de France) permettent aux lecteurs de s’aventurer dans les moult détails d’un sujet, ce qui rend difficile d’en faire un rapport de lecture, à moins de se limiter à ceux qui attirent et retient davantage notre attention, souvent en raison de leur formulation. Et c’est d’entrée de jeu le cas dans le tout premier paragraphe de l’Introduction. L’auteur écrit, parlant de la raison (le soulignement est de moi) : « (…) elle est une instance intérieure à l’être humain, dont il n’est pas assuré qu’elle puisse bien fonctionner en situation de risque ou dans un état trouble ».
Dans son livre « Philosophie de la réalisation personnelle – Se construire dans la liberté », le philosophe Michel Lacroix s’engage clairement en faveur du développement personnel. Il le présente comme l’héritier des efforts déployés par la philosophie dans le domaine de la réalisation de soi au cours siècles passés. À mon avis et si c’est effectivement le cas, le mouvement du développement personnel a vite fait de dilapider cet héritage de la philosophie en le déchiquetant en petits slogans vide de sens.
Dans le dossier de son édition de juin 2024, Philosophie magazine tente de répondre à cette question en titre : « Comment savoir quand on a raison ? » Il n’en fallait pas plus pour me motiver à l’achat d’un exemplaire chez mon marchand de journaux.
Le texte en quatrième de couverture de LOIN DE SOI de CLÉMENT ROSSET confronte tous les lecteurs ayant en tête la célèbre maxime grecque gravés sur le fronton du temple de Delphes et interprété par Socrate : « Connais-toi toi-même » : « La connaissance de soi est à la fois inutile et inappétissante. Qui souvent s’examine n’avance guère dans la connaissance de lui-même. Et moins on se connaît, mieux on se porte. » ROSSET, Clément, Loin de moi – Étude sur l’identité, Les Éditions de Minuit, 1999, quatrième de couverture.
Avec ses dix-sept articles de différents auteurs, le recueil PENSER PAR SOI-MÊME , sous la direction de MAUD NAVARRE, docteure en sociologie et journaliste scientifique, chez SCIENCES HUMAINES ÉDITIONS paru en 2024, complète et bonifie généreusement le dossier du même nom de l’édition de mars 2020 du magazine Sciences Humaines.
Je n’ai pas aimé ce livre en raison de mon aversion face au style d’écriture de l’auteur. J’ai abandonné ma lecture au trois quarts du livre. Je n’en pouvais plus des trop nombreuses fioritures littéraires. Elles donnent au livre les allures d’un sous-bois amazonien aussi dense que sauvage où il est à charge du lecteur de se frayer un chemin, machette à la main. Ce livre a attiré mon attention, l’a retenue et l’auteur pouvait alors profiter de l’occasion pour communiquer avec moi. Mais les ornements littéraires agissent comme de la friture sur la ligne de cette communication. J’ai finalement raccroché.
Notre place dans le monde s’inscrit dans notre identité. Construire sa propre philosophie de vie bonne exige non seulement de se connaître soi-même mais aussi de connaître le monde dans lequel nous existons. C’est l’« Être-au-monde » selon de Martin Heidegger. Bref, voilà donc pourquoi cet Observatoire de la philothérapie – Quand la philosophie nous aide dépasse son sujet avec le livre GRANDEUR ET MISÈRE DE LA MODERNITÉ du philosophe CHARLES TAYLOR paru en 1992, il y a plus de trente ans.
J’aime beaucoup ce livre. Tout philosophe se doit de le lire. Voici une enquête essentielle, à la fois très bien documentée, fine et facile à suivre. Elle questionne la conclusion du philosophe Pierre Hadot à l’effet que la philosophie est une manière de vivre. Sous le titre « La philosophie comme exercice spirituel ? – Un paradigme en question », le professeur de philosophie ancienne à l’université de Poitiers, Sylvain Roux, déterre les racines de la philosophie pour en montrer leur enchevêtrement
L’essayiste Thierry Jobard nous propose trois ouvres : 1. CONTRE LE DÉVELOPPEMENT PERSONNEL (voir mon rapport de lecture); 2. JE CROIS DONC JE SUIS : LE GRAND BAZAR DES CROYANCES CONTEMPORAINE; 3. CRISE DE SOI – CONSTRUIRE SON IDENTITÉ À L’ÈRE DES RÉSEAUX SOCIAUX ET DU DÉVELOPPEMENT PERSONNEL. — Avec ce troisième essai, Thierry Jobard approfondit encore davantage son sujet démontrant ainsi une maîtrise de plus en plus grande des aléas de l’identité, cette fois-ci, sous l’influence des réseaux sociaux et du développement personnel.
Si vous avez aimez cet extrait, vous aimerez ce livre car il est représentatif de l’ensemble de l’œuvre. Personnellement, je cherchais des indices pour répondre à la question « Qui suis-je ? » et ce livre n’en offre pas. En revanche, j’aime bien quand un auteur remonte à la source de son sujet et le retrace dans le contexte historique. Vincent Descombes excelle en ce sens dans PARLER DE SOI. C’est pourquoi je me suis rendu jusqu’à la page 248 des 366 pages de son texte (Appendices exclues) avant d’abandonner ma lecture. J’aime bien m’informer de l’histoire d’une idée comme le fait si bien Vincent Descombes mais la vue sous microscope du fil historique de chaque détail a fini par me lasser. J’ai tenu bon dans l’espoir de me faire une vision d’ensemble de l’évolution du concept mais je ne suis pas parvenu à prendre le recul utile face à une telle multitude de détails.
Peut-être vous dites-vous : « La philosophie, pas pour moi, non merci! » Pourtant, à partir du moment où une question germe dans votre tête et que vos neurones s’activent à faire des liens, à envisager des hypothèses, à analyser les pour et les contre, à réfuter certaines pistes, à emprunter d’autres foulées, à mettre en parallèle ou en confrontation des idées, vous êtes en train de philosopher.
CITATION « 4. Raconter sa journée / 18 heures. Vous rejoignez un ami pour prendre un verre après le travail. Vous lui racontez votre journée, qui était finalement très réussie. Intéressé et sincèrement content pour vous, il vous invite à évoquer les perspectives qui s’offrent à vous dans votre entreprise actuelle. »
Philosophe, spécialiste du burn-out, Pascal Chabot vient de publier une enquête cherchant Un sens à la vie et montrant qu’il est toujours ouvert et dynamique. Hélène L’Heuillet, philosophe et psychanalyste, fait non seulement reparaître son Éloge du retard mais elle signe également un ouvrage sur Le Vide qui est en nous. Ensemble, ils montrent comment rythme de vie et sens de la vie se répondent !
Fondateur de la sociologie moderne, Émile Durkheim pense l’individu comme la partie d’un tout. Alors que les fractures sociales sont légion dans notre société, sa lecture est une proposition pour tenter de (re)faire société.
Le livre « Histoire de la pensée philosophique – De l’homme grec à l’homme post-moderne » par Jean-Marie Nicolle se classe parmi les meilleurs, sinon comme le meilleur, que j’ai pu lire. Jean-Marie Nicolle fait preuve d’une maîtrise quasi absolue de son sujet et en témoigne par des explications simples dans une écriture compréhensible par tous accompagnée de graphiques fort utiles. Ce livre rempli toutes ses promesses.
E. Bourgognon, A. Brunet, N, Cominotti, J. Dutant, P. Egré, P. Engel, E. Glon, F. Roudaut
Collection Texte Clés de philosophie de la connaissance
Libraire philosophique J. Vrin
2005
464 pages – 11 × 18 × 2,8 cm
ISBN 978-2-7116-1666-4 – avril 2005
Croyance, connaissance, justification
Textes réunis par Julien Dutant et Pascal Engel
et traduits par
E. Bourgognon, A. Brunet, N, Cominotti, J. Dutant, P. Egré, P. Engel, E. Glon, F. Roudaut
Collection Texte Clés de philosophie de la connaissance
Libraire philosophique J. Vrin
2005
464 pages – 11 × 18 × 2,8 cm
ISBN 978-2-7116-1666-4 – avril 2005
Présentation
La philosophie de la connaissance – l’enquête classique qui consiste à chercher à définir la notion de connaissance et à établir ses sources et ses limites – connaît, depuis une trentaine d’années, un essor important, principalement dans la tradition anglophone de philosophie analytique. En reprenant l’entreprise du Théétète, et en réponse au défi du sceptique cartésien, les philosophes contemporains ont formulé des théories rivales de la connaissance, tantôt “internalistes”, tantôt “externalistes”, alors que les tentatives de réponse au trilemme d’Agrippa ont donné naissance au débat entre les théories “fondationnalistes” et “cohérentistes” de la justification des croyances. Des formes renouvelées de scepticisme ont vu le jour, en même temps que des réponses fondées sur le sens commun, dans la tradition de Reid et de Moore. A travers la subtilité des arguments, l’inventivité des exemples et la complexité des définitions qui les distinguent, ces théories renouvellent radicalement les interrogations classiques et en éclairent les présupposés. Ce recueil a été conçu pour permettre l’accès du lecteur français à un ensemble de textes contemporains représentatifs de ce domaine.
Avec des textes de : L. BonJour, R. Chisholm, E. Gettier, A. Goldman, K. Lehrer, G.E. Moore, R. Nozick, E. Sosa, B. Stroud, T. Williamson et L. Zagzebski.
E. Gettier, La connaissance est-elle la croyance vraie justifiée? (1963)
R. Nozick, Les conditions de la connaissance (1981)
Fondationnalisme et cohérentisme
R. Chisholm, Une version du fondationnalisme (1982)
K. Lehrer, La théorie cohérentiste de la connaissance (1986)
E. Sosa, Le radeau et la pyramide (1980)
Internalisme et Externalisme
A. Goldman, Qu’est-ce qu’une croyance justifiée? (1979)
L. BonJour, Les théories externalistes de la connaissance empirique (1980)
T. Williamson, La connaissance est-elle un état de l’esprit? (2000)
Scepticisme
B. Stroud, Comprendre la connaissance humaine en général (1989)
G.E. Moore, Preuve qu’il y a un monde extérieur (1952)
D. Lewis, Insaisissable connaissance (1996)
Epistémologie de la vertu
L. Zagzebski, La connaissance comme vertu intellectuelle (1995)
Extrait
INTRODUCTION GÉNÉRALE
en hommage à Keith Lehrer
Ce que recouvre l’expression « philosophie de la connaissance » est assez divers. Cette appellation désigne au moins cinq choses : (a) une enquête philosophique générale sur la nature, les sources, et les limites de la connaissance, (b) un ensemble de doctrines relevant de cette enquête chez un philosophe particulier, (c) un type de philosophie qui met l’accent sur la connaissance (plutôt que sur l’être, ou sur l’action, par exemple), (d) l’étude des méthodes de la science en général ou (e) à partir de l’histoire des sciences. La difficulté est que les termes désignant ces divers types d’enquête n’ont pas le même sens d’une langue philosophique à une autre. Erkenntnistheorie désigne à la fois la « théorie de la connaissance » au sens général (a) et un certain type de doctrines néo-kantiennes sur la connaissance au sens (c), dans la mesure où le kantisme est supposé être une philosophie qui fait de la philosophie de la connaissance la philosophie première (par opposition à l’ontologie). On emploie plus rarement « gnoséologie » pour désigner aussi bien (a) que (b) (la gnoséologie de Thomas d’Aquin, celle des stoïciens) [1] (d) correspond tantôt à ce que l’on appelle en allemand Wissen- schoftslehre – la doctrine de la science -, tantôt à ce que l’on appelle «logique» au sens large (la Logic de Mill par exemple couvre l’ensemble des méthodes des sciences déductives et inductives [2]), tantôt à ce que l’on appelle « méthodologie ».
Épistémologie est le mot qui a subi les destins les plus divers. En anglais epistemology désigne la théorie de la connaissance en général au sens (a), mais en français il désigne plus couramment une enquête sur les sciences de type (d) (épistémologie générale des sciences) ou (e) (épistémologies régionales). En fait le sens (e) où l’épistémologie est la philosophie historique des sciences, est le sens qui a tendu à prédominer en français depuis les années 1930. Des auteurs comme Meyerson ou Goblot désignaient encore par «épistémologie» la théorie générale de la connaissance[3]. La tradition française, depuis Comte et Cournot au moins, n’avait jamais séparé l’histoire des sciences de ce que ce dernier appelait la « critique philosophique ». Mais au xxe siècle, sous l’influence notamment de Brunschvicg, Bachelard et Canguilhem, le terme «épistémologie» a fini par désigner une étude historique des sciences, quelquefois l’histoire des sciences elle-même, conçue en opposition à l’idée d’une théorie générale de la connaissance, soupçonnée de proposer une épistémologie normative ignorante des réalités historiques et de souscrire implicitement à un programme d’unification des sciences comparable à celui du positivisme logique. Selon la version la plus radicale de cette conception, il y a sans doute des épistémologies régionales, mais il n’y a pas d’épistémologie générale.
L’ÉPISTEMOLOGIE
Nous suivons ici l’usage de Meyerson et celui de l’anglais, et désignons par épistémologie ou philosophie de la connaissance une enquête générale sur la connaissance, ses sources et ses limites. Ce choix n’est évidemment pas neutre. Il résulte d’une prise de position philosophique, qui est en général celui de la tradition «analytique»: il est possible de mener une enquête autonome sur la nature de la connaissance en général, sa portée et ses limites. Cette enquête porte, pour reprendre les termes de Barry Stroud, sur «la connaissance humaine en général» (1989, texte repris dans ce volume) et sa possibilité, au sens même où le sceptique la met en doute, et au sens où la philosophie entend lui répondre. Le théoricien de la connaissance partage en effet avec le sceptique une aspiration à la généralité. Cette généralité n’est pas celle à laquelle aspiraient les positivistes dans leur programme d’unification méthodologique des sciences, auquel l’épistémologie, au sens où nous l’entendons ici, n’a pas à souscrire. Le programme d’unité de la science concernait la notion d’explication aussi bien que l’ontologie de la science et supposait qu’on puisse ramener l’une et l’autre sous un même type. Ce dont il est question ici est autre : il s’agit de la définition même de la connaissance, de ses liens conceptuels à la croyance, à la vérité et à la justification, ainsi que de sa possibilité.
Une analogie aidera. On a coutume de désigner sous le nom de « méta-éthique » les questions qui concernent le statut des jugements moraux et des propriétés morales, la question de leur justification, et de leur liens avec la motivation éthique, et on distingue cette enquête de l’éthique dite «normative» qui concerne le choix des éthiques particulières (utilitarisme, kantisme, perfectionnisme, etc.). L’épistémologie générale se situe au même plan de généralité que la méta-éthique, et les positions particulières (fondationnalisme, cohérentisme, etc.) sont, mutatis mutandis, des épistémologies normatives. Ces questions relèvent tout autant de ce que l’on peut appeler, dans une perspective kantienne, une critique, ou plus rarement la « métaphysique de la connaissance » [4]. Mais l’épistémologie générale n’est tenue ni de souscrire aux présupposés de la première ni aux thèses de la seconde, bien qu’elle rencontre souvent des questions réputées métaphysiques, comme celles de la nature du possible et du nécessaire, de la causalité et des relations de la pensée et de la réalité. Ses méthodes sont celles que la philosophie analytique nous a léguées : l’analyse, la logique, l’exemple, l’expérience de pensée, et l’argumentation conceptuelle.
L’idée qu’une telle enquête soit simplement possible rencontre non seulement l’opposition de nombre de sociologues et d’historiens des sciences qui considèrent que la notion abstraite de connaissance n’a pas de sens, mais aussi celle de certains philosophes au sein même de la tradition analytique. Ainsi Quine ne croit pas que l’épistémologie soit possible, sauf à être «naturalisée», c’est-à-dire absorbée dans une étude scientifique des capacités naturelles des espèces (humaine et animales). Elle cesse ainsi d’avoir un statut autonome et surtout d’avoir un statut normatif[5]. Il répudie toute question du type de celle que posait Descartes (Comment échapper au scepticisme et fonder la connaissance sur des bases sûres?) en soutenant, dans une veine proche de celle du pragmatisme, que les seuls doutes sceptiques sérieux sont des doutes scientifiques. Il est suivi en cela par nombre d’auteurs «néo-pragmatistes» ou relativistes, tels que Rorty (1979) ou Stich (1990) qui nient que l’entreprise «analytique » en épistémologie ait un sens quelconque. Contre ce type d’éliminativisme, les auteurs représentés dans ce recueil acceptent l’idée d’une épistémologie générale comme sujet autonome, et ils prennent le sceptique au sérieux, même quand ils sont naturalistes[6]. Si ceux qui ne sont prêts à parler d’épistémologie que pour en faire la nécrologie avaient raison, on comprendrait mal pourquoi ce domaine est si actif dans la philosophie contemporaine[7].
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[1] On peut aussi utiliser «gnoséologie» en un sens encore plus large: une récente Philosophie des sciences (D. Andler, A. Fagot-Largeault, B. Saint Sernin, Paris. Gallimard, 2002) place sous ce terme des sujets tels que la philosophie de la nature, la construction intersubjective de l’objectivité scientifique, et l’étude des processus cognitifs.).
[2] Un célèbre historien de la pensée allemande vint un jour chez P. Engel et, désignant ses étagères de livres d’épistémologie, déclara : «Tout cela, c’est de la logique anglaise!».
[3] C/. Meyerson, Identité et réalité, Paris, Alcan, 1912; 2e éd. Paris, Vrin, 1951. Le Traité de la Connaissance, de Louis Rougier, modelé sur l’Allgeineine Erkenntnistheorie de Schlick, est peut-être le dernier ouvrage de ce style paru en France. Cf. aussi Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie, P31’5, É’U.F., 1968, p.294. Lalande lui-même (Ibid.) déplore l’usage d épistémologie en ce sens, déclarant: «en français il ne devrait se dire correctement que de la philosophie des sciences ». On ne voit pas pourquoi.
[5] L’expression est utilisée par J. Vuillemin dans ses Leçons sur la première philosophie de Russell, Paris, A. Colin, 1968, p. 5.
[5] Quine soutient qu’elle est comme l’ingénierie, ce qui revient au même que de lui conférer un statut descriptif.
[6] Voir par exemple la critique de Quine par Kim (1988).
[7] Les anthologies et manuels parus récemment, comme Kim et Sosa 2000, Berneker et Drestke 2000. Williams 2001 ou Moser2002 en témoignent.
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P.S. : Dans cet extrait, j’ai volontairement changé le numéros des Notes en bas de chaque page dans le livre papier afin qu’elles concordent avec une numérotation continue pour un positionnement en fin de texte.
« Je suis un philosophe spécialisé en épistémologie (au sense de philosophie de la connaissance), épistémologie formelle, philosophie du langage, et théorie de la rationalité (en éthique et théorie de la décision). Je m’intéresse aussi à l’histoire de l’épistémologie.
Directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales
Professeur honoraire, Université de Genève
Membre du Centre de recherches sur les arts et le langage ( CRAL, CNRS, EHESS)
Pascal Engel, ancien élève de l’ENS rue d’Ulm, a fait un doctorat à l’Université de Paris I et un doctorat d’Etat à Aix en Provence . Il a enseigné aux universités de Paris XII, Grenoble, Caen, Paris-Sorbonne et Genève. Il a été professeur invité notamment à Montréal, Hong Kong, Tunis, Athènes, Aarrhus, Canberra, Oslo, Leuven, Lund, Pékin, Taiwan, Saint Louis, special professor à Nottingham. Il a été membre de l’Institut universitaire de France, de Rationalités contemporaines à Paris IV, du CREA à l’Ecole polytechnique, de l’Institut Jean Nicod, et du groupe Epistémè à Genève. Il est secrétaire général de l‘Institut international de philosophie, membre de l’Academia Europaea et de l’Association internationale de philosophie des sciences . Ses travaux ont porté sur la philosophie de la logique et du langage, en particulier sur Davidson, et sur la philosophie de l’esprit et de la connaissance. Ses intérêts actuels portent sur la vérité, les normes épistémiques, la nature de la croyance, et la théorie des raisons. Il est l’auteur notamment de La norme du vrai (1989), Davidson et la philosophie du langage (1994), Introduction à la philosophie de l’esprit (1994) Philosophie et psychologie (1996), La dispute (1997), Truth (2002), Ramsey , Truth and Success (with Jérôme Dokic, 2002) , A quoi bon la vérité ? (with R. Rorty, 2005), Va savoir! (2007) , Les lois de l ‘esprit (2012) , Les vices du savoir (2019), Manuel rationaliste de survie (2020), et comme éditeur Inquiries into Meaning and Truth (1991, with N. Cooper), Précis de philosophie analytique (2000), and Believing and accepting (2000). Il a été éditeur de dialectica de 2005 à 2011. Depuis 2023 il est directeur d’études émérite à l’Ecole des hautes études en sciences sociales et membre du CRAL.
Ce livre n’était pas pour moi en raison de l’érudition des auteurs au sujet de la philosophie de connaissance. En fait, contrairement à ce que je croyais, il ne s’agit d’un livre de vulgarisation, loin de là. J’ai décroché dès la seizième page de l’Introduction générale lorsque je me suis buté à la première équation logique.
X sait que Pssi
(i) O est vrai
(ii) X croit que P
(iii) Si P était faux, X ne croirait pas que P
(iv) Si P était vrai, X croirait que P
J. Dutant et P. Engel (Testes réunis par), Philosophie de la connaissance — Croyance, connaissance, justification, Introduction générale, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2017, p. 16.
Je ne parviens pas à comprendre de telles équations logiques mais je comprends fort bien qu’elles soient essentielles pour un tel livre sur-spécialisé. Et mon problème de compréhension prend racine dans mon adolescence lors des études secondaires à l’occasion du tout premier cours d’algèbre. Littéraire avant tout, je n’ai pas compris pourquoi des « x » et « y » se retrouvaient dans des équations algébriques. Pour moi, toutes lettres de l’alphabet relevaient du littéraire. Même avec des cours privés, je ne comprenais toujours pas. Et alors que je devais choisir une option d’orientation scolaire, j’ai soutenu que je voulais une carrière fondée sur l’alphabet plutôt que sur les nombres. Ce fut un choix fondé sur l’usage des symboles utilisés dans le futur métier ou profession que j’allais exercer. Bref, j’ai choisi les sciences humaines plutôt que les sciences pures.
Plus tard, je comprendrai que les nombres sont des concepts abstrait qui ne laissent place à aucune interprétation. 2+2=4. On ne rencontre pas le nombre 2 au coin de la rue. À l’opposé, les mots laissent une place importante à l’interprétation. Dans ce contexte, je relevais avec succès le contrôle de l’interpréation de mes écrits par mon interlocuteur en les codant avec précision dans le langage de cet interlocuteur.
L’épitémologie
Nous suivons ici l’usage de Meyerson et celui de l’anglais, et désignons par épitémologie ou philosophie de la connaissance une enquête générale sur la connaissance, ses sources et ses limites. Ce choix n’est évidemment pas neutre. Il résulte d’une prise de position philosophique, qui est en général celui de la tradition « analytique » : il est possible de mener une enquête autonome sur la nature de la connaissance en général, sa portée et ses limites. (…)
J. Dutant et P. Engel (Testes réunis par), Philosophie de la connaissance — Croyance, connaissance, justification, Introduction générale, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2017, p. 9.
Cette enquête générale est avant tout une histoire des différentes théories de la connaissance, des problèmes qu’elles posent et de leur évolution.
Le problème de Gettier
Le point de départ des développement contemporais en philosophie analytique de la connaissance est précisément la démonstration par E. Gettier (1963, article repris dans ce volume) des difficultés de cette définition. Gettier présente deux contre-exemples où un sujet possède une croyance vraie justifiée mais qui n’est pas de la connaissance. Voici un exemple du même type : supposez qu’un policier vous demande si vous avez votre passeport sur vous, Elle est également vraie L le passeport est bien là. Maism à votre insu, un pickpocket très habile vous l’a dérobé, et, n’y trouvant l’argent qui l’intéressit, à trouvé le moyen de la remettre dans votre poche. Savez-vous que vous avez votre passeport ? Il semble que non. Votre croyance a beau être justifiée, elle n’est vraie que par hasard : le portefeuille aurait bien pu être absent, vous ne l’auriez pas remarqué. Pendant plus d’une trentaine d’années au moins, nombre de philosophes anglophones se livrèrent à l’exercice consistant à répondre à cet article, en formulant des définitions de la connaissance suceptibles de passer le test de Grettier, puis des objections à ces définitions, et d’autres contre-exemples (pour avoir une idée partielle de cette littérature, connue sous le nom de « Giettierologie » voir Shope 1983). La première partie de ce recueil en présente les enjeux.
Il est assez difficile, rétrospectivement, de comprendre comment un article aussi court et apparemment anodin que celui de Gettier a pu provoquer une si vaste littérature. New reproduit-il pas tout simplement une vielle objection de Socrate selon laquelle une opinion vraie obtenue par hasard n’est pas une connaissance (Théétète, 201 a-c; 207 a-208 a) ? (…)
J. Dutant et P. Engel (Testes réunis par), Philosophie de la connaissance — Croyance, connaissance, justification, Introduction générale, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2017, p. 14.
J’apprends qu’il y a plusieurs définitions (purement) théoriques de la connaissance, ce qui me pose un problème. Mais je me dois d’admettre que différentes réflexions par différents philosophes peut bel et bien conduire à des définition fort différentes.
Je rencontre aussi un problème avec l’association entre la connaissance et la vérité (connaissances vraies). À mon (très) humble avis, une connaissance n’est ce qu’elle est que si elle est objective, que si elle est conforme à la réalité. Introduire la notions de vérité, suppose que l’on peut remettre en question la véracité de la connaissance, ce qui n’a pas lieu d’être. La connaissance n’a pas besoin d’être reconnue comme vraie; il faut simplement l’accepter comme une information objective. Lorsque je vois neigé, je ne me demande pas si c’est vrai. Il neige, c’est tout. Lorsque j’additionne 2 et 2 et que le résultat est 4, je ne me demande pas si c’est vraie. 2+2=4, c’est tout. Toujours à mon (très) humble avis, une connaissance sujette à la vérité devient instantanément subjective, à l’opposé de son caractère objectif. Alors, je parle d’une interprétation de la connaissance et non pas de la connaissance elle-même.
(…) Cette analyse suppose que la connaissance est un composé d’un facteur interne mental, la croyance, et d’un facteur externe, le monde qui rend vraie ou fausses les croyances on croit que p que p soit vrai ou faux, mais si on sait que p, alors p est nécessairement vrai). (…)
J. Dutant et P. Engel (Testes réunis par), Philosophie de la connaissance — Croyance, connaissance, justification, Introduction générale, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2017, p. 25.
L’idée que la connaissance a besoin d’être crue ne me plaît pas non plus. À ma connaissance, la croyance n’a pas besoin de preuve. Ce n’est certainement pas parce que je crois que c’est vrai que c’est vrai. J’ai l’impression que ce livre au sujet de connaissance et de la connaissance est fort loin des obligations de l’esprit scientifique, de la pensée scientifique et de la connaissance scientifique.
En titre d’un chapitre de ce livre, on trouve cette question : « Une croyance vraie et justifiée est-elle une connaissance ? (Edmund L. Gettier). Mais réponse est un « NON » retentissant. Une croyance demeure une croyance et, du fait qu’elle n’a pas besoin de preuve, sa justification est à la fois spéculative et subjective.
Keith Lehrer
La théorie conhérentiste de la connaissance
Mon programme de recherche a consité à formuler une théorie conhérentiste de la connaissance. L’analyse de la connaissance que cette théorie contient est traditionnelle dans sa forme, mais elle ne l’est pas dans son contenu. Elle s’inscrit dans la tradition des analyses de la connaissance comme croyance vraie, justifiée et non défaite (undefeated). (…)
J. Dutant et P. Engel (Testes réunis par), Philosophie de la connaissance — Croyance, connaissance, justification, Fondamentalisme et cohérentisme, Librairie philosophique J. Vrin, Paris, 2017, p. 111.
Croire dans la connaissance ne m’apparait toujours pas comme étant logique. Dans L’ENCYCLOPIE PHILOSOPHIQUE en ligne et en accès libre, on peut lire ceci à l’entrée « Croyance » :
(…)
La notion de croyance n’est pas seulement centrale dans notre psychologie et dans nos discours quotidiens. Elle joue également un rôle crucial dans de nombreux domaines de la philosophie. L’une des questions les plus débattues en épistémologie concerne les conditions dans lesquelles une croyance compte comme rationnelle et justifiée. Dans les analyses classiques de la connaissance, la croyance est une condition indispensable du savoir. En philosophie de l’esprit, la croyance est considérée comme l’une des attitudes mentales les plus fondamentales. (…)
Fassio, David (2022), «Croyance (GP)», dans Maxime Kristanek (dir.), l’Encyclopédie philosophique, consulté le 26 janvier 2024, https://encyclo-philo.fr/
Revenons à ce passage « Dans les analyses classiques de la connaissance, la croyance est une condition indispensable du savoir. » Pour savoir, je dois croire ? Que je crois ou non que le fleuve près de chez-moi est pollué ou non, ça ne change rien au fait qu’il est pollué. Nous pouvons bien croire tout ce que nous voulons et c’est exactement pourquoi la croyance n’est pas « une condition indispensable du savoir ».
Je classe mes croyances comme étant au dernier rang de ma liste des choses que je considère importantes. En tête de ce palmares personnel, le savoir et mes connaissances, (comme étant mes expériences du savoir). Au milieu, se trouve mes opinions.
Je recommande le livre Philosophie de la connaissance – Croyance, connaissance, justification uniquement aux érudits familiés avec l’étude approfondie de l’épistémologie. À titre d’amateur, Je ne peux donc pas me permettre d’accorder une note à cet ouvrage.
Témoignage de ma recherche personnelle au sujet de la philothérapie (philosophie + thérapie) ou, si vous préférez, de la pratique de la philosophie en clinique. Il s’agit de consultation individuel ou de groupe offert par un philosophe praticien pour nous venir en aide. Elle se distingue de la « psychothérapie » (psychologie + thérapie) en ce qu’elle utilise des ressources et des procédés et poursuit de objectifs propres à la philosophie. On peut aussi parler de « philosophie appliquée ».
La philothérapie gagne lentement mais sûrement en popularité grâce à des publications de plus en plus accessibles au grand public (voir l’Introduction de ce dossier).
L’un des titres tout en haut de la liste s’intitule « Platon, pas Prozac! » signé par Lou Marinoff paru en français en l’an 2000 aux Éditions Logiques. Ce livre m’a ouvert à la philothérapie.
L’auteur est professeur de philosophie au City College de New York, fondateur de l’Association américaine des praticiens de la philosophie (American Philosophical Practitioners Association) et auteurs de plusieurs livres.
Présentation du livre Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie suivie de mes commentaires de lecture.
Cet article présente et relate ma lecture du livre « Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai », de Laurence Bouchet aux Éditions Marabout. Malheureusement ce livre n’est plus disponible à la vente tel que mentionné sur le site web de l’éditeur. Heureusement on peut encore le trouver et l’acheter dans différentes librairies en ligne.
Le livre « La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence » de Madame Eugénie Vegleris aux Éditions Eyrolles se classe en tête de ma liste des meilleurs essais que j’ai lu à ce jour au sujet de la « philothérapie ».
À ce jour, tous les livres dont j’ai fait rapport de ma lecture dans ce dossier sont l’œuvre de philosophes consultants témoignant de leurs pratiques fondées sur le dialogue. Le livre « Guérir la vie par la philosophie » de Laurence Devillairs aux Presses universitaires de France (PUF) diffère des précédents parce que l’auteure offre à ses lecteurs une aide direct à la réflexion sur différents thèmes.
J’ai lu ce livre à reculons. J’ai appliqué les feins dès les premières pages. L’objectivité sociologique de l’auteur m’a déplu. Ce livre présente aux lecteurs des observations, que des observations. L’auteur n’en tire aucune conclusion.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il m’a révélé les coulisses de la quête du bonheur au cœur de notre société néo-libérale. Je savais que cette obsession du bonheur circulait au sein de la population, notamment par le biais des coach de vie et des agents de développement personnel, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle cachait une véritable industrie soutenue par une idéologie psychologisante. Jusque-là, je ne connaissais de cette industrie que le commerce des livres et la montée en puissance des coachs de vie dédiés à la recherche du bonheur.
J’ai adoré ce livre. Il est dense, très dense. On ne peut pas le lire comme un roman. Me voici enfin devant un auteur qui dit tout, où, quand, comment il observe, comment il pense, comment il chemine, comment il voit, comment il entend, comment il anticipe, comment il tire ses conclusions… Bref, un auteur qui expose son propre système de pensée dans un essai plus que formateur pour le nôtre.
La lecture du livre «La consultation philosophique» signé par le philosophe praticien Oscar Brenifier (voir article #11 de notre dossier «Consulter un philosophe – Quand la philosophie nous aide») nous apprend qu’il adresse un document à ses clients potentiels. J’ai écrit à monsieur Brenifier pour lui demander s’il pouvait me faire parvenir ce document.
Cet article présente et relate ma lecture du livre du «La philo-thérapie» de Éric Suárez, Docteur en philosophie de l’Université Laval (Québec), philosophe praticien (Lausanne), publié en 2007 aux Éditions Eyrolles. Ce livre traite de la consultation philosophique ou, si vous préférez, de la philo-thérapie, d’un point de vue pratique. En fait, il s’agit d’un guide pour le lecteur intéressé à acquérir sa propre approche du philosopher pour son bénéfice personnel. Éric Suárez rassemble dans son ouvrage vingt exemples de consultation philosophiques regroupés sous cinq grands thèmes : L’amour, L’image de soi, La famille, Le travail et le Deuil.
Ce livre se caractérise par l’humour de son auteur et se révèle ainsi très aisé à lire. D’ailleurs l’éditeur nous prédispose au caractère divertissant de ce livre en quatrième de couverture : «Étudier in extenso la pensée des grands théoriciens et en extraire un mode de réflexion agissant est une mission impossible pour l’honnête homme/femme. C’est pourquoi l’auteur de cet ouvrage aussi divertissant que sérieux propose des voies surprenantes au premier abord, mais qui se révèlent fort praticables à l’usage. L’une passe par la rencontre avec la vie et la personnalité du philosophe : la voie des affinités électives».
Référencé par un auteur à mon programme de lecture, le livre «La philosophie comme manière de vivre» m’a paru important à lire. Avec un titre aussi accrocheur, je me devais de pousser plus loin ma curiosité. Je ne connaissais pas l’auteur Pierre Hadot : «Pierre Hadot (né à Paris, le 21 février 1922, et mort à Orsay, le 24 avril 20101) est un philosophe, historien et philologue français, spécialiste de l’Antiquité, profond connaisseur de la période hellénistique et en particulier du néoplatonisme et de Plotin. Pierre Hadot est l’auteur d’une œuvre développée notamment autour de la notion d’exercice spirituel et de la philosophie comme manière de vivre.» (Source : Wikipédia)
Jeanne Hersch, éminente philosophe genevoise, constate une autre rupture encore, celle entre le langage et la réalité : « Par-delà l’expression verbale, il n’y a pas de réalité et, par conséquent, les problèmes ont cessé de se poser (…). Dans notre société occidentale, l’homme cultivé vit la plus grande partie de sa vie dans le langage. Le résultat est qu’il prend l’expression par le langage pour la vie même. » (L’étonnement philosophique, Jeanne Hersch, Éd. Gallimard.) / On comprend par là qu’aujourd’hui l’exercice du langage se suffit à lui-même et que, par conséquent, la philosophie se soit déconnectée des problèmes de la vie quotidienne.» Source : La philosophie, un art de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021, Préface, p. 9.
