Article # 100 – Vivre dans un monde où tout un chacun se donne raison, en réponse à l’article «L’art de couper les cheveux en quatre» d’Alexandre Lacroix publié dans Philosophie magazine, juin 2024

Quand un proche me dit :

« Je ne suis pas heureux quand je n’ai pas raison. »

Je suis forcé de conclure que son éducation exige une sérieuse réorientation.

Serge-André Guay, Observatoire de la philothérapie

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Dans le dossier de son édition de juin 2024, Philosophie magazine tente de répondre à cette question en titre : « Comment savoir quand on a raison ? » Il n’en fallait pas plus pour me motiver à l’achat d’un exemplaire chez mon marchand de journaux.

Toutes les observations et les théories concernant l’Homme qui se donne raison retient mon attention depuis mon adolescence dans les années 70-80.

À cette époque, je ne pouvais pas placer un mot durant les repas en famille et lorsque j’y parvenais tout de même je n’avais pas raison. La force de conviction avec laquelle les adultes se donnaient raison m’impressionnait. J’eus même l’impression qu’être adulte, c’était obtenir le pouvoir d’avoir raison. Adolescent, on n’est trop jeune, sans l’expérience utile de la vie, pour avoir raison, du moins du point de vue des adultes.

Le contexte se distinguait assurément de celui de mes connaissances. Je grandissais dans une famille fortement politisée puisque l’un des mes oncle était député à la Chambre des Communes du parlement canadien. En politique, se donner raison, prendre pour vrai ce que l’on dit est essentiel. Mais cela vous donne une vision trouble du monde si vous ne suivez pas la parade. Le bénéfice de se donner raison me paraissait très faible comparé à la liberté de parole.

Enfin, les opinions exprimées avec une telle force de conviction me semblaient davantage des croyances aveugles, des prisons, que des vérités de faits.

Tout cela s’ajoutait à ma déception grandissante face au monde loin d’être tel que l’on me l’avait inculqué durant mon enfance et depuis mon adolescence.

À la maison, je préférais la solitude à tous ces échanges où tout un chacun se donnait raison, heureusement, la plupart du temps, dans la même direction. J’écrivais de la poésie dans le plus grand secret et plongé dans le silence du grand salon à l’usage réservé aux grandes occasions dans la maison familiale.

Cette solitude, épousée et chérie avec le plus grand soin, a fait de moi un solitaire. J’avais donc peu d’amis, dans mon quartier et à l’école.

Moi, tout ce que j’avais, c’était des idées et un amour fou de la métaphores à la base de ma poésie. Mes idées se présentaient comme des solutions aux problèmes que j’observais au sein de notre société.

Mais, du premier au cinquième secondaire (de la 5ème à Première en France), tout a progressivement changé. Je suis devenu, bien inconsciemment, comme un fonceur pur à l’image des adultes de ma famille, de bon nombre de mes professeurs, de mes nouveaux amis, de mes camarades… Il semble que le seul modèle disponible était celui du fonceur, obligatoire pour réussir dans la vie.

Le fonceur ne se demande pas s’il a ou non raison. Cette question lui est étrangère. Il est la raison en soi. Ainsi, il se donne toujours raison.

J’avais un trait distinctif : j’étais un fonceur solitaire et créatif, avec pour seuls outils, des idées et ma capacité à en faire des projets.

Je fus et je demeure un « gars de cause ». À cette âge, ayant vécu des problèmes de communication avec ces adultes, je croyais que tous les problèmes impliquaient un problème de communication. Il ne s’agissait pas d’établir ou de réorienter la communication ou, si vous préférez, de communiquer pour communiquer en misant sur la bonne volonté. Je cherchais une communication qui provoquerait une nouvelle prise de conscience, une révélation. Bref, je communiquais mes idées sous la forme de projet qui forçait une nouvelle approche du problème ciblé.

J’ai donc vendu mes idées pendant ma carrière pour brusquement prendre un virage à 180 degrés à trente-cinq ans. Un chercheur en marketing provoqua en moi une grande révélation : il valait mieux offrir de tester les idées plutôt que d’en fournir de nouvelles à l’infini. Et « tester » relève d’un processus scientifique. De là, je me suis intéressé à la pensée scientifique et son développement. J’ai vite compris que la pensée scientifique ne cherche pas à avoir raison, que ce n’est pas parce que le chercheur se donne raison que la science progresse. « La connaissance scientifique se bâtie sur la destruction du déjà-su. » Il ne faut donc rien tenir pour acquis définitivement. On peut tout remettre en question… sur des bases scientifiques. La suite de ma carrière en communication consista à tester les idées proposée par d’autres idéateurs et créateurs aux entrepreneurs.

Ma vie personnelle et familiale changea drastiquement. Désormais, avoir raison n’avait plus aucune importance. Je m’efforçais d’intégrer une pensée scientifique dans ma vie de tous les jours et dans l’éducation de mes enfants. « Notre valeur n’est pas liée au fait d’avoir ou non raison. » « La confiance en soi ne doit pas reposer sur le fait d’avoir raison ». « Le doute est notre meilleur allié pour avancer librement dans la vie. » « Il ne faut pas prendre pour vrai ce que l’on pense uniquement parce qu’on le pense. »

Et ainsi de suite jusqu’au jour un l’un de mes proches me déclara : « Je ne suis pas heureux lorsque je n’ai pas raison ». Une telle déclaration au sein de mon entourage me déstabilisa. Je croyais avoir inculqué à mon entourage les principes énoncés ci-dessus. J’ai tout repris à zéro avec cette personne au meilleur de mes capacité. Si l’objectif d’avoir raison s’est maintenu, l’idée de liée le bonheur au fait d’avoir ou non raison s’est éteinte.

La question en titre du dossier de Philosophie magazine de juin 2024, « Comment savoir quand on a raison ? », présuppose que l’on peut avoir raison ou non. Personnellement, je me demande plutôt s’il est nécessaire et important d’avoir raison ? Le but dans la vie n’est pas d’avoir raison. Avoir raison ne se pose pas comme une condition pour vivre, pour vivre bien en amoureux et praticien de la Sagesse.

Dans l’introduction de son article «  L’art de couper les cheveux en quatre », Alexandre Lacroix explique qu’avoir raison peut s’entendre de deux manières différentes. Voici la première :


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« Cela peut signifier que ce que j’affirme est justifié, est vrai. »

SOURCE : LACROIX, Alexandre, L’art de couper les cheveux en quatre, Dossier : Comment savoir quand on a raison ? Philosophie Magazine, No 180, Juin 2024, p. 44.

SUR LE WEB : https://www.philomag.com/articles/lart-de-couper-les-cheveux-en-quatre


La notion du vrai, de la vérité, s’impose parce que nous vivons dans un monde où tout un chacun se donne raison. Et plus souvent qu’autrement, on se donne raison sur l’autre. La question « Qui dit vrai ? » ou « Qui a raison ? » devient essentielle dans un tel monde. Tous s’accordent sur l’importance de savoir qui dit vrai et qui dit faux. Mais ne serait-ce pas là un engrenage dont notre monde est victime ? Je me demande si la quête d’avoir raison ne produit par une vision du monde étriquée, réductrice de la réalité qui, objectivement, ne cherche pas à avoir raison.

Voici la deuxième manière dont peut s’entendre « Avoir raison » :


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« Mais cela peut aussi vouloir dire que j’ai de bonnes raisons de croire ce que je crois ou de penser ce que je pense, indépendamment du fait que ce soit vrai ou non. »

SOURCE : LACROIX, Alexandre, L’art de couper les cheveux en quatre, Dossier : Comment savoir quand on a raison ? Philosophie Magazine, No 180, Juin 2024, p. 44.

SUR LE WEB : https://www.philomag.com/articles/lart-de-couper-les-cheveux-en-quatre


Lier « Avoir raison » et « Croire » n’a pas de sens parce que la première demande des preuves et la seconde n’en demande aucune. Ainsi, dès que je crois avoir raison, je suis dans la croyance en ce que je pense. Et de là il n’y a qu’un pas à franchir pour prendre pour vrai ce que je pense uniquement parce que je le pense.

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Centre national d'enseignement à distance (CNED), France
Centre national d’enseignement à distance (CNED), France.

Peut-on être sûr d’avoir raison ?

par F. Burbage

Introduction

On a raison lorsque ce qu’on dit est vrai, ou lorsque ce qu’on fait est juste. La vérité a souvent été définie comme l’adéquation de ce qu’on pense et de ce qui est. On serait sûr d’avoir raison s’il n’y avait en nous aucun doute à propos de cette adéquation.

Il importe de bien prendre la mesure de la question posée : on ne demande pas si l’on peut avoir raison, et quels sont les moyens dont on dispose pour cela, mais si l’on peut être sûr d’avoir raison. La question ne porte pas seulement sur le fait – donnée objective – qu’on ait ou non raison, mais aussi sur ses modalités subjectives : peut-on ou non en être assuré ?

Ce dont on peut d’abord s’étonner, c’est qu’une telle question soit simplement posée. Il ne fait aucun doute en effet qu’il nous arrive d’être sûr d’avoir raison. Le fanatisme en témoigne, d’une manière tellement paroxystique qu’on pourrait voir dans cette assurance un fait extraordinaire. Mais il est assez banal d’être comme on dit, « sûr et certain » du bien-fondé de ce qu’on fait, ou de ce qu’on dit. La difficulté qu’on éprouve à détromper ceux qui sont dans l’erreur l’indique immédiatement.

Si question il y a, c’est donc sous une certaine hypothèse : que l’assurance d’avoir raison ait été ébranlée, qu’on la soupçonne de n’être pas aussi bien fondée qu’on croyait. Qui pose cette question ? C’est un homme inquiet : y a-t-il une assurance véritable et durable d’avoir raison, et pas seulement une assurance hâtive, destinée à disparaître au moindre examen sérieux ? L’inquiétude, ce serait que l’assurance puisse se dérober, et qu’on s’aperçoive qu’elle est, en réalité, chose impossible ou illusoire. Pourquoi serait-on conduit à une telle situation ? Quel est ici le problème ?

On en prend une première mesure en considérant l’oscillation suivante :

  • la vérité est tellement difficile à établir qu’elle semble parfois échapper : les tribunaux les plus intègres commettent des erreurs, les savants les plus scrupuleux se trompent. Les progrès de la science supposent qu’on identifie les erreurs des prédécesseurs, qu’on travaille patiemment à les rectifier… jusqu’au jour où l’on sera soi-même critiqué et peut-être réfuté. Qui pourrait dans ces conditions être « sûr » d’avoir raison ? Ne serait-ce pas surestimer les capacités humaines à connaître, et prendre, naïvement, le simplement probable pour le vrai ?
  • mais il est difficile de nier qu’il y a des vérités : il est vrai que « 3 + 3 = 6 », et j’ai raison lorsque j’adhère à un tel énoncé. Celui qui en douterait passerait pour bien farfelu, d’autant plus que des preuves existent, et qu’un tel énoncé est tout sauf arbitraire. On peut faire et refaire les opérations, croiser les résultats, retourner aux règles fondamentales de l’arithmétique… Les cahiers des jeunes écoliers sont remplis de ces vérités « élémentaires », et ils vont à l’école justement pour en prendre connaissance, pour pouvoir ensuite faire fond sur elles, dans des analyses plus sophistiquées et plus délicates. Comment de telles vérités pour- raient-elles ne pas donner lieu à certitude ? Ne serait-il pas déraisonnable de douter qu’on ait alors raison ?