J’ai trouvé mon bonheur dès l’Avant-propos de ce livre : «Laura Candiotto, en insistant sur le rôle joué par les émotions dans le dialogue socratique ancien et sur l’horizon éthique de celui-ci, vise à justifier théoriquement un «dialogue socratique intégral», c’est-à-dire une pratique du dialogue socratique qui prend en compte des émotions pour la connaissance.» Enfin, ai-je pensé, il ne s’agit plus de réprimer les émotions au profit de la raison mais de les respecter dans la pratique du dialogue socratique. Wow ! Je suis réconforté à la suite de ma lecture et de mon expérience avec Oscar Brenifier dont j’ai témoigné dans les articles 11 et 12 de ce dossier.
Lou Marinoff occupe le devant de la scène mondiale de la consultation philosophique depuis la parution de son livre PLATON, PAS PROJAC! en 1999 et devenu presque’intantément un succès de vente. Je l’ai lu dès sa publication avec beaucoup d’intérêt. Ce livre a marqué un tournant dans mon rapport à la philosophie. Aujourd’hui traduit en 27 langues, ce livre est devenu la bible du conseil philosophique partout sur la planète. Le livre dont nous parlons dans cet article, « La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence », est l’une des 13 traductions du titre original « The Big Questions – How Philosophy Can Change Your Life » paru en 2003.
J’ai acheté et lu « S’aider soi-même » de Lucien Auger parce qu’il fait appel à la raison : « Une psychothérapie par la raison ». Les lecteurs des articles de ce dossier savent que je priorise d’abord et avant tout la philothérapie en place et lieu de la psychothérapie. Mais cette affiliation à la raison dans un livre de psychothérapie m’a intrigué. D’emblée, je me suis dit que la psychologie tentait ici une récupération d’un sujet normalement associé à la philosophie. J’ai accepté le compromis sur la base du statut de l’auteur : « Philosophe, psychologue et professeur ». « Il est également titulaire de deux doctorats, l’un en philosophie et l’autre en psychologie » précise Wikipédia. Lucien Auger était un adepte de la psychothérapie émotivo-rationnelle créée par le Dr Albert Ellis, psychologue américain. Cette méthode trouve son origine chez les stoïciens dans l’antiquité.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.
Dans la première partie de ce rapport de lecture du livre « Penser par soi-même – Initiation à la philosophie » de Michel Tozzi, je vous recommandais fortement la lecture de ce livre : « J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.» Je suis dans l’obligation d’ajouter cette deuxième partie à mon rapport de lecture de ce livre en raison de ma relecture des chapitres 6 et suivants en raison de quelques affirmations de l’auteur en contradiction avec ma conception de la philosophie.
J’accorde au livre Agir et penser comme Nietzsche de Nathanaël Masselot cinq étoiles sur cinq. Aussi facile à lire qu’à comprendre, ce livre offre aux lecteurs une excellente vulgarisation de la philosophie de Friedricha Wilhelm Nietzsche. On ne peut pas passer sous silence l’originalité et la créativité de l’auteur dans son invitation à parcourir son œuvre en traçant notre propre chemin suivant les thèmes qui nous interpellent.
Tout commence avec une entrevue de Myriam Revault d’Allonnes au sujet de son livre LA FAIBLESSE DU VRAI à l’antenne de la radio et Radio-Canada dans le cadre de l’émission Plus on de fous, plus on lit. Frappé par le titre du livre, j’oublierai le propos de l’auteur pour en faire la commande à mon libraire.
Le développement personnel fourmille de personnes de tout acabit qui se sont improvisées conseillers, coachs, thérapeutes, conférenciers, essayistes, formateurs… et auxquelles s’ajoutent des praticiens issus des fausses sciences, notamment, divinatoires et occultes, des médecines et des thérapies alternatives. Bref, le développement personnel attire toute sorte de monde tirant dans toutes les directions.
Je n’aime pas cette traduction française du livre How we think de John Dewey. « Traduit de l’anglais (États-Unis) par Ovide Decroly », Comment nous pensons parait aux Éditions Les empêcheurs de penser en rond / Seuil en 2004. – Le principal point d’appui de mon aversion pour traduction française repose sur le fait que le mot anglais « belief » est traduit par « opinion », une faute majeure impardonnable dans un livre de philosophie, et ce, dès les premiers paragraphes du premier chapitre « Qu’entend-on par penser ? »
Hier j’ai assisté la conférence Devenir philothérapeute : une conférence de Patrick Sorrel. J’ai beaucoup aimé le conférencier et ses propos. J’ai déjà critiqué l’offre de ce philothérapeute. À la suite de conférence d’hier, j’ai changé d’idée puisque je comprends la référence de Patrick Sorrel au «système de croyance». Il affirme que le «système de croyance» est une autre expression pour le «système de penser». Ce faisant, toute pensée est aussi une croyance.
J’éprouve un malaise face à la pratique philosophique ayant pour objectif de faire prendre conscience aux gens de leur ignorance, soit le but poursuivi par Socrate. Conduire un dialogue avec une personne avec l’intention inavouée de lui faire prendre conscience qu’elle est ignorante des choses de la vie et de sa vie repose sur un présupposé (Ce qui est supposé et non exposé dans un énoncé, Le Robert), celui à l’effet que la personne ne sait rien sur le sens des choses avant même de dialoguer avec elle. On peut aussi parler d’un préjugé philosophique.
Si votre opinion est faite et que vous n’êtes pas capable d’en déroger, vous êtes prisonnier de votre opinion. Si votre opinion est faite et que vous êtes ouvert à son évolution ou prêt à l’abandonner pour une autre, vous êtes prisonnier de l’opinion. Si votre opinion compte davantage en valeur et en vérité que les faits, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si votre opinion est la seule manière d’exprimer vos connaissances, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous pensez que l’opinion est le seul résultat de votre faculté de penser, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous prenez vos opinion pour vraies, vous êtes prisonnier de vos opinions.
J’ai mis beaucoup de temps à me décider à lire « La pratique philosophique » de Jérôme Lecoq. L’auteur est un émule d’Oscar Brenifier, un autre praticien philosophe. J’ai vécu l’enfer lors de mes consultations philosophiques avec Oscar Brenifier. Ainsi toute association de près ou de loin avec Oscar Brenifier m’incite à la plus grande des prudences. Jérôme Lecoq souligne l’apport d’Oscar Brenifier dans les Remerciements en première page de son livre « La pratique philosophique ».
Quelle est la différence entre « savoir » et « connaissance » ? J’exprime cette différence dans l’expression « Je sais parce que je connais ». Ainsi, le savoir est fruit de la connaissance. Voici quatre explications en réponse à la question « Quelle est la différence entre savoir et connaissance ? ».
J’ai décidé de publier les informations au sujet des styles interpersonnels selon Larry Wilson parce que je me soucie beaucoup de l’approche de la personne en consultation philosophique. Il m’apparaît important de déterminer, dès le début de la séance de philothérapie, le style interpersonnel de la personne. Il s’agit de respecter la personnalité de la personne plutôt que de la réprimer comme le font les praticiens socratiques dogmatiques. J’ai expérimenté la mise en œuvre de ces styles inter-personnels avec succès.
Le livre « La confiance en soi – Une philosophie » de Charles Pépin se lit avec une grande aisance. Le sujet, habituellement dévolue à la psychologie, nous propose une philosophie de la confiance. Sous entendu, la philosophie peut s’appliquer à tous les sujets concernant notre bien-être avec sa propre perspective.
J’ai vécu une sévère répression de mes émotions lors deux consultations philosophiques personnelles animées par un philosophe praticien dogmatique de la méthode inventée par Socrate. J’ai témoigné de cette expérience dans deux de mes articles précédents dans ce dossier.
Vouloir savoir être au pouvoir de soi est l’ultime avoir / Le voyage / Il n’y a de repos que pour celui qui cherche / Il n’y a de repos que pour celui qui trouve / Tout est toujours à recommencer
Que se passe-t-il dans notre système de pensée lorsque nous nous exclamons « Ah ! Là je comprends » ? Soit nous avons eu une pensée qui vient finalement nous permettre de comprendre quelque chose. Soit une personne vient de nous expliquer quelque chose d’une façon telle que nous la comprenons enfin. Dans le deux cas, il s’agit d’une révélation à la suite d’une explication.
Âgé de 15 ans, je réservais mes dimanches soirs à mes devoirs scolaires. Puis j’écoutais l’émission Par quatre chemins animée par Jacques Languirand diffusée à l’antenne de la radio de Radio-Canada de 20h00 à 22h00. L’un de ces dimanches, j’ai entendu monsieur Languirand dire à son micro : « La lumière entre par les failles».
Le succès d’une consultation philosophique (philothérapie) repose en partie sur la prise en compte des biais cognitifs, même si ces derniers relèvent avant tout de la psychologie (thérapie cognitive). Une application dogmatique du dialogue socratique passe outre les biais cognitifs, ce qui augmente les risques d’échec.
Depuis mon adolescence, il y a plus de 50 ans, je pense qu’il est impossible à l’Homme d’avoir une conscience pleine et entière de soi et du monde parce qu’il ne la supporterait pas et mourrait sur le champ. Avoir une pleine conscience de tout ce qui se passe sur Terre et dans tout l’Univers conduirait à une surchauffe mortelle de notre corps. Il en va de même avec une pleine conscience de soi et de son corps.
Le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre français, a été interrogé par la journaliste Pascale Senk du quotidien Le Figaro au sujet de son livre Savoir se taire, savoir parler, coécrit avec Laurent Carouana et paru en 2017. Le titre de l’article a retenu mon attention : Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole».
Reproduction de l’article « Comment dialoguer de manière constructive ? », un texte de Julien Lecomte publié sur son site web PHILOSOPHIE, MÉDIAS ET SOCIÉTÉ. https://www.philomedia.be/. Echanger sur des sujets de fond est une de mes passions. Cela fait plusieurs années que je m’interroge sur les moyens de faire progresser la connaissance, d’apprendre de nouvelles choses. Dans cet article, je reviens sur le cheminement qui m’anime depuis tout ce temps, pour ensuite donner des pistes sur les manières de le mettre en pratique concrètement.
Dans le récit initiatique, il s’agit de partir du point A pour aller au point B afin que le lecteur ou l’auditeur chemine dans sa pensée vers une révélation permettant une meilleure compréhension de lui-même et/ou du monde. La référence à la spirale indique une progression dans le récit où l’on revient sur le même sujet en l’élargissant de plus en plus de façon à guider la pensée vers une nouvelle prise de conscience. Souvent, l’auteur commence son récit en abordant un sujet d’intérêt personnel (point A) pour évoluer vers son vis-à-vis universel (point B). L’auteur peut aussi se référer à un personnage dont il fait évoluer la pensée.
Cet article présente un état des lieux de la philothérapie (consultation philosophique) en Europe et en Amérique du Nord. Après un bref historique, l’auteur se penche sur les pratiques et les débats en cours. Il analyse les différentes publications, conférences et offres de services des philosophes consultants.
J’ai découvert le livre « L’erreur de Descartes » du neuropsychologue Antonio R. Damasio à la lecture d’un autre livre : L’intelligence émotionnelle de Daniel Goleman. L’édition originale de ce livre est parue en 1995 en anglais et j’ai lu la traduction française à l’été 1998 parue un an auparavant chez Robert Laffont. Diplômé de l’université Harvard et docteur en psychologie clinique et développement personnel, puis journaliste au New York Times, où il suit particulièrement les sciences du comportement, Daniel Goleman nous informe dans son livre « L’intelligence émotionnel » au sujet de la découverte spectaculaire pour ne pas dire révolutionnaire de Antonio R. Damasio à l’effet que la raison a toujours besoin d’un coup des émotions pour prendre des décisions. Jusque-là, il était coutume de soutenir que les émotions perturbaient la raison, d’où l’idée de les contrôler.
Ma lecture du livre ÉLOGE DE LA PRATIQUE PHILOSOPHIQUE de la philosophe praticienne SOPHIE GEOFFRION fut agréable et fort utile. Enfin, un ouvrage court ou concis (le texte occupe 65 des 96 pages du livre), très bien écrit, qui va droit au but. La clarté des explications nous implique dans la compréhension de la pratique philosophique. Bref, voilà un éloge bien réussi. Merci madame Geoffrion de me l’avoir fait parvenir.
Dans cet article, je m’interroge à savoir la consultation philosophique doit s’attarder à l’opinion ou au système pensée du client. OPINION – Le philosophe praticien cible l’opinion de son client en vue de démontrer l’ignorance sur laquelle elle repose et, par conséquent, l’absence de valeur de vérité qu’elle recèle. Cette pratique repose sur le « questionnement philosophique ».
Dans son livre « Sentir et savoir », Antonio Damasio propose « Une nouvelle théorie de la conscience ». Il démontre que la conscience ne peut pas exister sans le corps. Il identifie dans le corps la capacité de sentir comme préalable à la conscience.
Un si petit livre, seulement 46 pages et en format réduit, mais tellement informatif. Une preuve de plus qu’il ne faut se fier aux apparences. Un livre signé ROBERT REDEKER, agrégé de philosophie originaire de la France, connaît fort bien le sujet en titre de son œuvre : DÉPRESSION ET PHILOSOPHIE.
La plupart des intervenants en psychologie affirment des choses. Ils soutiennent «C’est comme ceci» ou «Vous êtes comme cela». Le lecteur a le choix de croire ou de ne pas croire ce que disent et écrivent les psychologues et psychiatres. Nous ne sommes pas invités à réfléchir, à remettre en cause les propos des professionnels de la psychologie, pour bâtir notre propre psychologie. Le lecteur peut se reconnaître ou pas dans ces affirmations, souvent catégoriques. Enfin, ces affirmations s’apparentent à des jugements. Le livre Savoir se taire, savoir dire de Jean-Christophe Seznec et Laurent Carouana ne fait pas exception.
Chapitre 1 – La mort pour commencer – Contrairement au philosophe Fernando Savater dans PENSER SA VIE – UNE INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE, je ne définie pas la vie en relation avec la mort, avec son contraire. Je réfléchie et je parle souvent de la mort car il s’agit de l’un de mes sujets préféré depuis mon adolescence. Certaines personnes de mon entourage pensent et affirment que si je parle aussi souvent de la mort, c’est parce que j’ai peur de mourir. Or, je n’ai aucune peur de la mort, de ma mort, de celles de mes proches. Je m’inquiète plutôt des conséquences de la mort sur ceux et celles qui restent, y compris sur moi-même.
À la lumière du documentaire LE SOLEIL ET DES HOMMES, notamment l’extrait vidéo ci-dessus, je ne crois plus au concept de race. Les différences physiques entre les hommes découlent de l’évolution naturelle et conséquente de nos lointains ancêtres sous l’influence du soleil et de la nature terrestre, et non pas du désir du soleil et de la nature de créer des races. On sait déjà que les races et le concept même de race furent inventés par l’homme en se basant sur nos différences physiques. J’abandonne donc la définition de « race » selon des critères morphologiques…
Dans le cadre de notre dossier « Consulter un philosophe », la publication d’un extrait du mémoire de maîtrise « Formation de l’esprit critique et société de consommation » de Stéphanie Déziel s’impose en raison de sa pertinence. Ce mémoire nous aide à comprendre l’importance de l’esprit critique appliqué à la société de consommation dans laquelle évoluent, non seule les jeunes, mais l’ensemble de la population.
Je reproduis ci-dessous une citation bien connue sur le web au sujet de « la valeur de la philosophie » tirée du livre « Problèmes de philosophie » signé par Bertrand Russell en 1912. Mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique, Bertrand Russell soutient que la valeur de la philosophie réside dans son incertitude. À la suite de cette citation, vous trouverez le texte de Caroline Vincent, professeur de philosophie et auteure du site web « Apprendre la philosophie » et celui de Gabriel Gay-Para tiré se son site web ggpphilo. Des informations tirées de l’Encyclopédie Wikipédia au sujet de Bertrand Russell et du livre « Problèmes de philosophie » et mon commentaire complètent cet article.
Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil; et, s’ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système ni un lit. Ne vous lassez pas d’examiner et de comprendre. (…) Lisez, écoutez, discutez, jugez; ne craignez pas d’ébranler des systèmes; marchez sur des ruines, restez enfants. (…) Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui; vous avez compris, en l’écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l’aune, et que les conclusions ne sont pas l’important; restez éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n’est point mort; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s’asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n’est point mort; Socrate n’est point vieux. (…) – Alain, (Emile Charrier), Vigiles de l’esprit.
Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».
J’accorde à ce livre trois étoiles sur cinq. Le titre « Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs » a attiré mon attention. Et ce passage du texte en quatrième de couverture m’a séduit : «En proposant une voyage philosophique à travers l’histoire des émotions, Iaria Gaspari bouscule les préjugés sur notre vie émotionnelle et nous invite à ne plus percevoir nos d’états d’âme comme des contrainte ». J’ai décidé de commander et de lire ce livre. Les premières pages m’ont déçu. Et les suivantes aussi. Rendu à la moitié du livre, je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agissait d’un témoignage de l’auteure, un témoignage très personnelle de ses propres difficultés avec ses émotions. Je ne m’y attendais pas, d’où ma déception. Je rien contre de tels témoignages personnels qu’ils mettent en cause la philosophie, la psychologie, la religion ou d’autres disciplines. Cependant, je préfère et de loin lorsque l’auteur demeure dans une position d’observateur alors que son analyse se veut la plus objective possible.
Tout repose sur le Savoir. L’expérience personnelle et/ou professionnelle qu’on fait du Savoir, après en avoir pris conscience, se retrouve à la base des Connaissances que nous possédons. Les Opinions expriment des Jugements des connaissances et inspirent souvent les Croyances.
La philosophie, mère de toutes les sciences, recherche la sagesse et se définie comme l’Amour de la Sagesse. La sagesse peut être atteinte par la pensée critique et s’adopte comme Mode de vie. • La philosophie soutient la Science et contribue à la naissance et au développement de la méthode scientifique, notamment avec l’épistémologie.
La philothérapie, principale pratique de la philosophie de nos jours, met sans cesse de l’avant les philosophes de l’Antiquité et de l’époque Moderne. S’il faut reconnaître l’apport exceptionnel de ces philosophes, j’ai parfois l’impression que la philothérapie est prisonnière du passé de la philosophie, à l’instar de la philosophie elle-même.
Au Québec, la seule province canadienne à majorité francophone, il n’y a pas de tradition philosophique populaire. La philosophie demeure dans sa tour universitaire. Très rares sont les interventions des philosophes québécois dans l’espace public, y compris dans les médias, contrairement, par exemple, à la France. Et plus rares encore sont les bouquins québécois de philosophie en tête des ventes chez nos libraires. Seuls des livres de philosophes étrangers connaissent un certain succès. Bref, l’espace public québécois n’offre pas une terre fertile à la Philosophie.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il me permet d’en apprendre beaucoup plus sur la pensée scientifique telle que pratiquée par de grands scientifiques. L’auteur, Nicolas Martin, propose une œuvre originale en adressant les mêmes questions, à quelques variantes près, à 17 grands scientifiques.
Cet article répond à ce commentaire lu sur LinkedIn : « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique est indispensable. » Il m’apparaît impossible de viser « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique » et de prétendre que cet équilibre entre les trois disciplines soit « indispensable ». D’une part, le développement personnel est devenu un véritable fourre-tout où l’ivraie et le bon grain se mélangent sans distinction, chacun avançant sa recette à l’aveugle.
En ne s’unissant pas au sein d’une association nationale professionnelle fixant des normes et des standards à l’instar des philosophes consultants ou praticiens en d’autres pays, ceux de la France nous laissent croire qu’ils n’accordent pas à leur disciple tout l’intérêt supérieur qu’elle mérite. Si chacun des philosophes consultants ou praticiens français continuent de s’affairer chacun dans son coin, ils verront leur discipline vite récupérée à mauvais escient par les philopreneurs et la masse des coachs.
“ Après les succès d’Épicure 500 vous permettant de faire dix repas par jour sans ballonnements, après Spinoza 200 notre inhibiteur de culpabilité, les laboratoires Laron, vous proposent Philonium 3000 Flash, un médicament révolutionnaire capable d’agir sur n’importe quelle souffrance physique ou mentale : une huile essentielle d’Heidegger pour une angoisse existentielle, une substance active de Kant pour une douleur morale…. Retrouvez sagesse et vitalité en un instant ”, s’amusaient les chroniqueurs radio de France Inter dans une parodie publicitaire diffusée à l’occasion d’une émission ayant pour thème : la philosophie peut-elle soigner le corps ?
J’attribue quatre étoiles sur cinq à ce livre. Les lecteurs assidus de mes articles connaissent fort bien ma position plus que défavorable face au développement personnel. À l’instar de Thiery Jobard, je suis contre le développement personnel. Je qualifie le développement personnel d’arnaque extrêmement dangereuse pour ses adeptes et notre société.
J’attribue quatre étoiles sur cinq à ce livre. Les lecteurs assidus de mes articles connaissent fort bien ma position plus que défavorable face au développement personnel. À l’instar de Thiery Jobard, je suis contre le développement personnel. Je qualifie le développement personnel d’arnaque extrêmement dangereuse pour ses adeptes et notre société.
Le philothérapeute (philosophe consultant ou philosophe praticien) a l’obligation de très bien connaître le contexte dans lequel évolue son client. Le développement de l’esprit critique de ce client passe inévitablement par une prise de conscience de sa cognition en vue de comprendre comment il connaît. Si, dès le départ, le client n’a pas conscience de son mode de pensées, il lui sera difficile de participer activement au dialogue avec son philothérapeute. L’objectif primaire du philosophe consultant demeure de déceler et de corriger les biais cognitifs de son client avant même d’abord une question philosophique. Bref, si la »machine à pensée » du client est corrompu par des «virus cognitifs », une «réinitialisation » s’impose en début de séance de consultation.
Dans son livre « Développement (im) personnel, Julia de Funès, docteure en philosophie, soutient que le développement personnel offre la même recette à tous et qu’à ce titre il ne peut donc pas se qualifier sa démarche de « personnel ». Selon ma compréhension, le développement personnel devrait mettre de l’avant un développement personnalisé, c’est-à-dire adapté à chaque individu intéressé pour se targuer d’être personnel.
Mon intérêt pour la pensée scientifique remonte à plus de 25 ans. Alors âgé d’une quarantaine d’année, PDG d’une firme d’étude des motivations d’achat des consommateurs, je profite des enseignements et de l’étude du processus scientifique de différentes sources. Je me concentre vite sur l’épistémologie…
Ce livre m’a déçu en raison de la faiblesse de sa structure indigne de son genre littéraire, l’essai. L’auteur offre aux lecteurs une foule d’information mais elle demeure difficile à suivre en l’absence de sous-titres appropriés et de numérotation utile pour le repérage des énumérations noyés dans un style plus littéraire qu’analytique.
En l’absence d’une association d’accréditation des philothérapeutes, philosophes consultants ou praticiens en francophonie, il est difficile de les repérer. Il ne nous reste plus que de nombreuses recherches à effectuer sur le web pour dresser une liste, aussi préliminaire soit-elle. Les intervenants en philothérapie ne se présentent pas tous sous la même appellation : « philothérapeute », « philosophe consultant » ou « philosophe praticien » « conseiller philosophique » « philosophe en entreprise », « philosophe en management » et autres.
J’ai lu le livre GUÉRIR L’IMPOSSIBLE en me rappelant à chaque page que son auteur, Christopher Laquieze, est à la fois philosophe et thérapeute spécialisé en analyse comportementale. Pourquoi ? Parce que ce livre nous offre à la fois un voyage psychologique et philosophique, ce à quoi je ne m’attendais pas au départ. Ce livre se présente comme « Une philosophie pour transformer nous souffrances en forces ». Or, cette philosophie se base davantage sur la psychologie que la philosophie. Bref, c’est le « thérapeute spécialisé en analyse comportementale » qui prend le dessus sur le « philosophe ».
Nathaniel Masselot maîtrise fort bien son écriture visiblement axée sur son accessibilité et sa compréhension par tous. Loin de la vulgarisation simpliste, l’auteur nous parle comme nous parlons. Loin de l’écriture hermétique, l’auteur n’a pas la tête dans les nuages et isolé dans une tour surplombant la société; il marche auprès de nous. Avec ses références à l’actualité, il campe son lecteur dans la réalité quotidienne où il évolue.
Ma lecture de ce livre m’a procuré beaucoup de plaisir et de bonheur. Je recherche dans mes lectures les auteurs et les œuvres permettant aux lecteurs d’évoluer de prise de conscience en prise de conscience de la première à la dernière page, de ne plus être le même à la fin de la lecture. Et c’est ce que les lecteurs vivront à la lecture de ce livre.
Je n’ai pas aimé ce livre parce que son titre, LES PHILO-COGNITIFS, se réfère à la philosophie sans pour autant faire un traitement philosophique de son sujet. Mon achat reposait entièrement sur le titre de ce livre et je m’attendais à un livre de philosophie. Mais il s’agit d’un livre de psychologie. Mon achat fut intuitif. J’avais pleinement confiance dans l’usage du mot « PHILO » en titre d’un ouvrage pour que ce dernier ne puisse traiter d’un autre sujet que philosophique. Mais ce n’est pas le cas.
À l’instar de ma lecture précédente (Qu’est-ce que la philosophie ? de Michel Meyer), le livre PRÉSENTATIONS DE LA PHILOSOPHIE du philosophe ANDRÉ COMTE-SPONVILLE m’a plu parce qu’il met en avant les bases mêmes de la philosophie et, dans ce cas précis, appliquées à une douzaine de sujets…
J’ai dévoré le livre LES THÉORIES DE LA CONNAISSANCE par JEAN-MICHEL BESNIER avec un grand intérêt puisque la connaissance de la connaissance me captive. Amateur d’épistémologie, ce livre a satisfait une part de ma curiosité. Évidemment, je n’ai pas tout compris et une seule lecture suffit rarement à maîtriser le contenu d’un livre traitant de l’épistémologie, notamment, de son histoire enchevêtrée de différents courants de pensée, parfois complémentaires, par opposés. Jean-Michel Besnier dresse un portrait historique très intéressant de la quête philosophique pour comprendre la connaissance elle-même.
« La vérité est une invention de l’Homme. L’Homme est imparfait. Donc la vérité est imparfaite. »
Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».
La philosophe Myriam Revault d’Allonnes va encore plus loin en parlant d’une « ère post-factuel » :
Il n’en va pas de même avec la « post-vérité » selon laquelle — à suivre le dictionnaire d’Oxford — les faits objectifs ont moins d’importance que leur appréhension subjective. La capacité du discours politique à modeler l’opinion publique en faisant appel aux émotions prime sur la réalité des faits. Peu importe que ces derniers informent ou non les opinions : l’essentiel, c’est l’impact du propos. Le partage du vrai et du faux devient donc insignifiant au regarde de l’efficacité du « faire-croire ». L’ère de la post-vérité est aussi celle du post-factuel.
L’erreur serait pourtant de penser que la post-vérité et la fabrication de « faits alternatifs » dans des sociétés démocratiques relèvent des mêmes mécanismes que l’idéologie totalitaire. Certes, dans les deux cas on propose un substitut à la réalité, un réarrangement de toute la texture factuelle en sorte qu’un monde fictif vient en lieu et place du monde des expériences et des relations que nous avons en partage et qui est le « sol » sur lequel nous nous tenons.
Dans les systèmes totalitaires, une idéologie « fantasmatiquement fictive » suscite un monde à la fois mensonger et cohérent que l’expérience est impuissante à contrarier. Le penser idéologique s’affranchit de l’existence de la réalité plus « vraie » que celle que nous appréhendons et percevons. Il ordonne les faits selon une procédure entièrement logique : en partant d’une prémisse tenue pour un axiome et dont tout le reste est déduit, on parvient à une cohérence jamais rencontrée dans le réel.
La vérité se fait bardasser par tout un chacun en ces temps qui courent. Elle est victime d’érosion comme les berges soumis aux ondes de tempête provoquées par les changements climatiques.
Il y a 25 ans, en pleine crise intellectuelle au début de ma quarantaine d’âge, je me suis réfugié dans la méthode de la pensée scientifique, dans l’épistémologie, c’est-à-dire dans l’étude de la connaissance de la connaissance. J’en suis venu à la conclusion que nous devrions importer dans notre vie de tous les jours la méthode de la pensée scientifique, notamment le doute systématique. Mon objectif : une pensée juste débarrassée des biais cognitifs, libérée de mes opinions, de mes préjugés… Admettre pour vrai uniquement ce que les sciences exactes ont démontré, tout en considérant qu’en ces sciences, la connaissance se bâtit sur la destruction du déjà-su dont on s’est donné formellement l’obligation de douter.
À la fin de cette décennie de ma vie, j’ai observé de plus en plus de gens prendre pour vrai ce qu’ils pensaient uniquement parce qu’ils le pensaient. Cette absence complète de recul et de doute court-circuite voire détruit le système de penser. « Seul ce que je pense est vrai » semble dire ces personnes plus attachées à leurs opinions qu’au savoir et à la connaissances eux-mêmes. Or, la première règle de la pensée scientifique est de lutter contre ses opinions.
À la question « Pourquoi la vérité ne triomphe pas par elle-même ? », je répond « parce qu’elle est imparfaite » et cette imperfection vient du fait qu’on la cherche dans des domaines où elle ne peut pas émerger, comme dans les sciences inexactes. Une imperfection justifiée aussi par le fait qu’elle est un concept de l’Homme et que ce dernier est lui-même imparfait. La vérité n’existe pas non plus dans la Nature. La vérité est une invention conceptuelle de l’Homme qui lui permet de s’assurer de la correspondance de ses observations avec la réalité.
Pour commencer, il faut distinguer la vérité et la réalité : la vérité n’est pas la réalité. La réalité est une propriété des choses. La vérité est une propriété du discours ou de la pensée. Une chose est réelle, si elle est, si elle existe, si elle est effective. Ici, nous entendons « réalité » dans son sens ordinaire, et non pas dans son sens technique.
La vérité tient donc du seul fait de l’expérience que nous faisons de la réalité pour en tirer une connaissance (vraie).
Le concept de connaissance enveloppe celui de vérité : toute connaissance est par définition vraie ; une connaissance qui ne serait pas vraie perdrait aussitôt son statut de connaissance.
Et si des experts se prononcent sur notre temps en évoquant dans notre histoire une ère de post-vérité, ce n’est pas parce que la vérité change avec le temps mais plutôt parce que les critères de la vérité changent. « (…) la vérité est par définition absolue, universelle et transhistorique », nous dit Gabriel Gay-Para :
De prime abord, si on considère l’essence ou la nature de la vérité, et non ses critères, la vérité est par définition absolue, universelle et transhistorique. Prenons un exemple simple : « la somme des angles d’un triangle est égale à un angle plat. » Cette vérité, dans le cadre de la géométrie euclidienne, respecte cette triple propriété. Elle est absolue : comme cette propriété découle de l’essence même du triangle, elle est indépendante de toute condition. Elle vaut pour tout le monde, qu’on soit géomètre ou non. Mais elle vaut aussi pour tous les triangles, quelles que soient leurs propriétés particulières (triangle isocèle, équilatéral, rectangle, etc.) ; elle est donc universelle. Elle est enfin transhistorique : elle vaut pour toutes les époques. Cette propriété vaut pour les arpenteurs de l’Égypte ancienne, comme pour les mathématiciens du XXe siècle : le développement des géométries non-euclidiennes depuis le XIXe siècle n’y a rien changé. Un triangle dessiné sur une surface plane a toujours la somme de ses angles égale à un angle plat. La vérité semble donc transhistorique ou éternelle, indépendante du temps qui passe. Dans cette perspective, comment la vérité pourrait-elle avoir une histoire ? Si la vérité est la propriété qui caractérise nos énoncés lorsque ceux-ci décrivent ce qui est, autrement dit, « correspondent » ou sont en adéquation avec la réalité, comment pourrait-elle avoir une histoire, et donc évoluer avec le temps ? Historiciser le concept de vérité, n’est-ce pas le vider de son contenu ?
La vérité n’a pas d’histoire parce qu’elle « (…) est par définition absolue, universelle et transhistorique ».
La vérité existe que dans son rapport à la réalité. C’est une théorie de la vérité nommée « correspondantisme » : « Le correspondantisme, appelé aussi théorie de la vérité-correspondance, est l’ensemble des théories définissant la vérité comme une relation de correspondance entre un énoncé et une chose réelle. Un énoncé est vrai seulement s’il correspond à la chose à laquelle il réfère dans la réalité. » (source : Vérité, Wikipédia, consulté le 26 janvier 2023).
À présent, toute connaissance s’accomplit dans l’assimilation du connaissant à la chose connue, et l’on dit que cette assimilation est cause de la connaissance, comme la vue connaît la couleur du fait qu’elle y est disposée par l’espèce de la couleur. De la sorte, le premier rapport de l’étant à l’intellect tient à ce que l’étant et l’intellect concordent, concordance qui est appelée adéquation de l’intellect et de la chose [adaequatio intellectus et rei], et dans laquelle la notion de vrai s’accomplit formellement. C’est donc cela que le vrai ajoute à l’étant, la conformité ou l’adéquation de la chose et de l’intellect [adaequationem rei et intellectus], conformité de laquelle, comme on l’a dit, suit la connaissance de la chose. Ainsi l’entité de la chose précède-t-elle la notion de vérité alors que la connaissance est un certain effet de la vérité.
Si la vérité ne triomphe pas toujours par elle-même, si elle ne s’impose pas d’emblée à tous, c’est parce que nous ne nous entendons pas sur la réalité. Et si nous ne nous entendons pas sur la réalité, c’est en raison des différences et des variations des perceptions de cette réalité d’une personne à l’autre, et ce, même si nous disposons tous du même « matériel biologique » de perception. Notre histoire personnelle, sociétale, nationale, civilisationnelle… caractérise nos perceptions non seulement de la réalité mais aussi de nos interprétations.
Le seul et unique moyen dont nous disposons pour décerner la statut de vérité à une chose matérielle, c’est la pensée scientifique à la barre de l’expérience scientifique. Le scientifique nous propose une hypothèse concernant une chose matérielle spécifique, il vérifie cette hypothèse lors d’une expérience et tous ceux et celles qui reprendront avec rigueur la même expérience arriveront aux mêmes résultats confirmant l’hypothèse. Cette dernière est prouvée. Elle est une vérité. Personnellement, je préfère soutenir que l’hypothèse ainsi mise à l’épreuve de l’expérience est une « connaissance ». Reprenons la citation tiré du texte de Gabriel Gay-Para :
Le concept de connaissance enveloppe celui de vérité : toute connaissance est par définition vraie ; une connaissance qui ne serait pas vraie perdrait aussitôt son statut de connaissance.
Mais ce « vrai » n’est pas nécessairement « absolue, universelle et transhistorique » tel que le précise Gabriel Gay-Para. Car, en science du moins, une connaissance est admise pour vraie que le temps qu’une autre connaissance la rende caduque et lui soustrait son caractère de vérité. En science la connaissance se construit sur la destruction du déjà-su. Autrement dit, une connaissance scientifique n’est pas nécessairement absolue et transhistorique. Il y a obligation de douter de toute connaissance. La connaissance n’est vrai que le temps que l’on en doute.
Si une connaissance peut être admise comme étant « absolue, universelle et transhistorique » tel que le précise Gabriel Gay-Para en donnant en exemple « la somme des angles d’un triangle est égale à un angle plat », c’est uniquement parce qu’elle a résisté jusqu’ici à tous les doutes et à toutes les expériences des scientifiques tout comme à tous les changements de critères de vérité survenus au fil du temps.
Dans ce contexte, faut-il donner un statut différent aux connaissances scientifiques qui ne sont pas absolues, universelles et transhistoriques ? Que faire de cette « connaissance » scientifique qui se construit sur la destruction du déjà-su ? Les question est posée. Je n’ai pas de réponse pour l’instant.
Enfin, si j’ai toujours et encore un problème avec la vérité, c’est parce que chacun se forge « sa vérité ». La vérité est devenue aussi personnelle que les perceptions personnelles de la réalité. Dans le film LA RÈGLE DU JEU (France, 1939, 1h52) de JEAN RENOIR (1894 – 1979), l’un des personnages dit : « Tu comprends, sur cette terre, il y a une chose effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons ».
Dis donc vieux, j’ai envie de foutre le camp. J’ai envie de disparaître dans un trou.
Ça t’avancerait à quoi ?
Ça m’avancerait à plus rien voir. À ne plus chercher, à savoir ce qui est bien, ce qui est mal. Parce que, tu comprends, sur cette terre, il y a une chose effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons.
« À chacun sa vérité » revient sans cesse dans les discussions, à l’instar de « À chacun son opinion ». Ainsi devenue une simple affaire personnelle, la vérité n’est plus absolue, universelle et transhistorique. Le concept de vérité en prend pour son rhume avec ce critère de validité personnelle.
Pour plusieurs, la vérité n’est rien de plus que ce que l’on croit ou, si vous préférez, une simple croyance à défendre avec force de conviction. La vérité perd ainsi son sens propre (absolue, universelle et transhistorique).
La vérité laisse place à l’interprétation et, de ce fait, elle n’est que rarement absolue, universelle et transhistorique.
Comparé à la perfection des concepts de base en mathématiques, les chiffres et les nombres, celui de la vérité se caractérise par ses imperfections. Si nous prenons le chiffre « 2 », jamais nous le rencontrerons au coin de la rue parce qu’il s’agit d’un concept abstrait parfait. Il en va de même de la vérité; nous ne la rencontrerons pas non plus au coin de la rue. La supériorité des concepts de base en mathématique (chiffres et nombres) repose sur sa parfaite adéquation avec la réalité qu’ils désignent. Lorsqu’on dénombre 2 pommes, il y en a pas 1, 2½ ou 3, et ce, peu importe les perceptions personnelles. Je ne rencontre aucun problème avec un tel concept abstrait parfait qui nous donne un vérité absolue, universelle et transhistorique.
Cependant, je rencontre un grave problème avec la vérité lorsqu’elle est relative, personnelle et historique parce qu’elle donne lieu à de multiple interprétations et d’opinions, toujours particulières.
En général, on définit la vérité soit comme un jugement conforme à son objet (on parle alors de vérité-correspondance), soit comme un jugement non-contradictoire (on parle alors de vérité-cohérence). Son caractère universel la distingue de l’opinion qui est toujours particulière.
Dans la définition ci-dessus, le mot « jugement » associé à la « vérité » me cause aussi un problème. Je me demande si l’on porte un jugement lorsqu’on exprime une vérité.
Vérité (nom commun)
Caractère de ce qui est conforme à la réalité.
Proposition, jugement ou croyance qui est vraie.
Réalité profonde d’une chose, par opposition à ses manifestations superficielles.
Exemple(s)
La vérité d’une proposition scientifique est parfois difficile à établir.
C’est une vérité bien admise que les poules ne poussent pas sur les arbres.
La vérité du capitalisme, c’est l’exploitation.
Terme(s) associé(s)
correspondance, faux
Remarque
La définition de « vérité » est controversée. Il n’y a d’accord ni sur la nature du concept, ni sur la façon de le penser. Même la définition précédente , pourtant très classique, ne fait pas consensus. Ceux qui tendent à l’accepter ne s’accordent pas sur sa formulation précise ou ses implications. « Qu’est ce que la vérité ? » reste une question ouverte. Difficultés philosophiques mises de coté, la « vérité » est une notion très courante. Son usage est peut-être inévitable, en dépit des incertitudes philosophiques.
0) (traditionnellement) Adequatio rei et intellectus
1) (sens commun) Caractère de ce qui est conforme à la réalité.
2) Proposition, jugement, ou croyance qui est vraie.
3) « Réalité stable, profonde, essentielle, par opposition aux apparences aux accidents »
(Dictionnaire de Philosophie, Godin).
Remarques
Jugement & proposition. La définition dite commune de la vérité la donne comme « jugement » ou « proposition » conforme à la réalité. Cette expression est d’emblée problématique : elle utilise deux termes dans leur sens philosophique pour circonscrire ce qu’on présente comme le sens commun. L’usage courant de jugement & de proposition n’est pas celui qu’on mobilise ici. Si on devait définir depuis le sens commun, on dirait que c’est une « phrase » qui est conforme ou non à la réalité.
Stricto sensu, une proposition est une entité abstraite, dotée d’une valeur de vérité unique (ou bien vrai ou bien faux), et qui s’exprime dans des phrases. Deux phrases prononcées dans des langues différentes peuvent expriment la même proposition [4], et deux phrases linguistiquement identiques refléter des propositions différentes selon le contexte spatio-temporel de son énonciation et son locuteur (« Il faisait beau hier » ; « J’aime le chocolat »). Les propositions sont des entités hors du temps, leur valeur (V/F) est et sera toujours la même [5]. La possibilité d’être V ou F est essentielle à une proposition, même si certaines propositions pourront êtres dites vraies en vertu de leur forme et d’autres en vertu des faits [6]. Il semble que les propositions soient d’emblée des entités linguistiques (cf. « proposition » est presque une abréviation de « proposition linguistique »).
A contrario, un jugement est le résultat de la faculté de juger, il met en relation ordonnée des concepts, mais n’est ni forcément une entité linguistique, ni toujours ou bien vrai ou bien faux. On peut penser le jugement comme un élément mental, et refuser à des jugements absurdes, moraux, ou esthétiques la possibilité d’être vrai ou faux. La notion de jugement est plus lâche : il n’est pas clair que le jugement soit une entité abstraite ou concrète. Par rapport à la proposition on peut considérer que ce qui permet à un jugement d’être vrai est le fait d’exprimer une proposition. On enchâsse alors les deux notions.
La définition classique & commune de la vérité oscille donc entre deux descriptions proches mais distinctes des vériporteurs, tout en maintenant un usage vague et imprécis des termes philosophiques qu’elle mobilise. D’un coté on use de concepts précis, de l’autre on noie la différence entre ces concepts, en présentant la définition comme « commune », alors même que son expression est philosophique.
[4] Au delà de non-nominalisme dans lequel engage l’admission de propositions, le fait qu’on sache mal quand une proposition exprimée par une phrase est la même que celle exprimée par une autre phrase a été critiqué.
[5] La proposition qui dit qu’il faisait beau hier, prononcée le jour/mois/année à l’endroit E, aura toujours la même valeur de vérité (V/F), parce qu’en dépit de la possibilité de réitérer la phrase « il faisait beau hier », la proposition exprimée sera toujours différente (sauf au cours de la journée X, où pendant toute la journée « hier » réfère à X-1 jour).
[6] Ce qui pose la question de ce qui est à l’origine de la vérité.
La définition de la vérité comme étant « Proposition, jugement, ou croyance qui est vraie », cette fois en ajoutant au terme « jugement » celui de « croyance » me déstabilise. Il y a toujours un danger de prendre pour vrai ce que l’on croit, et ce, uniquement parce qu’on le pense. L’expression d’une croyance comme étant en adéquation avec une réalité donnée relève à mes yeux du monde métaphysique plutôt que du monde physique perceptible (par nos sens). À mon avis, la métaphysique se classe parmi les sciences inexactes et ne peut pas prétendre être absolue, universelle et transhistorique.
Aussi, je ne mets sur le même pied une « proposition » et un « jugement ». À mon avis, une proposition peut être objective tandis qu’un jugement sera toujours subjectif. Certaines personnes parlent de la « vérité d’une proposition » et de la « vérité d’un jugement », ce qui me complique davantage la vie. Dans ce cas, la vérité ne peut pas être un jugement puisque ce dernier peut ne pas être vrai en raison de sa subjectivité. Il en va de même avec la proposition qui possède pas un caractère de vérité qui lui soit intrinsèque puisqu’elle peut ne pas être vraie. Or, à mes yeux, une vérité existe que si la seule et unique option est qu’elle soit vraie.
Une vérité ne peut pas être déclarée fausse, à moins qu’il y ait eu méprise. Dans ce cas, la vérité est contestée, ce qui va à l’encontre de son caractère absolue, universelle et transhistorique. Et c’est ce qui se produit lorsqu’on croit en une vérité ou que l’on prend la vérité pour croyance vraie.
Je considère que la vérité doit tout simplement être admise. Je me rapproche ainsi de la connaissance. Revenons donc à la citation tirée de Gabriel Gya-Para :
Le concept de connaissance enveloppe celui de vérité : toute connaissance est par définition vraie ; une connaissance qui ne serait pas vraie perdrait aussitôt son statut de connaissance.
Témoignage de ma recherche personnelle au sujet de la philothérapie (philosophie + thérapie) ou, si vous préférez, de la pratique de la philosophie en clinique. Il s’agit de consultation individuel ou de groupe offert par un philosophe praticien pour nous venir en aide. Elle se distingue de la « psychothérapie » (psychologie + thérapie) en ce qu’elle utilise des ressources et des procédés et poursuit de objectifs propres à la philosophie. On peut aussi parler de « philosophie appliquée ».
La philothérapie gagne lentement mais sûrement en popularité grâce à des publications de plus en plus accessibles au grand public (voir l’Introduction de ce dossier).
L’un des titres tout en haut de la liste s’intitule « Platon, pas Prozac! » signé par Lou Marinoff paru en français en l’an 2000 aux Éditions Logiques. Ce livre m’a ouvert à la philothérapie.
L’auteur est professeur de philosophie au City College de New York, fondateur de l’Association américaine des praticiens de la philosophie (American Philosophical Practitioners Association) et auteurs de plusieurs livres.
Présentation du livre Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie suivie de mes commentaires de lecture.
Cet article présente et relate ma lecture du livre « Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai », de Laurence Bouchet aux Éditions Marabout. Malheureusement ce livre n’est plus disponible à la vente tel que mentionné sur le site web de l’éditeur. Heureusement on peut encore le trouver et l’acheter dans différentes librairies en ligne.
Le livre « La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence » de Madame Eugénie Vegleris aux Éditions Eyrolles se classe en tête de ma liste des meilleurs essais que j’ai lu à ce jour au sujet de la « philothérapie ».
À ce jour, tous les livres dont j’ai fait rapport de ma lecture dans ce dossier sont l’œuvre de philosophes consultants témoignant de leurs pratiques fondées sur le dialogue. Le livre « Guérir la vie par la philosophie » de Laurence Devillairs aux Presses universitaires de France (PUF) diffère des précédents parce que l’auteure offre à ses lecteurs une aide direct à la réflexion sur différents thèmes.
J’ai lu ce livre à reculons. J’ai appliqué les feins dès les premières pages. L’objectivité sociologique de l’auteur m’a déplu. Ce livre présente aux lecteurs des observations, que des observations. L’auteur n’en tire aucune conclusion.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il m’a révélé les coulisses de la quête du bonheur au cœur de notre société néo-libérale. Je savais que cette obsession du bonheur circulait au sein de la population, notamment par le biais des coach de vie et des agents de développement personnel, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle cachait une véritable industrie soutenue par une idéologie psychologisante. Jusque-là, je ne connaissais de cette industrie que le commerce des livres et la montée en puissance des coachs de vie dédiés à la recherche du bonheur.
J’ai adoré ce livre. Il est dense, très dense. On ne peut pas le lire comme un roman. Me voici enfin devant un auteur qui dit tout, où, quand, comment il observe, comment il pense, comment il chemine, comment il voit, comment il entend, comment il anticipe, comment il tire ses conclusions… Bref, un auteur qui expose son propre système de pensée dans un essai plus que formateur pour le nôtre.
La lecture du livre «La consultation philosophique» signé par le philosophe praticien Oscar Brenifier (voir article #11 de notre dossier «Consulter un philosophe – Quand la philosophie nous aide») nous apprend qu’il adresse un document à ses clients potentiels. J’ai écrit à monsieur Brenifier pour lui demander s’il pouvait me faire parvenir ce document.
Cet article présente et relate ma lecture du livre du «La philo-thérapie» de Éric Suárez, Docteur en philosophie de l’Université Laval (Québec), philosophe praticien (Lausanne), publié en 2007 aux Éditions Eyrolles. Ce livre traite de la consultation philosophique ou, si vous préférez, de la philo-thérapie, d’un point de vue pratique. En fait, il s’agit d’un guide pour le lecteur intéressé à acquérir sa propre approche du philosopher pour son bénéfice personnel. Éric Suárez rassemble dans son ouvrage vingt exemples de consultation philosophiques regroupés sous cinq grands thèmes : L’amour, L’image de soi, La famille, Le travail et le Deuil.
Ce livre se caractérise par l’humour de son auteur et se révèle ainsi très aisé à lire. D’ailleurs l’éditeur nous prédispose au caractère divertissant de ce livre en quatrième de couverture : «Étudier in extenso la pensée des grands théoriciens et en extraire un mode de réflexion agissant est une mission impossible pour l’honnête homme/femme. C’est pourquoi l’auteur de cet ouvrage aussi divertissant que sérieux propose des voies surprenantes au premier abord, mais qui se révèlent fort praticables à l’usage. L’une passe par la rencontre avec la vie et la personnalité du philosophe : la voie des affinités électives».
Référencé par un auteur à mon programme de lecture, le livre «La philosophie comme manière de vivre» m’a paru important à lire. Avec un titre aussi accrocheur, je me devais de pousser plus loin ma curiosité. Je ne connaissais pas l’auteur Pierre Hadot : «Pierre Hadot (né à Paris, le 21 février 1922, et mort à Orsay, le 24 avril 20101) est un philosophe, historien et philologue français, spécialiste de l’Antiquité, profond connaisseur de la période hellénistique et en particulier du néoplatonisme et de Plotin. Pierre Hadot est l’auteur d’une œuvre développée notamment autour de la notion d’exercice spirituel et de la philosophie comme manière de vivre.» (Source : Wikipédia)
Jeanne Hersch, éminente philosophe genevoise, constate une autre rupture encore, celle entre le langage et la réalité : « Par-delà l’expression verbale, il n’y a pas de réalité et, par conséquent, les problèmes ont cessé de se poser (…). Dans notre société occidentale, l’homme cultivé vit la plus grande partie de sa vie dans le langage. Le résultat est qu’il prend l’expression par le langage pour la vie même. » (L’étonnement philosophique, Jeanne Hersch, Éd. Gallimard.) / On comprend par là qu’aujourd’hui l’exercice du langage se suffit à lui-même et que, par conséquent, la philosophie se soit déconnectée des problèmes de la vie quotidienne.» Source : La philosophie, un art de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021, Préface, p. 9.
J’ai trouvé mon bonheur dès l’Avant-propos de ce livre : «Laura Candiotto, en insistant sur le rôle joué par les émotions dans le dialogue socratique ancien et sur l’horizon éthique de celui-ci, vise à justifier théoriquement un «dialogue socratique intégral», c’est-à-dire une pratique du dialogue socratique qui prend en compte des émotions pour la connaissance.» Enfin, ai-je pensé, il ne s’agit plus de réprimer les émotions au profit de la raison mais de les respecter dans la pratique du dialogue socratique. Wow ! Je suis réconforté à la suite de ma lecture et de mon expérience avec Oscar Brenifier dont j’ai témoigné dans les articles 11 et 12 de ce dossier.
Lou Marinoff occupe le devant de la scène mondiale de la consultation philosophique depuis la parution de son livre PLATON, PAS PROJAC! en 1999 et devenu presque’intantément un succès de vente. Je l’ai lu dès sa publication avec beaucoup d’intérêt. Ce livre a marqué un tournant dans mon rapport à la philosophie. Aujourd’hui traduit en 27 langues, ce livre est devenu la bible du conseil philosophique partout sur la planète. Le livre dont nous parlons dans cet article, « La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence », est l’une des 13 traductions du titre original « The Big Questions – How Philosophy Can Change Your Life » paru en 2003.
J’ai acheté et lu « S’aider soi-même » de Lucien Auger parce qu’il fait appel à la raison : « Une psychothérapie par la raison ». Les lecteurs des articles de ce dossier savent que je priorise d’abord et avant tout la philothérapie en place et lieu de la psychothérapie. Mais cette affiliation à la raison dans un livre de psychothérapie m’a intrigué. D’emblée, je me suis dit que la psychologie tentait ici une récupération d’un sujet normalement associé à la philosophie. J’ai accepté le compromis sur la base du statut de l’auteur : « Philosophe, psychologue et professeur ». « Il est également titulaire de deux doctorats, l’un en philosophie et l’autre en psychologie » précise Wikipédia. Lucien Auger était un adepte de la psychothérapie émotivo-rationnelle créée par le Dr Albert Ellis, psychologue américain. Cette méthode trouve son origine chez les stoïciens dans l’antiquité.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.
Dans la première partie de ce rapport de lecture du livre « Penser par soi-même – Initiation à la philosophie » de Michel Tozzi, je vous recommandais fortement la lecture de ce livre : « J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.» Je suis dans l’obligation d’ajouter cette deuxième partie à mon rapport de lecture de ce livre en raison de ma relecture des chapitres 6 et suivants en raison de quelques affirmations de l’auteur en contradiction avec ma conception de la philosophie.
J’accorde au livre Agir et penser comme Nietzsche de Nathanaël Masselot cinq étoiles sur cinq. Aussi facile à lire qu’à comprendre, ce livre offre aux lecteurs une excellente vulgarisation de la philosophie de Friedricha Wilhelm Nietzsche. On ne peut pas passer sous silence l’originalité et la créativité de l’auteur dans son invitation à parcourir son œuvre en traçant notre propre chemin suivant les thèmes qui nous interpellent.
Tout commence avec une entrevue de Myriam Revault d’Allonnes au sujet de son livre LA FAIBLESSE DU VRAI à l’antenne de la radio et Radio-Canada dans le cadre de l’émission Plus on de fous, plus on lit. Frappé par le titre du livre, j’oublierai le propos de l’auteur pour en faire la commande à mon libraire.
Le développement personnel fourmille de personnes de tout acabit qui se sont improvisées conseillers, coachs, thérapeutes, conférenciers, essayistes, formateurs… et auxquelles s’ajoutent des praticiens issus des fausses sciences, notamment, divinatoires et occultes, des médecines et des thérapies alternatives. Bref, le développement personnel attire toute sorte de monde tirant dans toutes les directions.
Je n’aime pas cette traduction française du livre How we think de John Dewey. « Traduit de l’anglais (États-Unis) par Ovide Decroly », Comment nous pensons parait aux Éditions Les empêcheurs de penser en rond / Seuil en 2004. – Le principal point d’appui de mon aversion pour traduction française repose sur le fait que le mot anglais « belief » est traduit par « opinion », une faute majeure impardonnable dans un livre de philosophie, et ce, dès les premiers paragraphes du premier chapitre « Qu’entend-on par penser ? »
Hier j’ai assisté la conférence Devenir philothérapeute : une conférence de Patrick Sorrel. J’ai beaucoup aimé le conférencier et ses propos. J’ai déjà critiqué l’offre de ce philothérapeute. À la suite de conférence d’hier, j’ai changé d’idée puisque je comprends la référence de Patrick Sorrel au «système de croyance». Il affirme que le «système de croyance» est une autre expression pour le «système de penser». Ce faisant, toute pensée est aussi une croyance.
J’éprouve un malaise face à la pratique philosophique ayant pour objectif de faire prendre conscience aux gens de leur ignorance, soit le but poursuivi par Socrate. Conduire un dialogue avec une personne avec l’intention inavouée de lui faire prendre conscience qu’elle est ignorante des choses de la vie et de sa vie repose sur un présupposé (Ce qui est supposé et non exposé dans un énoncé, Le Robert), celui à l’effet que la personne ne sait rien sur le sens des choses avant même de dialoguer avec elle. On peut aussi parler d’un préjugé philosophique.
Si votre opinion est faite et que vous n’êtes pas capable d’en déroger, vous êtes prisonnier de votre opinion. Si votre opinion est faite et que vous êtes ouvert à son évolution ou prêt à l’abandonner pour une autre, vous êtes prisonnier de l’opinion. Si votre opinion compte davantage en valeur et en vérité que les faits, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si votre opinion est la seule manière d’exprimer vos connaissances, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous pensez que l’opinion est le seul résultat de votre faculté de penser, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous prenez vos opinion pour vraies, vous êtes prisonnier de vos opinions.
J’ai mis beaucoup de temps à me décider à lire « La pratique philosophique » de Jérôme Lecoq. L’auteur est un émule d’Oscar Brenifier, un autre praticien philosophe. J’ai vécu l’enfer lors de mes consultations philosophiques avec Oscar Brenifier. Ainsi toute association de près ou de loin avec Oscar Brenifier m’incite à la plus grande des prudences. Jérôme Lecoq souligne l’apport d’Oscar Brenifier dans les Remerciements en première page de son livre « La pratique philosophique ».
Quelle est la différence entre « savoir » et « connaissance » ? J’exprime cette différence dans l’expression « Je sais parce que je connais ». Ainsi, le savoir est fruit de la connaissance. Voici quatre explications en réponse à la question « Quelle est la différence entre savoir et connaissance ? ».
J’ai décidé de publier les informations au sujet des styles interpersonnels selon Larry Wilson parce que je me soucie beaucoup de l’approche de la personne en consultation philosophique. Il m’apparaît important de déterminer, dès le début de la séance de philothérapie, le style interpersonnel de la personne. Il s’agit de respecter la personnalité de la personne plutôt que de la réprimer comme le font les praticiens socratiques dogmatiques. J’ai expérimenté la mise en œuvre de ces styles inter-personnels avec succès.
Le livre « La confiance en soi – Une philosophie » de Charles Pépin se lit avec une grande aisance. Le sujet, habituellement dévolue à la psychologie, nous propose une philosophie de la confiance. Sous entendu, la philosophie peut s’appliquer à tous les sujets concernant notre bien-être avec sa propre perspective.
J’ai vécu une sévère répression de mes émotions lors deux consultations philosophiques personnelles animées par un philosophe praticien dogmatique de la méthode inventée par Socrate. J’ai témoigné de cette expérience dans deux de mes articles précédents dans ce dossier.
Vouloir savoir être au pouvoir de soi est l’ultime avoir / Le voyage / Il n’y a de repos que pour celui qui cherche / Il n’y a de repos que pour celui qui trouve / Tout est toujours à recommencer
Que se passe-t-il dans notre système de pensée lorsque nous nous exclamons « Ah ! Là je comprends » ? Soit nous avons eu une pensée qui vient finalement nous permettre de comprendre quelque chose. Soit une personne vient de nous expliquer quelque chose d’une façon telle que nous la comprenons enfin. Dans le deux cas, il s’agit d’une révélation à la suite d’une explication.
Âgé de 15 ans, je réservais mes dimanches soirs à mes devoirs scolaires. Puis j’écoutais l’émission Par quatre chemins animée par Jacques Languirand diffusée à l’antenne de la radio de Radio-Canada de 20h00 à 22h00. L’un de ces dimanches, j’ai entendu monsieur Languirand dire à son micro : « La lumière entre par les failles».
Le succès d’une consultation philosophique (philothérapie) repose en partie sur la prise en compte des biais cognitifs, même si ces derniers relèvent avant tout de la psychologie (thérapie cognitive). Une application dogmatique du dialogue socratique passe outre les biais cognitifs, ce qui augmente les risques d’échec.
Depuis mon adolescence, il y a plus de 50 ans, je pense qu’il est impossible à l’Homme d’avoir une conscience pleine et entière de soi et du monde parce qu’il ne la supporterait pas et mourrait sur le champ. Avoir une pleine conscience de tout ce qui se passe sur Terre et dans tout l’Univers conduirait à une surchauffe mortelle de notre corps. Il en va de même avec une pleine conscience de soi et de son corps.
Le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre français, a été interrogé par la journaliste Pascale Senk du quotidien Le Figaro au sujet de son livre Savoir se taire, savoir parler, coécrit avec Laurent Carouana et paru en 2017. Le titre de l’article a retenu mon attention : Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole».
Reproduction de l’article « Comment dialoguer de manière constructive ? », un texte de Julien Lecomte publié sur son site web PHILOSOPHIE, MÉDIAS ET SOCIÉTÉ. https://www.philomedia.be/. Echanger sur des sujets de fond est une de mes passions. Cela fait plusieurs années que je m’interroge sur les moyens de faire progresser la connaissance, d’apprendre de nouvelles choses. Dans cet article, je reviens sur le cheminement qui m’anime depuis tout ce temps, pour ensuite donner des pistes sur les manières de le mettre en pratique concrètement.
Dans le récit initiatique, il s’agit de partir du point A pour aller au point B afin que le lecteur ou l’auditeur chemine dans sa pensée vers une révélation permettant une meilleure compréhension de lui-même et/ou du monde. La référence à la spirale indique une progression dans le récit où l’on revient sur le même sujet en l’élargissant de plus en plus de façon à guider la pensée vers une nouvelle prise de conscience. Souvent, l’auteur commence son récit en abordant un sujet d’intérêt personnel (point A) pour évoluer vers son vis-à-vis universel (point B). L’auteur peut aussi se référer à un personnage dont il fait évoluer la pensée.
Cet article présente un état des lieux de la philothérapie (consultation philosophique) en Europe et en Amérique du Nord. Après un bref historique, l’auteur se penche sur les pratiques et les débats en cours. Il analyse les différentes publications, conférences et offres de services des philosophes consultants.
J’ai découvert le livre « L’erreur de Descartes » du neuropsychologue Antonio R. Damasio à la lecture d’un autre livre : L’intelligence émotionnelle de Daniel Goleman. L’édition originale de ce livre est parue en 1995 en anglais et j’ai lu la traduction française à l’été 1998 parue un an auparavant chez Robert Laffont. Diplômé de l’université Harvard et docteur en psychologie clinique et développement personnel, puis journaliste au New York Times, où il suit particulièrement les sciences du comportement, Daniel Goleman nous informe dans son livre « L’intelligence émotionnel » au sujet de la découverte spectaculaire pour ne pas dire révolutionnaire de Antonio R. Damasio à l’effet que la raison a toujours besoin d’un coup des émotions pour prendre des décisions. Jusque-là, il était coutume de soutenir que les émotions perturbaient la raison, d’où l’idée de les contrôler.
Ma lecture du livre ÉLOGE DE LA PRATIQUE PHILOSOPHIQUE de la philosophe praticienne SOPHIE GEOFFRION fut agréable et fort utile. Enfin, un ouvrage court ou concis (le texte occupe 65 des 96 pages du livre), très bien écrit, qui va droit au but. La clarté des explications nous implique dans la compréhension de la pratique philosophique. Bref, voilà un éloge bien réussi. Merci madame Geoffrion de me l’avoir fait parvenir.
Dans cet article, je m’interroge à savoir la consultation philosophique doit s’attarder à l’opinion ou au système pensée du client. OPINION – Le philosophe praticien cible l’opinion de son client en vue de démontrer l’ignorance sur laquelle elle repose et, par conséquent, l’absence de valeur de vérité qu’elle recèle. Cette pratique repose sur le « questionnement philosophique ».
Dans son livre « Sentir et savoir », Antonio Damasio propose « Une nouvelle théorie de la conscience ». Il démontre que la conscience ne peut pas exister sans le corps. Il identifie dans le corps la capacité de sentir comme préalable à la conscience.
Un si petit livre, seulement 46 pages et en format réduit, mais tellement informatif. Une preuve de plus qu’il ne faut se fier aux apparences. Un livre signé ROBERT REDEKER, agrégé de philosophie originaire de la France, connaît fort bien le sujet en titre de son œuvre : DÉPRESSION ET PHILOSOPHIE. L’auteur prend le temps de situer son sujet dans son contexte historique soulignant la reconnaissance plutôt récente de la dépression comme une maladie. Auparavant, on parlait d’acédie et d’ennui.
Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole» – Avec cet article, nous sortons de du cadre de la philosophie pour entrer de plein pied dans celui de la psychologie. Le livre Savoir se taire, savoir parler a attiré mon attention à la suite de ma lecture de l’article « Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole » paru dans le Figaro.fr. J’accepte cette intrusion de la psychologie dans ce dossier sur la philosophie parce que cette « hystérie de la parole » observable à notre époque, notamment sur les réseaux sociaux, entre directement en conflit avec le silence nécessaire et incontournable à la réflexion philosophique. Bref, il faut savoir se taire, savoir parler pour philosopher. J’ai donc acheté ce livre et voici mon rapport de lecture.
Chapitre 1 – La mort pour commencer – Contrairement au philosophe Fernando Savater dans PENSER SA VIE – UNE INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE, je ne définie pas la vie en relation avec la mort, avec son contraire. Je réfléchie et je parle souvent de la mort car il s’agit de l’un de mes sujets préféré depuis mon adolescence. Certaines personnes de mon entourage pensent et affirment que si je parle aussi souvent de la mort, c’est parce que j’ai peur de mourir. Or, je n’ai aucune peur de la mort, de ma mort, de celles de mes proches. Je m’inquiète plutôt des conséquences de la mort sur ceux et celles qui restent, y compris sur moi-même.
À la lumière du documentaire LE SOLEIL ET DES HOMMES, notamment l’extrait vidéo ci-dessus, je ne crois plus au concept de race. Les différences physiques entre les hommes découlent de l’évolution naturelle et conséquente de nos lointains ancêtres sous l’influence du soleil et de la nature terrestre, et non pas du désir du soleil et de la nature de créer des races. On sait déjà que les races et le concept même de race furent inventés par l’homme en se basant sur nos différences physiques. J’abandonne donc la définition de « race » selon des critères morphologiques (…)
Dans le cadre de notre dossier « Consulter un philosophe », la publication d’un extrait du mémoire de maîtrise « Formation de l’esprit critique et société de consommation » de Stéphanie Déziel s’impose en raison de sa pertinence. Ce mémoire nous aide à comprendre l’importance de l’esprit critique appliqué à la société de consommation dans laquelle évoluent, non seule les jeunes, mais l’ensemble de la population.
Je reproduis ci-dessous une citation bien connue sur le web au sujet de « la valeur de la philosophie » tirée du livre « Problèmes de philosophie » signé par Bertrand Russell en 1912. Mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique, Bertrand Russell soutient que la valeur de la philosophie réside dans son incertitude. À la suite de cette citation, vous trouverez le texte de Caroline Vincent, professeur de philosophie et auteure du site web « Apprendre la philosophie » et celui de Gabriel Gay-Para tiré se son site web ggpphilo. Des informations tirées de l’Encyclopédie Wikipédia au sujet de Bertrand Russell et du livre « Problèmes de philosophie » et mon commentaire complètent cet article.
Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil; et, s’ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système ni un lit. Ne vous lassez pas d’examiner et de comprendre. (…) Lisez, écoutez, discutez, jugez; ne craignez pas d’ébranler des systèmes; marchez sur des ruines, restez enfants. (…) Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui; vous avez compris, en l’écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l’aune, et que les conclusions ne sont pas l’important; restez éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n’est point mort; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s’asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n’est point mort; Socrate n’est point vieux. (…) – Alain, (Emile Charrier), Vigiles de l’esprit.
Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».
J’accorde à ce livre trois étoiles sur cinq. Le titre « Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs » a attiré mon attention. Et ce passage du texte en quatrième de couverture m’a séduit : «En proposant une voyage philosophique à travers l’histoire des émotions, Iaria Gaspari bouscule les préjugés sur notre vie émotionnelle et nous invite à ne plus percevoir nos d’états d’âme comme des contrainte ». J’ai décidé de commander et de lire ce livre. Les premières pages m’ont déçu. Et les suivantes aussi. Rendu à la moitié du livre, je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agissait d’un témoignage de l’auteure, un témoignage très personnelle de ses propres difficultés avec ses émotions. Je ne m’y attendais pas, d’où ma déception. Je rien contre de tels témoignages personnels qu’ils mettent en cause la philosophie, la psychologie, la religion ou d’autres disciplines. Cependant, je préfère et de loin lorsque l’auteur demeure dans une position d’observateur alors que son analyse se veut la plus objective possible.
Tout repose sur le Savoir. L’expérience personnelle et/ou professionnelle qu’on fait du Savoir, après en avoir pris conscience, se retrouve à la base des Connaissances que nous possédons. Les Opinions expriment des Jugements des connaissances et inspirent souvent les Croyances.
La philosophie, mère de toutes les sciences, recherche la sagesse et se définie comme l’Amour de la Sagesse. La sagesse peut être atteinte par la pensée critique et s’adopte comme Mode de vie. • La philosophie soutient la Science et contribue à la naissance et au développement de la méthode scientifique, notamment avec l’épistémologie.
La philothérapie, principale pratique de la philosophie de nos jours, met sans cesse de l’avant les philosophes de l’Antiquité et de l’époque Moderne. S’il faut reconnaître l’apport exceptionnel de ces philosophes, j’ai parfois l’impression que la philothérapie est prisonnière du passé de la philosophie, à l’instar de la philosophie elle-même.
Au Québec, la seule province canadienne à majorité francophone, il n’y a pas de tradition philosophique populaire. La philosophie demeure dans sa tour universitaire. Très rares sont les interventions des philosophes québécois dans l’espace public, y compris dans les médias, contrairement, par exemple, à la France. Et plus rares encore sont les bouquins québécois de philosophie en tête des ventes chez nos libraires. Seuls des livres de philosophes étrangers connaissent un certain succès. Bref, l’espace public québécois n’offre pas une terre fertile à la Philosophie.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il me permet d’en apprendre beaucoup plus sur la pensée scientifique telle que pratiquée par de grands scientifiques. L’auteur, Nicolas Martin, propose une œuvre originale en adressant les mêmes questions, à quelques variantes près, à 17 grands scientifiques.
Cet article répond à ce commentaire lu sur LinkedIn : « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique est indispensable. » Il m’apparaît impossible de viser « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique » et de prétendre que cet équilibre entre les trois disciplines soit « indispensable ». D’une part, le développement personnel est devenu un véritable fourre-tout où l’ivraie et le bon grain se mélangent sans distinction, chacun avançant sa recette à l’aveugle.
En ne s’unissant pas au sein d’une association nationale professionnelle fixant des normes et des standards à l’instar des philosophes consultants ou praticiens en d’autres pays, ceux de la France nous laissent croire qu’ils n’accordent pas à leur disciple tout l’intérêt supérieur qu’elle mérite. Si chacun des philosophes consultants ou praticiens français continuent de s’affairer chacun dans son coin, ils verront leur discipline vite récupérée à mauvais escient par les philopreneurs et la masse des coachs.
Consultation philosophique : s’attarder à l’opinion ou au système de pensée ?
Dans cet article, je m’interroge à savoir si la consultation philosophique doit s’attarder à l’opinion ou au système pensée du client.
OPINION
Le philosophe praticien cible l’opinion de son client en vue de démontrer l’ignorance sur laquelle elle repose et, par conséquent, l’absence de valeur de vérité qu’elle recèle. Cette pratique repose sur le « questionnement philosophique » :
Le questionnement philosophique demande d’entrer dans une démarche en combinant la problématisation, la conceptualisation et l’argumentation et d’adopter une attitude d’humilité en relativisant les opinions pour entrer dans une recherche du vrai.
Problématisation
La problématisation, c’est la capacité à interroger ses opinions et à relativiser leur évidence pour moi par le doute (ce qui permet la confrontation à l’autre différent), à analyser leurs présupposés et leurs conséquences ; à questionner les préjugés ; à comprendre en quoi une question pose problème, à entrer dans une attitude de recherche, portée par un souci de vérité.
Conceptualiser
Conceptualiser, c’est tenter de définir une notion, lui donner un contenu de signification. C’est préciser les notions portées par le langage qui nous permet de penser : savoir de quoi on parle exactement, quels sens ont les « grands mots » (amitié, vérité, justice…) pour leur donner par la réflexion une définition, un contenu délimité. Conceptualiser, c’est :
Définir une notion, en fonction de ma propre expérience, de ma vision du monde et de la confrontation aux autres
Donner des caractéristiques importantes d’un concept, donner des attributs de sa définition.
Comparer des notions voisines, associées, proches ou opposées, opérer des distinctions et des rapprochements conceptuels.