Qu’est-ce qui est ici indiqué : que certains objets sont plus difficiles à connaître que d’autres ? Que certaines méthodes sont moins performantes que d’autres ? Le problème serait alors celui de la délimitation des lieux et des moyens de la vérité.

Mais, et peut-être plus profondément, la difficulté est ailleurs : qu’advient-il à la vérité, dès lors qu’on l’inscrit dans l’ordre de la raison, et non plus simplement dans l’ordre de la révélation ou de l’autorité ? On a le souci de montrer que ce qui est donné comme vrai peut aussi être déduit, ou retrouvé par expérience : il s’agit de vérifier, d’apporter la preuve – la raison d’être – de ce qu’on avance, en considérant que la vérité consiste moins dans la conformité d’un énoncé à la réalité des choses (qui pourrait être due au hasard) que dans le mouvement de pensée qui permet de l’établir. Aurait-on raison sans ce travail du raisonnement, de l’observation, souvent associés ? L’efficacité de ce travail, c’est d’arracher la vérité au dogmatisme : au lieu qu’elle soit ce qui précède la pensée et qui la commande, elle en sera le produit. N’est-ce pas ce travail de la vérification qui est incompatible avec l’assurance d’avoir raison ? En a-t-on jamais fini avec le travail d’identification des faits, de détermination des valeurs ?

N’y a-t-il d’assurance que dogmatique ? Y a-t-il, et à quelles conditions, une assurance instruite, compatible avec les réquisits1 d’une détermination rationnelle du vrai et du faux ?

(…)

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1. note du CNED : réquisits ou exigences.

Source : Burdage, Frank, Introduction, Peut-on être sûr d’avoir raison ? Séquence 4, Leçon 30, Terminale – Philosophie (PDF en ligne), Centre national d’enseignement à distance (CNED), France, consulté le 17 août 2024.


Toute croyance relève du dogmatisme. Par conséquent, « Croire » que j’ai raison donne à ce que je pense le statut de dogme, une vérité fondamentale, incontestable. Je ne doute pas.

Or, sans le doute, rien ne peut venir éclairer ce que je pense et ce que je crois. Je ne peux pas savoir si j’ai raison ou si j’ai tort, pas plus que les hommes dans la Caverne de Platon.

Un jour, un proche à qui je demandais inlassablement des preuves de chacune de ses affirmations a fini par répondre : « C’est moi la preuve. » À force de réfléchir à cette réponse étonnante, j’ai conclu que les affirmations en question étaient, non pas des faits démontrés, mais de simples croyances, ce qui ne demande aucune preuve formelle.

Bon nombre de discussions se limite à des échanges de ce que les gens pensent d’un fait. Dans ce contexte, le fait lui-même n’a plus autant d’importance qu’il devrait. L’opinion ou le jugement du fait prime sur le fait lui-même. Finalement, c’est l’opinion ou le jugement du fait qu’on l’on prend pour la vérité et que l’on intègre automatiquement à ses croyances.

Personnellement, j’ai l’impression qu’en ce monde la vérité pour être « vérité » doit atteindre le statut de croyance, de dogme, pour plusieurs personnes.


c.myriam-tevault-d-allonnes-1a-1024L’irruption de la notion de « post-vérité », désignée comme mot de l’année 2016 par le dictionnaire d’Oxford, a suscité beaucoup de commentaires journalistiques, notamment sur le phénomène des fake news, mais peu de réflexions de fond. Or, cette notion ne concerne pas seulement les liens entre politique et vérité, elle brouille la distinction essentielle du vrai et du faux, portant atteinte à notre capacité à vivre ensemble dans un monde commun.

En questionnant les rapports conflictuels entre politique et vérité, Myriam Revault d’Allonnes déconstruit nombre d’approximations et de confusions. Elle montre que le problème majeur de la politique n’est pas celui de sa conformité à la vérité mais qu’il est lié à la constitution de l’opinion publique et à l’exercice du jugement. L’exploration du « régime de vérité » de la politique éclaire ce qui distingue fondamentalement les systèmes démocratiques, exposés en permanence à la dissolution des repères de la certitude, à la tentation du relativisme et à la transformation des « vérités de fait » en opinions, des systèmes totalitaires, où la toute-puissance de l’idéologie fabrique un monde entièrement fictif.

Loin d’enrichir le monde, la « post-vérité » appauvrit l’imaginaire social et met en cause les jugements et les expériences sensibles que nous pouvons partager. Il est urgent de prendre conscience de la nature et de la portée du phénomène si nous voulons en conjurer les effets éthiques et politiques.

Myriam Revault d’Allonnes est professeur à l’École pratique des hautes études. Elle a publié de nombreux essais au Seuil, et notamment La Crise sans fin. Essai sur l’expérience moderne du temps (2012).

Source : REVAULT D’ALLONNES, Myriam, La faiblesse du vrai – Ce que la post-vérité fait à notre monde commun, coll. La Couleur des idées, Éditions du Seuil,2018, quatrième de couverture.


Aujourd’hui, on s’approprie un fait pour s’en faire une opinion en le jugeant et ainsi se donner raison. Il y a une grande différence entre « Avoir raison » et « Se donner raison ». « Avoir raison » exige un degré élevée de concordance avec le réel, la réalité, en dehors de tout jugement. « Se donner raison » relève plutôt de la liberté que l’on se donne face au réel, une liberté débridée.


c.myriam-tevault-d-allonnes-1a-1024Apparemment, l’idée selon laquelle nous nous situerions à un moment, voire à une époque, d’« après » la vérité constitue une rupture signifiante au regard d’une notion fondamentale de la métaphysique occidentale et sur laquelle repose également, pour le sens commun, l’évidence du réel : une proposition est dite « vraie » lorsqu’elle est garantie par sa conformité à ce qui est. Le souci de la vérité a pu s’énoncer de multiples façons, antagonistes, plus ou moins savantes, dans des domaines divers, mais la pluralité des approche n’a jamais conduit à remettre en question le caractère « vital » de la référence au vrai.

(…)

Il n’en va pas de même avec la « post-vérité » selon laquelle — à suivre le dictionnaire d’Oxford — les faits objectifs ont moins d’importance que leur appréhension subjective. La capacité du discours politique à modeler l’opinion publique en faisant appel aux émotions prime sur la réalité des faits. Peu importe que ces derniers informent ou non les opinions : l’essentiel, c’est l’impact du propos. Le partage du vrai et du faux devient donc insignifiant au regarde de l’efficacité du « faire-croire ». L’ère de la post-vérité est aussi celle du post-factuel.

Source : REVAULT D’ALLONNES, Myriam, La faiblesse du vrai – Ce que la post-vérité fait à notre monde commun, Introduction, coll. La Couleur des idées, Éditions du Seuil,2018, pp. 10-11.


Bref, la liberté de se donner raison se traduit par « À chacun sa vérité », peu importe les faits, le réel. « C’est ce que je crois être vrai qui est vrai… pour moi. »

La mise en exergue des défauts de la perception et des biais cognitifs au cours des décennies a discrédité l’universel au profit de l’individuel. « C’est ma perception du réel qui compte. » Le doute demeure absent avec toutes les conséquences néfastes du manque de recul. Le réel est une affaire devenue personnelle sans l’obligation consciente des conventions universelles, si ce n’est civilisationnelle, y compris culturelle.

Dans ce contexte personnel, un lien malsain est né, celui entre « Avoir raison » et la confiance en soi et, par extension, avec le bonheur.

Quand un proche me dit :

« Je ne suis pas heureux quand je n’ai pas raison. »

Je suis forcé de conclure que son éducation exige une sérieuse réorientation

Serge-André Guay, Observatoire de la philothérapie

La confiance en soi repose sur notre valeur intrinsèque, c’est-à-dire la vie en elle-même, celle qui nous fait Être. La confiance en soi vacille si elle se fonde sur l’idée d’avoir raison car l’expérience démontre que nous avons souvent tort. Il en va de même avec l’idée de lier notre bonheur avec l’idée d’avoir raison. Il suffit amplement d’être heureux d’Être, d’Être en vie. Quand nous soutenons être insatisfait de notre vie, ce n’est jamais la vie elle-même qui en cause. La vie ne se compare pas à baromètre de la température. Elle garde sa valeur intrinsèque peu importe ce que nous visons dans l’exercice de nos facultés, peu importe nos pensées et nos expériences, peu importe les contraintes et les opportunités. La valeur de l’Être et de l’existence demeure inaltérable et le fondement le plus sûr de la confiance en soi. Accuser la vie de « sa vie » relève de la confusion dans la quête d’une excuse mal ficelée d’avance.

Mais prenons garde car la vie n’est pas l’ivresse de la vie. L’ébriété, cet « état d’exaltation, d’euphorie sous l’effet d’une passion forte » installe la confusion et, à terme, la dépendance aveugle. Il ne s’agit pas d’être ivre de la vie mais plutôt de la reconnaître comme la valeur ultime de soi et des autres. Il s’agit de vivre pleinement sa vie et non pas de s’en enivrer. Pour ce faire, il faut vivre en harmonie avec ses émotions et nous éviter la perte contrôle.

Évidemment, la démarche demande beaucoup de créativité. Or, « Avoir raison » ou « Donner raison » tue la créativité car cette dernière exige le doute, le doute systématique, que nous assure de toujours prendre le recul nécessaire pour une vision libérée des acquis et du conditionnement. Être créatif, c’est être capable de tout remettre en question, condition essentielle pour la naissance d’idées nouvelles.

« Si vous avez une meilleure idée que la mienne, je vous prie de bien vouloir me la transmettre rapidement que je ne perde pas mon temps » ai-je souvent répété au cours de ma vie. Une telle disposition permet de maintenir l’ouverture d’esprit à son meilleur et alimente ainsi la créativité. Je n’accorde jamais à mes idées le statut de vérité et encore moins de croyance. Vous m’entendrez dire « J’ai une idée » beaucoup plus souvent que « Je crois ». Dans le monde des idées, avoir raison importe peu.

Il en va autrement dans le monde de l’opinion et du jugement où avoir raison est le motif principal de la prise de recul. Or, on ne prend pas du recul pour juger ou se faire une opinion mais pour comprendre. Et toute compréhension doit elle-même être sujette au doute. Dans cet optique, le savoir et la connaissance (expérience du savoir) ne seront jamais acquises définitivement.

Personnellement, ma créativité trouve sa motivation dans les problèmes à résoudre, qu’ils soient personnels, interpersonnels, sociaux, culturels, économiques…

problem-directed-men-louis-cheskin-001J’adhère à l’idée que ce dont notre société a le plus besoin, ce sont des hommes et des femmes orientés vers les problèmes.[1]

« Se donner raison » demeure un grave problème en notre monde. Il referme chaque individu sur lui-même ou, si vous préférez, il l’enferme dans la Caverne de Platon.

Exprimer sa compréhension d’un problème sous la forme d’une opinion ou d’un jugement ou confondre sa compréhension d’un problème avec son opinion ou son jugement est en soi un problème. Car comprendre n’est pas juger. Comprendre, c’est d’abord acquérir un savoir et une connaissance de l’objet et du problème s’y rattachant, une connaissance qui permet ensuite d’expliquer le problème, non pas de juger.