Argumenter
Argumenter, c’est fonder ce que l’on affirme sur des arguments rationnels, c’est se donner des raisons convaincantes de douter ou d’affirmer.
Il existe différents types d’arguments : l’argument d’efficacité, de rentabilité, l’argument éthique, l’argument logique, esthétique, historiques, sociologiques, psychologiques.
Ces trois exigences intellectuelles permettent le passage du « dire ce qu’on pense » au « penser ce qu’on dit ».
La méthode « problématiser- conceptualiser – argumenter » est attribué à Michel Tozzy.
À la base de la problématisation se retrouve l’identification et l’analyse des présupposés (suppositions préalables) de l’opinion ou de la question posé par le client. Le but est de démonter ces présupposés.
Un présupposé est « une affirmation impliquée par une proposition, et sans laquelle elle ne pourrait être valide. Il faut l’expliciter, car il est généralement contenu implicitement dans la proposition » (TOZZI, M., 1996).
A-t-on le droit de refuser la vérité? présupposé = la vérité existe.
Doit-on renoncer aux passions ? présupposé = on est capable de porter un jugement sur les passions et de s’en dégager.
A noter que toutes les questions en « doit-on » ou « faut-il » présuppose qu’on peut le faire. A quelles conditions est-on un homme libre ? présupposé = on peut être libre et il y a des conditions à la liberté.
Faut-il aimer la vérité? présupposé = on peut aimer la vérité.
Si une opinion se définit comme « Idée ou ensemble des idées que l’on a, dans un domaine déterminé » (Dictionnaires Le Robert), elle est aussi « Manière de penser, de juger » (Dictionnaires Le Robert). À mon humble avis, une « manière de penser » implique à la base un « système de pensée » et son fonctionnement.
Je me demande pourquoi le philosophe praticien se casse la tête en fondant son dialogue avec son client sur une opinion ou une question existentielle pour finalement aboutir au développement de l’esprit critique.
Je reconnais l’aspect pratique de l’opinion ou de la question du client parce qu’il se trouvera concerné plus directement dans ce qu’il pense. Mais l’important n’est-il pas comment il pense ? Non pas comment il pense l’opinion ou la question qu’il soumet au philosophe praticien mais plutôt comment toute pensée se forme en son esprit. Et si l’objectif est justement de développer l’esprit critique du client, pourquoi ne pas en faire le principal sujet du dialogue ?
Discutant de l’opinion ou de la question existentielle posée par son client, le philosophe praticien se réfère à d’autres philosophes s’étant déjà pencher sur la question et leurs réponses. Tel que mentionné plus haut, le philosophe praticien aura d’abord soumis l’opinion ou la question existentielle aux différentes étapes du questionnement philosophique pour dégager le vrai sujet à l’origine de la démarche du client.
Dans le cas de ces références à d’autres philosophes, on parle alors des différentes philosophies passées et actuelles dans l’espoir que le client repèrera une réponse qui lui convient. Le but ultime est de permettre à son client de se débarrasser du mal-être que sa question lui pose ou du mauvais chemin que lui fait prendre son opinion.
Nous sommes alors dans « les philosophies » à la différence de « la Philosophie », celle avec un grand « P ». Je considère la philosophie comme étant la science des profondeurs permettant de plonger jusqu’à la source première. Alors, ne vaut-il pas mieux s’attarder en priorité au système de pensées du client pour jeter les bases de l’esprit critique ?
Mon idée est simple : créer une faille dans le système de pensée du client pour permettre à la lumière d’entrer et ainsi l’éclairer. Comprenez moi bien : je ne parle pas ici de créer une faille dans l’opinion du client ou dans la question existentielle qui le turlupine. Je parle du système de pensée à l’origine, la source première de son opinion ou de sa question existentielle.
Clé de voute de la consultation philosophique, le doute sera cette faille qui permettra à la lumière d’entrer. Non pas le doute des détails de l’opinion ou de la questions existentielle, mais plutôt le doute systématique face à toutes les opinions et toutes les grandes questions de l’existence.
Très souvent, nous prenons pour vrai ce que l’on pense uniquement parce qu’on le pense, uniquement parce qu’elle nous vient l’esprit. Ainsi, nous nous donnons raison. Cette pratique de notre esprit nous pousse à asseoir notre bien-être sur la confiance en nos pensées. À contrario, nous ne sommes pas heureux lorsque nous n’avons pas raison, lorsque que nous sommes contrariés par les opinions des autres personnes. Dans ce cas, si débat d’opinions il y a, il se terminera trop souvent sur un « Àchacun son opinion » avant de passer par un « C’est mon opinion et je la partage ».
Le problème du client n’est pas tant son opinion sur un sujet donné mais le statut qu’il accorde à toutes ses opinions, un statut de vérité ou de croyance. Et le problème se complique lorsque le client fonde, consciemment ou inconsciemment, sa valeur et même celle de son existence sur ses vérités et ses croyances, bref, sur ses opinions, ainsi devenues des jugements définitifs voire dogmatiques.
Il y a rien de moins solide qu’une opinion. Elle demeure un produit dérivé de piètre qualité du savoir et de la connaissance. Pour plusieurs individus, ce n’est pas la connaissance qui est acquise mais plutôt l’opinion qu’ils en ont. Ils ne peuvent parler de leurs connaissances qu’en exprimant l’opinion qu’ils en ont. Ils ne mettent pas en pratique leurs connaissances tirées su savoir mais plutôt l’opinion qu’ils en ont. La confusion entre le statut de l’un et de l’autre est généralement inconsciente et totale. Il exprime une opinion avec l’impression d’exprimer une connaissance, vraie et objective. Il prenne pour vrai ce qu’il pense uniquement parce qu’il le pense. En fin de compte, ils prennent connaissance que pour se faire opinion. La connaissance elle-même a peu d’importance ou elle n’a d’importance que si elle permet de se faire une opinion.
L’opinion est souvent adoptée sans même être précédée de l’acquisition d’une connaissance tirée d’un savoir. Il ne s’agit pas de se faire une opinion mais d’en adopter une. Ainsi, la très grandes majorité des opinions en circulation dans notre monde sont très rarement inédites.
Pour certaines personnes, il suffit d’avoir une opinion pour connaître. Dans un monde submergé d’opinions de toutes sortes, le choix est presque infini. Et les critères du choix d’une opinion plutôt qu’une autre varient passablement. Pour les uns, c’est la crédibilité de celui ou celle qui avance son opinion qui prime. Pour les autres, c’est la ressemblance de l’opinion avec ce que l’on pense déjà ou croit penser qui guide le choix.
Dans tous les cas, la décision en faveur d’une opinion plutôt qu’une autre repose sur des critères subjectifs. Dans le cas où la personne confond « opinion » et « connaissance », cette dernière étant associée à une certaine objectivité, on croit décider objectivement. Mais ce n’est qu’une illusion. Louis Cheskin, un chercheur américain en études des motivations, écrit :
Traduction libre
« Nous aimons croire que nous sommes objectifs, que nous sommes intéressés par l’information objective. En fait, à moins qu’une personne devienne subjective au sujet d’une information objective, elle ne s’y intéressera pas et elle ne sera pas motivée par cette information. Nous disons juger objectivement, mais en réalité nous réagissons subjectivement.
Nous faisons continuellement des choix dans notre vie quotidienne. Nous choisissons des « choses » qui nous apparaissent subjectivement, mais nous considérons nos choix comme étant objectifs. »
Texte original
« We like to believe that we are ob-jective, that we are interested in objective information. Actually, unless one becomes subjective about a new objective information, he is not interested in it and is not motivated by it.
We say we judge objectively, but actually we react subjectively. We continually make choices in daily life. We choose the « things » which appeal to us subjectively, but we consider the choices objective. »
Cheskin, Louis, Basis For marketing Decision, Liveright, New York, 1961, p. 82.
L’opinion permet d’apercevoir quelques éléments du système de pensée qui la supporte. Si toutes les opinions se valent, question de liberté de pensée et d’expression, elles ont les qualités et les défauts du système de pensée de la personne. C’est le cas des biais cognitifs.
Parmi toutes listes de biais cognitifs disponibles, je vous propose celle de « David D Burns, psychiatre américain et professeur émérite adjoint au Département de psychiatrie et des sciences du comportement de la Stanford University School of Medicine » (Wikipédia – En anglais seulement) (Site web) et auteur du livre Être bien dans sa peau. Cette liste a été établie d’après les erreurs de jugement communes aux personnes dépressives. Le psychiatre David D Burns cherchait alors un moyen de traiter la dépression sans médicament. Il a observé que ses patients parvenaient a sortir de la dépression en corrigeant leurs biais cognitifs.
Liste de biais cognitifs du psychiatre David D Burns
Le tout-ou-rien : votre pensée n’est pas nuancée. Vous classez les choses en deux seules catégories : les bonnes et les mauvaises. En conséquence, si votre performance laisse à désirer, vous considérez votre vie comme un échec total.
La généralisation à outrance : un seul événement malheureux vous apparaît comme faisant partie d’un cycle sans fin d’échecs.
Le filtre : vous choisissez un aspect négatif et vous vous attardez à un tel point à ce petit détail que toute votre vision de la réalité en est faussée, tout comme une goutte d’encre qui vient teinter un plein contenant d’eau.
Le rejet du positif : pour toutes sortes de raisons, en affirmant qu’elles ne comptent pas, vous rejetez toutes vos expériences positives. De cette façon, vous préservez votre image négative des choses, même si elle entre en contradiction avec votre expérience de tous les jours.
Les conclusions hâtives : vous arrivez à une conclusion négative, même si aucun fait précis ne peut confirmer votre interprétation.
L’interprétation indue. Vous décidez arbitrairement que quelqu’un a une attitude négative à votre égard, et vous ne prenez pas la peine de voir si c’est vrai.
L’erreur de prévision. Vous prévoyez le pire, et vous êtes convaincu que votre prédiction est déjà confirmée par les faits.
L’exagération (la dramatisation) et la minimisation : vous amplifiez l’importance de certaines choses (comme vos bévues ou le succès de quelqu’un d’autre) et vous minimisez l’importance d’autres choses jusqu’à ce qu’elles vous semblent toutes petites (vos qualités ou les imperfections de votre voisin, par exemple). Cette distorsion s’appelle aussi « le phénomène de la lorgnette ».
Les raisonnements émotifs : vous présumez que vos sentiments les plus sombres reflètent nécessairement la réalité des choses : « C’est ce que je ressens, cela doit donc correspondre à une réalité.
Les « dois » et les « devrais » : vous essayez de vous motiver par des « je devrais… » ou des « je ne devrais pas… » comme si, pour vous convaincre de faire quelque chose, il fallait vous battre ou vous punir. Ou par des « je dois ». Et cela suscite chez vous un sentiment de culpabilité. Quand vous attribuez des « ils doivent » ou « ils devraient » aux autres, vous éveillez chez vous des sentiments de colère, de frustration et de ressentiment.
L’étiquetage et les erreurs d’étiquetage : il s’agit là d’une forme extrême de généralisation à outrance. Au lieu de qualifier votre erreur, vous vous apposez une étiquette négative : « Je suis un perdant ». Et quand le comportement de quelqu’un d’autre vous déplaît, vous lui accolez une étiquette négative : « C’est un maudit pouilleux ». Les erreurs d’étiquetage consistent à décrire les choses à l’aide de mots très colorés et chargés d’émotion.
La personnalisation : vous vous considérez responsable d’un événement fâcheux dont, en fait, vous n’êtes pas le principal responsable.
Source : Burns, David D, Être bien dans sa peau, Héritage, 2005.
Il suffit d’un seul biais cognitif pour démontrer la faiblesse d’une opinion. Plus encore, le et les biais cognitifs agissent non seulement sur une seule opinion mais sur l’ensemble des opinions, Un biais cognitif est « une tendance à… ». Sa source n’est autre que le système de pensée lui-même.
Permettre au client d’une consultation philosophique de prendre conscience de son système de pensée, de comment il pense, y compris de ses biais cognitifs, permet de remonter à la cause première de son mal-être.
Il ne s’agit plus ici du questionnement philosophique décrit plus haut, mais plutôt de faire du système de pensée du client le seul et unique sujet de la consultation. Le dialogue sur ce sujet doit permettre des prises consciences et l’acquisition de connaissances qui lui serviront de boîte à outils pour son bien-être. Il faut aller sans détour à la cause première du mal-être, le système de pensée lui-même. L’opinion ou la question existentielle soumise par le client ne sera utile, non pas que si on creuse cette opinion ou cette question sous tous les angles philosophique, mais comme porte d’entrée vers le système de pensée du client.
Pour atteindre son but, développer l’esprit critique de son client, le philosophe praticien doit transmettre des connaissances à la conscience au sujet de l’esprit critique.
Je comprends le philosophe praticien puisse se donner le même objectif par le questionnement philosophique en prenant comme sujet l’opinion ou la question existentielle du client. Il espère que l’expérience du questionnement philosophique vécu par le client contribuera au développement de son esprit critique. Cependant, la connaissance acquise par le client ne concerne que l’expérience vécue, c’est-à-dire le questionnement philosophique, l’opinion qu’il en aura et les quelques citations des philosophes se rapportant à sa situation.
Le client apprendra peut-être l’utilité du doute mais il ne saura pas nécessairement comment en tirer le bénéfice de façon générale, en toute connaissance de cause, à moins de devenir lui-même un expert du questionnement philosophique et un exégète des philosophies.
Si le questionnement philosophique n’a pas de limite en soi, l’expérience vécue par le client est d’abord psychologique, davantage psychologique qu’intellectuelle. Même si le client témoigne de son ouverture à l’expérience philosophique puisqu’il a lui-même pris rendez-vous, il ne faut pas minimiser l’appréhension naturelle de l’Homme face à l’inconnu, sa fébrilité face à une première rencontre, bref son état psychologique. Le questionnement philosophique ne laisse que peu ou pas du tout d’espace au psychologique. Or, douter est d’abord et avant tout un acte psychologique qui requiert la plus grande attention de la part de celui ou celle qui le soulève.
En résumé, l’expérience du questionnement philosophique, avec son impact psychologique, ne facilite pas la transmission des connaissance utiles à la naissance et au fonctionnement de l’esprit critique.
Il m’apparaît plus sage de précéder l’expérience d’un esprit critique d’une connaissance de ce qu’est un esprit critique et comment le développer.
Évidemment, on peut toujours apprendre sur le tas mais le client n’est pas un apprenti lors de la consultation philosophique. La démonstration orchestrée par le philosophe praticien et ayant pour sujet la question existentielle de son client demeure une démonstration et non pas un enseignement proprement dit. Il est espéré du client une analyse de cette démonstration de laquelle il tirera un apprentissage du questionnement philosophique pour son propre profit. Or, le client ne dispose pas de la base théorique pour une telle analyse. Le client porte son attention sur les questions du philosophe praticien et les réponses qu’il lui donne. Il ne s’arrête pas nécessairement à la fois au contenu et au contenant. Lors d’une consultation philosophique, le client participe (contenu) davantage qu’il observe (contenant).
Système de penser – Lutter contre ses opinions
Tous s’entendent sur l’importance d’apprendre à douter de ses opinions pour développer son esprit critique. Un client prisonnier de ses opinions doit être libéré (voir : Article # 27 – Êtes-vous prisonnier de vos opinions ?). Plus le client se donne raison sur la base de ses opinions, plus il démontre que son bien-être repose sur le fait d’avoir raison. Peu importe la théorie et ses propres expériences, l’important est qu’elles lui donnent raison. Ce client n’est pas heureux lorsqu’il n’a pas raison. Il déteste l’incertitude, cette dernière étant vécu comme un vide dont sa nature à horreur, un vide à combler. Le lien du client à ses opinions est (très) émotif, aussi émotif que peut l’être son bien-être.
Dans ce contexte, le client accorde une valeur fondamentale à ses opinions et, par conséquent, il fonde sa propre valeur sur ses opinions. Lui dire « qu’il n’est pas important d’avoir raison et qu’il vaut mieux mise sur un esprit critique » ne le servira pas. Déplacer la valeur fondamentale d’une personne de ses opinions vers sa faculté de penser, du fruit à l’arbre puis au racine de cet arbre, demande doigtée et empathie parce que l’opération implique aussi un changement d’attitude.
Or, on n’abandonne pas une attitude pour la remplacer par une autre. À lui seul le temps de remplacement d’une attitude est insupportable en raison de l’incertitude. Une attitude est toujours détrônée par une autre, sans aucun temps mort. Il n’y a pas d’incertitude mais victoire d’une attitude sur une autre.
Et puisque l’attitude est le dernier maillon de la chaîne du traitement des sensations, juste avant le comportement, c’est l’attitude qui dicte finalement le comportement à adopter. Aussi, on sait que les changement de comportement interviennent à la suite d’une révélation ou d’un traumatisme.
Traduction libre
Le comportement d’un individu se base sur son schéma de références. Le schéma de références d’un individu détermine ses attitudes. Consciemment et inconsciemment, un individu acquiert des concepts qui deviennent une partie de lui-même et qui sont la base de toutes ses attitudes. Le schéma de références est acquis des parents, des enseignants, des relations et des amis, du type d’émissions de radio que nous entendons, des émissions de télévision que nous regardons et du type de livres, magazines et journaux que nous lisons. La plupart d’entre nous croyons tirer des faits de ces sources, non pas des attitudes. Nous pensons que nous avons accumulé des informations objectives, non pas un schéma de références.
Texte original en anglais
An individual’s behavior is based on his frame of refer-ence. A person’s frame of reference determines his attitudes. Consciously and unconsciously one acquires concepts that become part of him and are the basis of all his attitudes. The frame of reference is acquired from parents, teachers, relatives and friends, from the type of radio pro-grams we hear, the T.V. programs we watch and from the kind of books, magazines and newspapers we read. Most of us believe we acquire facts from these sources, not attitudes. We think we have accumulated objective information, not a frame of reference.
Cheskin, Louis, Basis For marketing Decision, Liveright, New York, 1961, p. 82.
La sensation donne lieu à une perception et une question se pose à savoir qu’elle attitude (comportement) à adopter face à cette perception. Pour ce faire, la perception sera évaluée en relation avec le schéma de références de la personne pour déboucher sur l’attitude à adopter qui sera traduite par le comportement. Exemple :
J’ai été élevé dans une famille très politisée en raison de la présence d’un politicien dans la grande famille de l’un de mes parents. Lorsque mon père parlait, il avançait telle ou telle opinion et il se donnait raison avec une très grande force de conviction. Il en allait de même d’autres membres de cette grande famille. Jeune adolescent, je croyais qu’être adulte procurait le pouvoir de se donner raison sur les autres. Cette idée fut inscrite dans mon schéma de référence et dictait ma conduite avec les jeunes de ma génération voire même quelques adultes. Puis, un dimanche soir, un animateur à la radio m’a révélé que les gens qui se donnent raison vivre dans un système de pensées sans faille et que c’est justement par les failles que la lumière entre. Ces failles, c’étaient le doute. Mon schéma de référence a enregistré cette révélation et mon attitude et mon comportement ont changé face aux personnes qui se donnent raison pour tout et pour rien, et j’ai moi-même abandonné l’idée de me donner raison.
C’est dans ce contexte que je me suis donné comme maxime : « Si vous avez une meilleure idée que la mienne, n’hésitez pas à me la donner que je ne perde pas de temps ».
Ma valeur repose donc sur mon esprit critique et la capacité de ce dernier à douter, bref, à la base, sur ma faculté de penser. En amont, ma faculté de penser tire sa valeur ultime de la vie qui m’habite et du fait d’Être. Que j’ai on non raison n’a aucune importance.
Je me rallie au propos du neuropsychologue Antonio Damasio : « J’existe, donc je pense », par opposition au « Je pense, donc j’existe » du philosophe et mathématicien René Descartes. Ma valeur ne repose plus sur mes opinions, avis, jugements… mais sur le fait incontestable que j’existe et que cela me permet de vivre et ainsi de penser.
C’est là, à mon avis, qu’il faut amener le client d’une consultation philosophique. Mettre en lumière une valeur fondamentale stable et incontestable, peu importe ce qu’il pense, de par son existence (son Être), sa vie et sa faculté de penser. Personne ne peut remettre en question le fait de son existence, son Être, à moins d’un défaut de compréhension de ces concepts. Il se trouve ainsi libéré de la prison de ses opinions et de l’oppression de l’incertitude. Il peut douter librement de tout son Être, raisonné et sensible.
Pour plusieurs personnes, le doute est synonyme d’incertitude et celle dernière d’inconfort souvent insupportable tant par la raison et les émotions. S’exprime ici un préjugé face au doute alors associé à une certaine faiblesse d’esprit.
Nous évoluons dans un monde où la crédibilité d’une connaissance augmente avec la force de conviction de celui qui l’avance. Cette force de conviction laisse peu de place au doute. Nous ne sommes pas invités à réfléchir à cette connaissance pour en douter ou la remettre en question mais y croire, hors de tout doute. Nous pensons et nous agissons, consciemment et/ou inconsciemment selon cette référence négative au doute. Nous n’aimons pas douter ou nous doutons que si cela nous permet de remettre en cause une connaissance qui nous indispose, c’est-à-dire contraire à nos valeurs, et, le cas échéant, nous diagnostiquons une faiblesse d’esprit chez soi ou chez l’autre. Dans ce cas, je qualifierais ce doute de pervers.
Ainsi pratiquer, le doute ne nous apparaît pas comme porteur d’un bénéfice. L’expression « savoir tirer le bénéfice du doute » soutient que nous pouvons apprendre à tirer un bénéfice du doute, qui ne soit pas négatif, par exemple, autre chose que l’inconfort.
Quel est le bénéfice du doute ?
Permettez-moi de vous surprendre : le bénéfice du doute, c’est la certitude. Concernant une connaissance, il ne s’agit pas d’une certitude définitive mais plutôt admissible comme une vérité. Et il est permis de douter cette vérité.
Pour l’esprit critique, toute vérité n’a de valeur que si elle est remise en question, admise pour un temps, sujette au doute, à la destruction par une vérité meilleure. Cette approche provient de la science. La connaissance scientifique se bâtit sur la destruction du déjà-su. Ainsi, la connaissance scientifique suit obligatoirement une évolution; seule une meilleure connaissance peut en détruire une autre et prendre sa place.
Pourquoi notre esprit critique ne pourrait-t-il pas adopter ce processus de la pensée scientifique ?
« Si vous avez une meilleure idée que la mienne, n’hésitez pas à me la donner que je ne perde pas de temps ».
Le doute est avant tout une affaire de philosophie. Douter de ses opinions. Douter des vérités admises. Douter de nos certitudes. Douter de la vie que nous menons. Douter de nos émotions. Douter du diagnostique que nous posons sur nous et les autres. Douter de nos valeurs. Douter de notre esprit critique. Douter de nos attitudes. Et ainsi de suite.
La valeur suprême : l’Existence
On peut douter de tout à l’exception de notre valeur fondamentale, ultime, car elle repose sur le fait d’Être ou l’Existence. On ne parle pas ici de quelque chose qui existe mais de l’existence elle-même. On l’explique aux lycéens en ces mots : « L’être n’est pas quelque chose qui existe, mais l’existence elle-même (…) » (source : Kidsvacances).
Cette valeur ne peut pas être remise en question. Elle est donc la plus sûre et la plus solide qui soit. Personne ne peut douter de votre Existence, pas même vous. Cette valeur n’implique aucun jugement.
La reconnaissance de la valeur fondamentale de l’Existence doit être au cours de la consultation philosophique parce qu’elle permet à l’esprit critique de prendre librement son envol et ainsi, par exemple, de remettre en question les autres valeurs que nous avons adoptées, et ce, sans nous déstabiliser ou nous dévaloriser. L’attachement par la raison et les émotions à ces autres valeurs peut aveugler l’Existence ou, si vous préférez, on peut Être inconscient de sa valeur.
Conclusion : valoriser le savoir et la connaissance
Dans ce texte, je me demande si le philosophe praticien doit porter son attention sur les opinions et les questions existentielles ou le système de pensée du client. Je mets de l’avant une réponse : le système de pensée. C’est le système de pensée qui formate les opinions et les questions du client. Ainsi, un système de pensée défectueux ne saurait déboucher sur des formulations en adéquation avec la réalité perçue et vécue. Il faut corriger les défauts de pensée et de logique à la source.
Lutter contre ses opinions les unes après les autres ne m’apparaît pas comme une solution durable. S’il faut que le client entretienne un doute face à chacune de ses opinions, il n’est pas sorti du bois. D’où l’importance d’aller à la source même de l’opinion, là où elle est pensée, c’est-à-dire le système de pensée. La question essentielle est : « Comment je pense ? »
Enfin, le savoir et la connaissance que j’en tire sont plus importants que les opinions que j’en ai. Lutter contre ses opinions, c’est aussi lutter contre les liens émotif et subjectifs que nous entretenons avec elles, contre le statut et la valeur de vérité que nous leurs accordons.
La consultation philosophique doit permettre de valoriser le savoir et la connaissance auprès du client, notamment de son système de pensée.
EN COMPLÉMENT
Vous trouverez ci-dessous les chapitres LA PENSÉE CERTAINE et LA PENSÉE PROFONDE tiré de mon essai et témoignage de gouvernement personnelle, J’AIME PENSER – Comment prendre plaisir à penser dans un monde où tout un chacun se donne raison.
La pensée certaine
Pour tirer le bénéfice du doute – Il fut un temps où la pensée était certaine uniquement si les autorités religieuses la cautionnaient. Nous sommes au Moyen Age. À cette époque, un homme avait raison que si l’église lui donnait raison. Les autorités religieuses s’étaient attribuées le monopole de toute certitude en se donnant le titre de représentantes suprêmes de Dieu sur Terre.
Parlons-en de la Terre. Un homme avait beau se lever et démontrer que la Terre n’était pas au centre de l’univers d’après de savantes observations, si les autorités religieuses ne lui donnaient pas raison, il avait tort et la Terre demeurait au centre de l’univers. Un autre pouvait bien prouver que la Terre était ronde comme une orange et non pas plate comme une assiette, selon de savants calculs, si l’église préférait ses raisons de croire la Terre plate, l’homme avait tort et devait se taire.
Aussi, un homme ne s’est pas levé de bon matin avec la ferme intention d’avoir raison et de donner tort à l’église. Ce n’est pas comme cela que l’homme de cette époque en est venu à se donner raison. Mais un homme s’est effectivement levé un matin en se demandant, sans doute pour la ixième fois, pourquoi la raison toute puissante de l’église, au lieu d’engendrer le bien et l’Amour, conduisait à des guerres de religions plongeant les hommes, les femmes et les enfants de l’Europe dans les douleurs les plus terribles. Faire le mal pour faire le bien ne parut sans doute pas tout à fait logique à cet homme, d’autant plus que le bien se faisait attendre, toujours repoussé un peu plus loin. Bref, cet homme doutait de l’efficacité de la raison de l’église.
Il ne fut pas le premier à entretenir un tel doute, mais la mise à mort imposait le secret et limitait ainsi très sérieusement les discussions sur le sujet.
Cependant, cet homme médiéval fit un pas de plus que les autres : il se questionna à savoir s’il n’y avait pas une autre source que l’église pour donner raison à la connaissance. Il se mit donc silencieusement à la recherche d’une autre source de certitude. Et s’il ne fut ni le premier à douter dans l’histoire de l’Homme, ni le premier à en tirer profit, il fut le premier à y voir le bénéfice de la certitude.
Voici comment je comprends le raisonnement de cet homme, certes, modestement mais suffisamment pour m’éclairer. La vérité se manifeste quand je ne puis plus douter mais pour ce faire je dois douter de tout de peur de me tromper dans une fausse vérité.
Ainsi, la première certitude acquise par cet homme est celle de son existence: je doute mais tandis que je doute, je ne puis douter que je pense et si je pense je suis au moins en tant que je pense. Conclusion: Je pense donc je suis ou j’existe.1 Les penseurs parmi nous auront reconnu notre homme, René Descartes, philosophe, mathématicien et physicien français ayant vécu de 1596 à 1650.
Cette première certitude revient à dire que je ne peux pas douter de mon existence tant et aussi longtemps que je pense. Dans l’affirmative, cela nous donne : j’ai la certitude de mon existence tant et aussi longtemps que je pense. Pas besoin de l’église pour me confirmer que j’ai raison d’admettre ainsi mon existence. Je peux donc produire une connaissance certaine, avoir raison, par moi-même, indépendamment des autorités religieuses. À partir de ce moment-là, la certitude de la pensée humaine s’ajoute définitivement à la certitude de la pensée divine, que prétend posséder l’église.
Descartes va ensuite chercher à savoir s’il peut étendre cette première certitude à d’autres sujets, en dehors de son existence. Le chemin à suivre est le même : tant qu’un doute subsiste dans mon esprit, je ne puis me permettre d’être certain de quoi que ce soit. Ce faisant, je ne peux plus prendre pour vrai tout ce qui vient à ma pensée, seules mes pensées dont je ne pourrai plus douter seront certaines.
Mais la certitude ne viendra pas de n’importe quel doute qui hante mon esprit; il faut un doute systématique, « qui procède avec méthode, dans un ordre défini, pour un but déterminé »2. Descartes fera donc du doute systématique la première règle de sa méthode qu’on peut résumer ainsi : le doute systématique de tout ce que je sais, de toutes les évidences apparentes pour qu’ensuite je produise systématiquement ma connaissance à partir d’un contrôle, d’une maîtrise de chacune des opérations de pensée que j’effectue lorsque je connais. Autrement dit, douter uniquement de ce que je veux et uniquement quand cela me tente ne sera pas utile. Le risque d’erreurs demeure le même.
Pour être certain, je dois donc soumettre tout ce que je sais à un doute intentionnel et organisé. Descartes nous invite à douter de toutes les évidences apparentes, de tout ce qui apparaît à notre esprit comme une vérité. Notre esprit a le défaut de prendre pour vrai ce qu’il pense. C’est pourquoi un doute systématique de tout ce que nous pensons s’impose.
Tant et aussi longtemps que je crois penser une vérité, mon esprit ne remettra pas en cause cette vérité. Si une autre vérité se présente, plus certaine, je risque de la rejeter parce que je crois déjà détenir la vérité, parce que je ne doute pas de la vérité que je détiens. Comment éviter de passer à côté d’une vérité ou découvrir si je suis dans l’erreur ? En laissant planer un doute sur toutes les vérités que j’ai déjà acquises, sur tout ce que je sais.
Dans les faits, la certitude d’une connaissance grandit toujours en repoussant la certitude d’une autre connaissance, d’une connaissance jusque-là prise pour vraie. La certitude que la Terre est plate a cédé sa place à la certitude que la Terre est ronde. Mais pour cela, il fallut que l’homme puisse douter que la Terre était plate. Si je doute, dès le départ, de tout ce que je sais, je m’expose à la possibilité d’une plus grande certitude. Je m’accorde la possibilité d’être induit en erreur par une fausse vérité. Pour ce doute général, je n’ai besoin d’aucune raison, si ce n’est mon souci d’éviter l’erreur par une trop grande certitude. Notre affirmation « Je pense que… » devrait être reformulée en « Jusqu’ici, je pense que…. », pour exprimer le doute garant de notre ouverture d’esprit à une plus grande certitude.
Et tant et aussi longtemps que nous n’exprimons pas notre doute, nous donnons à l’autre l’impression de prendre pour vrai tout ce que nous pensons. Nous cachons notre ouverture d’esprit à l’autre et nous l’incitons à faire de même. Lorsque notre esprit constate cette absence apparente d’ouverture d’esprit chez l’autre, son attitude est différente que s’il constatait le contraire, ne serait-ce qu’une toute petite ouverture d’esprit. Cette attitude incite notre esprit à « affirmer » plutôt qu’à « proposer », c’est-à-dire à « donner (une chose) pour vraie, énoncer (un jugement) comme vrai » plutôt que de « soumettre », de « faire connaître » à l’autre une connaissance sans la prétendre nécessairement vraie dès le départ. En termes imagés, notre esprit a tendance à mettre le point sur la table plutôt qu’à tendre la main lorsque les apparences lui laissent croire que l’autre n’a aucun doute, aucune ouverture d’esprit. Il en va de même de l’autre lorsque son esprit dresse le même constat à notre égard.
Alors, ce qui est dit n’est pas vraiment discutable puisque chacun avance ce qu’il considère comme une vérité. On peut discuter uniquement lorsque la valeur de la connaissance n’est pas certaine. Comprenez-moi bien : il y a vraiment discussion uniquement dans le cas où c’est la vérité d’une connaissance qui est l’enjeu. En d’autres temps, nous devons parler d’un débat d’opinions où des vérités s’affrontent.
Nous pouvons attribuer au moins quatre grandes différences entre la discussion et le débat d’opinions :
1. Dans une discussion, on cherche avec la vérité d’une connaissance. Dans un débat d’opinion, on cherche à imposer sa vérité.
2. Dans une discussion, je m’adonne avec l’autre à l’étude de la vérité sans rien prendre pour acquis. Dans un débat d’opinions, je m’oppose à l’autre en prenant pour acquis que je détiens la vérité.
3. Dans une discussion, chacun s’enrichit de la recherche de la vérité. Dans un débat d’opinions, chacun se contente de défendre sa propre vérité.
4. Dans une discussion, l’autre peut me donner raison et je peux donner raison à l’autre. Dans un débat d’opinions, l’autre ne peut pas me donner raison et je ne peux pas donner raison à l’autre, si ce n’est pour le piéger en vue de faire triompher ma vérité sur la sienne.
Seule l’ouverture d’esprit, entretenue par le doute, détermine si nous discutons de la vérité ou si nous débattons de nos opinions.
Aussi, j’ai passablement cherché à discuter de la vérité pour conclure que la plupart des gens ont davantage l’habitude des débats d’opinions que de la discussion. Celui qui doute a tout le recul nécessaire pour s’apercevoir que la plupart des gens ont le nez collé à « leurs » vérités. Nous vivons dans un monde d’opinions ou très peu de vérités sont réellement discutées, même dans nos relations intimes. L’enfant apprend vite à défendre son opinion, très peu à en discuter. Il imite les adultes.
Dès qu’on laisse voir qu’on a un doute sur ce qu’on pense, l’esprit de l’autre y voit une faiblesse, une occasion d’imposer sa vérité toute faite. Dans un monde aussi vantard d’être certain à chaque fois qu’il ouvre la bouche, il n’est pas étonnant que le doute soit perçu comme une faiblesse. Le plus fort est certain et le plus faible doute. Ainsi, la plupart des gens apprennent vite à cacher au monde leur moindre doute, de peur de voir le loup entrer dans la bergerie.
Certaines personnes sont si profondément convaincues de la nécessité d’être certaines, face aux autres et à elles-mêmes, que le plus petit doute les rend mal à l’aise, inconfortables. Si jamais le doute persiste, la déprime les gagne. Elles perdent leur assurance, leur confiance en soi et leurs certitudes, sans différenciation. Cette indifférenciation généralise la déprime jusqu’à la dépression.
Or, l’assurance se rapporte à nos convictions, la confiance en soi à nos capacités et la certitude aux connaissances accumulées. Une pensée responsable doit faire ces différenciations (différences de fonctions) sans quoi l’assurance, la confiance et la certitude sont soumises à l’effet domino (la chute de la première entraîne celle de la deuxième et cette dernière entraîne la chute de la troisième).
Dans la pensée responsable, douter de la certitude de ses connaissances n’est pas associé à une faiblesse ou à un manque de confiance en soi mais à une force. La force de déceler ses erreurs de connaissance et ainsi de pouvoir prendre de l’expérience puisque cette dernière, après tout, est la somme de nos erreurs. La personne qui ne doute pas ne peut pas relever ses erreurs et prendre de l’expérience. Aussi, la pensée responsable limite la pratique du doute à la raison, au cerveau pensant, bref, à la conscience.