La compréhension se définit comme la « Faculté de comprendre, de percevoir par l’esprit, par le raisonnement. La compréhension du problème. ➙ intelligence ; familier comprenette. » (Dictionnaires Le Robert). En philosophie, l’explication de la compréhension s’avère beaucoup plus complexe.


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3 – L’unité de l’acte de compréhension

1° – Comprendre, c’est dénombrer

Comprendre la table, c’est saisir l’unité de la table ; c’est comprendre qu’il s’agit d’un objet. Quoi que je pense, il faut que je pense « un ». Mais penser la table et la comprendre revient à penser et comprendre l’unité d’une pluralité. En effet, la table a quatre pieds. L’unité et la pluralité sont deux limites : on ne pense jamais l’unité pure et la pluralité pure puisque l’unité pure ne peut être saisie que comme la négation de la pluralité. Aussi ce qui m’est donné à comprendre est-il ce qui fait la synthèse de l’unité et de la pluralité, à savoir la totalité. C’est pourquoi comprendre revient à dénombrer.

2° – Comprendre, c’est comparer

Il faut bien reconnaître que nous ne saisissons rien en soi mais toujours par comparaison. Supposons que le monde soit vert, nous ne le saurions pas puisque le vert n’est que par comparaison à d’autres couleurs. Il n’y a donc pas de couleur en soi : si le tableau est, c’est par rapport à la blancheur de la craie. Il y a d’abord une existence qualitative qui s’impose à partir d’une intuition : par exemple, le jaune de la table se donne immédiatement au niveau de la perception. Mais le jaune est une détermination qui exclut tout le reste. Enfin, si je conçois que cette chose est mais qu’elle n’est pas plus que cela, on cerne la couleur jaune par élimination successive. Ainsi paraît la limitation : je saisis les choses comme étant et, par comparaison, n’étant pas plus que ce qu’elles sont.

3° – Comprendre, c’est relier

Comprendre, c’est comprendre selon des rapports et les choses relativement les unes par rapport aux autres. Or, la chose se présente à moi comme devenir. Aussi, pour comprendre l’objet, faut-il voir que tout se tient sous les diverses apparences du devenir. Ce qui se tient, c’est la substance : l’arbre change mais c’est le même arbre. Ainsi pensé-je que le devenir est supporté par une identité à savoir la substance. Mais, à son tour, le changement reste identique à lui-même. Les choses changent toujours de la même façon. Malgré les apparences, les mêmes causes entraînent les mêmes effets. Nous trouvons donc la permanence à l’intérieur du changement. Dans la nature, tout se tient ; les causes ne sont pas isolées, elles s’entrecroisent. Ainsi le vase clos est-il relié à l’univers par sa clôture.

4° – Comprendre, c’est donner plus ou moins de valeur à son jugement

Comprendre consiste à savoir limiter la valeur de son jugement, c’est-à-dire le nuancer : par exemple, si l’on me pose la question de savoir combien il y a de tables dans une salle et que je suis à l’extérieur, je ferai un calcul qui me permettra de dire qu’il est possible que la salle contienne tant de tables. Le jugement que j’émettrai est problématique. Alors que si je suis dans la salle même, ma perception me met en rapport avec les tables réelles et le jugement que je vais émettre va être un jugement assertorique.

La catégorie du nécessaire apparaît au niveau des rapports conceptuels : j’émets alors un jugement apodictique (par exemple, lorsque j’affirme que la sphère est nécessairement obtenue par un demi cercle tracé autour du diamètre).

Références

Scholz, Oliver R. « Compréhension, interprétation et herméneutique ». Sens et interprétation, édité par Christian Berner et Denis Thouard, traduit par Christian Berner, Presses universitaires du Septentrion, 2008, https://doi.org/10.4000/books.septentrion.75173.

ARON Raymond, « Compréhension et signification », dans : Introduction à la philosophie de l’histoire sous la direction de ARON Raymond. Paris, Gallimard, « Tel », 1991, p. 57-60. URL : https://www.cairn.info/introduction-a-la-philosophie-de-l-histoire–9782070723539-page-57.htm

Source : Philosophie : « Qu’entend-on par comprendre ?», LIBRE SAVOIR.


À cette étape, le doute prend toute son importance et se soustraire à l’objectif d’avoir raison. Sans le doute, l’individu vit dans un système sans faille. Or, c’est par les failles que la lumière entre. Évidemment, plus l’individu vit dans le noir depuis une longue période, la lumière l’aveuglera. Il sera alors porté à colmater la faille qui laisse entrer cette lumière pour retrouver son confort… dans le noir. Se donner raison, c’est vivre dans le noir.


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Bref éloge du doute

Quand des convictions intimes deviennent certitudes absolues, la folie guette, la barbarie aussi. C’est pourquoi, tout en défendant ses choix, il faut cultiver le doute philosophique.

Par Roger-Pol Droit, Les Échos, 5 juillet 2019

« Ce n’est pas le doute, c’est la certitude qui rend fou. » Le diagnostic – établi par Nietzsche en 1888, dans « Ecce Homo » – paraît plus actuel et plus utile que jamais. Car notre époque voit proliférer et se durcir des kyrielles de pseudocertitudes affolantes. Elles engendrent des flots de discours, mais aussi des actions marquées par le délire et la déraison.

Complotistes, islamistes et djihadistes, collapsologues fanatiques de décroissance, néonazis, suprématistes blancs – par exemple… – rivalisent ainsi de certitudes qui les font délirer. Il n’est pas question de les mettre dans le même sac : des différences colossales et insurmontables les séparent. Malgré tout, ils ont en commun avec bon nombre d’autres contemporains d’être habités de convictions arrogantes, de se croire certains de détenir des vérités, de se considérer par là même justifiés à les mettre en œuvre quoi qu’il en coûte.

Contre cette montée des dogmatismes, il faut rappeler combien le noyau dur de l’attitude philosophique est au contraire constitué, depuis Socrate, par une forme spécifique de prise de distance envers les certitudes – même les mieux assurées, même les plus répandues. Il faut préciser que ce n’est évidemment pas toute certitude, quelle qu’elle soit, qui fait déraisonner. Que deux et deux fassent quatre, nul n’en doute. Mais cela ne suscite aucune fantasmagorie. La dérive commence seulement quand une croyance est confondue avec un savoir, quand une conviction forte est prise pour une vérité absolue.

Lire la suite : Les Echos.


Éprouver un malaise face au doute signale une confrontation avec ses certitudes, ses vérités, devenues des croyances, elles-mêmes devenues des dogmes. Il nous faut apprendre à vivre dans le doute et comment en tirer le bénéfice.

Dans l’enseignement de la pensée scientifique, je trouve la réponse à la question « Quel est le bénéfice du doute ? » « Il faut apprendre à tirer le bénéfice du doute » nous dit-on mais sans jamais nous préciser quel est ce fameux bénéfice. « Le bénéfice du doute », c’est la certitude ». Ce n’est qu’une fois que l’on a douté (remis en question) une connaissance, une expérience et ses résultats, ce que nous pensons, comment nous l’avons pensé… que l’on sera certain, jusqu’au prochain doute. Ainsi va la connaissance scientifique. Elle n’est certaine que le temps qu’un nouveau doute la remette en question, soutenu par une connaissance nouvelle ou complémentaire.

« La connaissance (scientifique) se bâtit sur la destruction du déjà-su ». Une nouvelle connaissance scientifique vient en détruire une plus ancienne pour prendre sa place. Ce processus n’est possible que si on accepte de douter de toutes les connaissances scientifiques, de rien prendre pour acquis pour l’éternité. Le scientifique n’a jamais raison. Son opinion n’a aucune valeur. Il dispose uniquement des preuves fournies par ses expériences, reprises par ses collègues pour les confirmer. Bref, pas de doute, pas de connaissance scientifique.

Et pourquoi n’en serait-il pas ainsi dans nos vies ? Si oui, ce n’est plus la connaissance (expérience su savoir) qui mobilise l’attention mais plutôt le processus et plus particulièrement le doute. C’est ma capacité de douter qui donne à mon esprit toute sa valeur. Je peux avoir confiance en moi que si je doute.

C’est la démonstration de mes doutes que met de l’avant ma force de conviction, non pas à titre de vérité ou de croyance, mais d’une simple idée à débattre.

Toute ma vie professionnelle fut bâtie sur mes idées, mes idées de solutions à des problèmes. Je ne me suis pas avancé en soutenant avoir raison mais avec des idées originales et contextualisées.

J’ai mené la plus grande partie de ma carrière à titre de travailleur indépendant (autonome) plutôt que d’employé. Ainsi, je me suis soustrait à l’influence du système de l’entreprise cliente de mes idées. J’ai aussi échappé à l’obligation d’une vision de l’intérieur de l’entreprise au profit d’une vision de l’extérieur permettant la prise de recul nécessaire pour cerner et comprendre le problème à l’étude.

Jamais au grand jamais je me suis présenté en affirmant « J’ai raison » et je vous démontrerai que « Vous avez raison » de retenir mes services. Ma devise : « Je propose, vous disposez. »

J’exposais mes idées sous la forme de projets développés sur papier. Autrement dit, peu importe le démarchage, je déposais toujours un projet écrit original pour chaque client avec un résultat de 80/20[2] pour la signature d’un contrat. J’ai donc gagné ma vie en écrivant.

Je ne demandais pas au client de me donner raison mais d’expérimenter avec moi la réalisation d’un projet avec une définition claires de l’objet, de l’objectif et des moyens. Je me suis imposé ces définitions après avoir observé une certaine confusion chez les décideurs en entreprise.

Tous mes projets/écrits visaient un seul objectif : démontrer que je comprenais le problème avoué ou non par le décideur. En effet, souvent le décideur désire ce dont il n’a pas besoin. Mais mission : l’amener à désirer ce dont il a réellement besoin.

Les décideurs me demandaient souvent mon opinion, ce à quoi je me refusais en affirmant « Mes opinions ne comptent pas. Je me trompe souvent mais ce n’est pas le cas de mes recherches. » Je soutenais ma position en insistant sur le processus scientifique auquel je soumettais mes recherches. « Il nous faut entretenir le doute sur la décision à prendre jusqu’à ce que les résultats de mes recherches soient connus. »

À cette époque je ne vendais plus mes idées mais je testais celles des autres proposées aux décideurs. Mes projets se présentaient alors comme des « projets de recherche » consistant en une série de tests, chacun soumis à un processus scientifique. Le défi du décideur est d’accepter ces résultats.

À son habitude, le décideur fonde ses décisions sur des études, des rapports statistiques notamment des sondages, les résultats de groupes de discussion et le fruit de ses échanges avec d’autres personnes, compris des conseillers externes. À vrai dire, en bout de ligne, c’est son opinion au sujet de ces études, de ces rapports… qui compte le plus dans la balance ou, si vous préférez, sa subjectivé.


images_books_101107« Nous aimons croire que nous sommes objectifs, que nous sommes intéressés par l’information objective. En fait, à moins qu’une personne devienne subjective au sujet d’une information objective, elle ne s’y intéressera pas et elle ne sera pas motivée par cette information. Nous disons juger objectivement, mais en réalité nous réagissons subjectivement.

Nous faisons continuellement des choix dans notre vie quotidienne. Nous choisissons des « choses » qui nous apparaissent subjectivement, mais nous considérons nos choix comme étant objectifs. »

We like to believe that we are objective, that we are interested in objective information. Actually, unless one becomes subjective about a new objective information, he is not interested in it and is not motivated by it. We say we judge objectively, but actually we react subjectively.

We continually make choices in daily life. We choose the « things » which appeal to us subjectively, but we consider the choices objective. »

Source : CHESKIN, Louis, Basis For marketing Decision, Liveright, New York, 1961, p. 82.


« Avoir raison » ou « Se donner raison » se fonde toujours sur la subjectivité de l’individu. Aucune opinion, aucun jugement, ne peut se targuer d’être un tant soit peu objectif. Pour être honnête, il nous faudrait toujours déclarer « Voici ce qui a attiré mon attention ». Et les plus humbles d’entre nous ajouteront : « Et ce n’est peut-être pas l’essentiel ».

Dans ce contexte, la subjectivité fournit des indices sur la sensibilité, la culture et l’expérience de l’individu. Il est donc impossible de la bannir de la réflexion pour autant que l’on puisse la cerner.


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Dans son rapport au savoir, et plus largement au réel, la bêtise est celle de la doxa, dont le règne mérite d’être qualifié de dictature idéologique tant son influence est contraignante. Il y a un dogme de la doxa que l’on pourrait décomposer selon trois traits distinctifs, et qui relèvent tous d’une survalorisation des fonctions intellectuelles : narcissique, angoissée, et fataliste. Le narcissisme de l’opinion se caractérise par une surdétermination des atouts psychologiques, qui se répand en discours dérisoires de rationalisation, de dénégation de l’ignorance, employant au service de la certitude les arguments les plus inconsistants — l’évidence sensible (c’est vrai parce que je l’ai vu), l’autorité (c’est vrai parce qu’un tel l’a dit) et le consensus (c’est vrai parce que tout le monde le dit) —. L’opinion a toujours raison.

L’ignorant justifie sa propre ignorance en en faisant porter la responsabilité par quelqu’un ou quelque chose d’autre que lui ; s’il ignore, ça n’est pas de son propre chef, ça n’est pas qu’il est bête, c’est qu’il a été empêché de savoir — la proximité du narcissisme et de la paranoïa est ici flagrante —. L’exaltation de soi est d’autant plus forte que le sujet n’est pas dupe de ce qui s’oppose au libre exercice de son intelligence feinte. Elle atteint son paroxysme lorsqu’il se flatte de ce qu’on lui cache, car pourquoi faudrait-il tenir un impuissant dans l’ignorance ? La plupart du temps, l’homo loquax se moque bien de toute justification à son discours (laquelle se satisfait de l’obscurité de l’implicite), puisque l’enjeu est tout autre : la justification de soi par le discours. La manière est commode. « C’est parce que je l’affirme vrai que ça l’est » assure-t-il, en lieu et place de « c’est parce que c’est vrai que je l’affirme ». Ce qui est affirmé dans le discours, c’est l’image d’un soi-même désirée mais non réalisée, par répugnance pour ce long et patient travail d’ascèse qu’impose tout désir authentique de connaissance. Ce qui est affirmé, c’est l’impuissance de la raison, drapée du voile de la certitude. Le besoin de certitude cache l’angoisse, le deuxième trait distinctif de l’opinion évoqué plus haut. Le besoin irréfléchi de positivités conduit à ce comportement intellectuel trouble qui voit tout discours, pour aussi inepte qu’il fût, confirmé par n’importe quoi de persuasif ou de rassurant. L’« idiot » pense sur le mode de la fascination, la fascination du vraisemblable, et son manque d’imagination à créer un sens du monde le conduit le plus souvent à se rendre au consensus amiotique de la culture. Le sentiment de déréliction, qui ne manque d’envahir toute conscience affrontant la question du sens du monde, est traité par l’homme de l’opinion par la distraction. La pensée d’opinion est une conduite de fuite à l’égard du réel qui ne cesse de manifester sa cruauté, sa résistance à l’égard de notre désir de vérité et de bien-être. La maladie, la douleur, la vieillesse, la mort font l’objet d’une crainte incontrôlée ou d’une indifférence feinte. Et que dire des désordres de l’âme (passions, désirs refoulés, espoirs déçus…), des aléas et du chaos de l’histoire (les violences absurdes du totalitarisme, de la pauvreté, de l’injustice sociale…), des incertitudes de la science (caractère provisoire des théories, problèmes irrésolus) ? Le fatalisme, troisième trait distinctif de l’opinion, traduit l’inefficacité des stratégies communes à résoudre une crainte irréductible et des désirs irrépressibles. Victime de lui-même, acculé au constat d’impuissance, le misologue choisit l’extrême refuge de l’indigence en quoi consiste d’ériger des faits en commandements. Comme le troupeau de brebis, qui prend la fuite soudaine d’une des leurs pour un ordre, il fait sien, parce qu’il ne le comprend pas, tout ce qui s’affirme et le persuade. Impuissant à jouir du réel — il n’en connaît que les postiches de positivités — il se contente des miettes du banquet et, à la manière du chameau de Nietzsche, se charge du poids des valeurs esclaves. Et si pour jouir il adopte les distractions, ça n’est pas pour être heureux mais pour oublier qu’il ne l’est pas.

Source : GO Nicolas, « La sagesse du philosophe », Le Philosophoire, 2003/2 (n° 20), p. 67-81. DOI : 10.3917/phoir.020.0067. URL : https://www.cairn.info/revue-le-philosophoire-2003-2-page-67.htm.


Dans ce contexte, revenons à la question posée en tête de l’article « L’art de couper les cheveux en quatre » dans le numéro de juin 2024 de Philosophie magazine : « Quand peut-on se fier à son jugement ? ».

L’auteur de cet article, Alexandre Lacroix enchaine en soutenant que « Selon les circonstances, il existe plusieurs manières de répondre à cette question ». En fait, il en propose quatre.[3]


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  1. « Je sais que j’ai raison, parce que beaucoup de gens pensent ou font comme moi. »

Alexandre Lacroix qualifie cette approche de « conformiste ». Lorsque je pense ou que je fais comme « beaucoup de gens », je me questionne à savoir si nous ne sommes pas tous dans l’erreur. Je double mon doute de ma créativité. Ma sensibilité attire tout particulièrement mon attention sur les problèmes persistant d’une génération à l’autre. J’avoue préférer vivre en marge, ce qui me permet des prises de recul originales ou non conformistes.

  1. « Je sais que j’ai raison parce que, lorsque je mets mes idées en pratique, ça marche, j’obtiens de bon résultat. »

« Cette approche relève du pragmatisme » écrit Alexandre Lacroix. Si une idée mise en pratique fonctionne et donne de bon résultat, pourquoi dois-je ajouter « J’ai raison » ? Juger une idée ne sert pas la crédibilité du fondement de son utilité.

  1. « Je sais que j’ai raison, parce que je peux avancer des arguments solides en faveur de ma position et répondre aux objections.»

« L’une des méthodes couramment utilisées pour savoir si l’on a raison consiste à soumettre son avis ou son projet aux autres. On s’en remet alors à la dynamique de la délibération » écrit Alexandre Lacroix. Est-ce là attendre des autres qu’ils nous donnent raison ? Faut-il que les autres me donnent raison pour combler mon désir d’avoir raison ? Et si c’est le cas, est-ce réellement mon désir d’avoir raison pour me conforter dans ma position ou mon désir d’avoir raison sur les autres ? Est-ce nécessaire ?

  1. « Je sais que j’ai raison, parce que je dis la vérité et que je peux le prouver !»

SUR LE WEB : https://www.philomag.com/articles/lart-de-couper-les-cheveux-en-quatre


« La vérité la vérité la vérité est une poignée de sable fin. La vérité la vérité la vérité qui glisse entre mes doigts » chante de philosophe et artiste Raôul Duguay dans Le voyage :

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« La vérité est une invention de l’Homme.

L’Homme est imparfait.

Donc la vérité est imparfaite. »

Serge-André Guay, Observatoire de la philothérapie


Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ». La philosophe Myriam Revault d’Allonnes va encore plus loin en parlant d’une « ère post-factuel » dans son livre « La faiblesse du vrai » :


c.myriam-tevault-d-allonnes-1a-1024Il n’en va pas de même avec la « post-vérité » selon laquelle — à suivre le dictionnaire d’Oxford — les faits objectifs ont moins d’importance que leur appréhension subjective. La capacité du discours politique à modeler l’opinion publique en faisant appel aux émotions prime sur la réalité des faits. Peu importe que ces derniers informent ou non les opinions : l’essentiel, c’est l’impact du propos. Le partage du vrai et du faux devient donc insignifiant au regarde de l’efficacité du « faire-croire ». L’ère de la post-vérité est aussi celle du post-factuel.

Source : Revault d’Allonnes, Myriam, La faiblesse du vrai, Introduction, p. 11.


L’erreur serait pourtant de penser que la post-vérité et la fabrication de « faits alternatifs » dans des sociétés démocratiques relèvent des mêmes mécanismes que l’idéologie totalitaire. Certes, dans les deux cas on propose un substitut à la réalité, un réarrangement de toute la texture factuelle en sorte qu’un monde fictif vient en lieu et place du monde des expériences et des relations que nous avons en partage et qui est le « sol » sur lequel nous nous tenons.

Dans les systèmes totalitaires, une idéologie « fantasmatiquement fictive » suscite un monde à la fois mensonger et cohérent que l’expérience est impuissante à contrarier. Le penser idéologique s’affranchit de l’existence de la réalité plus « vraie » que celle que nous appréhendons et percevons. Il ordonne les faits selon une procédure entièrement logique : en partant d’une prémisse tenue pour un axiome et dont tout le reste est déduit, on parvient à une cohérence jamais rencontrée dans le réel.

Source : Revault d’Allonnes, Myriam, La faiblesse du vrai, Introduction, p. 14.[4]


La vérité se fait bardasser par tout un chacun en ces temps qui courent. Elle est victime d’érosion comme les berges soumis aux ondes de tempête provoquées par les changements climatiques.[5]

Soutenir que l’on a raison parce qu’on dit la vérité, preuves à l’appui, est d’abord et avant tout une affaire de croyance. Et dans ce cas, les preuves ne sont que des croyances si elles ne sont pas scientifiques. « Avoir raison », c’est croire que ce que l’on pense est vrai ou prendre pour vrai ce que l’on pense. « Dire la vérité », c’est croire que l’on dit la vérité. Peu importe la nature des preuves à l’appui, il faut en douter, être toujours prêt à les remettre en question. Ce qui est vrai un jour ne le sera peut-être pas un jour suivant.


« La vérité la vérité la vérité est une poignée de sable fin.
La vérité la vérité la vérité qui glisse entre mes doigts.
 »

DUGUAY, Raôul, Le voyage, Disque 2, Monter en amour, 1993.


À la vérité, je préfère et de loin la connaissance, cette expérience personnelle ou professionnelle du Savoir, pour autant que l’on sache distinguer Savoir, Connaissance, Opinion et Croyance.