La pensée responsable peut étendre le doute à la connaissance de soi, y compris, à nos capacités en tant que personne, et à nos convictions mais uniquement sous une perspective rationnelle. Le doute recommandé par Descartes est celui organisé par la pensée rationnelle, à distinguer de la pensée émotionnelle (sous l’emprise des émotions et des passions), de la pensée spirituelle (qui sous-tend les croyances), de la pensée initiatique (qui modèle la vision de soi et du monde). Qu’importe l’objet du doute, il ne peut pas porter sur un autre aspect que l’aspect rationnel de cet objet.
Par exemple, je peux douter de l’existence de Dieu avec ma raison, c’est-à-dire examiner s’il m’apparaît raisonnable de croire en l’existence de Dieu, mais je ne peux pas douter de l’existence de Dieu avec mes émotions et mes convictions. En fait, l’existence de Dieu relève des croyances, fondées sur des connaissances révélées plutôt que rationnelles. Autrement dit, la croyance en l’existence de Dieu ne peut pas être fondée sur la raison seule, les connaissances et la compréhension raisonnable. Ainsi, je peux entretenir un doute raisonnable quant à l’existence de Dieu mais une profonde conviction (révélation personnelle) peut m’en convaincre au-delà de ce doute de la raison.
La pensée responsable est respectueuse de tout mon être dans toutes ses composantes et n’accorde pas la permission de douter de tout et de rien, à tort et à travers. Seul le doute raisonnable de ce qui est raisonnable est permis et elle sait que tout n’est pas raisonnable. Aussi, elle sépare la raison des émotions, le cerveau pensant du cerveau émotionnel, tout comme elle sépare le cœur de la raison. Et si jamais des liens sont reconnus entre le cerveau pensant et le cerveau émotionnel, la pensée responsable les respectera. Nous verrons d’ailleurs que ces liens existent.
Ainsi, je peux douter de mes convictions mais je ne peux pas permettre à la raison seule de réduire mes croyances à néant. Je peux douter de mes capacités mais je ne peux pas permettre à ma conscience de prétendre connaître et comprendre toutes mes capacités et de poser un jugement définitif sur ma personne. Il y a aussi les capacités fournies à ma personne par mon cerveau émotionnel, généralement inconscientes ou hors de portée de l’analyse de la raison.
La personne abattue au moindre doute demeure dans l’ignorance de ces différenciations. Son doute n’est pas raisonnable et ne peut que l’entraîner dans la déprime voire la dépression. Seul un doute raisonnable est utile car il permet une pensée certaine tout aussi raisonnable.
Non contrôlé par la raison, le doute devient maladif. Il court partout où il n’a pas raison (et ce n’est pas une figure de style), partout où la raison n’a pas juridiction et il fout librement le trouble, comme un virus mortel. La pensée certaine doit s’obliger à être raisonnable, autrement, elle produit l’incertitude plutôt que la certitude et les connaissances s’emballent et font chavirer le navire.
Personnellement, je doute de mes connaissances sans que cela n’enlève de la valeur à ma raison, au contraire, pour moi, la raison sans le doute n’a pas de valeur. Je doute aussi de mes capacités en tant que personne mais raisonnablement, c’est-à-dire sans jamais prétendre que toutes mes capacités sont réduites ou que mon jugement porte sur toutes mes capacités. Il y a des capacités cachées à ma conscience, souvent, insoupçonnables. Et pour que ma conscience ne puisse plus me jouer des tours de logique en me rendant incapable de tout, je lui reconnais une capacité intelligente qu’elle ne peut pas attaquer : la capacité de douter. Tant que je doute, je suis intelligent. Enfin, je doute de mes convictions mais jamais je ne laisse ma raison seule fonder mes convictions, mes croyances. Certains événements ébranlent très sérieusement mes convictions, parfois même je perds une conviction profonde dans la tourmente, mais j’ai trouvé ici encore un moyen de m’en tenir à un doute raisonnable. Je reconnais à mon cœur une capacité immuable, inattaquable par la raison : la capacité de croire en quelque chose. Ainsi, même lorsque je ne crois plus en rien, j’ai tout de même la capacité de croire en d’autres choses, d’acquérir de nouvelles croyances voire de nouvelles valeurs.
Ainsi organisé, impossible d’admettre raisonnablement : « Je n’ai plus confiance en moi ». Car mon moi s’étend bien au-delà des limites de ma raison. Si j’existe parce que je pense, la qualité de mon existence est loin de dépendre uniquement de mes pensées raisonnables, de mon cerveau pensant. Lorsqu’on a perdu confiance en soi, il faut savoir qui pense, son cœur ou sa raison.
Absolument certains de ne plus pouvoir se faire confiance, de cœur et d’esprit, certains tombent dans la pensée malheureuse.3
Revenons à l’inconfort du doute. Certaines personnes mal à leur aise refoulent leurs doutes au plus profond d’elles-mêmes dans l’espoir de ne plus jamais les voir ressurgir, convaincues qu’il faille être certain, même aveuglément. Ces personnes se privent ainsi de la possibilité de tirer le bénéfice du doute. Ainsi, parmi elles, se retrouvent les gens conservant les mêmes vérités toute leur vie. Ces gens resteront sensiblement sur les mêmes positions, souvent avec la même attitude de certitude, de l’adolescence ou du début de leur vie adulte à la vieillesse. Plus une personne est certaine, moins elle a l’opportunité d’évoluer, à tout le moins, en changeant ses idées actuelles pour de meilleures.
Dans le secret de son intimité, la personne privée de doute considère ses idées comme étant les meilleures qu’elles puissent adopter. Dans le public, deux choix s’offrent à elle pour faire bonne figure, soit elle reconnaît ses idées n’étant peut-être pas les meilleures mais que ce sont les siennes, soit elle soutient adopter une meilleure idée mais uniquement si elle la juge personnellement vraiment meilleure. Dans tous les cas et qu’importent ses dires, la personne privée de doute conserve « ses » idées. Elle en fait une affaire strictement personnelle. Nous approfondirons le sujet au chapitre de la pensée universelle à laquelle nous opposerons la pensée personnelle car il y a des gens prêts à tout pour préserver la certitude de leurs pensées personnelles même si ces dernières sont contredites par des vérités universelles, des vérités vraies pour tous les êtres humains.
La difficulté de douter apparaît dans la « simple conscience » et disparaît dans la « double conscience », reste l’effort. Oui. Je m’explique. Lorsque je dis « Je sais », c’est une question de simple conscience. Lorsque je dis « Je sais que je sais », c’est la double conscience qui intervient. Dans « Je sais que je sais », il y a une vérification de ce que je sais. Dans la simple conscience, il n’y a pas de vérification, je ne me questionne pas à savoir si je sais vraiment. Dans la simple conscience, je me réfère aux évidences apparentes ou à l’expérience immédiate, d’où que je puisse rapidement conclure « Je sais » ou « Je ne sais pas ».
L’expérience immédiate se réduit généralement à la connaissance accumulée à l’aide des sens (goût, odorat, ouïe, toucher et vue). Elle n’est pas inutile, au contraire, elle nous permet de combler nos besoins de base et de vivre en toute sécurité. Par exemple, c’est par l’expérience immédiate de l’odeur d’un aliment mauvais au goût que je garderai cette odeur en mémoire. Si jamais je fais à nouveau l’expérience immédiate de cette odeur, le souvenir aidant, je n’aurai pas besoin d’y goûter pour savoir qu’il est mauvais. Autre exemple, c’est l’expérience immédiate connue qui m’évitera de me brûler à nouveau en passant ma main dans la vapeur s’échappant d’un chaudron d’eau bouillante sur le feu de la cuisinière. C’est aussi l’expérience immédiate vécue à l’audition des crissements de pneus d’une automobile qui me fera remonter sur le trottoir sans prendre le temps de réfléchir si jamais la même expérience immédiate se présente. Somme toute, l’expérience immédiate est à toutes fines pratiques essentiellement sensorielles.
Mais nos sens peuvent nous tromper. « J’étais certain que mon camion passait aisément sous ce viaduc », dira le conducteur. « Je n’ai pas vu la marche », dira le visiteur. « J’avais pas l’impression d’écouter cette musique à un volume aussi élevé », dira le colocataire. Ce sont là des exemples terre-à-terre mais nos sens peuvent aussi induire en erreur notre appréciation d’une personne, d’un événement de grande importance voire d’un objet dangereux.
J’ai ajouté « connue » et « vécue » après « expérience immédiate » car certaines expériences immédiates semblent échapper à notre mémoire, du moins, ne pas s’y inscrire dès la première fois. En effet, il nous faut parfois plusieurs expériences immédiates similaires, par exemple, de déshydratation avant de prendre l’habitude de boire suffisamment lors d’un effort physique soutenu. Certaines personnes oublient toujours de faire le plein du réservoir d’essence de leur automobile malgré l’expérience immédiate de plusieurs pannes sèches.
Bref, nos sens peuvent nous trahir et l’expérience immédiate est loin d’être toujours suffisante pour engendrer une pensée certaine. Autrement dit, une simple conscience ne fournit pas toute la connaissance et la compréhension nécessaire pour prendre du recul et maîtriser la certitude.
Il faut une double conscience, c’est-à-dire, une conscience de la conscience. Disons-le avec d’autres mots. La simple conscience est une conscience spontanée tandis que la double conscience est une conscience réfléchie. Le professeur L. Meynar 4 parle aussi de la conscience réfléchissante et de la conscience réfléchie. La première se limite au reflet de la réalité, la seconde se veut une réflexion au sujet de ce reflet. « (…), mais au fond la conscience et la conscience de la conscience sont deux opérations de l’esprit qui ne diffèrent que par le degré d’intériorisation et de réflexion », écrit le professeur.
Par intériorisation, entendons simplement l’« aptitude mentale à s’isoler du monde extérieur » (Le Petit Robert), ce qui implique, pour nous, la capacité à nous soustraire à l’influence de nos sens, ces derniers étant responsables de nous relier au monde extérieur. Autrement dit, une fois que nous avons acquis toute la connaissance possible avec nos sens au sujet de ce à quoi nous voulons réfléchir, on ferme la porte; on ne laisse plus les sens se mêler de nos affaires.
L’opération est difficile à celui ou celle qui se demande : « Oui. Mais ne ressent-on pas toujours quelque chose ? Comment soustraire complètement ma réflexion à mes sens ? ». Évidemment, il ne s’agit pas de « débrancher » les nerfs; nous mourrions. Blague à part, nos sens alimentent constamment notre cerveau et c’est très bien ainsi. Mais il ne faut pas être comme l’élève à la merci de tout ce qu’il voit et entend au point de perdre le fil de sa propre réflexion, ce qui fait référence à un premier aspect de l’intériorisation : la capacité de concentration dans l’ambiance du monde extérieur.
Le deuxième aspect se rapporte à la capacité de contrôler la connaissance par les sens, comme s’il fallait à un moment donné la fixer, décider qu’on a la connaissance de base nécessaire pour réfléchir. Autrement, on se retrouve à réfléchir à une connaissance qui change constamment parce que toujours alimentée par les sens. En fait, il s’agit de considérer que la conscience et la conscience de la conscience ne peuvent pas travailler en même temps. Comparez-vous au chercheur en laboratoire tentant de réfléchir à un virus tout en gardant les yeux rivés sur ce virus à l’aide de son microscope. L’exercice est toujours possible, l’image du virus peut stimuler l’imagination, mais le chercheur sait fort bien que son travail au microscope (le recours à ses sens) consiste à prendre des connaissances auxquelles il réfléchira plus tard, dans un deuxième temps, à son bureau, par exemple. Ce faisant, il intériorise la connaissance, il ne lui reste plus que des notes. Il amène la connaissance sensorielle de la simple conscience dans la double conscience. Par le fait même, il s’isole lui-même et isole la connaissance du monde. Le travail de la simple conscience est terminé et celui de la double conscience commence.
Personnellement, il me semble plus aisé de différencier la simple de la double conscience en les qualifiant de conscience spontanée et de conscience réfléchie. Pour en finir avec cette différenciation, comparons l’exercice de conscience à celui de la photographie. La conscience spontanée fournit la photographie et la conscience réfléchie l’analyse. L’objet photographié, c’est le monde extérieur. L’appareil photographique représente mes sens (en tant qu’il les prolonge, comme le fait un microscope). La photographie, c’est la connaissance produite par la conscience spontanée à l’aide de mes sens. Je dispose en mon esprit d’une représentation du monde extérieur. Je n’ai plus besoin de l’appareil ou de mes sens pour me représenter le monde extérieur puisque j’en ai une représentation indépendante en mon esprit. Je puis donc me couper du monde extérieur pour réfléchir à cette représentation.
Dans cet exercice, la photographie ou la représentation du monde extérieur en mon esprit est une première connaissance, la connaissance spontanée. Ma réflexion sera une connaissance réfléchie de la connaissance spontanée, une « connaissance de la connaissance » à l’image d’une « conscience de la conscience ».
Dans ce contexte, vous comprendrez peut-être mieux que jamais la réflexion : « Retour de la pensée sur elle-même en vue d’examiner plus à fond une idée, une situation, un problème » (Le Petit Robert). Ce retour de la pensée sur elle-même est nécessaire parce que la conscience spontanée peut m’induire en erreur, produire une pensée d’une fausse certitude :
« La conscience naïve ne connaît que des choses et s’ignore elle-même comme conscience. Par exemple, je dis spontanément : « Devant moi il y a une lampe, sous mes pieds il y a un tapis, sur le balcon il y a des fleurs ». Je ne pense pas d’abord à l’acte de mon esprit par lequel j’affirme tout cela; mais ma pensée s’oublie, s’efface devant les choses qu’elle affirme. (…). Elle affirme les choses, l’être, le « il y a ».
Cependant, je fais bien vite l’expérience de l’erreur. Par exemple, je me dis : « Il y a un moineau sur le balcon »; je m’approche et ce n’est qu’un petit papier gris. Donc il n’y avait pas de moineau, mais j’avais cru voir un moineau. J’avais cru… Ici ma pensée, d’abord tournée vers les choses, revient sur elle-même; je réfléchis sur ma connaissance, je me demande quelle est sa valeur. (…). » 5
Si la conscience naïve (spontanée) se limite à « affirmer », on comprend encore mieux pourquoi les débats d’opinions ont tout pour nous induire en erreur, contrairement à la discussion qui force la réflexion sur chaque affirmation.
Cela dit, l’exemple du moineau sur le balcon est une certitude banale sans trop de conséquences. Vous n’êtes sûrement pas sans penser à des exemples plus dramatiques où de fausses certitudes peuvent conduire à des erreurs fatales. « Je peux éprouver un sentiment très fort et très sincère de certitude et pourtant être dans l’erreur », soulignent messieurs Huiman et Vergez.6 La chose sur le balcon apparaissait « de toute évidence » comme un moineau et j’accorde sur-le-champ le statut de vérité à cette évidence; j’affirme « Il y a un moineau sur le balcon ». Je ne me dis pas : « Il y a peut-être un oiseau sur le balcon » car, pour moi, il n’y a pas de doute que je vois un oiseau.
L’erreur commune de la conscience spontanée est de prendre les évidences comme des vérités sans en douter. La conscience spontanée nous donne souvent un sentiment d’évidence, une impression d’évidence. Les mots « sentiment » et « impression » sont justes parce que la conscience spontanée est directement en relation avec les sens dont l’activité débouche précisément sur des sentiments et des impressions. Or, un simple sentiment ou une simple impression ne suffit pas pour fonder une pensée certaine. Bref, il faut se méfier de toutes les évidences, en douter systématiquement, comme nous le recommande Descartes.
Plus une personne est sensible à ses sentiments et à ses impressions, plus elle devrait se méfier des évidences qui lui viennent à l’esprit. Et c’est justement parce que nous sommes tous sujets à une telle sensibilité que nous devrions tous douter systématiquement des évidences. Même lorsque nous nous vantons d’avoir réfléchi, il arrive que notre réflexion ait été induite en erreur par notre première impression, généralement la plus influente de toutes. En fait, notre réflexion consiste souvent à expliquer et à justifier notre première impression parce que nous la prenons pour vraie, du début à la fin. Or, pour découvrir si une première impression est vraie, il faut en douter. Seul un doute systématique peut produire la certitude et confirme si la première impression est vraie ou fausse. On peut être certain d’une première impression que si plus aucun doute ne persiste en notre esprit, non pas en rejetant le doute pour uniquement en justifier l’évidence.
Pour déceler si une personne n’a pas été bernée par sa première impression dans sa réflexion, il faudrait la forcer à nous exposer tous les doutes qu’elle a levés pour en arriver à être certaine. J’imagine la surprise de cette personne à la question : « Avez-vous eu des doutes ? ». Une réponse du genre « Je suis comme tout le monde, j’ai eu des doutes mais maintenant je suis certain », ne serait que de la poudre aux yeux. Il ne fut pas demandé si la personne doutait comme tout le monde mais si elle, elle avait eu des doutes. Il nous faudrait insister : « Quels ont été vos doutes ? ». Une réponse du genre « Je ne suis pas ici pour faire état de mes doutes mais pour partager ce que je sais » démontrerait définitivement que la personne est uniquement capable d’une conscience de la conscience, d’une réflexion, dont le seul but est d’imposer ses évidences, à elle-même et aux autres. Elle ne peut que nous montrer jusqu’à quel point elle a le sentiment d’être certaine de posséder la vérité. C’est comme si elle nous lançait : « Ne doutez plus, j’arrive ! » ou « Me voilà, il n’y a plus de raison de douter ». En fait, cette personne nous dit : « Je connais la vérité et j’ai la certitude de la connaître ». Or, sa fuite devant le doute prouve tout à fait le contraire. Car qui n’a pas douté, connaît mais il ne peut pas en être certain.
Descartes écrit : « L’acte par lequel on connaît une chose est différent de celui par lequel on connaît qu’on la croit ». Je connais avec ma conscience spontanée, je connais que j’y crois avec ma conscience réfléchie ou, si vous préférez, je sais, avec ma conscience spontanée, je sais que je peux y croire ou non avec ma conscience réfléchie.
Le doute systématique enseigné par Descartes deviendra la première règle de la méthode scientifique. Toute la certitude accumulée en science fut et est possible grâce à l’application, à l’exercice, du doute systématique. La première caractéristique de l’esprit scientifique est de douter systématiquement.
C’est à partir du moment où l’homme s’est mis à douter systématiquement de ses connaissances qu’il a pu qualifier ses connaissances d’exactes et d’approfondies et les réunir dans différents « corps de connaissances ayant chacun un objet déterminé et reconnu, et une méthode propre » ou, différents « ensembles de connaissances, d’études d’une valeur universelle, caractérisés chacun par un objet (domaine) et une méthode déterminés, et fondés sur des relations objectives fiables » (Le Petit Robert). Il s’agit là de la définition d’une science, des sciences. Pour le moment, retenons uniquement (nous verrons les autres aspects plus tard) que la référence à la méthode est obligée pour définir une science et que cette méthode peut varier d’une science à l’autre mais toutes ont en commun la pratique du doute systématique.
On peut donc mettre un peu de science dans sa pensée, profiter de la certitude scientifique dans sa vie, en nous prêtant au doute systématique. Et cela n’est pas aussi compliqué qu’il y paraît. Ne vous imaginez pas bloqué par le doute systématique chaque fois que vous cherchez à connaître, que vous pensez à quelque chose et chaque fois que vous vivez quelque chose, la tête en train d’exploser, dans la position du penseur de Rodin. Même le scientifique qui a fait profession de douter systématiquement des connaissances dans un domaine ou sur un objet déterminé ne s’imagine pas chercher et penser ses doutes jusqu’à la surchauffe de son cerveau au point d’en brûler des neurones et en devenir fou. Le doute systématique n’est pas paralysant, à preuve, les sciences avancent sans cesse depuis qu’elles le pratiquent. Lorsqu’un problème demeure incompréhensible et irrésolu, c’est que le doute systématique n’a pas encore produit une pensée suffisamment certaine pour comprendre et résoudre le problème.
Mais il n’est pas nécessaire de faire du doute systématique une profession pour en tirer le bénéfice d’une pensée certaine profitable à tout un chacun. Le scientifique passera des années sur les bancs d’école qu’il ne quittera pas vraiment puisqu’il est en formation toute sa vie. Il choisit un objet d’étude déterminé et passera en revue tous les doutes levés par ses prédécesseurs dans son domaine. Il se mettra au parfum des doutes et des problèmes actuels et il commencera sa recherche. Nous ne disposons pas d’autant de temps pour étudier chacun de nos problèmes. Impossible d’imaginer nous concentrer sur un seul problème toute notre vie.
En revanche, nous pouvons former quelque peu notre esprit à la pensée scientifique. Nous pouvons importer de la science les principales règles de sa méthode d’être certaine. Bien comprises, ces règles deviennent quasiment une seconde nature, si je puis dire. L’effort nous paraîtra naturel, ne serait-ce que l’effort du doute, la règle suprême. Il faut bien peser les mots « seconde nature » et « effort naturel » car, en fait, l’esprit scientifique va à l’encontre de notre nature qui, nous l’avons souligné, nous pousse à prendre pour vraie la moindre évidence. Ne pas prendre pour vrai ce que nous pensons n’est pas dans notre nature et c’est ce en quoi consiste principalement l’esprit scientifique.
J’aime bien la définition de la science donnée par l’historien philosophe des sciences et professeur de chimie et de physique, Gaston Bachelard, dont le livre La Formation de l’esprit scientifique7 fait autorité en la matière. « Il définit la science comme un combat, un refus de ses propres opinions »8, pour moi, un refus de ce qu’on prend d’emblée pour vrai, puisqu’une opinion est par définition prise pour vraie.
Aussi, la réflexion sur la connaissance proposée par Descartes est d’ordre critique plutôt que dogmatique, fondée sur un doute systématique plutôt que sur un dogme, sur des « vérités fondamentales incontestables » ou des « opinions émises comme des certitudes » (Le Petit Robert), comme on en trouve plusieurs au sein de l’église.
On peut qualifier une réflexion de critique que si elle met en doute systématiquement les connaissances acquises. Pas de doute, pas de qualité critique, pas de certitude, uniquement des dogmes. C’est la qualité critique de la démarche de mes professeurs lors de ma troisième session en sciences humaines au collège que j’ai remise en cause en demandant pourquoi leurs sources disaient sensiblement toutes la même chose sur les sujets à l’étude. « Cet auteur affirme le contraire de l’auteur que vous avez choisi. Que fait-on avec son point de vue? » demandais-je à répétition sans obtenir de réponses intelligentes pour me convaincre de poursuivre plus loin mes études avec eux.
Selon le professeur et sociologue des sciences Olivier Clain, non seulement le premier geste de la démarche critique est une mise en doute des connaissances acquises, mais la connaissance elle-même apparaît dès lors comme une réflexion critique, c’est-à-dire, comme « une démarche qui rend possible une avancée continuelle du savoir par destruction du déjà su, des évidences déjà accumulées ».9
Le professeur Nicolle formule en ces mots la démarche : « La connaissance est une lutte à la fois contre la nature et contre soi-même. On connaît contre une connaissance antérieure. La connaissance n’est pas une simple acquisition; elle est une remise en question de ce que l’on croyait savoir et qu’on savait mal ».10
N’y a-t-il pas là un nouvel élément ? Qu’est-ce que vous inspire : « par destruction du déjà su » et « contre une connaissance antérieure » ? La réponse doit préciser qu’est-ce qui peut détruire le déjà su. Seul un doute au sujet d’une connaissance déjà établie (pour vrai) peut détrôner cette dernière. Si je ne doute pas de la connaissance établie, il n’est aucune raison de croire que je sais mal. Si je doute d’une connaissance établie, mon doute détruit cette connaissance et c’est sur ces ruines que s’installera une nouvelle connaissance, plus certaine, jusqu’à ce qu’un doute vienne la détruire à son tour, pour une connaissance encore plus certaine. Lorsque je crois en une connaissance, j’accepte l’éventualité de devoir l’abandonner si un doute survient. Le bénéfice du doute, c’est la certitude… jusqu’au prochain doute !
Mais notre habitude de prendre pour vraies les évidences se pose comme un obstacle au doute assurant le développement de la connaissance. Gaston Bachelard introduit la notion d’« obstacles épistémologiques », de épistémè, savoir.
« La nouveauté de sa réflexion tient à la découverte des obstacles épistémologiques. Ce ne sont pas des obstacles extérieurs, comme la difficulté d’observer les phénomènes, de les mesurer, d’expérimenter sur eux; ni des obstacles techniques liées à la mise au point d’instruments au service de la science; ce sont des phénomènes internes à l’esprit même du chercheur. G. Bachelard a emprunté à la psychanalyse le concept de résistance. Une résistance est tout ce qui, dans les actions et les paroles d’un patient, s’oppose à l’exploration, par celui-ci, de son inconscient (ex. : fatigue, oublis, refus d’une interprétation, impatience, etc.)
L’obstacle épistémologique est une résistance au développement de la connaissance, interne à l’acte de connaître. C’est dans l’esprit du chercheur, dans sa démarche intellectuelle elle-même que l’on trouve des barrières, des obstacles au progrès de la connaissance. Ces obstacles sont bien entendu involontaires. »11
Laissons à Gaston Bachelard le soin de replacer nos dires dans la version originale de son texte :
« Quand on recherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas de considérer des obstacles externes comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain : c’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n’est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n’est jamais « ce qu’on pourrait croire », mais il est toujours ce qu’on aurait dû penser. La pensée empirique est claire, après coup, quand l’appareil des raisons a été mis au point. En revenant sur un passé d’erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même, fait obstacle à la spiritualisation.
L’idée de partir de zéro pour fonder et accroître son bien ne peut venir que dans des cultures de simple juxtaposition où un fait connu est immédiatement une richesse. Mais devant le mystère du réel, l’âme ne peut se faire, par décret, ingénue. Il est alors impossible de faire d’un seul coup table rase des connaissances usuelles. Face au réel, ce qu’on croit savoir clairement offusque ce qu’on devrait savoir. Quand il se présente à la culture scientifique, l’esprit n’est jamais jeune. Il est même très vieux, car il a l’âge de ses préjugés. Accéder à la science, c’est, spirituellement rajeunir, c’est accepter une mutation brusque que doit contredire un passé.
La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. L’opinion pense mal; elle ne pense pas : elle traduit des besoins en connaissances. En désignant les objets par leur utilité, elle s’interdit de les connaître. On ne peut rien fonder sur l’opinion : il faut d’abord la détruire. Elle est le premier obstacle à surmonter. Il ne suffirait pas, par exemple, de la rectifier sur des points particuliers, en maintenant, comme une sorte de morale provisoire, une connaissance vulgaire provisoire. L’esprit scientifique nous interdit d’avoir une opinion sur des questions que nous ne comprenons pas, sur des questions que nous ne savons pas formuler clairement. Avant tout, il faut savoir poser des problèmes. Et quoi qu’on dise, dans la vie scientifique, les problèmes ne se posent pas d’eux-mêmes. C’est précisément ce sens du problème qui donne la marque du véritable esprit scientifique. Pour un esprit scientifique, toute connaissance est une réponse à une question. S’il n’y a pas eu de question, il ne peut y avoir de connaissance scientifique. Rien ne va de soi. Rien n’est donné. Tout est construit.
Une connaissance acquise par un effort scientifique peut elle-même décliner. La question abstraite et franche s’use : la réponse concrète reste. Dès lors, l’activité spirituelle s’invertit et se bloque. Un obstacle épistémologique s’incruste sur la connaissance non questionnée. Des habitudes intellectuelles qui furent utiles et saines peuvent, à la longue, entraver la recherche. « Notre esprit, dit justement M. Bergson, a une irrésistible tendance à considérer comme plus claire l’idée qui lui sert le plus souvent ». L’idée gagne ainsi une clarté intrinsèque abusive. À l’usage, les idées se valorisent indûment. Une valeur en soi s’oppose à la circulation des valeurs. C’est un facteur d’inertie pour l’esprit. Parfois une idée dominante polarise un esprit dans sa totalité. Un épistémologue irrévérencieux disait, il y a quelque vingt ans, que les grands hommes sont utiles à la science dans la première moitié de leur vie, nuisibles dans la seconde moitié. L’instinct formatif est si persistant chez certains hommes de pensée qu’on ne doit pas s’alarmer de cette boutade. Mais enfin l’instinct formatif finit par céder devant l’instinct conservatif. Il vient un temps où l’esprit aime mieux ce qui confirme son savoir que ce qui le contredit, où il aime mieux les réponses que les questions. Alors l’instinct conservatif domine, la croissance spirituelle s’arrête. » 12
Gaston Bachelard nous propose ces quatre exercices disciplinaires pour conduire notre intelligence avec rigueur13 :
1. La catharsis intellectuelle : toute culture scientifique doit commencer (…) par une catharsis intellectuelle et affective, c’est-à-dire par une véritable purification des préjugés, des idées toutes faites, des opinions admises. C’est une condition préalable pour qui veut vraiment entreprendre une recherche intellectuelle. Bachelard reprend ici la tradition philosophique, qui, depuis Socrate en passant par Descartes, exige la rupture avec la doxa (l’opinion) pour penser librement par soi-même.
2. La réforme de l’esprit : il faut éduquer convenablement son esprit, c’est-à-dire non pas le remplir de connaissances jusqu’à saturation, mais le former avec méthode. Plus précisément, il faut apprendre à son esprit à se réformer sans cesse, à ne jamais s’installer dans des habitudes intellectuelles qui deviennent vite des carcans; il doit être capable de renoncer à une théorie à laquelle il était attaché, il doit être capable de refondre totalement le système de son savoir chaque fois que c’est nécessaire. Il faut avoir un esprit souple
3. Le refus de l’argument d’autorité : comme nous l’ont appris les savants de la Renaissance, il faut savoir rompre avec le respect pour les autorités intellectuelles, quel que soit leur prestige. Un épistémologue irrévérencieux disait, il y a quelque vingt ans, que les grands hommes sont utiles à la science dans la première moitié de leur vie, nuisibles dans la seconde moitié. Effectivement, dès qu’un chercheur devient célèbre, il acquiert une autorité intellectuelle et morale qui peut gêner ses étudiants. Pour progresser, ceux-ci doivent souvent rompre avec les idées de leur maître, ce qui n’est pas toujours facile lorsque celui-ci détient le pouvoir d’orienter les travaux de recherche, les thèses, les carrières, etc. À ceux qui veulent apprendre, c’est souvent une gêne que l’autorité de ceux qui leur donnent leur enseignement, écrivait Cicéron.14
4. L’inquiétude de la raison : il ne faut jamais laisser sa raison en repos (quies); il faut l’inquiéter, la déranger. Il ne faut pas s’installer dans la sympathie avec une doctrine. La sympathie enlève l’esprit critique, la liberté de jugement. Il ne faut jamais se sentir à l’aise avec ses propres idées, il faut se remettre toujours en question. Celui qui ne s’interroge plus se sclérose. L’esprit qui finit toujours par dire oui s’endort. Penser, c’est dire non, pensait Alain. »15
Ces exercices prolongent fort bien notre propos. Il faudrait nous les enseigner dès notre plus jeune âge pour plus de rigueur dans l’ensemble des réflexions de tous les gens.
Pour le moment, les critères de vérité diffèrent tellement d’un individu à l’autre que le développement de la connaissance s’en trouve réduit, autant dans nos vies personnelles que publiques. Il y a prolifération de connaissances sans pour autant qu’elles soient certaines car on peut justement douter des critères de vérité retenus. Bref, il y a une multitude de raisons de croire de certitude très inégale.
« Lorsque quiconque avance une affirmation qu’il prétend être une vérité, lorsqu’il veut la faire reconnaître et partager comme telle (comme une vérité), on est toujours en droit de lui demander « pourquoi devrais-je vous croire? ». Selon les domaines et les circonstances, les réponses peuvent être très diverses : on peut invoquer l’expérience quotidienne, la pratique, un témoignage, l’autorité de quelqu’un de reconnu comme compétent, la tradition, une révélation, l’intime conviction, l’intuition, le raisonnement, le sentiment d’évidence, et encore bien d’autres raisons de croire. »16
La science procède autrement :
« Les affirmations scientifiques, elles, devraient en principe appuyer leur validité sur des arguments à la fois empiriques, rationnels, et publics. À la question ci-dessus, le scientifique devrait pouvoir répondre : « voilà l’expérience ou l’observation que j’ai réalisée et les raisonnements que j’ai faits pour en tirer mes conclusions. Vous pouvez les refaire, je vous donne toutes les indications nécessaires pour cela, vous verrez que vous aboutirez au même point que moi ». »17
Quelle différence remarquez-vous? Lorsqu’un scientifique avance une affirmation qu’il prétend être vraie, il doit la soumettre à l’approbation publique. Dans notre vie privée, nous nous contentons souvent de nous approuver nous-mêmes. Nous jugeons nous-mêmes si nous pouvons être certains ou non, par conséquent, notre capacité à reconnaître nos erreurs est réduite uniquement à notre propre expérience.
Le scientifique ne saurait se contenter d’une preuve personnelle, il la soumettra aux d’autres :
« Une preuve scientifique doit pouvoir s’imposer à toute personne suffisamment informée; obtenir le consensus est donc une visée de tout effort de recherche. La connaissance scientifique est, par sa nature même, partageable. (Un chimiste anglais, Ziman (1968), a forgé pour cela l’adjectif ‘ consensible ’, c’est-à-dire susceptible d’être l’objet d’un consensus, pour exprimer la même idée ».18
Les mots-clés : « à toute personne suffisamment informée ». La personne qui nous propose une vérité est-elle suffisamment informée ? Et nous, sommes-nous suffisamment informés pour juger cette vérité vraie ou fausse ? La plupart du temps, non seulement nous ne prenons pas le temps de vérifier les informations disponibles, nous n’avons pas le temps. Plus encore, la surabondance d’informations nous démotive. Même lorsqu’on se donne quelque peu la peine de fouiller un sujet, de consulter différentes sources d’informations, on a l’impression de piger au hasard.
Il faut que les informations soient loin, en dehors de la science, de former un ensemble de connaissances ordonnées, faciles à consulter. La pagaille voire l’anarchie caractérise l’autoroute de l’information et on trouve difficilement ce que l’on cherche. Or, le fouillis sur l’autoroute de l’information est à l’image de l’esprit de l’homme. L’informatique est une science, le contenu véhiculé est loin d’être soumis à la même organisation de pensée, une grave erreur qui nous laisse dans l’erreur. Si l’autoroute de l’information avait été conçue comme une gigantesque encyclopédie, le problème serait réglé mais cela ne se produira pas car les penseurs des moteurs de recherche manquent eux-mêmes de conscience de la conscience. Pressés de passer à l’action avec les évidences du bord, ils ne doutent pas suffisamment voire correctement, bref, ils manquent de réflexions.
Dans ce contexte de fouillis général, débordant amplement l’autoroute de l’information, nous ne pouvons avoir qu’une seule qualité : rester ouverts à l’idée de douter de nos pensées certaines si jamais nous en croisons une autre qui n’y corresponde pas, en tout ou en partie. N’est-ce pas la moindre des choses au lieu de rejeter instantanément toutes connaissances contredisant nos pensées certaines ?
Parler avec certitude m’apparaît prétentieux et arrogant, très peu raisonnable. Ajoutez à cela l’assurance et la confiance en soi avec lesquelles les gens renforcent l’impression de dire la vérité et vous pouvez conclure que la plupart des gens exagèrent. Il suffit d’y prêter attention lors des réunions de famille, des séances de travail au bureau, des pauses-café, des activités de loisirs, des déplacements en public, de l’épicerie au centre commercial en passant par la station-service et le cinéma, bref, partout où l’autre parle avec un autre, pour se rendre compte que les gens donnent force de vérité à ce qu’ils disent et pensent, sans entretenir le moindre doute.
J’ai commencé bien jeune à me rendre compte que je ne pouvais pas me fier aux pensées les plus certaines des gens. Même les journalistes sont trompés par l’évidence. Je ne sais plus combien d’informations de toutes sortes sur les sujets les plus variés j’ai vérifiées jusqu’à la source pour m’apercevoir que les médias m’avaient induit en erreur, faute d’avoir eux-mêmes vérifié.