Guillaume Lecointre[6] s’attarde à la différence entre Savoir, Croyance et Opinion dans son Guide de l’enseignement « Savoirs, opinions, croyances – Une réponse laïque et didactique aux contestations de la science en classe, Édition Belin / Humensis, 2018. » Ce livre est référencé dans le manuel scolaire « Esprit critique et scientifique, Enseignement scientifique Terminale,  » dont voici un court extrait :


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Savoir – Un savoir s’appuie sur des données et des faits objectifs, concrets et rationnels qui peuvent être justifiés, prouvés et qui sont validés collectivement. Au point de départ d’un savoir, on trouve un questionnement ; chaque savoir peut être continuellement questionné, voire potentiellement réfuté.

Croyance – Une croyance est une certitude individuelle et subjective qui peut reposer sur l’autorité ou sur la confiance, mais qui n’a pas été validée de façon objective. Une croyance n’est pas justifiée rationnellement et elle ne peut donc pas être réfutée.

Opinion – Une opinion repose sur de multiples fondements, plus ou moins objectifs et rationnels : des savoirs, des croyances, des informations de sources diverses, des vécus individuels ou collectifs, ou encore des données culturelles et sociales. / Une opinion est personnelle, mais elle peut être débattue, exposée, confrontée, ce qui lui permet souvent d’évoluer.

L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.

― Aristote

Source : Différencier savoir, opinion et croyance, Esprit critique et scientifique, Enseignement scientifique Terminale, lelivrescolaire.fr, p. 271.


Il nous faut aussi tenir compte de la distinction entre Savoir et Connaissance.


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Le savoir est un construit formalisé pour être transmis. Il est décrit dans des ouvrages, des programmes d’études, des documents. Le savoir est admis et partagé par une communauté, qui le place justement au rang de « savoir » ; il peut dès lors être transmis (par exemple, enseigné), acquis et valorisé. La transmission du savoir se fait par apprentissage ; en d’autres mots, pour devenir connaissance, le savoir doit être appris. Cela suppose un acte volontaire, « une démarche mentale active au cours de laquelle chaque apprenant confronte toute information nouvelle avec ses connaissances antérieures avant de l’incorporer dans sa base de connaissances » (12). Pour intérioriser un savoir, il faut le comprendre et se l’approprier.

L’intériorisation, l’incorporation de savoirs et d’expériences par une personne produisent la connaissance. Ainsi, la connaissance recouvre une dimension individuelle, alors que le savoir est plus général et « impersonnel » au sens qu’il n’est pas lié à une personne. La connaissance ne se transmet pas mais peut être transposée d’une situation à une autre par le même individu. La connaissance permet d’appréhender une réalité, de se faire une idée de la situation.

(…)

Il est possible de dire aussi que la connaissance est un processus dynamique permanent, alors que le savoir est « figé » à un moment donné en sachant que, par ailleurs, il est évolutif et formalisé par périodes. Selon Juignet, « Il est cependant intéressant de distinguer le processus actif de production, que nous nommerons la “connaissance”, de son résultat, que nous appellerons le “savoir”. Il s’agit de faire jouer la différence entre l’action et son résultat, ce qui revient à dire que la mise en acte d’une connaissance produit du savoir » (13).

_____________

  1. Nendaz M, Charlin B, Leblanc V, Bordage G. Le raisonnement clinique : données issues de la recherche et implications pour l’enseignement. Pédagogie médicale. 2005 Nov;6(4):235-54.
  1. Juignet P. Philosophie, science et société : connaissance – savoir (définitions) [En ligne sur Internet Archive].

Source : Dallaire C, Jovic L. Distinguer savoir et connaissances. Rech Soins Infirm. 2021 Mar;(144):7-9.


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Différence entre savoir et connaître

Sur le plan sémantique, connaître, c’est avoir la connaissance de l’existence d’une chose, c’est l’identifier, la tenir pour réelle; tandis que savoir, c’est avoir une connaissance approfondie d’une chose qui résulte d’un apprentissage, c’est avoir dans l’esprit un ensemble d’idées et d’images constituant des connaissances à propos de cet objet de pensée.

Généralement, savoir implique une connaissance plus approfondie et plus rationnelle que connaître.

Source : Différence entre savoir et connaître, Banque de dépannage linguistique, Office québécois de la langue française, consulté le 25 août 2024.


Il ne s’agit donc pas d’avoir ou de se donner raison lorsqu’on parle de la connaissance et du savoir. Il s’agit de comprendre.


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« Connaître » c’est rassembler le maximum d’information, « savoir » c’est intégrer cette connaissance dans son esprit, « comprendre » c’est relier ce savoir à tout ce qu’on sait déjà et l’utiliser pour aller plus loin dans la conscience de soi-même et du monde.

Source : BRISSON, Pierre, Connaître, Savoir, Comprendre! Exploration spatiale | Le blog de Pierre Brisson, 16 mai 2020.


« J’ai compris » ne signifie pas « J’ai raison ». Autrement dit, le but de l’exercice de compréhension ne s’inscrit pas dans une démarche pour avoir raison. Car, lorsque je comprends, je ne juge pas. Je me rends à une évidence en mon intelligence ou, si vous préférez, une évidence m’est révélée en ma conscience. Bref, comprendre ne me donne pas raison. Je peux ainsi m’expliquer ou expliquer ma compréhension, y réfléchir et, si besoin est, l’exposer aux autres. Et cet exposé ne sert pas davantage à me donner raison sur les autres mais plutôt constitue un simple partage de connaissance et de savoir qui demeure discutable par le fait même que l’on puisse en douter.

Je ne m’oppose pas à la raison, cette « faculté qui permet à l’être humain de connaître, juger et agir conformément à des principes ( compréhension, entendement, esprit, intelligence), et spécialement de bien juger et d’appliquer ce jugement à l’action ( discernement, jugement, bon sens) » (définition de raison, Le Robert – Dico en ligne).

Cette définition généraliste de la raison implique de « juger », de « bien juger ». Or, « le jugement fou le camp[7] », par manque d’attention, de formation, d’expérience, de connaissance, de savoir, de rigueur, de logique… Aussi, le jugement est devenu affaire d’opinion davantage que de raison.


fernand-buisson-002Juger, dit Aristote, c’est affirmer une chose d’une autre chose. Le jugement est essentiellement l’opération de l’esprit qui consiste à affirmer un attribut d’un sujet. « Le feu est chaud, la terre est ronde, l’homme est un animal raisonnable, Dieu est bon », sont des jugements.

Exprimé par le langage, le jugement s’appelle proposition. Toute proposition a en effet trois termes : le sujet et l’attribut, mis en rapport par le verbe.

Source : BUISSON, Ferdinand, Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire, sous la direction de Ferdinand BUISSON, 1911. Édition électronique de l’institut français de l’éducation consultée le 28 août 2024.


Aujourd’hui, le jugement n’est pas une simple « proposition ». On croit en son jugement. On se donne implicitement raison en jugeant.

On a le jugement facile et industriel, comme des produits fabriqués à la chaîne par des robots qui ne pensent pas. On va même jusqu’à se donner de la valeur sur la base de ses jugements, une valeur toute subjective.

Notons aussi la dictature des jugements de valeur sur les jugements de la réalité ou d’existence, sur l’expression des faits. L’Office québécois de la langue française offre cette définition du jugement de valeur : « Opinion formulant une appréciation, des préférences, par laquelle un être projette sur un objet, une personne ou une activité ses desiderata. Note : S’oppose au jugement de réalité qui, lui, repose sur des faits, des critères objectifs.[8] »


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Kant: Synthetic A Priori Judgments

Traduction en français après le texte en anglais

Varieties of Judgment

In the Prolegomena to any Future Metaphysic (1783) Kant presented the central themes of the first Critique in a somewhat different manner, starting from instances in which we do appear to have achieved knowledge and asking under what conditions each case becomes possible. So he began by carefully drawing a pair of crucial distinctions among the judgments we do actually make.

The first distinction separates a priori from a posteriori judgments by reference to the origin of our knowledge of them. A priori judgments are based upon reason alone, independently of all sensory experience, and therefore apply with strict universality. A posteriori judgments, on the other hand, must be grounded upon experience and are consequently limited and uncertain in their application to specific cases. Thus, this distinction also marks the difference traditionally noted in logic between necessary and contingent truths.

But Kant also made a less familiar distinction between analytic and synthetic judgments, according to the information conveyed as their content. Analytic judgments are those whose predicates are wholly contained in their subjects; since they add nothing to our concept of the subject, such judgments are purely explicative and can be deduced from the principle of non-contradiction. Synthetic judgments, on the other hand, are those whose predicates are wholly distinct from their subjects, to which they must be shown to relate because of some real connection external to the concepts themselves. Hence, synthetic judgments are genuinely informative but require justification by reference to some outside principle.

Kant supposed that previous philosophers had failed to differentiate properly between these two distinctions. Both Leibniz and Hume had made just one distinction, between matters of fact based on sensory experience and the uninformative truths of pure reason. In fact, Kant held, the two distinctions are not entirely coextensive; we need at least to consider all four of their logically possible combinations:

  • Analytic a posteriori judgments cannot arise, since there is never any need to appeal to experience in support of a purely explicative assertion.
  • Synthetic a posteriori judgments are the relatively uncontroversial matters of fact we come to know by means of our sensory experience (though Wolff had tried to derive even these from the principle of contradiction).
  • Analytic a priori judgments, everyone agrees, include all merely logical truths and straightforward matters of definition; they are necessarily true.
  • Synthetic a priori judgments are the crucial case, since only they could provide new information that is necessarily true. But neither Leibniz nor Hume considered the possibility of any such case.

Unlike his predecessors, Kant maintained that synthetic a priori judgments not only are possible but actually provide the basis for significant portions of human knowledge. In fact, he supposed (pace Hume) that arithmetic and geometry comprise such judgments and that natural science depends on them for its power to explain and predict events. What is more, metaphysics—if it turns out to be possible at all—must rest upon synthetic a priori judgments, since anything else would be either uninformative or unjustifiable. But how are synthetic a priori judgments possible at all? This is the central question Kant sought to answer.


TRADUCTION

Variétés de jugement

Dans les Prolégomènes à une métaphysique future (1783), Kant a présenté les thèmes centraux de la première Critique d’une manière quelque peu différente, en partant de cas dans lesquels nous semblons avoir atteint la connaissance et en se demandant dans quelles conditions chaque cas devient possible. Il a donc commencé par établir soigneusement une paire de distinctions cruciales entre les jugements que nous portons effectivement.

La première distinction distingue les jugements a priori des jugements a posteriori en fonction de l’origine de la connaissance que nous en avons. Les jugements a priori sont fondés sur la seule raison, indépendamment de toute expérience sensorielle, et s’appliquent donc avec une stricte universalité. Les jugements a posteriori, en revanche, doivent être fondés sur l’expérience et sont par conséquent limités et incertains dans leur application à des cas spécifiques. Ainsi, cette distinction marque également la différence traditionnellement observée en logique entre les vérités nécessaires et les vérités contingentes.