À titre d’exemple, à la sortie dans les médias de l’affaire des messages subliminaux dans la musique rock, piqué au vif, j’ai entrepris une vaste vérification de l’information pour satisfaire un doute systématique. Le sujet était traité par les médias avec tellement d’erreurs que je n’ai pu faire autrement que d’intituler ma première tournée de conférences dans les écoles élémentaires, secondaires et collégiales et les maisons de jeunes du Québec, de l’Ontario et des provinces maritimes : « Le rock et la déformation de l’information ». Il me fallait un minimum de deux heures et demie par conférence pour expliquer les erreurs relevées dans cinq articles publiés par différents quotidiens parmi les plus prestigieux au Canada. Et gare aux directeurs et aux animateurs qui voulaient couper court à la conférence car les jeunes, tout comme les parents rencontrés en soirée, voulaient savoir, tout savoir; la vérité ne court pas les rues et je l’avais trouvée pour la partager.
Pire encore, l’ignorance d’un seul homme peut priver tout un peuple d’une meilleure connaissance. À titre d’exemple, j’ai vu de mes yeux vu le dossier de l’éducation aux médias foirer lamentablement au Québec dans la première moitié des années 80 alors que je revenais de la France avec toutes les informations originales du projet initié par l’U.N.E.S.C.O., expérimenté pour la première fois en plusieurs pays sous l’égide du Conseil de l’Europe parmi lesquels la France était le plus avancé. J’avais en main non seulement les informations pédagogiques nécessaires à l’implantation du projet au Québec mais même les notes ministérielles confidentielles expliquant comment promouvoir le projet en hauts lieux. Je ne parle pas ici d’une valise de documents mais de plus d’une dizaine de caisses bourrées des informations les plus précieuses étalant un savoir de grande valeur. Dès mon arrivée, je me suis mis à la recherche d’informations du côté américain pour être en mesure de comparer la vision européenne avec la vision américaine. J’ai procédé de même avec le Québec et les autres provinces canadiennes, plus pauvres que jamais sur le sujet.
Avec une équipe, qui a compté au plus fort une quinzaine de personnes, nous avons expérimenté sur le terrain pendant cinq ans, ajustant ici et là le projet aux réalités québécoises, et de façon à avoir en main une version parfaitement adaptée avant de nous rendre en commission parlementaire lors de l’étude des crédits du ministère des communications du Québec pour demander de l’aide en vue de généraliser le projet dans les écoles, les maisons de jeunes et les services de loisirs. Déjà, nous avions fait la une de plusieurs médias et été l’objet de nombreux reportages, même l’Office National du Film du Canada avait produit un documentaire sur nos ateliers dans les écoles primaires.
Mais il ne fallut même pas une minute à un politicien de l’opposition, parfait ignorant du sujet, pour faire de notre cause un dossier partisan et ainsi inciter le ministre à ignorer notre demande. Il a laissé croire que le but de l’éducation aux médias était de critiquer les médias alors qu’en réalité, il s’agit de développer le sens critique. Mais pour lui, on ne pouvait pas développer le sens critique autrement qu’en faisant des critiques engagées. On devient critique des médias en apprenant « comment ça marche » par une expérimentation pratique des médias et en cernant l’influence des médias dans nos vies. Ainsi et seulement ainsi, on peut prétendre à des critiques objectives et être en mesure d’expliquer pourquoi on aime et pourquoi on n’aime pas. Nous avons poursuivi nos expériences sur le terrain, ajoutant même une véritable escouade pour répondre aux demandes de directeurs d’écoles aux prises avec la violence, celle dans les médias étant devenue un Cheval de Troie pour aborder la question. Au bout de quelques années, nous avons dû abandonner, faute de subventions gouvernementales pour compléter le financement privé. Ailleurs, l’éducation aux médias est toujours plus évoluée qu’au Québec et largement subventionnée par le privé et le public.
Frustré ? Comment ne pas l’être lorsque l’absence d’un doute raisonnable cause autant de ravage dans tous les milieux de la société. Qu’importe la région du monde où vous habitez, vous observerez de multiples décisions prises sous la seule connaissance des évidences plutôt qu’une juste compréhension de cette connaissance brute. Une conscience respectueuse d’elle-même se compose de la connaissance et de la compréhension tirées de la connaissance par la réflexion. La connaissance seule ne suffit jamais à l’être humain conscient de lui-même. Aussi, l’être humain conscient fait preuve d’humilité dans l’énoncé de ses certitudes car il sait fort bien qu’il ne dispose pas généralement de toutes les connaissances nécessaires pour réfléchir sur un sujet au point et produire une réflexion à toute épreuve. L’être humain responsable demeure continuellement à la recherche de nouvelles connaissances, particulièrement celles pouvant mettre en doute ce qu’il sait et croit savoir.
Nous terminerons notre chapitre sur la pensée certaine en traitant du « bon sens », ce qui me permettra de tenir ma promesse de vous présenter les opérations de pensées telles qu’expliquées par le professeur Clain :
« Il y a trois moments dans toute connaissance du monde :
1. Moment dans lequel je fais l’expérience de l’objet avec ses qualités propres et ses déterminations empiriques.
2. Moment de la construction des concepts, des catégories que j’utilise pour décrire les qualités de l’objet.
3. Moment, en constante relation avec les deux autres et qui sert de médiation dans le rapport entre les deux autres, et qui est le moment de la formulation des énoncés à caractère théorique. »
Quand je dis « La table est jaune et rectangulaire », j’affirme une connaissance dans laquelle ces trois moments sont présents. D’abord, l’expérience de l’objet, c’est le moment où s’effectue le premier contact avec l’objet, un contact sensoriel; je vois, je sens, je touche, j’entends et/ou je goûte l’objet. Lors de ce moment l’objet agit sur mes sens, il les stimule. Chaque sens stimulé produit alors une sensation (tactile, oculaire, auditive, etc.) qui sera acheminée au cerveau sous la forme d’un influx nerveux par les nerfs. La connaissance de l’objet se limite alors à un message sensoriel en route vers le cerveau. Ce message comprend alors toutes les données nécessaires pour me représenter mentalement l’objet, en avoir une « photographie » (sensorielle), c’est-à-dire une perception.
Le message arrive au thalamus, centre de réception et de traduction des messages sensoriels en langage du cerveau. En fait, le thalamus code l’influx nerveux pour qu’il puisse circuler dans les circuits formés par les neurones, les circuits neuronaux, différents des nerfs utilisés par les sens. Le thalamus produira le message en deux copies, l’une pour le cerveau pensant (conscient) et l’autre pour le cerveau émotionnel (inconscient). On sait depuis peu que le cerveau émotionnel, centre de la perception, reçoit sa copie du message bien avant le cerveau pensant. Le fait s’explique simplement par la longueur du circuit neuronal, celui entre le thalamus et le cerveau émotionnel est plus court que celui entre le thalamus et le cerveau pensant. Ainsi, le cerveau émotionnel a souvent pris connaissance du message et agit en conséquence avant même que le cerveau pensant ait enregistré l’arrivée de sa copie du message.
Je passe alors au deuxième moment de la connaissance, le développement de la photographie, si je puis dire. Les différents concepts dont j’ai déjà l’expérience en mémoire m’y aideront. Par exemple, j’ai déjà l’expérience du concept des formes et des différentes catégories de formes, je puis donc identifier la forme de l’objet en la classant dans la catégorie des formes rectangulaires. J’ai aussi l’expérience de la catégorie de formes que j’appelle « pattes », je puis voir que la forme rectangulaire repose sur des pattes. J’ai l’expérience du concept des nombres, je puis compter quatre pattes. J’ai l’expérience du concept des couleurs, je puis identifier la couleur de l’objet comme faisant partie de la catégorie de couleurs jaune. La représentation mentale ou le développement de la photographie est complété.
Il me faut maintenant que je m’exprime cette représentation mentale en la formulant, par exemple, avec des mots : « la table est jaune et rectangulaire ». Si jamais je n’avais pas eu l’expérience de la forme spécifique de l’objet, ma formulation ressemblerait à ceci : « La table est jaune et d’une forme que je n’avais jamais vue auparavant ». D’une couleur inconnue, j’aurais affirmé : « La table est rectangulaire et d’une « drôle de couleur » ». Cette formulation exige que je me réfère constamment aux deux premiers de la connaissance, à mon expérience sensorielle de l’objet et aux qualités que je peux attribuer à l’objet.
Le cerveau émotionnel disposera ainsi d’une identification précise de ce que mes sens ont perçu et toute l’opération lui aura demandé quelques millisecondes. Il communiquera au cerveau pensant l’identification de l’objet mais une fois de plus, avant même que celui-ci ait pu en prendre conscience et commencé sa réflexion, s’il y a lieu, le cerveau émotionnel nous aura commandé l’attitude et le comportement à adopter face à cette table jaune et rectangulaire. Par exemple, mon cerveau émotionnel relèvera toutes mes références à la couleur jaune. Ces références sont classées dans notre schéma de référence, dossier sur la couleur, une sorte d’échelle de valeurs où les couleurs sont classées selon les émotions, agréables et désagréables, qu’elle suscite en moi. Si le jaune est classé comme une couleur désagréable parce que trop voyante pour un meuble, le cerveau émotionnel commandera une attitude rébarbative pouvant aller jusqu’au dédain. Ici encore, le cerveau émotionnel informera le cerveau pensant de son opinion et je pourrais en prendre conscience et y réfléchir.
C’est que nous sommes généralement inconscients du travail effectué par le cerveau émotionnel qui, par expérience, juge qu’il n’y a jamais de temps à perdre pour adopter une attitude précise face aux objets, aux personnes, aux situations, question de toujours être en mesure d’assurer notre sécurité. Vous vous souvenez de ces crissements de pneus d’automobile qui m’ont fait remonter sur le trottoir sans prendre le temps de réfléchir. Le cerveau émotionnel est en constante alerte et, pour lui, il n’y a aucun objet, personne et situation anodines.
Peut-être comprendrez-vous encore mieux en apprenant que les études de l’évolution du cerveau de l’homme démontrent que le cerveau émotionnel est le premier à s’être développé. Le cerveau pensant est venu plus tard et s’est développé, non pas indépendamment du cerveau émotionnel, mais plutôt en l’entourant, en y plongeant ses racines, si je puis dire, d’où les multiples connexions entre les deux cerveaux. Plusieurs spécialistes en neurosciences déduisent de ce fait une explication logique de la domination du cerveau émotionnel sur le cerveau pensant, des émotions sur l’intelligence.
Cette domination fut longtemps analysée par la science comme un défaut auquel remédier en prenant le contrôle de nos émotions. Aujourd’hui, la science reconnaît là une erreur car elle doit conclure que la raison n’est pas fonctionnelle sans les émotions. En effet, des patients privés de leurs émotions à la suite de lésions au cerveau émotionnel, n’arrivent plus à user de leur raison, même pas pour décider l’heure d’un prochain rendez-vous avec le médecin. La raison a besoin des émotions, d’où l’idée que le cerveau pensant est loin d’avoir le monopole de l’intelligence humaine. Il faut désormais parler de l’intelligence raisonnée et de l’intelligence émotionnelle, la première ne pouvant pas être exploitée sans la seconde. La lecture de l’ouvrage L’intelligence émotionnelle de Daniel Goleman vous est recommandée, un ouvrage auquel nous reviendrons.
Revenons aux moments présents dans toute connaissance. « Dans la vie de tous les jours, ces trois moments ne se distinguent pas clairement à ma conscience », ajoute le professeur Clain. Je les traverse inconsciemment et je me rends rapidement à l’évidence de mon constat d’observation. Nous avons déjà souligné qu’une telle connaissance, somme toute uniquement perceptive, peut nous induire en erreur.
Le professeur poursuit : « Ce n’est que dans la connaissance scientifique que ces moments vont se séparer clairement, qu’ils vont être posés comme différents par la conscience, s’autonomiser les uns des autres de manière claire et qu’ils vont se constituer en moment de connaissance scientifique ». Bref, la pensée scientifique s’arrête à chaque moment pour les contrôler, comme le recommandait Descartes (maîtrise des opérations de penser). L’expérience de l’objet sera minutieusement préparée, organisée et contrôlée, c’est-à-dire, systématique. Il en sera de même de la construction des concepts, généralement soumis au consensus des confrères, avant de les adopter et les utiliser pour décrire l’objet. Pareil effort sera déployé le temps venu de la formulation des énoncés à caractère théorique. On peut aisément comprendre que la différenciation des moments présents dans la connaissance et leur contrôle serré permettent à la science de produire des connaissances plus certaines que l’homme de la rue qui n’a aucune conscience de ces moments et se rend à l’évidence sans trop la questionner, du moins dans la vie quotidienne.
Car l’homme de la rue, vous et moi, peut réfléchir aux évidences s’il s’y arrête en s’isolant de son train-train quotidien. Cependant, comparée à la connaissance qualifiable de scientifique, la nôtre sera nommée « connaissance du sens commun » (le sens communément donné par l’homme à ses connaissances), reliée au bon sens dont nous parlions.
Dans la connaissance du sens commun, je connais des lois et, dans la connaissance scientifique, j’explique les lois. À titre d’exemple, la loi de la succession et celle de l’ordination des saisons (hiver, printemps, été, automne) est une connaissance du sens commun. L’explication de la succession des saisons et l’ordre dans lequel elles défilent relèvent de la connaissance scientifique.
Il est important de comprendre ce qu’est une loi, ce que nous faisons en expliquant que « la connaissance se distingue selon le type d’objets connu. Selon le professeur Clain, il y a trois types d’objets, chacun permettant un degré de connaissance différent.
Premièrement, il y a la connaissance intuitive qui me donne une certitude sensible, relative à ce que mes sens me laissent percevoir. Cette connaissance a pour objet le simple fait d’être d’une chose en face de moi. Par cette connaissance, je reconnais l’existence des choses. C’est le « Il y a ». C’est la connaissance d’un acte d’être, la forme la plus simple de la connaissance.
Deuxièmement, il y a la connaissance de l’imagination ou de la perception. C’est « lorsque je connais un objet et que je lui attribue des qualités ». J’acquiers une connaissance de l’objet en relation avec ses qualités. Ici, non seulement j’ai la connaissance de l’existence de l’objet devant moi, par exemple, en tant que table, mais j’ai aussi la connaissance de ses qualités, jaune et rectangulaire.
Troisièmement, il y la connaissance de l’entendement, c’est-à-dire, la connaissance de la relation elle-même entre les qualités d’un objet ou entre des objets. Dans la connaissance de l’entendement, je porte plus spécifiquement attention à la constance, à la stabilité de la relation. Par exemple, je peux relier la qualité rectangulaire et la qualité jaune pour voir s’il y a une relation constante en me demandant si toutes les tables rectangulaires sont jaunes? Parfois oui, parfois non, devrais-je admettre. Il n’y a donc pas de relation constante entre les deux qualités, si ce n’est qu’aléatoire. En revanche, année après année, je peux voir une relation constante dans l’ordre dans le nombre de saisons et leur ordre. Il y a là de quoi déduire une loi du nombre de saisons et une loi de leur ordre. « Lorsque je connais grâce à l’entendement, je connais une loi », « je connais de loi », explique le professeur.
Dans ce dernier cas, on parlera de « l’entendement naturel », pour distinguer « l’entendement scientifique ». Dans l’entendement naturel, je connais de loi, dans l’entendement scientifique, je connais l’explication de la loi.
Dans l’entendement naturel, l’objet de la connaissance est la relation entre les qualités d’un objet ou des objets, d’où je peux tirer, comme résultat, une loi. Dans l’entendement scientifique, l’objet de la connaissance est la loi formulée par l’entendement naturel, son résultat. Bref, le résultat de l’entendement naturel est une loi tandis que celui de l’entendement scientifique saura l’explication de la loi.
Évidemment, l’homme n’accorde pas à l’entendement scientifique le monopole de l’explication des lois. L’homme a tendance à risquer une explication des lois que lui inspire son entendement naturel. Dans ce cas, « la loi trouve son explication dans le mythe, la religion, la culture, la coutume,… ». Il y a ici une « interprétation d’une volonté », la volonté de prouver l’existence d’une règle universelle, d’un mythe, d’une religion,… Une telle interprétation est inadmissible dans l’entendement scientifique.
En science, l’explication recourt plutôt à « des principes théoriques à partir desquels je pourrai présenter la loi comme le résultat d’une déduction ». La formulation pratique nous donnera l’affirmation suivante : « Étant donné que (principes théoriques posés), les saisons se présentent dans cet ordre (déduction). » La loi devient une explication déduite d’un énoncé de principes. Et seuls sont admis les principes :
1. parfaitement impersonnels, c’est-à-dire ne résultant pas d’une volonté divine;
2. parfaitement abstraits, c’est-à-dire qui ne relèvent pas d’une réalité concrète, une force cosmique concrète (de l’univers matériel);
3. et qui font intervenir des catégories parfaitement universelles, générales, c’est-à-dire des principes qui ne font pas appel à des cas individuels, particuliers, partiels.
Si Dieu intervient dans votre explication, vous n’êtes pas scientifique mais dogmatique. Si votre explication fait appel à des réalités du monde matériel, sensibles ou qui peuvent être perçues par les sens, votre explication n’est pas scientifique. Ici, le modèle de référence pour distinguer l’abstrait du concret est le nombre et les mathématiques, d’où que la science en fasse grand usage. Jamais vous rencontrerez le nombre « 2 » sur la rue, il n’a aucune existence matérielle, il est parfaitement abstrait. En revanche, il peut décrire parfaitement une réalité concrète. Si je dis « deux arbres », votre esprit sait exactement ce que je connais. L’usage du nombre m’évite d’avoir à vous faire un dessin concret de la réalité concrète. Il n’est plus besoin d’un support matériel (dessin) pour représenter le monde matériel. Je représente parfaitement la réalité concrète par des principes parfaitement abstraits. Le mot « arbre » est aussi un concept abstrait mais il n’est pas parfaitement défini, celui qui entend ce mot est libre de sa représentation tandis que le nombre ne laisse aucune liberté.
Enfin, si votre explication utilise des catégories de concepts concernant uniquement quelques exemplaires de l’objet ou des individus à l’étude, plutôt qu’à tous les exemplaires de l’objet ou à tous les individus, votre explication n’est pas scientifique. En fait, la science s’intéresse uniquement aux lois universelles, qui s’appliquent à tous les objets ou individus. Rien n’empêche la science de se pencher sur des cas d’espèce, un cas « qui n’entre pas dans la règle générale, qui doit être étudié spécialement » (Le Petit Robert), mais ces cas sont toujours interprétés en référence à la loi générale, universelle. La science se demande alors pourquoi le cas échappe à la loi universelle établie. La science n’en démord pas, l’universel est la règle. Après tout, comparer un cas particulier à un autre cas particulier ne serait pas très fiable. C’est en comparant une cellule cancéreuse avec la cellule saine qu’on peut avoir la certitude de ce qui afflige la cellule cancéreuse. Bref, vaut mieux d’abord des catégories générales si on ne veut pas être dépourvu devant les cas particuliers.
Si jamais la science laisse à d’autres le soin de la volonté divine, elle est tout de même le résultat d’une forte volonté, « d’une volonté de connaître, d’une entreprise systématique de recherche des lois et d’une recherche systématique des explications de ces lois », ajoute le professeur Clain.
La science est loin de la « manière de juger, d’agir commune à tous les hommes », bref, du « sens commun » ou « bon sens ».19 La présence du mot « sens » dans les deux expressions devrait suffire pour mettre en doute le sens commun. Plus gros est le « bon sens », plus nous devrions en douter. En fait, dire « C’est le gros bon sens », revient à dire « C’est l’évidence même », ce qui n’a rien pour inspirer la pensée certaine.
Le fait qu’un grand nombre de personnes partagent la même évidence nous impressionne et nous incite à croire à une vérité parce que nous jugeons qu’autant de gens ne peuvent tous se tromper en même temps sur la même chose. Or, c’est bien là tout le problème avec le bon sens, il jouit de la force du nombre, tandis que la vérité tient souvent d’un seul homme, comme ce fut le cas avec Nicolas Copernic, Marie Curie, Albert Einstein et plusieurs autres hommes et femmes de science.
Dans l’esprit du gros bon sens, la raison du nombre l’emporte. Dans l’esprit de la science, la raison d’un seul homme peut l’emporter. C’est ce que j’aime de l’esprit scientifique, il permet à quiconque trouve une vérité de changer le monde. La société du sens commun vante la liberté de pensée et la liberté d’expression accordées à chaque personne mais on devient vite un cas à part si on ne pense pas comme tout le monde. On se retrouve isolé. Mais quand tout le monde pense avoir le droit d’être certain parce que tout le monde le croit, le monde résout péniblement ses problèmes parce qu’il est privé du bénéfice du doute.
Quand tout le monde est certain de la même chose, vers qui se tourner quand on n’est pas du même avis ?
Quand on ne pense pas comme tout le monde, n’est-on pas jugé comme un cas à part ? À moins de taire sa différence, la personne qui ne pense pas comme tout le monde est isolée de son groupe, jusqu’à temps qu’elle pense à nouveau comme tout le monde dans son groupe. Autrement, elle devra changer de groupe. Mais, ce faisant, elle commet souvent la même erreur qu’au départ : elle choisit encore des personnes qui pensent comme elle. Visiblement, cette personne est mal à son aise dans un groupe qui ne pense pas comme elle. D’une part, cette personne réclame le droit de ne pas penser comme tout le monde et, d’autre part, elle cherche la compagnie de gens qui pensent comme elle. Cette personne nage en pleine contradiction.
Quand tout le monde a expérimenté sans succès la même chose, où est celui ou celle qui aura une solution vraiment nouvelle ? Nulle part. En tout cas, pas parmi tout le monde, à moins qu’elle s’y soit dissimulée sans crier gare. D’une part, cette personne n’est pas comme tout le monde et, d’autre part, elle se comporte comme tout le monde. Agir ainsi, c’est vivre dans la contradiction.
Quand chaque personne se donne raison personnellement, c’est-à-dire en elle, par elle et pour elle, ne partage-t-elle pas uniquement la solitude intérieure de tout le monde ? Quand une personne se donne raison personnellement, elle se prive de la sagesse accumulée par l’Homme depuis des siècles. Elle vit comme si elle était le premier homme ou la première femme sur Terre, niant le savoir de tous les hommes et de toutes les femmes qui l’ont précédée. Elle n’a alors de bons sens que le sien, et de science que la sienne. D’une part, cette personne souffre de la solitude car il est reconnu que l’homme n’est pas fait pour vivre seul et, d’autre part, elle crée son isolement en s’enfermant dans sa raison. Cette personne vit donc en contradiction avec sa raison. Il sera difficile de la raisonner.
Quand tout le monde se rallie au gros bon sens, à la force du nombre, pour se donner raison, comment se fait-il qu’il y ait autant de gens parmi ce monde qui donnent l’impression voire affirment haut et fort se foutre de ce que les autres pensent? Quand, d’une part, tout le monde pense comme tout le monde et que, d’autre part, tout le monde dit se foutre de ce que les autres pensent, parce que tout le monde le fait, le monde étale au grand jour toute son inconscience. Il y a là une contradiction que l’absence de conscience de la conscience, de réflexion, suffit à expliquer. Si nous sommes si nombreux, ce n’était certainement pas pour nous priver de réflexions.
À force de contradictions pareilles, plusieurs personnes en arrivent à ne plus aimer penser. Dès leurs premières réflexions, elles n’ont pu faire autrement que de tourner en rond, ce qui est assez pour ne pas aimer penser. Elles finiront par nier les contradictions, souvent en les poussant hors de leur conscience pour les refiler à leur inconscient, question de les oublier profondément.
On tourne en rond dans sa raison, comme on tourne en rond en forêt, c’est-à-dire, lorsqu’on est privé de repères, de lumière. On est ainsi privé lorsque rien ne laisse pénétrer la lumière, quand la couche de nuage est si dense et étendue qu’aucune lumière de la Lune et des étoiles est visible aux yeux. Il n’y a qu’un système de pensées sans aucune faille, sans aucun doute, qui prive la raison de lumière. Dans le noir, on se donne raison aveuglément. La raison aveugle ne voit pas les contradictions, elle ne peut que les sentir et éprouver un malaise. Mais la pensée certaine de la raison aveugle ne tient à rien de suffisamment solide pour soulager le malaise de la contradiction. Alors aussi bien les réduire en importance ou les nier. Après tout, l’esprit est davantage préoccupé par le malaise, ce qu’il ressent, que par les contradictions elles-mêmes puisqu’il ne les voit pas.
Il suffirait d’un tout petit doute pour éclairer la raison. La raison éclairée n’est pas embêtée par les contradictions, au contraire, elle crie : « Contredisez-moi ! ». Pourquoi ? Parce qu’elle transforme chaque contradiction en une nouvelle faille pour être toujours plus éclairée. La raison éclairée ne cherche pas à réconcilier toutes les contradictions révélées par la lumière, une tâche qu’elle sait impossible. Elle considère la réconciliation comme exercice. Tant mieux si la réconciliation advient de cet exercice mais le plus important est d’y entraîner la raison à la rigueur d’un éclairage toujours plus pertinent. Car, plus la raison est éclairée, plus elle est en mesure de tirer le bénéfice du doute, c’est-à-dire, de produire une pensée toujours plus certaine. Contredisez-moi !
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NOTES
1. Je reprends ici, à peu de chose près, le texte de L. Meynard, La connaissance, Librairie Classique Eugène Belin, Paris, 1963, p. 31.
2. Le Petit Robert.
3. Voir : La pensée malheureuse, p. 69.
4. Meynard, L. La connaissance, Librairie Classique Eugène Belin, Paris, 1963, p. 32.
5. Huisman, Denis et Vergez, André, Court traité de la connaissance, Classes terminales A-B, Édition Fernard Nathan, 1969, p. 309.Les mots en caractères gras sont des auteurs.
6. Ibid., p. 311.
7. Bachelard, Gaston, La formation de l’esprit scientifique, Librairie Philosophique J. Vrin, Paris, 1938, Seizième édition, 1999. (Disponible en livre de poche).
8. Nicolle, Jean-Marie, Histoire des méthodes scientifiques – Du théorème de Thalès à la fécondation in vitro, Bréal, 1994, p.107.
9. Clain, Olivier, cours Science, Éthique et Société, programme de formation Télé-Universitaire du département de sociologie de l’Université Laval.
10. Nicolle, Jean-Marie, Histoire des méthodes scientifiques – Du théorème de Thalès à la fécondation in vitro, Bréal, 1994, p.107. Les caractères ont été mis en italique par l’auteur. Le professeur Nicole traite ici de l’enseignement de Gaston Bachelard.
11. Ibid., pp. 107-108.
12. Bachelard, Gaston, La formation de l’esprit scientifique, Librairie Philosophique J. Vrin, Paris, 1938, Seizième édition, 1999, pp. 13-15.
13. Tel que rapporté par : Nicolle, Jean-Marie, Histoire des méthodes scientifiques – Du théorème de Thalès à la fécondation in vitro, Bréal, 1994, pp. 115-116.
14. Homme politique et orateur latin, 106 – 43 av. J.-C. Le Petit Larousse Illustré.
15. Gaston Bachelard fait référence à Émile Chartier, dit Alain, « essayiste français » (1868 – 1951). Le Petit Larousse Illustré.
16. Matalon, Benjamin, La construction de la science – De l’épistémologie à la sociologie de la connaissance scientifique, Delachaux et Niestlé S.A., Lausane (Switzerland) – Paris, 1996, pp. 21-22.
17. Matalon, Benjamin, La construction de la science – De l’épistémologie à la sociologie de la connaissance scientifique, Delachaux et Niestlé S.A., Lausane (Switzerland) – Paris, 1996, p. 22.
18. Matalon, Benjamin, La construction de la science – De l’épistémologie à la sociologie de la connaissance scientifique, Delachaux et Niestlé S.A., Lausane (Switzerland) – Paris, 1996, p. 23.
19. Définition donnée par Le Petit Robert au « sens commun », « qui équivaut au bon sens »
La pensée profonde
Pour trouver la cause première
Celui ou celle qui aime penser n’évite pas la pensée profonde mais y plonge toujours avec prudence. Le risque de se perdre dans les profondeurs de la pensée est réel. Rien ne sert de se lancer dans la recherche de la cause première d’un problème et ainsi pouvoir le résoudre une fois pour toutes, à tout le moins, de le comprendre vraiment, s’il devient impossible de revenir à la surface. De nombreuses illusions peuvent nous retenir. Certaines usent du charme de la poésie pour nous perdre dans nos pensées. Voyez par vous-même.
On peut toujours rester à la surface et se laisser bercer par les flots de la mer. Par beau temps, tout va pour le mieux. Malheureusement, la mer perd souvent son calme, signe de problèmes à résoudre. Parfois, il tempête de problèmes. Notre embarcation risque de chavirer à la prochaine vague. Et la plupart d’entre nous prennent place dans un simple canot. Malgré nos efforts honnêtes de pensée positive pour en faire un paquebot, nos mains agrippées au rebord nous trahissent et nous ramènent vite à la dure réalité du tangage et du roulis excessif de la vie en ces jours malades de mauvais temps.
De toute évidence, le recours à l’arme secrète s’impose. Il faut vite sauter à bord du sous-marin de la raison et plonger loin du tumulte des pensées incisives.
Inimaginable d’envisager aplanir les vagues avec nos mains, même avec un mouvement soutenu en nageant directement à la surface de la mer. Ça prendrait un front de bœuf et une pensée écervelée pour se lancer dans l’aventure. C’est pourtant l’impression que me donnent les animateurs des débats d’opinions dans les médias et ailleurs. Tombés à la mer, on ne voit plus que leurs mains tapant désespérément sur le dos des vagues, entourées de dizaines voire de centaines d’autres mains s’agitant dans un pareil effort perdu d’avance. À vol d’oiseau, la scène ressemble au naufrage du Titanic de la raison, retenu à la surface par des poches pleines d’air de l’esprit vide de sens. En fait, il n’y a plus que le courant qui a du sens dans ces débats d’idées. Rien de plus normal : les idées suivent le courant qui les entraîne. Pendant ce temps, l’esprit ballotte dans un sens, puis dans l’autre, revient, ballotte encore dans un sens, puis dans l’autre. Il y a de quoi avoir le mal de mer et plusieurs l’ont, si l’on se fie aux vomissements avalés par la mer de sa gigantesque bouche de liberté d’expression dont l’appétit vorace ne connaît jamais la satiété. C’est peu dire que j’en ai contre les débats d’opinions, de véritables cliniques d’avortement de la raison.
Pendant ce temps, les plus sages, évidemment beaucoup moins nombreux, sont déjà en discussion dans leur raison sous-marine, chargée d’une bonne provision d’idées éclairantes alimentées par des piles de doutes et d’une réserve d’ouverture d’esprit oxygénante reliée à un caisson à air comprimé de connaissances et de compréhensions permettant d’éviter en tout temps les accidents de décompressions de la raison. Une carte des profondeurs du grand Esprit dans une main, le bâton de contrôle des émotions de navigation dans l’autre, le sage s’éloigne lentement mais sûrement de la surface énervée et énervante. Bientôt, seule la lumière des idées l’éclaire. Sur le plateau du continent, il distingue déjà l’épave de la raison utile à rien. Il progresse sur la pente descendante, évite d’autres épaves de l’« hommerie », cette fois, avec difficultés, car les courants idéologiques, les plus meurtriers de l’histoire humaine secouent sans ménagement la raison. Sur la carte, il peut lire : « Cimetière perdu des idées aveugles ». Absorbé par le drame de la vision de toutes ces catastrophes, il est surpris par un premier signe du mal des profondeurs : il hallucine. Il voit des fantômes idéologiques sortir de la coque des navires irraisonnés. Il imagine le pire à l’idée de voir ces fantômes atteindre la réalité de la surface. Il augmente l’arrivée d’oxygène, retrouve ses esprits et le mal disparaît peu à peu. L’hallucination l’a motivé davantage à trouver la cause première du problème, la source de la foule folle tuée par le remous de sa raison sans gouvernail. Il arrive à la limite du plateau de la bêtise, à ses pieds, les bas fonds, dangereux, très dangereux, là où se trouvent les meilleures raisons mais aussi les pires, dont celles avec le pouvoir de l’empêcher de revenir à la surface, qui le rendraient complètement ivre des profondeurs de la pensée.
Mais il dispose d’une deuxième arme secrète : une science des profondeurs, la philosophie. Sa recherche de la cause première ne sera pas désordonnée, sans méthode. Il a mis un certain temps à maîtriser quelque peu cette arme au nom rébarbatif. Au départ, il avait l’impression d’une science difficile et ennuyeuse. Même après une certaine familiarité, cette impression n’est jamais complètement disparue, d’où une certaine prudence, souvent salutaire, il faut le dire, car la science a deux tranchants : on risque de comprendre mais aussi de ne pas être compris.
Une seule condition s’impose pour accepter de courir le risque de la réflexion : demeurer raisonnable par les autres, c’est-à-dire, s’assurer qu’il y aura toujours quelqu’un pour me comprendre et me ramener à la raison si je perds la tête. Un sage est sage tant qu’il n’est pas seul, tant qu’il y a quelqu’un pour prendre de ses nouvelles. Si le sage apprend à réfléchir en profondeur avec sa raison, cela ne lui servirait à rien s’il ne pouvait pas en discuter ensuite avec d’autres, pour recharger ses piles de doutes.
Passons donc aux choses pratiques. Dès que l’on croit avoir trouvé la cause à un problème, il faut en douter. Il sera sage de se demander s’il s’agit bel et bien de la cause première ou de l’effet d’une cause plus profonde. En fait, je dois absolument savoir si je me trouve en présence de l’effet domino1, c’est-à-dire d’un problème résultant de causes successives.
Prenons un problème simple. Je vais acheter un sac de sucre en marchant jusqu’au dépanneur du coin. Je reviens à la maison et je m’aperçois que le sac s’est vidé du tiers de son contenu. Quelle est la cause du problème ? J’examine le sac et j’y repère un trou, exactement à la hauteur des deux tiers. L’évidence me pousse donc à croire que ce trou est la cause du problème. Je peux me limiter à cette évidence, boucher le trou dans le sac et passer à autre chose. Mais ma conscience m’incite à me demander qu’est-ce qui a causé ce trou dans le sac.
Mais je suis pressé par le temps et voilà que je manque de farine. Je marche à nouveau jusqu’au dépanneur pour m’en procurer et je reviens à la maison où je constate une fois de plus que le sac s’est vidé du tiers de son contenu. J’examine le sac et j’y repère un trou, exactement à la hauteur des deux tiers. L’évidence me pousse donc de nouveau à croire que ce trou est la cause du problème.
Mais, je doute d’autant plus de cette évidence parce que l’incident n’est pas isolé; c’est la deuxième fois que je constate la présence d’un trou. La question « Qu’est-ce qui a causé ce trou dans le sac ? » revient à mon esprit. Il y a une cause de la cause. Puisque que c’est moi qui transportais le sac, je dois voir si je suis la cause première de ce problème. Je m’examine et je constate que la pointe de mon crayon a transpercé la poche de côté de mon pantalon, exactement à la hauteur où je portais les sacs en revenant à la maison. N’ayant pas l’habitude de placer mon crayon dans cette poche, justement pour éviter pareil incident, c’est une inattention de ma part qui est la cause première du problème. Le trou dans le sac, la pointe du crayon et mon inattention se sont succédés au banc des accusés; je suis en présence d’un effet domino.
À force de pensées profondes, l’Homme a appris que plusieurs problèmes, pour ne pas dire la plupart, impliquent un effet domino, d’où l’importance d’approfondir jusqu’à la cause première pour être certain de résoudre une fois pour toutes le problème à l’étude.
On trouve la cause première « en envisageant les problèmes à leur plus haut degré de généralité ».2 Dans le cas des sacs percés, j’ai généralisé le problème dès le deuxième incident similaire. Cette généralisation du problème m’a permis de me mettre à la recherche d’une seule et même cause pour les deux trous, de généraliser la cause.
Notez que j’ai facilité ma recherche en me mettant moi-même en cause. Nous devrions toujours vérifier si nous ne sommes pas la cause de notre problème au lieu de s’avouer victimes dès le départ pour excuser d’avance toutes fautes de notre part. S’il est une culture de la victime à entretenir, c’est celle nous incitant à nous demander si nous ne sommes pas victimes de nous-mêmes. L’auto-examen transforme la culture de la victime en une culture de la responsabilité personnelle. Quand c’est toujours la faute des autres, la conscience se ratatine. Nous avons toujours la responsabilité de nos réactions, y compris nos réactions face à ce que nous ne contrôlons pas.
L’exemple du sac percé est anodin mais c’est dans des situations de la vie quotidienne que l’on sait si nous sommes portés ou non à penser au-delà de la simple évidence des problèmes et de leurs causes. Pour paraphraser mon professeur de diction affirmant : « il n’y a pas une diction pour le dimanche et une autre les autres jours de la semaine »; je dis qu’il n’y a pas une conscience du dimanche et une conscience pour tous les autres jours de la semaine. Aussi, chaque fois que l’occasion se présente, nous avons l’obligation de donner à notre pensée la profondeur nécessaire pour bien comprendre.
Pour ce faire, nous devons nous exercer à « Raisonner par généralisation, en allant du particulier au général ».3 L’image de l’entonnoir renversé illustre bien la généralisation, le particulier étant l’extrémité la plus étroite et la généralisation étant l’extrémité la plus large. Si la pensée certaine ne doit pas généraliser trop vite, de peur de ne pas reconnaître toutes les composantes et les éléments en cause dans un tout (dans un problème), la pensée profonde doit généraliser pour trouver la cause première du tout (du problème).
Personnellement, je me réfère à une structure hiérarchique des savoirs pour généraliser. Prenons en exemple, ma recherche suite à la demande d’un de mes clients. Dans ce cas, mon client voulait savoir pourquoi le nouveau format de son produit-vedette4 fut un échec et s’il y avait moyen de prévenir un tel échec. En comparant le témoignage de mon client avec ceux de plusieurs autres chefs d’entreprise et en me documentant sur le sujet, je me suis vite rendu compte que le problème particulier de mon client était en fait un problème général. Les plus récentes études faisaient état d’un taux d’échec de 90 % des produits nouveaux et améliorés (y compris les nouveaux formats). De là, j’ai reconnu au savoir en marketing la structure ou les aspects suivants : commerce, technique, science et philosophie.
Dans l’aspect commercial, j’ai d’abord inclus la connaissance du marketing, celle appliquée lors de la mise en marché des produits, puis la connaissance utile à la vente de la connaissance en marketing. Dans l’aspect technique, j’ai regroupé toutes les techniques d’étude du marché et des consommateurs, telles que les sondages et les groupes de discussion.5 Dans l’aspect scientifique, j’ai rassemblé toutes les hypothèses de base, les théories, à partir desquelles les spécialistes travaillent. Parmi ces théories, il y avait, par exemple, celle soutenant qu’un produit doit répondre à un besoin pour connaître le succès commercial espéré. Dans l’aspect philosophique, j’ai identifié la sagesse des experts, leur façon de penser l’échec et le succès, et leurs conceptions du marketing.
Du commerce, plus spécifiquement, de la connaissance critique de la connaissance en marketing, plusieurs chefs d’entreprise m’ont dit que les consommateurs ne font pas toujours ce qu’ils disent lors des sondages et des groupes de discussion. De la technique, j’ai appris que les sondages et les groupes de discussion étaient les deux techniques les plus utilisées, malgré l’observation des chefs d’entreprise. De ces deux techniques, j’ai compris qu’elles mesuraient ce que les gens disent, leurs opinions. De la science, j’ai été instruit de la théorie du besoin, ci-dessus, et de la théorie stipulant que les consommateurs sont les mieux placés pour connaître leurs besoins et qu’il suffisait de leur demander d’exprimer (leurs opinions sur) leurs besoins pour évaluer les chances de succès d’un produit.
Jusque-là, la démarche m’apparut tout à fait logique mais les résultats sur le terrain ne confirmaient pas les deux théories puisque les chefs d’entreprise ayant suivi les opinions des consommateurs constatent que ces derniers ne font pas souvent ce qu’ils disent, qu’ils n’agissent pas eux-mêmes conformément à leurs propres opinions.
Comme la plupart des gens, je savais déjà que nous n’agissons pas toujours conformément à nos opinions, que nous ne faisons pas toujours ce que nous disons que nous allons faire, même lorsque toutes nos exigences pour passer à l’action sont satisfaites. « Nous sommes, m’ont expliqué les spécialistes, dans l’impossibilité de prédire le comportement des gens avec précision et exactitude parce que les facteurs à contrôler sont trop nombreux et souvent mal connus voire inconnus ».
L’explication me semblait aussi tout à fait logique jusqu’à ce que je lise les rapports de recherche d’un chercheur prétendant le contraire. D’une part, il confirmait qu’on ne peut vraiment pas se fier aux opinions des gens pour prédire ce qu’ils feront, y compris leurs réactions face à un produit. D’autre part, il démontrait qu’on peut se fier à leurs attitudes. Ce chercheur avait mis au point un système de recherche permettant d’identifier et de mesurer les attitudes avec la même exactitude et autant de précisions qu’en physique, et ce, à tout coup et sans jamais se tromper. Ce chercheur avait fait de la recherche marketing auprès des consommateurs une science exacte alors que tous les autres spécialistes croyaient dur comme fer que le marketing était condamné à jamais à demeurer une science parfaitement inexacte.
Je fus surpris d’apprendre que les spécialistes du marketing sur le terrain tout comme ceux des milieux universitaires ne connaissaient ni ce spécialiste ni sa méthode. Ce chercheur étant décédé et les spécialistes actuels ne croyant pas en ses travaux, je dus me résigner à étudier et à expérimenter cette méthode par mes propres moyens. Après cinq années d’expérimentation sur le terrain et de nombreuses consultations de physiciens, je dus conclure que ce spécialiste avait raison.
Il y avait donc deux sciences du marketing, l’une fondée sur la théorie des opinions et l’autre sur la théorie des attitudes. Cependant, l’une et l’autre prétendaient cerner les perceptions, ce qui engendrait une confusion générale. L’histoire du marketing me confirma que cette confusion régnait depuis plusieurs années, depuis les débuts du marketing à titre de spécialisation universitaire au cours des années cinquante.
Comment était-ce possible ? Il me fallait approfondir davantage la question pour y trouver une réponse. J’avais déjà fait le tour de l’aspect scientifique, il me restait l’aspect philosophique. En fait, la science tire ses théories de propositions philosophiques. Le philosophe émet une idée accompagnée d’une explication, la science vérifie si cette idée et son explication reposent ou non sur des faits (scientifiques).
J’ai découvert que les deux sciences répondaient de deux écoles de pensées, de deux philosophies différentes.
La théorie des attitudes provient de la philosophie concevant l’homme comme une machine, une mécanique. Il s’agit du « mécanisme », une « théorie philosophique admettant qu’une classe ou que la totalité des phénomènes puisse être ramenée à une combinaison de mouvements physiques ».6 Parmi ces phénomènes se trouvent le comportement et les attitudes. Selon cette école de pensées, il s’agit de bien connaître la mécanique du comportement et celle des attitudes pour amener l’homme à agir de telle ou telle façon. De là vient l’idée de la manipulation de l’homme comme on manipule une mécanique.
La théorie des opinions s’inspire de toutes les philosophies refusant de voir l’homme comme une simple machine et elles sont nombreuses. À titre d’exemples, la plupart des philosophies de la spiritualité et celles liées au concept de la liberté s’opposent avec vigueur à « l’homme machine ». Certains reconnaissent qu’une partie de l’Homme peut être mécanique, mais ils croient que son esprit ne l’est pas, mais là, pas du tout.
Des centaines d’années de débat n’ont pas encore déterminé la vérité des idées de ces deux écoles philosophiques.
La subdivision des sciences en deux grandes familles n’est pas étrangère à ces deux écoles philosophiques. D’un côté, les sciences de nature qui se réservent le monde physique et, ainsi la possibilité d’être précises et exactes. L’aspect ou la réalité physique de l’homme est incluse dans les sciences de l’homme. De l’autre côté, se trouvent les sciences de l’homme et de la société qui se réservent le monde métaphysique7 (l’aspect immatériel de l’homme et du monde) et, ainsi la possibilité d’être imprécises et inexactes. Bref, d’un côté les sciences exactes du monde physique et, de l’autre, les sciences inexactes du monde métaphysique.
La physique, la cinématique (science du mouvement), la biologie et la chimie forment la famille des sciences exactes. La psychologie, la logique, les disciplines sémiotiques8 et les sciences neuronales liées à la réalité spirituelle forment le groupe des sciences de l’homme tandis que l’histoire, la sociologie, l’économie, la politique et la géographie humaine forment le groupe des sciences de la société, les deux groupes forment la famille des sciences inexactes. En résumé, une science étudiant un objet physique est exacte tandis qu’une science se penchant sur un objet métaphysique est inexacte.
Quand vous vous prononcez sur un sujet, vous devriez toujours être en mesure d’identifier de quelle science relève ce sujet et à quelle famille, exacte ou inexacte, appartient cette science, et ce, de façon à déterminer jusqu’à quel point vous pouvez avoir l’assurance d’être exact. Rappelez-vous simplement ceci : dès que vous quittez le monde physique, matériel, vous perdez la possibilité d’être exact. L’humilité est de mise dans le cas d’un sujet relevant d’une science inexacte.
Dans le cas du marketing, le sujet appartient effectivement à la famille des sciences inexactes, comme me l’ont dit les premiers spécialistes consultés. L’objet du marketing est le marché, relevant de l’économie, et les consommateurs, relevant des sciences de l’homme, pour l’aspect psychologique, et des sciences de la société, pour les aspects sociologiques, économiques, culturels et autres.
C’est dans ce contexte que le marketing a épousé la théorie des opinions. Le consommateur est l’objet de l’étude et ses opinions sont le moyen de le connaître. Les statistiques de ventes, le profil sociologique et autres s’ajouteront aux moyens de connaître mais le consommateur est et demeure l’objet de la connaissance.
Distinguer très nettement l’objet à connaître, le moyen de connaître cet objet et l’objectif de la connaissance donne déjà une bonne profondeur de pensée.
Aussi, je me suis rendu compte que l’autre spécialiste, celui ayant retenu la théorie des attitudes, ne prenait pas pour objet le consommateur. L’objet de ses recherches marketing était plutôt le produit ou le service (dans leur existence matérielle, perceptible). Il était donc tout à fait logique qu’il puisse aboutir à une science exacte, comme la physique, en donnant à ses recherches un tel objet physique. Pour lui, le consommateur n’était pas l’objet à connaître mais plutôt le moyen de connaître. Selon son approche, je connais le produit de par les réactions du consommateur. Selon l’approche des autres spécialistes, je connais les consommateurs de par… les réactions du consommateur au produit. Mêlant, n’est-ce pas ? C’est que l’objet de la connaissance, le consommateur, est aussi le moyen de connaître. En fait, si ces spécialistes réussissent à connaître tout de même le produit, ce qu’ils connaissaient ce que le consommateur connaît du produit, rien de plus. Bref, ils connaissent l’opinion du consommateur au sujet du produit, rien de plus logique, cette fois.
Mais pourquoi recourent-ils aux opinions des consommateurs si elles ne sont pas fiables ? La vraie question est : Pourquoi ces spécialistes prennent pour vrai ce que les consommateurs disent ? Réponse, toute philosophique : parce qu’ils prennent eux-mêmes pour vrai ce qu’ils disent. Je prends pour vrai ce que les autres me disent si je prends moi-même pour vrai ce que je dis. J’accorde à l’autre la même crédibilité que je m’accorde.
Et comment en arrive-t-on à prendre pour vrai ce que l’on dit ? Quand on ne doute pas. Ainsi, la cause première du taux d’échecs de 90 % des produits et des services : l’absence de doute ou une ouverture d’esprit trop étroite de la part des chefs d’entreprise et des spécialistes en marketing. Ma recommandation : une révolution, changer la théorie des opinions pour la théorie des attitudes.9
Mais, pour ce faire, il faudrait une révolution car l’industrie de l’opinion (des sondages et des groupes de discussion) a pris une telle ampleur qu’elle soumet la vérité scientifique (sciences exactes) à ses intérêts commerciaux. Je n’imagine pas les sondeurs se lever debout et affirmer : « Excusez-nous, nous nous sommes trompés. Il ne fallait pas mesurer les opinions mais les attitudes pour des résultats exacts ».
Lorsque la vérité trouvée par les sciences exactes ne triomphe pas, c’est qu’il y a quelque part quelqu’un qui ne respecte pas la hiérarchie du savoir, souvent par simple ignorance et par priorité de ses intérêts aux dépens des autres.
Personnellement, c’est au cours de ma recherche sur le marketing que j’ai appris à hiérarchiser le savoir et à respecter les intérêts de chaque aspect ou domaine de connaissances. Dès lors, j’ai su quoi chercher et comment le chercher. Dans ma hiérarchie, chaque domaine de connaissances et chaque intérêt ont une importance égale aux autres. Cependant, il y a un ordre à respecter : le commerce vient après la technique qui vient après la science qui vient après la philosophie. D’abord l’idée philosophique, purement intuitive, ensuite sa vérification par la science puis, s’il y a lieu, sa production sous la forme d’une technique et, enfin, le commerce de la technique ou du produit de la technique. Chaque domaine de connaissances règne en roi et maître sur son savoir et ses intérêts : la philosophie ne dit pas à la science quoi faire, la science voit elle-même ce qu’elle doit faire et ainsi de suite jusqu’au commerce. Rien n’empêche de nombreux échanges entre les différents domaines de connaissances mais dans le plus grand respect de la souveraineté du savoir et des intérêts de chacun.
Évidemment, c’est un idéal car, dans la réalité, les domaines de connaissances et les intérêts se livrent à un chassé-croisé où il devient souvent difficile de déterminer si tout le monde est à sa place. Ainsi, le simple fait de différencier les domaines de connaissances et leurs intérêts grandit déjà passablement la profondeur de pensée; elle exploite alors tous les domaines de connaissances.
Quand l’expérience nous fait défaut, il s’agit de repérer le plus grand nombre de connaissances et de les classer par domaines de connaissances. L’important est d’avoir en main un nombre suffisant d’informations dans chacun des domaines de connaissances. L’idéal est de se référer à des résumés produits par des experts qui se réfèrent à tous les domaines de connaissances, non pas à une seule spécialité. La fin du 20e siècle et le commencement du 21ème siècle furent et sont propices à de tels résumés; profitez-en.
À ce stade-ci, ce sont les différentes réflexions déjà faites sur le problème qui nous intéressent, quasiment davantage que le problème lui-même. On cherche à identifier tous les aspects relevés par chaque domaine de connaissances. Souvent, deux ou trois résumés suffisent. Dans tous les cas, ne vous fiez jamais à un seul résumé; un minimum de deux résumés est utile pour les comparer l’un avec l’autre. Dans tous les cas aussi, la lecture d’un couvert à l’autre n’est pas obligée. Une analyse rigoureuse des tables des matières vous donnera une idée assez juste de ce qu’il y a à connaître dans votre problème, ce qui a l’avantage de comparer un plus grand nombre de résumés. Préférez les ouvrages avec une table des matières complète et un index, pour faciliter la consultation.
Le classement terminé, vient ensuite l’étude de la connaissance dans chaque domaine. Revoyons donc plus en détail le travail à faire dans chaque domaine.
La philosophie livre la première connaissance : une intuition, « forme de connaissance immédiate qui ne recourt pas au raisonnement ».10 C’est l’affirmation : « J’ai l’intuition que… ». Bien sûr, vous trouverez différentes intuitions sur un même sujet et de multiples raisonnements philosophiques sur chaque intuition. Le risque de se perdre est très élevé. Je vous recommande de remonter à l’intuition originale, la première à être apparue sur le sujet. Pour ce faire, identifiez l’auteur de chaque intuition. Il s’agit souvent d’un personnage historique dont vous pouvez vérifier la principale contribution à la connaissance du sujet de votre intérêt dans les dictionnaires populaires et spécialisés.
La science s’inscrit à la suite de la philosophie. Il revient à la science de vérifier si cette intuition est certaine, démontrable. Vous savez qu’il y a deux grandes familles de sciences, cherchez dans l’une et dans l’autre. Même si au départ vous avez l’impression que votre sujet relève, disons, des sciences inexactes, assurez-vous que les sciences exactes n’ont pas découvert quelque chose de concret. Par les temps qui courent, plusieurs sciences inexactes s’associent à des sciences exactes en raison de récentes découvertes. À titre d’exemple, mentionnons l’association de la neurologie, une science exacte, avec la psychologie, une science inexacte, dans la formation d’une nouvelle science, la neuropsychologie, une science exacte. Comment l’addition exacte + inexacte = exacte ? Parce que dans ces associations interfamiliales, les sciences exactes imposent leurs conditions. On peut imaginer la science exacte s’adressant à la science inexacte en ces termes : « J’accepte de m’associer avec toi que si tu te fondes sur les preuves physiques que je te donne ». Ces nouvelles sciences sont passionnantes, aussi ne manquez pas de vérifier si elles peuvent vous être utiles.
Cela dit, la science reformulera l’intuition philosophique en une hypothèse de travail sous la forme d’une vérité à prouver. Cette hypothèse sera appelée « paradigme » et définie comme « un ensemble de postulats, en général clairement exprimé »11, les postulats étant « des propositions admises sans démonstration qui servent de point de départ »12. C’est l’affirmation : « On suppose que… ». Pour simplifier, parlons d’une théorie à vérifier. Dans votre recherche, vous devez identifier la ou les théories que la ou les sciences tentent de vérifier concernant le sujet de votre recherche.
Ceci fait, vous devez vous informer des résultats à savoir si les données de l’expérimentation confirment ou infirment la théorie. Si à chaque fois que vous entendez le mot « Science », vous vous imaginez devant des données complexes incompréhensibles, sachez que vous avez uniquement besoin de savoir si la théorie est vraie ou fausse. Ne vous étonnez pas si l’on vous répond : « La théorie est en partie vraie et en partie fausse ». C’est que des doutes persistent et c’est le signe d’éventuels progrès. Demandez une explication de ce qui est vrai et de ce qui est faux. Enfin, vous devez aussi apprendre si des changements de théories ont eu lieu depuis que la science étudie le sujet. Le cas échéant, prenez bonne note des théories passées et sachez pourquoi elles furent rejetées. L’exercice vous mettra dans le contexte historique général, ce qui vous permettra de donner de la perspective à votre étude, puis de prendre du recul. Trop collé à la réalité d’aujourd’hui, il vous sera difficile de saisir l’évolution de la connaissance et la difficulté restante.
Lorsque la science a démontré la vérité d’une théorie, la technique prend la relève. Elle se chargera alors de l’application pratique de cette théorie sur le terrain. Vous devez connaître sommairement les techniques utilisées en relation avec le problème que vous étudiez. Vous devez aussi vous informer des résultats.
Prenez bien garde de ne pas être berné car plusieurs experts justifient voire vantent davantage leurs techniques que les résultats concrets, souvent et justement parce qu’ils se font attendre.
Dans le cas du suicide, par exemple, les experts font grand bruit de leurs techniques mais elles n’empêchent pas l’augmentation du taux de suicides, année après année, au Québec. Le président d’honneur de la dernière campagne annuelle de prévention du suicide au Québec se demandait publiquement pourquoi le gouvernement n’investit pas massivement dans une large campagne publicitaire, comme il le fait, par exemple, pour l’alcool au volant. Pour l’appuyer dans sa démarche, il faudrait savoir quelle publicité de celle gouvernementale et de celle de l’Opération Nez Rouge a été la plus efficace. Pour l’instant, l’expert en marketing bien avisé sait que la publicité porte fruit uniquement une fois sur deux, sans même qu’il soit possible de déterminer pourquoi. Officiellement, les techniques publicitaires sont vantées davantage que les résultats réellement connus sur le terrain. J’insiste : prenez garde !
Cette mise en garde nous a fait quitter la technique pour entrer dans le commerce, c’est-à-dire dans la promotion des connaissances intuitives, scientifiques et techniques. La société affairiste complique grandement la recherche des vérités profondes parce qu’elle truque le discours officiel rendant public la connaissance. Tout le monde est en affaires avec tout le monde et chacun se sent obligé, non pas de partager sa connaissance, mais de la publiciser. Par conséquent, chaque information du discours officiel doit être vérifiée à sa source avant de déterminer si elle est importante ou non pour votre réflexion.
Maintenant que vous connaissez les différents aspects du sujet, vous devez le formuler tel que chaque aspect le connaît : « En philosophie, le sujet est… », « En science, le sujet est… » et ainsi de suite. Faites de même avec le problème relatif au sujet : « En philosophie, le problème avec mon sujet est… », « En science, le problème avec mon sujet est… » et ainsi de suite.
Au départ, si vous avez vous-même défini le sujet et le problème comme étant techniques, vous devez vous appliquer à connaître le problème dans sa version scientifique, puis dans sa version philosophique et, enfin, dans sa version commerciale. Et cela même si vous êtes fermement convaincu que votre sujet et votre problème sont uniquement techniques car, comme nous l’avons souligné, la théorie avec laquelle la science a travaillé est peut-être fausse, d’où l’efficacité réduite de la technique produite par la science.
Une simple erreur de logique, un manque de cohérence, entre les différents discours des différents domaines de connaissances et la cause du problème peut vous sauter aux yeux, du moins, vous donner une nouvelle compréhension du problème.
Si la société affairiste truque le discours officiel, l’organisation de la société en spécialisation complique encore davantage la recherche. Or, la spécialisation est l’ennemi numéro un de la généralisation utile pour trouver la cause première.
On a souvent l’impression que seule la pensée spécialisée peut se permettre d’être profonde. Nous marions « spécialisation » et « profondeur » en commettant une erreur d’évidence entre la « complexité » et la « profondeur » d’une connaissance. La spécialisation témoigne de la complexité, non pas de la profondeur. La complexité est horizontale; elle s’étend à la surface. La profondeur est verticale; elle va de haut en bas en s’élargissant ou en généralisant.
Vous constaterez rapidement que chaque spécialisation possède sa version de la cause du problème que vous étudiez. Rares sont les résumés offrant une généralisation toute faite, il faut donc généraliser soi-même et, ce faisant, lever les barrières des spécialisations.
Dans son livre « La civilisation inconsciente », l’auteur John Saul présente en ces termes les experts spécialisés que vous rencontreront :
« Nous vivons dans un monde où ceux à qui on a donné le savoir n’ont pas le droit de regarder en l’air ni autour d’eux. C’est la connaissance réduite à l’ignorance. Plus la connaissance est limitée à un seul domaine, plus l’expert est ignorant. » 13
Il qualifie ces spécialistes d’« experts à œillères ». Vous en viendrez vous-même à ce constat lorsque vous vous rendrez compte que la plupart des spécialistes n’ont aucune idée de ce qui se passe dans d’autres domaines que celui de leur spécialisation. Pour la profondeur, on repassera.
Et ces experts à œillères sont en affaires, comme tout un chacun : ils défendent « leurs » intérêts, ceux de « leur » groupe. John Saul écrit :
« Aujourd’hui, le fonctionnement de notre société est fondé pour une grande part sur les relations entre les groupes. Qu’est-ce que je veux dire par groupes ? Certains évoquent aussitôt des compagnies transnationales. D’autres pensent à des ministères gouvernementaux. Le problème n’est pas là. Notre société comporte des milliers de groupes d’intérêt et de spécialistes organisés de façon hiérarchique ou pyramidale. Ce sont soit des compagnies, en effet, soit des groupements de compagnies, soit des professions libérales, ou encore d’étroites catégories d’intellectuels. Ils sont publics ou privés, bien ou mal intentionnés. Des médecins, des avocats, des sociologues, une multitude de groupes scientifiques. Le problème n’est pas de savoir qui ils sont ni ce qu’ils sont. Le problème est que la société est vue comme une somme de tous ces groupes, rien de plus. Et que la loyauté fondamentale de l’individu ne va pas à la société, mais au groupe auquel il appartient.
Les décisions graves et importantes ne sont pas prises après une discussion ou une participation démocratique, mais après des négociations entre les groupes concernés, appuyées sur la compétence, l’intérêt et la capacité à exercer le pouvoir. Je dirais que l’individu occidental, du haut en bas de ce qui est maintenant défini comme l’élite, agit d’abord en tant que membre d’un groupe. En conséquence, il, nous existons principalement en tant que fonction, et non en tant que citoyen, qu’individu. On nous récompense dans nos méritocraties hiérarchiques pour notre réussite en tant que fonction intégrée. Nous savons que les vraies expressions d’individualisme ne sont pas seulement découragées, elles sont pénalisées. Le citoyen actif qui dit ce qu’il pense, a peu de chances de réussir une carrière professionnelle. »14
Non seulement l’expert à œillères est fermé aux autres domaines de connaissances, mais il soumet votre intérêt de connaître à l’intérêt de son groupe. Autrement dit, il vous livrera rarement le fond de sa pensée, ce qu’il sait vraiment ou qu’il soupçonne d’être la vérité vraie, de peur de voir sa carrière mise en péril par son groupe. La situation a de quoi décourager chacun d’entre nous dans sa recherche de la vérité sur la cause première d’un problème. Ce n’est pas tout :
« On suppose que le public n’est pas capable de comprendre et que ce n’est pas la peine de se fatiguer à lui donner des explications. »15
Et si vous avez le malheur de déceler une erreur :
« (…), tous ces groupes se rejettent mutuellement la faute pour la moindre erreur. » 16
Vous vous dites peut-être que vous n’avez pas de temps à perdre à jouer au chat et à la souris dans votre recherche de la cause première. C’est aussi un trait de notre société où nous jugeons que la vérité vraie prend trop de temps à venir :
« Le temps, notre grand ennemi, nous vaincra si nous hésitons un instant pour réfléchir ou douter. Dans notre panique, nous nous précipitions vers la certitude ». 17
Pourtant, « les gens n’ont jamais eu autant de temps ».18
« Rien que depuis le début du siècle (XXè »), l’espérance de vie des Occidentaux a augmenté de vingt-cinq ans. Nous disposons à présent de 50 % de temps de plus pour faire ce dont nous avons envie. Compte tenu de notre niveau de vie général et de notre éducation, nous pourrions utiliser au moins un peu de ce temps pour réfléchir davantage et remplacer la course à la certitude par une promenade vers le doute.
Pourtant, il semble qu’avoir 50 % de temps en plus ait produit l’effet contraire. Nous nous sommes retranchés dans ces peurs inconscientes qui nous rendent sensibles à la menace du temps. Ces dernières années, les menaces de la nécessité, du « maintenant ou jamais », ont influencé avec une remarquable facilité et à maintes reprises des publics très complexes. » 19
Lorsque nous avons un problème, il nous apparaît donc tout à fait naturel de vouloir le résoudre au plus tôt. C’est plus particulièrement le cas d’un problème technique, comme si je constatais à l’instant même où j’écris ces mots que mon ordinateur ne répondait plus à mes doigts enfonçant les touches du clavier. Comme mon ami spécialiste en la matière dort en cette nuit d’hiver, je prendrais sans doute une pause en allant au lit moi aussi. Mais, dès le matin venu, je me lèverais d’un trait pour me précipiter au téléphone en vue de le joindre et de le consulter subito presto. Un problème technique dans un monde dominé par la technique est toujours très lourd de conséquences. Je m’imaginerais mal soumettre à un éditeur un document écrit à la main, même parfaitement lisible. Le seul fait de ne pas disposer d’un ordinateur porterait atteinte à ma crédibilité. J’entends l’éditeur se dire à lui-même : « Il a pensé à tout, sauf à l’ordinateur ».
Quant aux problèmes d’autres natures, pourquoi laisser le temps s’ajouter à notre stress ? Sous la pression du temps, un nombre incroyable de problèmes sont expliqués selon les premières causes du bord et solutionnés avec les premières certitudes évidentes. Conséquence, les problèmes finissent, un jour ou l’autre, par se manifester à nouveau, souvent dans une nouvelle version, pire que la précédente. Le vrai problème : on n’a pas pris le temps de trouver la cause première, de vérifier tous les aspects du problème.
Tant et aussi longtemps que l’on ne prend pas le temps de penser, le résultat demeure partiel et superficiel, nos pensées manquent de profondeur, et les problèmes reviennent sans cesse.
L’Homme, nous dit-on, a beaucoup évolué. À mes yeux, l’homme technique et l’homme scientifique ont constamment évolué depuis leur naissance. Il en va de même de l’homme commercial ou affairiste, du moins, dans le sens de ses propres intérêts, car, pour ce qui est du bien commun, je ne suis pas sûr qu’une évolution acquise aux dépens des autres soit vraiment une évolution. Dans mon dictionnaire, « évolution » rime avec « partage », comme le font l’homme scientifique et l’homme technique avec nous tous. Quant à l’homme citoyen, il est devenu plus bavard mais moins efficace dans l’exercice de la démocratie, même sous son toit.
Reste l’homme penseur, profond ou philosophique, il est le parent pauvre de la grande famille humaine. Il arrive à peine à se reconnaître lui-même. Il est troublé à l’idée de creuser, pourtant ancrée dans sa nature depuis la nuit des temps. Il trouve dans le temps le moyen d’aller contre sa propre nature. « On ne va pas encore philosopher ce soir », lance-t-il sur un ton lancinant et pénible.
Vous vous souvenez du professeur qui nous disait : « Prenez le temps de bien faire votre examen, de réviser vos réponses ». Quand la feuille d’examen, que dis-je, le cahier des questions arrivait sur notre pupitre, on constatait que ce contrôle de nos connaissances et de notre compréhension était en fait un contrôle de vitesse. « Quand on a compris, on est supposé aller plus vite que celui qui n’a pas compris », croit-on faussement. Pourtant, « C’est toujours parce qu’on est allé trop vite qu’on a fait des erreurs », dit-on aussi. La vitesse n’est pas un critère de l’intelligence. On devrait lui préférer la rigueur et la profondeur.
Le nombre de questions était généralement inversement proportionnel au nombre de minutes accordées. Les premiers à quitter la salle de classe étaient les plus rapides à fournir les réponses. On s’aperçut plus tard qu’ils n’avaient pas tous compris ce qu’ils avaient répondu. Rien n’empêche que leur sortie de la salle de classe nous incitait à accélérer la cadence. Puis, quand on relevait la tête pour constater, cette fois, que plus de la moitié des chaises étaient vides, l’idée de ne pas être normal nous passait par la tête, comme un éclair. Heureusement, car ce n’était ni le temps ni le moment d’y penser, examen oblige. Puis nous étions surpris par la cloche annonçant la fin de la période de l’examen, sans qu’on ait eu le temps de répondre à toutes les questions. Quels mauvais gestionnaires de temps faisions-nous!
À l’époque, j’avais titré l’un de mes poèmes : « L’Homme de Course », par analogie avec l’automobile de course. Je m’étonnais que l’on coure à gauche et à droite, d’un cours à l’autre, d’une matière à l’autre. Ici aussi, pour la profondeur, on repassera.
Je comprends aujourd’hui pourquoi la plupart de mes collègues et consœurs de classe trouvaient que le cours de philo était le plus long; ça n’allait pas assez vite. Leur esprit surexcité par la vitesse de penser était tout perdu dans l’univers de la philosophie où tout semble au ralenti en état d’apesanteur, comme sur la Lune.
« Perdu dans l’espace ? » C’est vrai, il faut l’admettre, le professeur avait lui-même l’air perdu, parfois, souvent ou toujours, selon le point de vue. C’était le sujet préféré à la sortie de la salle de cours : « As-tu trouvé que le prof avait l’air perdu ? ». On aurait dit que le prof s’amusait à nous poser le défi de le comprendre, plutôt que de nous enseigner. On sentait nettement chez la plupart des élèves qu’aucun ne voulait être comme le professeur de philo, aussi mêlé et mêlant. Les élèves perdus semblaient souffrir le calvaire et l’errance du professeur de philosophie nous confirmait la possibilité d’être aussi perdus une fois adulte.
Mal enseignée, la pensée profonde nous répugne toute notre vie si aucune expérience ne nous la rend agréable.
La pensée profonde a deux utilités, la première, nous l’avons vu, guider notre recherche de la cause première, la deuxième, nous allons le voir, aider à développer une philosophie de vie. La difficulté énorme de la plupart des gens face aux questions « Quelle est ta philosophie de vie ? » et « Quel est le sens de la vie pour toi ? », auxquelles la réponse est souvent « Qu’est-ce que tu veux dire par là ? », démontre hors de tout doute raisonnable que la pensée profonde est généralement mal connue et mal enseignée.
Pourtant, personne ne peut vivre sans une philosophie de vie, sans une « conception générale, une vision plus ou moins méthodique du monde et des problèmes de la vie ».20 Autrement dit, nous avons tous une philosophie de vie. Les uns en sont plus ou moins conscients. Les autres en sont totalement inconscients. À preuve, la philosophie de vie se traduit par des attitudes face au monde et aux problèmes de la vie. Or, nous avons tous de telles attitudes, consciemment et/ou inconsciemment. En fait, le choix d’avoir ou non des attitudes face au monde et aux problèmes de la vie ne nous est pas donné. Adopter des attitudes est une propriété de l’esprit, comme l’estomac a la propriété de diriger. En fait, notre esprit est toujours en état d’adopter une attitude et il ne nous laissera jamais sans aucune attitude, sans quoi il y aurait un vide insupportable qui nous laisserait sans comportement. Même figés, nous exprimons une attitude.
Les attitudes font partie de la « chaîne de commandement » de notre comportement, si je puis dire. L’attitude est le dernier facteur entrant en jeu, juste avant qu’un geste soit posé. Elle se définit comme un « ensemble de jugements et de tendances qui poussent à un comportement ».21 Au stade final, on peut voir de nos yeux les attitudes d’une personne dans son corps, plus spécifiquement dans sa « manière de se tenir qui correspond à une certaine disposition psychologique », et « philosophique » devons-nous ajouter. Selon moi, notre disposition psychologique prend racine ou exprime notre disposition philosophique. À mes yeux, la psychologie est en quelque sorte une version logique et émotive de ma philosophie de vie.
À titre d’exemple, une personne qui se croise les bras adopte une attitude de défense, elle se sent attaquée, intimidée, bref, elle ressent le besoin de se protéger.22 Je puis dire de sa philosophie qu’elle compte déjà un jugement sur ce qui la fait réagir, par exemple, sur le propos dont je l’entretiens. Je tiens ici un sujet de sa conception du monde ou d’un problème de la vie lié à mon propos. Aussi, je puis dire de sa philosophie de vie concernant ce sujet qu’elle n’est pas favorable au jugement inclus dans mon propos.
C’est peu mais c’est tout de même un bon début. J’ai un sujet qui peut m’inspirer d’autres propos pour découvrir d’autres réactions. Je peux qualifier la philosophie de vie de mon hôte de favorable, défavorable ou mi-favorable mi défavorable (indifférence) au sujet de mon propos. C’est plus que plusieurs livres de philosophie peuvent m’apprendre de pratique.
À la limite, nous pouvons dire : « Montrez-moi quelles sont vos attitudes à l’égard du monde et des problèmes de la vie, je vous dirai quelle est votre philosophie de vie ».