Mais Kant fait également une distinction moins connue entre les jugements analytiques et les jugements synthétiques, en fonction de l’information qu’ils véhiculent en tant que contenu. Les jugements analytiques sont ceux dont les prédicats sont entièrement contenus dans leurs sujets ; comme ils n’ajoutent rien à notre concept du sujet, ces jugements sont purement explicatifs et peuvent être déduits du principe de non-contradiction. Les jugements synthétiques, en revanche, sont ceux dont les prédicats sont entièrement distincts de leurs sujets, auxquels il faut montrer qu’ils se rapportent en raison d’un lien réel extérieur aux concepts eux-mêmes. Par conséquent, les jugements synthétiques sont véritablement informatifs mais doivent être justifiés par référence à un principe extérieur.

Kant supposait que les philosophes précédents n’avaient pas réussi à faire correctement la différence entre ces deux distinctions. Leibniz et Hume n’avaient fait qu’une seule distinction, entre les faits fondés sur l’expérience sensorielle et les vérités non informatives de la raison pure. En fait, selon Kant, les deux distinctions ne sont pas entièrement coextensibles ; nous devons au moins considérer les quatre combinaisons logiquement possibles :

  • Les jugements analytiques a posteriori ne peuvent pas apparaître, puisqu’il n’est jamais nécessaire de faire appel à l’expérience pour soutenir une affirmation purement explicative.
  • Les jugements synthétiques a posteriori sont les questions de fait relativement peu controversées que nous connaissons grâce à notre expérience sensorielle (bien que Wolff ait essayé de les dériver du principe de contradiction).
  • Les jugements a priori analytiques, tout le monde en convient, comprennent toutes les vérités purement logiques et les questions de définition simples ; ils sont nécessairement vrais.
  • Les jugements synthétiques a priori constituent le cas crucial, puisqu’ils sont les seuls à pouvoir fournir de nouvelles informations nécessairement vraies. Mais ni Leibniz ni Hume n’ont envisagé la possibilité d’un tel cas.

Contrairement à ses prédécesseurs, Kant soutenait que les jugements synthétiques a priori sont non seulement possibles, mais qu’ils constituent en fait la base d’une grande partie de la connaissance humaine. En fait, il suppose (comme Hume) que l’arithmétique et la géométrie comprennent de tels jugements et que la science naturelle dépend d’eux pour son pouvoir d’expliquer et de prédire les événements. De plus, la métaphysique – si elle s’avère possible – doit reposer sur des jugements synthétiques a priori, car toute autre approche serait soit non informative, soit injustifiable. Mais comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles ? Telle est la question centrale à laquelle Kant a cherché à répondre.

Traduit avec http://www.DeepL.com/Translator (version gratuite)

Source : The Philosophy Pages by Garth Kemerling .


Je dénonce le détournement de la raison au profit de la confiance en soi et son glissement aveugle dans le monde des croyances. « Aussitôt dit, aussitôt cru. » L’obligation volontaire et/ou inconsciente de croire ce que l’on dit dénature la raison.

Du fait que l’on croit ce que l’on dit, on croit aussi que l’autre dit ce qu’il croit. Ainsi, nous demeurons dans le monde des croyances même lorsqu’il s’agit d’une simple opinion (d’un simple jugement). L’opinion n’est plus qu’une croyance.

Or, il manque une étape importante tenant à la nature même de la raison : le raisonnement. L’effort de raisonner par soi-même ne peut s’enclencher sans une formation et un entraînement rigoureux de notre esprit.


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Définition de raisonnement – nom masculin

  1. Activité de la raison (I), manière dont elle s’exerce.

Opinion fondée sur le raisonnement ou sur l’expérience.

  1. Fait de raisonner en vue de parvenir à une conclusion. Les prémisses, la conclusion d’un raisonnement. Un raisonnement juste ; faux.

Source : Raisonnement, Le Robert, dico en ligne. Consulté le 31 août 2024.


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Raisonnement – nom masculin


  1. Activité, exercice de la raison, de la pensée : Comprendre les choses par intuition plutôt qu’en faisant appel au raisonnement.

Contraires : instinct – intuition

  1. Suite d’arguments, de propositions liés les uns aux autres, en particulier selon des principes logiques, et organisés de manière à aboutir à une conclusion : Suivez bien mon raisonnement.

Synonymes : argument – déduction – démonstration – preuve – raison

Source : Raisonnement, Larousse. Consulté le 31 août 2024.


Dans notre société, les conclusions des raisonnements circulent davantage que la « suite d’argument, de propositions liés les uns aux autres, en particulier selon des principes logiques ».

Ainsi, nous adoptons des conclusions sans en connaître le raisonnement. Notre seule préoccupation consiste à croire ou non en cette conclusion en référence à nos autres croyances. « J’ai raison de croire » ou « J’ai raison de rejeter » cette conclusion. Il faut maintenir l’équilibre de la confiance en soi en ne mettant pas en cause ce que je crois déjà.

Le raisonnement, en cas de demande d’explication, viendra à posteriori. On justifiera ce l’on croit, souvent sans lien avec le raisonnement d’origine puisqu’on ne le connaît pas.

Toute conclusion éveille d’emblée nos mécanismes de défense, lesquels protègent alors notre confiance en soi et l’image que nous donnerons aux autres en l’adoptant ou en la rejetant. À la limite, il s’agit d’une réaction involontaire qui échappe à notre conscience.

Dans notre société submergée de conclusions, nous n’avons pas le temps de remonter au raisonnement à la source de chaque conclusion. Nous trouverons bien une raison pour expliquer notre croyance si jamais une demande d’explications se pointe.

Au-delà de nos mécanismes de défense, se trouve notre inconscient et ce dernier est informé par nos sens de ce qui se passe et des options qui s’offrent à nous (croire ou ne pas croire) bien avant notre conscience

Car il ne faut pas oublier notre subjectivité et sa gestion par notre inconscient a priori de tout travail de la conscience. Lorsque nos sens transmettent des sensations au cerveau, l’inconscient est le tout premier à en être informé. L’objet de la sensation devient une perception et elle sera appréciée suivant notre schéma de références, lui-même acquis inconsciemment au fil de nos expériences auprès des membres de notre famille, de nos amis et de nos ennemis, de nos professeurs, etc. Cette référence d’appréciation de l’objet perçu dicte alors l’attitude à adopter (favorable, défavorable ou indifférence) face à l’objet de la perception. Et cette attitude dictera la position à adopter ou le geste concret à poser. Tout ce processus demeure inconscient et a priori du processus conscient. Ce processus inconscient est particulièrement bien expliqué par le chercheur américains Louis Cheskin (1907-1981), pionnier de l’étude des motivations d’achat et de la recherche prédictive en marketing.[9]

Dans notre contexte, le stimuli d’origine capté par nos sens peut être aussi bien un texte lu ou une parole entendue exprimant une opinion (un jugement) ou une croyance. Lorsque le confiance en soi repose sur l’absence de doute, la certitude de détenir la vérité (sa vérité), une opinion soulevant un doute engendrera une attitude défavorable et nos mécanismes de défense la rejetteront, question de survie, de protection de la confiance en soi. Il faut avoir raison de penser ce que l’on pense sur toute la ligne. Le doute, ennemi no 1 de la confiance en soi, doit mourir dans l’œuf. Il est plus pressant de sauter aux conclusions plutôt que de s’enquérir du raisonnement en amont et réfléchir à son tour.

Il n’y a donc pas de prise de recul. On est en accord ou en désaccord avec l’opinion ou la croyance, sans réfléchir davantage.

Un monde où tout un chacun se donne raison vit dans un bocal étanche à tout raisonnement. De l’extérieur, nous pouvons nous demander si la raison n’a pas perdu la raison. C’est la dictature du « J’ai raison » sur la conscience et l’esprit. La raison, pour autant que cela soit logiquement envisageable, est en voie de déshumanisation, réduite à des réactions involontaires et inconscientes.

Quand l’opinion que l’on a des faits prime sur les faits eux-mêmes, on doit faire le deuil du raisonnement, de cette « Suite d’arguments, de propositions liés les uns aux autres, en particulier selon des principes logiques, et organisés de manière à aboutir à une conclusion ». Ainsi, le raisonnement ne s’exprime plus dans opinion. Seule la conclusion compte.

Revenons au texte de Philosophie Magazine. Dans son article, Alexandre Lacroix, pose cette question : « Quand peut-on se fier à son jugement ? » et il explique qu’il y a plusieurs manières d’y répondre selon les circonstances. Nous avons déjà vu les trois premières. Voici la quatrième :


« Je sais que j’ai raison, parce que je dis la vérité et que je peux le prouver ! »

SOURCE : LACROIX, Alexandre, L’art de couper les cheveux en quatre, Dossier : Comment savoir quand on a raison ? Philosophie Magazine, No 180, Juin 2024, p. 44.

SUR LE WEB : https://www.philomag.com/articles/lart-de-couper-les-cheveux-en-quatre


D’emblée Alexandre Lacroix précise que « La notion de preuve n’a pas le même sens dans tous les domaines (…) ». Il donne en exemple les preuves de la culpabilité d’un suspect (identification ADN, traces archéologiques, écrites ou photographiques) déposées au tribunal. Il enchaîne avec la preuve mathématique : « elle repose sur une démonstration contraignante qui progresse, à partir de ses prémisses, en respectant les règles formelles de la logique ».

« Malheureusement, écrit Alexandre Lacroix, il existe aussi de nombreux domaines où il n’est passible d’avancer aucune preuve! » Monsieur Lacroix ajoute : « C’est ce qu’affirme le philosophe autrichien Ludwig Wittgenstein dans son Tractatus logico-philosophicus (1921) : « en dehors des tautologies et des contradictions, qui sont toujours vraies ou fausses, seules les “propositions de la science naturelle” sont susceptibles de se révéler, après une confrontation avec l’expérience, exactes ou inexactes. (…) D’où cette règle que se propose de suivre Wittgenstein : “Ne rien dire que ce qui se laisse dire, à savoir les propositions de la science de la nature – quelque chose qui, par conséquent, n’a rien à voir avec la philosophie –, puis, quand quelqu’un voudrait dire quelque chose de métaphysique, lui démontrer toujours qu’il a omis de donner, dans ses propositions, une signification à certains signes. ” »

Alexandre Lacroix conclut son texte en ces mots : « En dehors du conformisme, du pragmatisme ou de la délibération, nous n’avons pas grand-chose pour nous conforter dans nos avis personnels : même quand les autres nous approuvent et que la chance nous sourit, dans l’absolu, il reste possible que nous ayons tort ! »

Et cette possibilité implique ce que je mets de l’avant dans ce texte : le doute. Il est le fondement de ma liberté de penser, de mon indépendance de penser. Je suis un libre penseur que si je doute. Je doute donc je suis libre ! Autrement, je suis comme cette luciole enfermé dans un bocal; ma raison devient prison. Je suis coupable d’abus et de détournement de raison. Bref, un appel à la raison est un appel au doute.

Pour celui ou celle qui cherche constamment à se donner raison, le doute éveille une sensibilité déstabilisante en laissant libre court aux émotions les plus inconfortables. Dans ce cas, le doute n’est pas une affaire raisonnable mais strictement émotive.

Dans cette relation émotionnelle avec le doute nous ne pouvons plus parler d’un « doute raisonnable ». Pour plusieurs, « douter de ce que l’on pense » revient à « douter de soi » et ainsi à remettre en cause la « confiance en soi ». Ce lien est fallacieux et insidieux car il rejette tout doute.

Pourquoi ? Parce que « Détenir la vérité » est devenu un besoin existentiel. On en trouve la démonstration dans la conclusion malheureuse de plusieurs débats interpersonnels : « À chacun sa vérité », « À chacun son opinion ». Ainsi, la personne s’enferme dans « sa » vérité et elle emprisonne l’autre dans la sienne. Tout doute est écarté ou, si vous préférez, la possibilité que nous ayons tort est réduite à néant. À la limite, on ne doutera plus de l’opinion de l’autre puisque la vérité est une affaire personnelle. Il est admis que chacun possède la vérité, « sa » vérité.

Ce besoin existentiel de vérité expulse le vrai et le faux universels au profit du particulier : « Pour autant que j’y crois ». Devenue individuelle, la vérité n’a plus besoin de s’accorder avec le réel, si ce n’est « ma » perception du réel et « mon intuition personnelle comme preuves de véracité de ce que je pense et de ce que je dis ». Bref, « Si je crois que c’est vrai, cela me suffit amplement. »

La question d’avoir « confiance en soi » est remplacée par celle d’avoir « foi en soi », d’avoir « Foi en ce que je crois ». C’est la religion de soi, le dogme de soi.

J’ai interrogé avec insistance une personne sur les preuves de ses affirmations interprétatives au sujet de l’actualité. Exaspérée, la personne finira par me répondre : « C’est moi la preuve ». J’ai cogité cette réponse plusieurs mois pour admettre que les affirmations de cette personne devaient être avant tout des croyances (vraies) plutôt que des vérités de faits. Ma demande répétée de preuves avait donc tout pour agacer cette personne puisque les croyances n’ont pas besoin de preuves formelles. Croire suffit.

Dans le cas précis de l’actualité diffusée par les médias d’information, le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur n’ont ni les compétences ni le temps de vérifier l’information. Pour adopter ou croire en une actualité, ils doivent donc s’en remettre aux médias d’information.

Paradoxalement, le doute reprend sérieusement du service dans le cas des médias d’information comme le démontre le Digital news reports Canada et l’Institut Reuters pour l’étude du journalisme. La confiance envers les médias d’information connaît une baisse constante.


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3.1 La confiance dans les nouvelles : La confiance envers la plupart des nouvelles la plupart du temps continue à fléchir au pays : seulement 39 % (-1 pp par rapport à 2023) des Canadiens partagent cette confiance (figure 34). Il s’agit du plus bas score obtenu par le Canada dans l’enquête jusqu’ici. Avec cette légère baisse depuis l’an dernier, ce score se retrouve tout juste en dessous du score international, qui reste stable (40 %), mais il demeure bien au-dessus des résultats des États-Unis (32 %) ou de la France (30 %)10. Depuis 2016, première participation du pays à l’enquête, la part de personnes en confiance est passée de 55 % à 39 % (-16 pp), et l’écart entre les Canadiens qui estiment pouvoir faire confiance à la plupart des informations la plupart du temps (39 %) et ceux qui réfutent cette idée (30 %) n’a jamais été aussi faible.

DIGITAL NEWS REPORT CANADA, SYNTHÈSE DES DONNÉES 2024, 3. CONFIANCE ET INTÉRÊT POUR LES NOUVELLES, 3.1 La confiance dans les nouvelles, Centre d’études sur les médias, p.44 (PDF).

3.4 L’évitement des nouvelles : Paradoxalement, l’augmentation de l’intérêt des Canadiens pour les nouvelles (voir section 3.2) concorde avec une hausse de la part de répondants les évitant (figure 37). Ils sont 69 % (+6 pp) à essayer au moins occasionnellement d’éviter les nouvelles, et 40 % des répondants (+7 pp) indiquent le faire parfois ou souvent. Dans les deux cas, ces proportions se rapprochent de celles de 2022 (respectivement 42 % et 71 %).

DIGITAL NEWS REPORT CANADA, SYNTHÈSE DES DONNÉES 2024, 3. CONFIANCE ET INTÉRÊT POUR LES NOUVELLES, 3.4 L’évitement des nouvelles, Centre d’études sur les médias, p.50 (PDF).

3.5 La fatigue informationnelle : Le sentiment de découragement face à la quantité d’informations suit le même mouvement que l’évitement des nouvelles (figure 38). La part de Canadiens s’estimant « découragé(e) par la quantité d’informations qui circule aujourd’hui » est passée de 28 % en 2019, dernière année où nous avions posé cette question, à 41 % en 2024 (+13 pp). Contrairement à ce qui était observé en 2019, les répondants anglophones sont plus portés à être découragés par la quantité d’informations qui circule (41 %, une hausse de 14 pp) que les francophones (38 %, une hausse de 6 pp).

DIGITAL NEWS REPORT CANADA, SYNTHÈSE DES DONNÉES 2024, 3. CONFIANCE ET INTÉRÊT POUR LES NOUVELLES, 3.5 La fatigue informationnelle, Centre d’études sur les médias, p.51 (PDF).


Statista nous offre un texte de Valentine Fourreau accompagné d’un graphique sous le titre « La confiance envers les médias à travers le monde » (24 oct. 2023) :

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Source web

https://fr.statista.com/infographie/25174/niveau-de-confiance-dans-les-medias-par-pays/


Le doute remettant en cause le degré de confiance envers les médias concerne, selon moi, plus spécifiquement les prises de position par les commentateurs-chroniqueurs (qui se donnent raison) et auxquels les rédactions accordent de plus en plus de place. La prise de connaissance de ces prises de position a le pouvoir de confronter les lecteurs, les auditeurs et les téléspectateurs. Qui plus est, et ce n’est pas de moindre importance, « les nouvelles ne sont pas bonnes », ce qui finit par ébranler le sentiment de sécurité des « consommateurs de médias », d’où l’évitement tire probablement une part de son explication. Le doute envers les médias…


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Si l’homme était forcé de se prouver à lui-même toutes les vérités dont il se sert chaque jour, il n’en finirait point ; il s’épuiserait en démonstrations préliminaires sans avancer ; comme il n’a pas le temps, à cause du court espace de la vie, ni la faculté, à cause des bornes de son esprit, d’en agir ainsi, il en est réduit à tenir pour assurés une foule de faits et d’opinions qu’il n’a eu ni le loisir ni le pouvoir d’examiner et de vérifier par lui-même, mais que de plus habiles ont trouvés ou que la foule adopte. C’est sur ce premier fondement qu’il élève lui-même l’édifice de ses propres pensées. Ce n’est pas sa volonté qui l’amène à procéder de cette manière ; la loi inflexible de sa condition l’y contraint.

Il n’y a pas de si grand philosophe dans le monde qui ne croie un million de choses sur la foi d’autrui, et qui ne suppose beaucoup plus de vérités qu’il n’en établit.

Ceci est non seulement nécessaire, mais désirable. Un homme qui entreprendrait d’examiner tout par lui-même ne pourrait accorder que peu de temps et d’attention à chaque chose ; ce travail tiendrait son esprit dans une agitation perpétuelle qui l’empêcherait de pénétrer profondément dans aucune vérité et de se fixer avec solidité dans aucune certitude. Son intelligence serait tout à la fois indépendante et débile. Il faut donc que, parmi les divers objets des opinions humaines, il fasse un choix et qu’il adopte beaucoup de croyances sans les discuter, afin d’en mieux approfondir un petit nombre dont il s’est réservé l’examen.

Il est vrai que tout homme qui reçoit une opinion sur la parole d’autrui met son esprit en esclavage ; mais c’est une servitude salutaire qui permet de faire un bon usage de la liberté.

Source : TOCQUEVILLE (de), Alexis, De la démocratie en Amérique, Tome III — Première partie — Influence de la Démocratie sur le Mouvement intellectuel aux États-Unis, Chapitre II — De la source principale des croyances chez les peuples démocratiques, Pagnerre, 1848, pp. 12-13 (Wikisource).


MA CONCLUSION

L’article «  L’art de couper les cheveux en quatre » d’Alexandre Lacroix de le numéro de juin 2024 de PHILOSOPHIE MAGAZINE est excellent en ce qu’il nous fait réfléchir sérieusement à la question « Quand peut-on se fier à son jugement ? » Ma recherche personnelle à la suite de la lecture de cet article me conduit à conclure que vivre dans un monde où tout chacun se donne raison, pour tout et pour rien, par habitude défensive de la confiance en soi, ne nous permet pas de vivre raisonnablement, c’est-à-dire en tirant le bénéfice du doute. La force de la raison se définit par la force du doute qu’elle entretient en plaçant la confiance en soi dans celui-ci. Ce n’est que si je doute que je peux, si je le désire, avoir raison, mais, dans le temps, cela se limite au prochain doute.

J’ai aussi pris davantage conscience que la philosophie est un monde d’idées plutôt que de certitudes. Pour philosopher, il m’apparaît essentiel de mettre sa raison au service des idées et de soumettre ces idées au doute pour réfléchir encore et encore. Je peux me fier à mon jugement que si j’en doute.

Aussi, la confiance en soi ne repose donc pas sur des certitudes mais sur mes facultés que me procure la simple fait d’Être, d’avoir une existence pour en prendre conscience et les développer. C’est là à la fois ma valeur ultime et mon devoir. Et avoir ou se donner raison ne sera jamais un outil utile pour accomplir ce devoir.

Enfin, avant de rejeter ou de se détourner d’une idée que l’on ne comprend pas, il faut se demander « Pourquoi je ne comprends pas ? ». Et si je comprends, je dois m’interroger à savoir pourquoi tel ou tel autre soutient le contraire, pour autant que je me donne la peine de ne pas épouser la première idée venue, de faire vraiment le tour du sujet. Dans ce contexte l’école devrait avoir comme première mission de nous apprendre à chercher, à trouver ce dont nous aurons besoin de savoir au cours de notre vie. Un professeur qui se donne raison ne sert à rien, sinon à enseigner que le bonheur, c’est d’avoir raison.


NOTES

[1]  Problem-directed men – Our greatest need in business and government, Louis Cheskin, The Bobbs-Merrill Company Inc., New York, 320 pages, 1964.

[2] Le taux de succès de mes démarches auprès de clients potentiels s’élevait 80%. Habituellement, le taux de succès est de 20% (20/80).

[3] SOURCE : LACROIX, Alexandre, L’art de couper les cheveux en quatre, Dossier : Comment savoir quand on a raison ? Philosophie Magazine, No 180, Juin 2024, pp. 44-49.

SUR LE WEB : https://www.philomag.com/articles/lart-de-couper-les-cheveux-en-quatre

[4] Voir aussi mon résumé de lecture sur le site web de l’Observatoire de la philothérapie : Article # 22 – La faiblesse du vrai, Myriam Revault d’Allones, Seuil.

[5] Voir aussi : « J’ai un problème avec la vérité », Observatoire de la philothérapie.

[6] « Guillaume Lecointre est l’auteur de plusieurs livres à succès aux éditions Belin, notamment la Classification phylogénétique du vivant et le Guide critique de l’évolution. Il intervient fréquemment dans les écoles, collèges et lycées. »

[7] GRAND’MAISON, Jacques (1931-2016), Quand le jugement fou le camp. Essai sur la déculturation, Les Éditions Fides, 1999, 230 page. (Gratuit sur le site web Les Classiques des Sciences sociales – Université du Québec à Chicoutimi.)