J’ai bien écrit : « montrez-moi », non pas « dites-moi », car les attitudes et les opinions sont deux concepts différents. De plus, je peux verbaliser mes opinions mais je ne peux pas verbaliser mes attitudes car « les attitudes peuvent être inconscientes et généralement elles le sont ».23 Les attitudes sont adoptées par le corps (manière de se tenir). Le ton avec lequel je livre mes opinions peut laisser voir mon attitude face au sujet sur lequel je me prononce. Mais mon opinion n’est pas garante de mes attitudes. Je puis me montrer favorable à un geste dans mes opinions et adopter une attitude d’indifférence qui fera que je ne poserai pas le geste auquel j’étais pourtant favorable. Nous l’avons vu, je peux dire une chose et en faire une autre. Pourquoi ? Parce qu’au moment où je parle, je ne tiens pas compte de mes attitudes profondes parce que j’en suis généralement inconscient. Lorsque je livre mon opinion, je suis uniquement conscient de ce que je pense et de l’image que je donne à l’autre de par mes propos, ce qui peut me retenir de dire le fond de ma pensée.
Puisque nous sommes généralement inconscients de nos attitudes, il faut déployer un effort pour en prendre conscience. Cet effort consiste essentiellement à prendre du recul face à soi-même. Si la pensée certaine exige de prendre du recul face à notre conscience, nos connaissances et nos compréhensions, la pensée profonde demande du recul face à notre inconscience, nos réactions cachées, incluant nos émotions et nos attitudes.
L’exercice commence réellement le jour où nous nous avouons être davantage inconscients que conscients. Mais n’allez pas croire qu’il se termine le jour où nous avons pris conscience de toute notre inconscience au point d’être pleinement conscients de tout. Dans cet état, la vie nous serait insupportable. L’inconscient, si je puis dire, est chargé de fonctions que la conscience ne peut pas remplir. L’inconscient est chargé de nous maintenir dans un certain état d’équilibre entre ce dont nous avons conscience de ce qui se passe et de ce qui se passe réellement. Avec une conscience pleine et entière, nous ne tiendrions pas debout plus d’une minute sans perdre conscience, et ce n’est pas un jeu de mots. La réalité nous serait impossible à concevoir, visible et invisible. Aussi, imaginez-vous pleinement conscient de la faim dans le monde au moment des repas : pourriez-vous encore manger ? Si vous êtes tenté de me répondre : « Tout dépend de ma philosophie face aux problèmes de la vie », vous avez pleinement raison. Mais encore faut-il que vous puissiez en être suffisamment conscient pour me l’expliquer. Or, cette philosophie de vie, vous l’avez acquise de vos parents et des autres membres de votre famille, de vos professeurs, de vos amis-es,…, et ce, sans vraiment vous rendre compte. Voilà donc pourquoi la pensée profonde demande de prendre du recul face à son inconscience, à commencer par l’acceptation de son inconscience.
Alors si l’objectif de l’exercice n’est pas de prendre conscience de tout, quel est-il ? L’objectif est de développer une pensée toujours plus profonde, plus générale, pour éviter d’être superficiel et trop particulier. L’avantage est toujours entre les mains de la pensée profonde, d’une vision générale du monde et des problèmes de la vie, car ce n’est qu’une vue générale qui permet de constater la profondeur que je peux atteindre par la pensée, comme le plongeur du haut de son tremplin a une vue générale de la profondeur de l’eau qui l’attend. Aussi, la pensée profonde envisage la connaissance et la compréhension comme un processus à long terme, à l’abri des courants de la surface, des modes passagères, qui ne nous conduisent pas nécessairement là où nous nous épanouirons dans tout notre être.
Il est facile de se perdre dans la profondeur inconsciente de l’esprit car nous sommes alors privés des repères auxquels nous sommes habitués lorsque nous naviguons en surface, comme le marin d’eau douce devenu sous-marinier est privé du soleil, de la lune et des étoiles pour s’orienter.
Aussi, à la surface, la portée de nos pensées se limite à la portée de nos sens, aux évidences premières, celles qui nous entourent. C’est lorsque nous réfléchissons à ces évidences que nous donnons à nos pensées une plus grande portée, une certaine certitude. Mais nous sommes toujours à la surface et cette certitude ne peut pas s’étendre plus loin que l’horizon visible. Nous pouvons toujours franchir les limites de cet horizon par le rêve et l’imagination mais il nous faut alors accepter de penser en l’absence de preuve. Cependant, même dans le rêve et l’imagination, nos pensées restent accrochées à nos sens, sauf que, cette fois, c’est nous qui nous inventons des évidences.
Enfin, à la surface, il est impossible d’envisager les problèmes à leur plus haut degré de généralité, bref, de généraliser, en vue de trouver la cause première car le particulier retient toujours notre attention. « Il ne faut pas généraliser un cas particulier », nous dit-on, avec raison d’ailleurs. En fait, à la surface, tout est particulier, « original, distinctif ».24 Aussi, notre pensée a pris l’habitude de particulariser, de « distinguer, différencier par des traits particuliers »25, « qui appartiennent en propre à quelqu’un, à quelque chose », tout au plus, à une « catégorie d’êtres, de choses »26. Ici, la généralisation sert à former des groupes (de gens et de choses), non pas à trouver la cause première. La pensée ne parvient pas à se débarrasser du sentiment d’être particulière et elle voit ce qu’elle ressent, c’est-à-dire, ce qu’il y a de particulier plutôt que le général. Bref, impossible de cerner le problème général et de trouver la cause générale.
Seule une plongée sous la surface, une pensée profonde, permet de libérer nos pensées de nos sens et du particulier. Ainsi et seulement ainsi, nous pouvons atteindre le général, oublier les détails et se concentrer sur l’essentiel, et enfin prendre l’initiative de donner un sens aux choses, au monde, à la vie, aux problèmes.
Dans ce cas, notre pensée a besoin de nouveaux repères. D’une part, les différents domaines de connaissances et leur ordre sont d’excellents repères pour approfondir un sujet. D’autre part, nos attitudes sont aussi d’excellents repères pour s’approfondir soi-même.
Il suffit souvent d’identifier une première attitude pour être en position de reconnaître les autres. À nous de la qualifier de favorable, défavorable ou mi-favorable et de tenter une première explication d’après un premier domaine de connaissances. Voilà, la pensée profonde est née.
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NOTES
1. L’expression est tiré du jeu de domino où les tablettes sont posées debout, assez proches l’une de l’autre, de façon à ce que la chute de la première entraîne la chute de la deuxième, la chute de la deuxième celle de la troisième et ainsi de suite.
2. Le Petit Robert. Je tire cette citation de la définition du mot philosophie.
3. Généraliser : » Raisonner par généralisation, en allant du particulier au général », Le Petit Robert.
4. Meilleur vendeur.
5. Groupe de consommateurs soumis à différentes questions.
6. Le Petit Robert.
7. Qui est d’ordre rationnel, et non sensible. Le Petit Robert. Les sciences métaphysiques se penchent sur les aspects non sensibles de l’homme et de la société, c’est-à-dire les aspects non perceptibles par nos sens ou qui n’ont pas d’existence matérielle.
8. Théorie générale des signes et de leur articulation dans la pensée. Le Petit Robert.
9. J’ai écrit un livre sur le sujet (en voie d’édition) : Comment motiver les consommateurs à l’achat de votre produit au détriment de la compétition – Tout ce que vous n’apprendrez jamais à l’université en recherche marketing auprès des con-sommateurs. À consulter si vous êtes intéressé à en savoir plus. Ici, je dois revenir à mon sujet principal.
10. Intuition : » Sentiment plus ou moins précis de ce qu’on ne peut vérifier, ou de ce qui n’existe pas encore », Le Petit Robert.
11. Le Trésor – Dictionnaire des Sciences, sous la direction de Michel Serres et Nayla Farouki, Flammarion, Paris, 1997. p. 681.
12. Le Trésor – Dictionnaire des Sciences, sous la direction de Michel Serres et Nayla Farouki, Flammarion, Paris, 1997. p. 94.
13. Saul, John Ralston, La civilisation inconsciente, Éditions Payot & Rivages, Paris, 1997, p. 118.
14. Saul, op. cit., pp. 41-42.
15. Saul, op. cit., p. 107.
16. Saul, op. cit., p. 114.
17. Saul, op. cit., p. 175.
18. Saul, op. cit., pp. 175-176.
19. Saul, op. cit. p. 176.
20. Le Petit Robert.
21. Le Petit Robert.
22. Livres de références utiles : Pease, Allan, Interpréter les gestes, les mimiques, les attitudes − Pour comprendre les autres sans se trahir, Éditions Nathan, Paris, 1988, 224 pages, illustrations nombreuses. Axtelle, Roger, Le pouvoir des gestes – Guide de la communication non verbale, InterÉditions, Paris, 1993, 260 pages, illustrations. Hall, Edward T. et Hall, Mildread Reed, Guide du comportement dans les affaires − Allemagne, États-Unis, France, Éditions du Seuil, 1990, 261 pages.
23. Goleman, Daniel, L’intelligence émotionnelle, Éditions Robert Laffont, Paris, 1997, p. 76.
Témoignage de ma recherche personnelle au sujet de la philothérapie (philosophie + thérapie) ou, si vous préférez, de la pratique de la philosophie en clinique. Il s’agit de consultation individuel ou de groupe offert par un philosophe praticien pour nous venir en aide. Elle se distingue de la « psychothérapie » (psychologie + thérapie) en ce qu’elle utilise des ressources et des procédés et poursuit de objectifs propres à la philosophie. On peut aussi parler de « philosophie appliquée ».
La philothérapie gagne lentement mais sûrement en popularité grâce à des publications de plus en plus accessibles au grand public (voir l’Introduction de ce dossier).
L’un des titres tout en haut de la liste s’intitule « Platon, pas Prozac! » signé par Lou Marinoff paru en français en l’an 2000 aux Éditions Logiques. Ce livre m’a ouvert à la philothérapie.
L’auteur est professeur de philosophie au City College de New York, fondateur de l’Association américaine des praticiens de la philosophie (American Philosophical Practitioners Association) et auteurs de plusieurs livres.
Présentation du livre Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie suivie de mes commentaires de lecture.
Cet article présente et relate ma lecture du livre « Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai », de Laurence Bouchet aux Éditions Marabout. Malheureusement ce livre n’est plus disponible à la vente tel que mentionné sur le site web de l’éditeur. Heureusement on peut encore le trouver et l’acheter dans différentes librairies en ligne.
Le livre « La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence » de Madame Eugénie Vegleris aux Éditions Eyrolles se classe en tête de ma liste des meilleurs essais que j’ai lu à ce jour au sujet de la « philothérapie ».
À ce jour, tous les livres dont j’ai fait rapport de ma lecture dans ce dossier sont l’œuvre de philosophes consultants témoignant de leurs pratiques fondées sur le dialogue. Le livre « Guérir la vie par la philosophie » de Laurence Devillairs aux Presses universitaires de France (PUF) diffère des précédents parce que l’auteure offre à ses lecteurs une aide direct à la réflexion sur différents thèmes.
J’ai lu ce livre à reculons. J’ai appliqué les feins dès les premières pages. L’objectivité sociologique de l’auteur m’a déplu. Ce livre présente aux lecteurs des observations, que des observations. L’auteur n’en tire aucune conclusion.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il m’a révélé les coulisses de la quête du bonheur au cœur de notre société néo-libérale. Je savais que cette obsession du bonheur circulait au sein de la population, notamment par le biais des coach de vie et des agents de développement personnel, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle cachait une véritable industrie soutenue par une idéologie psychologisante. Jusque-là, je ne connaissais de cette industrie que le commerce des livres et la montée en puissance des coachs de vie dédiés à la recherche du bonheur.
J’ai adoré ce livre. Il est dense, très dense. On ne peut pas le lire comme un roman. Me voici enfin devant un auteur qui dit tout, où, quand, comment il observe, comment il pense, comment il chemine, comment il voit, comment il entend, comment il anticipe, comment il tire ses conclusions… Bref, un auteur qui expose son propre système de pensée dans un essai plus que formateur pour le nôtre.
La lecture du livre «La consultation philosophique» signé par le philosophe praticien Oscar Brenifier (voir article #11 de notre dossier «Consulter un philosophe – Quand la philosophie nous aide») nous apprend qu’il adresse un document à ses clients potentiels. J’ai écrit à monsieur Brenifier pour lui demander s’il pouvait me faire parvenir ce document.
Cet article présente et relate ma lecture du livre du «La philo-thérapie» de Éric Suárez, Docteur en philosophie de l’Université Laval (Québec), philosophe praticien (Lausanne), publié en 2007 aux Éditions Eyrolles. Ce livre traite de la consultation philosophique ou, si vous préférez, de la philo-thérapie, d’un point de vue pratique. En fait, il s’agit d’un guide pour le lecteur intéressé à acquérir sa propre approche du philosopher pour son bénéfice personnel. Éric Suárez rassemble dans son ouvrage vingt exemples de consultation philosophiques regroupés sous cinq grands thèmes : L’amour, L’image de soi, La famille, Le travail et le Deuil.
Ce livre se caractérise par l’humour de son auteur et se révèle ainsi très aisé à lire. D’ailleurs l’éditeur nous prédispose au caractère divertissant de ce livre en quatrième de couverture : «Étudier in extenso la pensée des grands théoriciens et en extraire un mode de réflexion agissant est une mission impossible pour l’honnête homme/femme. C’est pourquoi l’auteur de cet ouvrage aussi divertissant que sérieux propose des voies surprenantes au premier abord, mais qui se révèlent fort praticables à l’usage. L’une passe par la rencontre avec la vie et la personnalité du philosophe : la voie des affinités électives».
Référencé par un auteur à mon programme de lecture, le livre «La philosophie comme manière de vivre» m’a paru important à lire. Avec un titre aussi accrocheur, je me devais de pousser plus loin ma curiosité. Je ne connaissais pas l’auteur Pierre Hadot : «Pierre Hadot (né à Paris, le 21 février 1922, et mort à Orsay, le 24 avril 20101) est un philosophe, historien et philologue français, spécialiste de l’Antiquité, profond connaisseur de la période hellénistique et en particulier du néoplatonisme et de Plotin. Pierre Hadot est l’auteur d’une œuvre développée notamment autour de la notion d’exercice spirituel et de la philosophie comme manière de vivre.» (Source : Wikipédia)
Jeanne Hersch, éminente philosophe genevoise, constate une autre rupture encore, celle entre le langage et la réalité : « Par-delà l’expression verbale, il n’y a pas de réalité et, par conséquent, les problèmes ont cessé de se poser (…). Dans notre société occidentale, l’homme cultivé vit la plus grande partie de sa vie dans le langage. Le résultat est qu’il prend l’expression par le langage pour la vie même. » (L’étonnement philosophique, Jeanne Hersch, Éd. Gallimard.) / On comprend par là qu’aujourd’hui l’exercice du langage se suffit à lui-même et que, par conséquent, la philosophie se soit déconnectée des problèmes de la vie quotidienne.» Source : La philosophie, un art de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021, Préface, p. 9.
J’ai trouvé mon bonheur dès l’Avant-propos de ce livre : «Laura Candiotto, en insistant sur le rôle joué par les émotions dans le dialogue socratique ancien et sur l’horizon éthique de celui-ci, vise à justifier théoriquement un «dialogue socratique intégral», c’est-à-dire une pratique du dialogue socratique qui prend en compte des émotions pour la connaissance.» Enfin, ai-je pensé, il ne s’agit plus de réprimer les émotions au profit de la raison mais de les respecter dans la pratique du dialogue socratique. Wow ! Je suis réconforté à la suite de ma lecture et de mon expérience avec Oscar Brenifier dont j’ai témoigné dans les articles 11 et 12 de ce dossier.
Lou Marinoff occupe le devant de la scène mondiale de la consultation philosophique depuis la parution de son livre PLATON, PAS PROJAC! en 1999 et devenu presque’intantément un succès de vente. Je l’ai lu dès sa publication avec beaucoup d’intérêt. Ce livre a marqué un tournant dans mon rapport à la philosophie. Aujourd’hui traduit en 27 langues, ce livre est devenu la bible du conseil philosophique partout sur la planète. Le livre dont nous parlons dans cet article, « La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence », est l’une des 13 traductions du titre original « The Big Questions – How Philosophy Can Change Your Life » paru en 2003.
J’ai acheté et lu « S’aider soi-même » de Lucien Auger parce qu’il fait appel à la raison : « Une psychothérapie par la raison ». Les lecteurs des articles de ce dossier savent que je priorise d’abord et avant tout la philothérapie en place et lieu de la psychothérapie. Mais cette affiliation à la raison dans un livre de psychothérapie m’a intrigué. D’emblée, je me suis dit que la psychologie tentait ici une récupération d’un sujet normalement associé à la philosophie. J’ai accepté le compromis sur la base du statut de l’auteur : « Philosophe, psychologue et professeur ». « Il est également titulaire de deux doctorats, l’un en philosophie et l’autre en psychologie » précise Wikipédia. Lucien Auger était un adepte de la psychothérapie émotivo-rationnelle créée par le Dr Albert Ellis, psychologue américain. Cette méthode trouve son origine chez les stoïciens dans l’antiquité.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.
Dans la première partie de ce rapport de lecture du livre « Penser par soi-même – Initiation à la philosophie » de Michel Tozzi, je vous recommandais fortement la lecture de ce livre : « J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.» Je suis dans l’obligation d’ajouter cette deuxième partie à mon rapport de lecture de ce livre en raison de ma relecture des chapitres 6 et suivants en raison de quelques affirmations de l’auteur en contradiction avec ma conception de la philosophie.
J’accorde au livre Agir et penser comme Nietzsche de Nathanaël Masselot cinq étoiles sur cinq. Aussi facile à lire qu’à comprendre, ce livre offre aux lecteurs une excellente vulgarisation de la philosophie de Friedricha Wilhelm Nietzsche. On ne peut pas passer sous silence l’originalité et la créativité de l’auteur dans son invitation à parcourir son œuvre en traçant notre propre chemin suivant les thèmes qui nous interpellent.
Tout commence avec une entrevue de Myriam Revault d’Allonnes au sujet de son livre LA FAIBLESSE DU VRAI à l’antenne de la radio et Radio-Canada dans le cadre de l’émission Plus on de fous, plus on lit. Frappé par le titre du livre, j’oublierai le propos de l’auteur pour en faire la commande à mon libraire.
Le développement personnel fourmille de personnes de tout acabit qui se sont improvisées conseillers, coachs, thérapeutes, conférenciers, essayistes, formateurs… et auxquelles s’ajoutent des praticiens issus des fausses sciences, notamment, divinatoires et occultes, des médecines et des thérapies alternatives. Bref, le développement personnel attire toute sorte de monde tirant dans toutes les directions.
Je n’aime pas cette traduction française du livre How we think de John Dewey. « Traduit de l’anglais (États-Unis) par Ovide Decroly », Comment nous pensons parait aux Éditions Les empêcheurs de penser en rond / Seuil en 2004. – Le principal point d’appui de mon aversion pour traduction française repose sur le fait que le mot anglais « belief » est traduit par « opinion », une faute majeure impardonnable dans un livre de philosophie, et ce, dès les premiers paragraphes du premier chapitre « Qu’entend-on par penser ? »
Hier j’ai assisté la conférence Devenir philothérapeute : une conférence de Patrick Sorrel. J’ai beaucoup aimé le conférencier et ses propos. J’ai déjà critiqué l’offre de ce philothérapeute. À la suite de conférence d’hier, j’ai changé d’idée puisque je comprends la référence de Patrick Sorrel au «système de croyance». Il affirme que le «système de croyance» est une autre expression pour le «système de penser». Ce faisant, toute pensée est aussi une croyance.
J’éprouve un malaise face à la pratique philosophique ayant pour objectif de faire prendre conscience aux gens de leur ignorance, soit le but poursuivi par Socrate. Conduire un dialogue avec une personne avec l’intention inavouée de lui faire prendre conscience qu’elle est ignorante des choses de la vie et de sa vie repose sur un présupposé (Ce qui est supposé et non exposé dans un énoncé, Le Robert), celui à l’effet que la personne ne sait rien sur le sens des choses avant même de dialoguer avec elle. On peut aussi parler d’un préjugé philosophique.
Si votre opinion est faite et que vous n’êtes pas capable d’en déroger, vous êtes prisonnier de votre opinion. Si votre opinion est faite et que vous êtes ouvert à son évolution ou prêt à l’abandonner pour une autre, vous êtes prisonnier de l’opinion. Si votre opinion compte davantage en valeur et en vérité que les faits, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si votre opinion est la seule manière d’exprimer vos connaissances, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous pensez que l’opinion est le seul résultat de votre faculté de penser, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous prenez vos opinion pour vraies, vous êtes prisonnier de vos opinions.
J’ai mis beaucoup de temps à me décider à lire « La pratique philosophique » de Jérôme Lecoq. L’auteur est un émule d’Oscar Brenifier, un autre praticien philosophe. J’ai vécu l’enfer lors de mes consultations philosophiques avec Oscar Brenifier. Ainsi toute association de près ou de loin avec Oscar Brenifier m’incite à la plus grande des prudences. Jérôme Lecoq souligne l’apport d’Oscar Brenifier dans les Remerciements en première page de son livre « La pratique philosophique ».
Quelle est la différence entre « savoir » et « connaissance » ? J’exprime cette différence dans l’expression « Je sais parce que je connais ». Ainsi, le savoir est fruit de la connaissance. Voici quatre explications en réponse à la question « Quelle est la différence entre savoir et connaissance ? ».
J’ai décidé de publier les informations au sujet des styles interpersonnels selon Larry Wilson parce que je me soucie beaucoup de l’approche de la personne en consultation philosophique. Il m’apparaît important de déterminer, dès le début de la séance de philothérapie, le style interpersonnel de la personne. Il s’agit de respecter la personnalité de la personne plutôt que de la réprimer comme le font les praticiens socratiques dogmatiques. J’ai expérimenté la mise en œuvre de ces styles inter-personnels avec succès.
Le livre « La confiance en soi – Une philosophie » de Charles Pépin se lit avec une grande aisance. Le sujet, habituellement dévolue à la psychologie, nous propose une philosophie de la confiance. Sous entendu, la philosophie peut s’appliquer à tous les sujets concernant notre bien-être avec sa propre perspective.
J’ai vécu une sévère répression de mes émotions lors deux consultations philosophiques personnelles animées par un philosophe praticien dogmatique de la méthode inventée par Socrate. J’ai témoigné de cette expérience dans deux de mes articles précédents dans ce dossier.
Vouloir savoir être au pouvoir de soi est l’ultime avoir / Le voyage / Il n’y a de repos que pour celui qui cherche / Il n’y a de repos que pour celui qui trouve / Tout est toujours à recommencer
Que se passe-t-il dans notre système de pensée lorsque nous nous exclamons « Ah ! Là je comprends » ? Soit nous avons eu une pensée qui vient finalement nous permettre de comprendre quelque chose. Soit une personne vient de nous expliquer quelque chose d’une façon telle que nous la comprenons enfin. Dans le deux cas, il s’agit d’une révélation à la suite d’une explication.
Âgé de 15 ans, je réservais mes dimanches soirs à mes devoirs scolaires. Puis j’écoutais l’émission Par quatre chemins animée par Jacques Languirand diffusée à l’antenne de la radio de Radio-Canada de 20h00 à 22h00. L’un de ces dimanches, j’ai entendu monsieur Languirand dire à son micro : « La lumière entre par les failles».
Le succès d’une consultation philosophique (philothérapie) repose en partie sur la prise en compte des biais cognitifs, même si ces derniers relèvent avant tout de la psychologie (thérapie cognitive). Une application dogmatique du dialogue socratique passe outre les biais cognitifs, ce qui augmente les risques d’échec.
Depuis mon adolescence, il y a plus de 50 ans, je pense qu’il est impossible à l’Homme d’avoir une conscience pleine et entière de soi et du monde parce qu’il ne la supporterait pas et mourrait sur le champ. Avoir une pleine conscience de tout ce qui se passe sur Terre et dans tout l’Univers conduirait à une surchauffe mortelle de notre corps. Il en va de même avec une pleine conscience de soi et de son corps.
Le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre français, a été interrogé par la journaliste Pascale Senk du quotidien Le Figaro au sujet de son livre Savoir se taire, savoir parler, coécrit avec Laurent Carouana et paru en 2017. Le titre de l’article a retenu mon attention : Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole».
Reproduction de l’article « Comment dialoguer de manière constructive ? », un texte de Julien Lecomte publié sur son site web PHILOSOPHIE, MÉDIAS ET SOCIÉTÉ. https://www.philomedia.be/. Echanger sur des sujets de fond est une de mes passions. Cela fait plusieurs années que je m’interroge sur les moyens de faire progresser la connaissance, d’apprendre de nouvelles choses. Dans cet article, je reviens sur le cheminement qui m’anime depuis tout ce temps, pour ensuite donner des pistes sur les manières de le mettre en pratique concrètement.
Dans le récit initiatique, il s’agit de partir du point A pour aller au point B afin que le lecteur ou l’auditeur chemine dans sa pensée vers une révélation permettant une meilleure compréhension de lui-même et/ou du monde. La référence à la spirale indique une progression dans le récit où l’on revient sur le même sujet en l’élargissant de plus en plus de façon à guider la pensée vers une nouvelle prise de conscience. Souvent, l’auteur commence son récit en abordant un sujet d’intérêt personnel (point A) pour évoluer vers son vis-à-vis universel (point B). L’auteur peut aussi se référer à un personnage dont il fait évoluer la pensée.
Cet article présente un état des lieux de la philothérapie (consultation philosophique) en Europe et en Amérique du Nord. Après un bref historique, l’auteur se penche sur les pratiques et les débats en cours. Il analyse les différentes publications, conférences et offres de services des philosophes consultants.
J’ai découvert le livre « L’erreur de Descartes » du neuropsychologue Antonio R. Damasio à la lecture d’un autre livre : L’intelligence émotionnelle de Daniel Goleman. L’édition originale de ce livre est parue en 1995 en anglais et j’ai lu la traduction française à l’été 1998 parue un an auparavant chez Robert Laffont. Diplômé de l’université Harvard et docteur en psychologie clinique et développement personnel, puis journaliste au New York Times, où il suit particulièrement les sciences du comportement, Daniel Goleman nous informe dans son livre « L’intelligence émotionnel » au sujet de la découverte spectaculaire pour ne pas dire révolutionnaire de Antonio R. Damasio à l’effet que la raison a toujours besoin d’un coup des émotions pour prendre des décisions. Jusque-là, il était coutume de soutenir que les émotions perturbaient la raison, d’où l’idée de les contrôler.
Ma lecture du livre ÉLOGE DE LA PRATIQUE PHILOSOPHIQUE de la philosophe praticienne SOPHIE GEOFFRION fut agréable et fort utile. Enfin, un ouvrage court ou concis (le texte occupe 65 des 96 pages du livre), très bien écrit, qui va droit au but. La clarté des explications nous implique dans la compréhension de la pratique philosophique. Bref, voilà un éloge bien réussi. Merci madame Geoffrion de me l’avoir fait parvenir.
Dans cet article, je m’interroge à savoir la consultation philosophique doit s’attarder à l’opinion ou au système pensée du client. OPINION – Le philosophe praticien cible l’opinion de son client en vue de démontrer l’ignorance sur laquelle elle repose et, par conséquent, l’absence de valeur de vérité qu’elle recèle. Cette pratique repose sur le « questionnement philosophique ».
Dans son livre « Sentir et savoir », Antonio Damasio propose « Une nouvelle théorie de la conscience ». Il démontre que la conscience ne peut pas exister sans le corps. Il identifie dans le corps la capacité de sentir comme préalable à la conscience.
Un si petit livre, seulement 46 pages et en format réduit, mais tellement informatif. Une preuve de plus qu’il ne faut se fier aux apparences. Un livre signé ROBERT REDEKER, agrégé de philosophie originaire de la France, connaît fort bien le sujet en titre de son œuvre : DÉPRESSION ET PHILOSOPHIE.
La plupart des intervenants en psychologie affirment des choses. Ils soutiennent «C’est comme ceci» ou «Vous êtes comme cela». Le lecteur a le choix de croire ou de ne pas croire ce que disent et écrivent les psychologues et psychiatres. Nous ne sommes pas invités à réfléchir, à remettre en cause les propos des professionnels de la psychologie, pour bâtir notre propre psychologie. Le lecteur peut se reconnaître ou pas dans ces affirmations, souvent catégoriques. Enfin, ces affirmations s’apparentent à des jugements. Le livre Savoir se taire, savoir dire de Jean-Christophe Seznec et Laurent Carouana ne fait pas exception.
Chapitre 1 – La mort pour commencer – Contrairement au philosophe Fernando Savater dans PENSER SA VIE – UNE INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE, je ne définie pas la vie en relation avec la mort, avec son contraire. Je réfléchie et je parle souvent de la mort car il s’agit de l’un de mes sujets préféré depuis mon adolescence. Certaines personnes de mon entourage pensent et affirment que si je parle aussi souvent de la mort, c’est parce que j’ai peur de mourir. Or, je n’ai aucune peur de la mort, de ma mort, de celles de mes proches. Je m’inquiète plutôt des conséquences de la mort sur ceux et celles qui restent, y compris sur moi-même.
À la lumière du documentaire LE SOLEIL ET DES HOMMES, notamment l’extrait vidéo ci-dessus, je ne crois plus au concept de race. Les différences physiques entre les hommes découlent de l’évolution naturelle et conséquente de nos lointains ancêtres sous l’influence du soleil et de la nature terrestre, et non pas du désir du soleil et de la nature de créer des races. On sait déjà que les races et le concept même de race furent inventés par l’homme en se basant sur nos différences physiques. J’abandonne donc la définition de « race » selon des critères morphologiques…
Dans le cadre de notre dossier « Consulter un philosophe », la publication d’un extrait du mémoire de maîtrise « Formation de l’esprit critique et société de consommation » de Stéphanie Déziel s’impose en raison de sa pertinence. Ce mémoire nous aide à comprendre l’importance de l’esprit critique appliqué à la société de consommation dans laquelle évoluent, non seule les jeunes, mais l’ensemble de la population.
Je reproduis ci-dessous une citation bien connue sur le web au sujet de « la valeur de la philosophie » tirée du livre « Problèmes de philosophie » signé par Bertrand Russell en 1912. Mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique, Bertrand Russell soutient que la valeur de la philosophie réside dans son incertitude. À la suite de cette citation, vous trouverez le texte de Caroline Vincent, professeur de philosophie et auteure du site web « Apprendre la philosophie » et celui de Gabriel Gay-Para tiré se son site web ggpphilo. Des informations tirées de l’Encyclopédie Wikipédia au sujet de Bertrand Russell et du livre « Problèmes de philosophie » et mon commentaire complètent cet article.
Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil; et, s’ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système ni un lit. Ne vous lassez pas d’examiner et de comprendre. (…) Lisez, écoutez, discutez, jugez; ne craignez pas d’ébranler des systèmes; marchez sur des ruines, restez enfants. (…) Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui; vous avez compris, en l’écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l’aune, et que les conclusions ne sont pas l’important; restez éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n’est point mort; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s’asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n’est point mort; Socrate n’est point vieux. (…) – Alain, (Emile Charrier), Vigiles de l’esprit.
Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».
J’accorde à ce livre trois étoiles sur cinq. Le titre « Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs » a attiré mon attention. Et ce passage du texte en quatrième de couverture m’a séduit : «En proposant une voyage philosophique à travers l’histoire des émotions, Iaria Gaspari bouscule les préjugés sur notre vie émotionnelle et nous invite à ne plus percevoir nos d’états d’âme comme des contrainte ». J’ai décidé de commander et de lire ce livre. Les premières pages m’ont déçu. Et les suivantes aussi. Rendu à la moitié du livre, je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agissait d’un témoignage de l’auteure, un témoignage très personnelle de ses propres difficultés avec ses émotions. Je ne m’y attendais pas, d’où ma déception. Je rien contre de tels témoignages personnels qu’ils mettent en cause la philosophie, la psychologie, la religion ou d’autres disciplines. Cependant, je préfère et de loin lorsque l’auteur demeure dans une position d’observateur alors que son analyse se veut la plus objective possible.
Tout repose sur le Savoir. L’expérience personnelle et/ou professionnelle qu’on fait du Savoir, après en avoir pris conscience, se retrouve à la base des Connaissances que nous possédons. Les Opinions expriment des Jugements des connaissances et inspirent souvent les Croyances.
La philosophie, mère de toutes les sciences, recherche la sagesse et se définie comme l’Amour de la Sagesse. La sagesse peut être atteinte par la pensée critique et s’adopte comme Mode de vie. • La philosophie soutient la Science et contribue à la naissance et au développement de la méthode scientifique, notamment avec l’épistémologie.
La philothérapie, principale pratique de la philosophie de nos jours, met sans cesse de l’avant les philosophes de l’Antiquité et de l’époque Moderne. S’il faut reconnaître l’apport exceptionnel de ces philosophes, j’ai parfois l’impression que la philothérapie est prisonnière du passé de la philosophie, à l’instar de la philosophie elle-même.
Au Québec, la seule province canadienne à majorité francophone, il n’y a pas de tradition philosophique populaire. La philosophie demeure dans sa tour universitaire. Très rares sont les interventions des philosophes québécois dans l’espace public, y compris dans les médias, contrairement, par exemple, à la France. Et plus rares encore sont les bouquins québécois de philosophie en tête des ventes chez nos libraires. Seuls des livres de philosophes étrangers connaissent un certain succès. Bref, l’espace public québécois n’offre pas une terre fertile à la Philosophie.
J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il me permet d’en apprendre beaucoup plus sur la pensée scientifique telle que pratiquée par de grands scientifiques. L’auteur, Nicolas Martin, propose une œuvre originale en adressant les mêmes questions, à quelques variantes près, à 17 grands scientifiques.
Cet article répond à ce commentaire lu sur LinkedIn : « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique est indispensable. » Il m’apparaît impossible de viser « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique » et de prétendre que cet équilibre entre les trois disciplines soit « indispensable ». D’une part, le développement personnel est devenu un véritable fourre-tout où l’ivraie et le bon grain se mélangent sans distinction, chacun avançant sa recette à l’aveugle.
En ne s’unissant pas au sein d’une association nationale professionnelle fixant des normes et des standards à l’instar des philosophes consultants ou praticiens en d’autres pays, ceux de la France nous laissent croire qu’ils n’accordent pas à leur disciple tout l’intérêt supérieur qu’elle mérite. Si chacun des philosophes consultants ou praticiens français continuent de s’affairer chacun dans son coin, ils verront leur discipline vite récupérée à mauvais escient par les philopreneurs et la masse des coachs.
Reçu : 18 mars 2022 / Révisé : 7 avril 2022 / Accepté : 11 avril 2022 / Publié: 15 avril 2022
(Cet article appartient à la rubrique Religions et Humanités/Philosophies )
Résumé
Le concept de spiritualité a une longue histoire philosophique. S’appuyant sur des études détaillées d’une histoire des exercices spirituels depuis Socrate, les stoïciens, l’épicurisme, jusqu’au christianisme primitif, l’ancien prêtre catholique Pierre Hadot conçoit la pratique philosophique comme des exercices spirituels pour apprendre à vivre une vie philosophique. Suivant cette idée, un certain nombre de philosophes tels que Gerd B. Achenbach ont lancé le mouvement contemporain de la pratique philosophique dans les années 1980, qui visait à appliquer des théories et des méthodes philosophiques aux discussions sur les problèmes que les gens rencontrent constamment dans la vie, principalement sous la forme de conseils philosophiques. et la thérapie philosophique. Dans cet article, après avoir montré que la pratique philosophique est déjà devenue une nouvelle frontière de la recherche philosophique, nous soutenons en outre que la pratique philosophique en tant qu’exercices spirituels est un exercice de raison et de logos, tandis que certains types d’exercices religieux tels que les arts zen peuvent également constituer une partie importante de la pratique philosophique. Nous concluons qu’à la lumière de la pluralité distincte des méthodes et des modes de pratique philosophique et des exercices spirituels impliqués, la pratique philosophique peut être considérée comme une approche significative et applicable pour rechercher la vérité, la sagesse et la vertu, ce qui est d’une grande importance didactique et éthique. dans l’ère post-COVID-19.
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