[8] Jugement de valeur, Grand dictionnaire terminologique, Office québécois de la langue française, Auteur de la définition : Académie des sciences commerciales, 1979.

[9] Voir le site web : Comment motiver les consommateurs à l’achat avec Louis Cheskin. Lien vers le site web : http://louis-cheskin.blogspot.com/


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DOSSIER

QUAND LA PHILOSOPHIE NOUS AIDE

 Page d’accueil du dossier

Liste des rapports de lecture et autres articles

Article # 1 : Introduction

Témoignage de ma recherche personnelle au sujet de la philothérapie (philosophie + thérapie) ou, si vous préférez, de la pratique de la philosophie en clinique. Il s’agit de consultation individuel ou de groupe offert par un philosophe praticien pour nous venir en aide. Elle se distingue de la « psychothérapie » (psychologie + thérapie) en ce qu’elle utilise des ressources et des procédés et poursuit de objectifs propres à la philosophie. On peut aussi parler de « philosophie appliquée ».

Article # 2 : Mise en garde contre le copinage entre la philosophie et la psychologie

La philothérapie gagne lentement mais sûrement en popularité grâce à des publications de plus en plus accessibles au grand public (voir l’Introduction de ce dossier).

L’un des titres tout en haut de la liste s’intitule « Platon, pas Prozac! » signé par Lou Marinoff paru en français en l’an 2000 aux Éditions Logiques. Ce livre m’a ouvert à la philothérapie.

L’auteur est professeur de philosophie au City College de New York, fondateur de l’Association américaine des praticiens de la philosophie (American Philosophical Practitioners Association) et auteurs de plusieurs livres.

Article # 3 : Philothérapie – Libérez-vous par la philosophie, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun

Présentation du livre Philothérapie – Libérez-vous par la philosophie suivie de mes commentaires de lecture.

Article # 4 : Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie. Jean-Eudes Arnoux, Éditions Favre

Présentation du livre Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie suivie de mes commentaires de lecture.

Article # 5 : Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai, Laurence Bouchet, Éditions Marabout

Cet article présente et relate ma lecture du livre « Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai », de Laurence Bouchet aux Éditions Marabout. Malheureusement ce livre n’est plus disponible à la vente tel que mentionné sur le site web de l’éditeur. Heureusement on peut encore le trouver et l’acheter dans différentes librairies en ligne.

Article # 6 : Une danse dangereuse avec le philothérapeute Patrick Sorrel

Cet article se penche sur l’offre du philothérapeute Patrick Sorrel.

Article # 7 : La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence, Eugénie Vegleris

Le livre « La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence » de Madame Eugénie Vegleris aux Éditions Eyrolles se classe en tête de ma liste des meilleurs essais que j’ai lu à ce jour au sujet de la « philothérapie ».

Article # 8 : Guérir la vie par la philosophie, Laurence Devillairs, Presses universitaires de France

À ce jour, tous les livres dont j’ai fait rapport de ma lecture dans ce dossier sont l’œuvre de philosophes consultants témoignant de leurs pratiques fondées sur le dialogue. Le livre « Guérir la vie par la philosophie » de Laurence Devillairs aux Presses universitaires de France (PUF) diffère des précédents parce que l’auteure offre à ses lecteurs une aide direct à la réflexion sur différents thèmes.

Article # 9 : Du bien-être au marché du malaise – La société du développement personnel – par Nicolas Marquis aux Presses universitaires de France

J’ai lu ce livre à reculons. J’ai appliqué les feins dès les premières pages. L’objectivité sociologique de l’auteur m’a déplu. Ce livre présente aux lecteurs des observations, que des observations. L’auteur n’en tire aucune conclusion.

Article # 10 : Happycratie : comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, Eva Illouz et Edgar Cabanas, Premier Parallèle, 2018

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il m’a révélé les coulisses de la quête du bonheur au cœur de notre société néo-libérale. Je savais que cette obsession du bonheur circulait au sein de la population, notamment par le biais des coach de vie et des agents de développement personnel, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle cachait une véritable industrie soutenue par une idéologie psychologisante. Jusque-là, je ne connaissais de cette industrie que le commerce des livres et la montée en puissance des coachs de vie dédiés à la recherche du bonheur.

Article # 11 : La consultation philosophique, Oscar Brenifier, Éditions Alcofribas, 2020

J’ai adoré ce livre. Il est dense, très dense. On ne peut pas le lire comme un roman. Me voici enfin devant un auteur qui dit tout, où, quand, comment il observe, comment il pense, comment il chemine, comment il voit, comment il entend, comment il anticipe, comment il tire ses conclusions… Bref, un auteur qui expose son propre système de pensée dans un essai plus que formateur pour le nôtre.

Article # 12 : Fin du chapitre : Oscar Brenifier, philosophe praticien

La lecture du livre «La consultation philosophique» signé par le philosophe praticien Oscar Brenifier (voir article #11 de notre dossier «Consulter un philosophe – Quand la philosophie nous aide») nous apprend qu’il adresse un document à ses clients potentiels. J’ai écrit à monsieur Brenifier pour lui demander s’il pouvait me faire parvenir ce document.

Article # 13 : La philo-thérapie, Éric Suárez, Éditions Eyrolles, 2007

Cet article présente et relate ma lecture du livre du «La philo-thérapie» de Éric Suárez, Docteur en philosophie de l’Université Laval (Québec), philosophe praticien (Lausanne), publié en 2007 aux Éditions Eyrolles. Ce livre traite de la consultation philosophique ou, si vous préférez, de la philo-thérapie, d’un point de vue pratique. En fait, il s’agit d’un guide pour le lecteur intéressé à acquérir sa propre approche du philosopher pour son bénéfice personnel. Éric Suárez rassemble dans son ouvrage vingt exemples de consultation philosophiques regroupés sous cinq grands thèmes : L’amour, L’image de soi, La famille, Le travail et le Deuil.

Article # 14 : Comment choisir son philosophe ? Guide de première urgence à l’usage des angoissés métaphysiques, Oreste Saint-Drôme avec le renfort de Frédéric Pagès, La Découverte, 2000

Ce livre se caractérise par l’humour de son auteur et se révèle ainsi très aisé à lire. D’ailleurs l’éditeur nous prédispose au caractère divertissant de ce livre en quatrième de couverture : «Étudier in extenso la pensée des grands théoriciens et en extraire un mode de réflexion agissant est une mission impossible pour l’honnête homme/femme. C’est pourquoi l’auteur de cet ouvrage aussi divertissant que sérieux propose des voies surprenantes au premier abord, mais qui se révèlent fort praticables à l’usage. L’une passe par la rencontre avec la vie et la personnalité du philosophe : la voie des affinités électives».

Article # 15 : La philosophie comme manière de vivre, Pierre Habot, Entretiens avec Jeanne Cartier et Arnold I Davidson, Le livre de poche – Biblio essais, Albin Michel, 2001

Référencé par un auteur à mon programme de lecture, le livre «La philosophie comme manière de vivre» m’a paru important à lire. Avec un titre aussi accrocheur, je me devais de pousser plus loin ma curiosité. Je ne connaissais pas l’auteur Pierre Hadot : «Pierre Hadot (né à Paris, le 21 février 1922, et mort à Orsay, le 24 avril 20101) est un philosophe, historien et philologue français, spécialiste de l’Antiquité, profond connaisseur de la période hellénistique et en particulier du néoplatonisme et de Plotin. Pierre Hadot est l’auteur d’une œuvre développée notamment autour de la notion d’exercice spirituel et de la philosophie comme manière de vivre.» (Source : Wikipédia)

Article # 16 : La philosophie, un art de vivre de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021

Jeanne Hersch, éminente philosophe genevoise, constate une autre rupture encore, celle entre le langage et la réalité : « Par-delà l’expression verbale, il n’y a pas de réalité et, par conséquent, les problèmes ont cessé de se poser (…). Dans notre société occidentale, l’homme cultivé vit la plus grande partie de sa vie dans le langage. Le résultat est qu’il prend l’expression par le langage pour la vie même. » (L’étonnement philosophique, Jeanne Hersch, Éd. Gallimard.) / On comprend par là qu’aujourd’hui l’exercice du langage se suffit à lui-même et que, par conséquent, la philosophie se soit déconnectée des problèmes de la vie quotidienne.» Source : La philosophie, un art de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021, Préface,  p. 9.

Article # 17 : Socrate à l’agora : que peut la parole philosophique ?, Collectif sous la direction de Mieke de Moor, Éditions Vrin, 2017

J’ai trouvé mon bonheur dès l’Avant-propos de ce livre : «Laura Candiotto, en insistant sur le rôle joué par les émotions dans le dialogue socratique ancien et sur l’horizon éthique de celui-ci, vise à justifier théoriquement un «dialogue socratique intégral», c’est-à-dire une pratique du dialogue socratique qui prend en compte des émotions pour la connaissance.» Enfin, ai-je pensé, il ne s’agit plus de réprimer les émotions au profit de la raison mais de les respecter dans la pratique du dialogue socratique. Wow ! Je suis réconforté à la suite de ma lecture et de mon expérience avec Oscar Brenifier dont j’ai témoigné dans les articles 11 et 12 de ce dossier.

Article # 18 : La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence, Lou Marinoff, La table ronde, 2004

Lou Marinoff occupe le devant de la scène mondiale de la consultation philosophique depuis la parution de son livre PLATON, PAS PROJAC! en 1999 et devenu presque’intantément un succès de vente. Je l’ai lu dès sa publication avec beaucoup d’intérêt. Ce livre a marqué un tournant dans mon rapport à la philosophie. Aujourd’hui traduit en 27 langues, ce livre est devenu la bible du conseil philosophique partout sur la planète. Le livre dont nous parlons dans cet article, «  La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence », est l’une des 13 traductions du titre original « The Big Questions – How Philosophy Can Change Your Life » paru en 2003.

Article # 19 : S’aider soi-même – Une psychothérapie par la raison, Lucien Auger, Les Éditions de l’Homme

J’ai acheté et lu « S’aider soi-même » de Lucien Auger parce qu’il fait appel à la raison : « Une psychothérapie par la raison ». Les lecteurs des articles de ce dossier savent que je priorise d’abord et avant tout la philothérapie en place et lieu de la psychothérapie. Mais cette affiliation à la raison dans un livre de psychothérapie m’a intrigué. D’emblée, je me suis dit que la psychologie tentait ici une récupération d’un sujet normalement associé à la philosophie. J’ai accepté le compromis sur la base du statut de l’auteur : « Philosophe, psychologue et professeur ». « Il est également titulaire de deux doctorats, l’un en philosophie et l’autre en psychologie » précise Wikipédia. Lucien Auger était un adepte de la psychothérapie émotivo-rationnelle créée par le Dr Albert Ellis, psychologue américain. Cette méthode trouve son origine chez les stoïciens dans l’antiquité.

Article # 20 (1/2) : Penser par soi-même – Initiation à la philosophie, Michel Tozzi, Chronique sociale

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.

Article # 20 (2/2) : Penser par soi-même – Initiation à la philosophie, Michel Tozzi, Chronique sociale

Dans la première partie de ce rapport de lecture du livre « Penser par soi-même – Initiation à la philosophie » de Michel Tozzi, je vous recommandais fortement la lecture de ce livre : « J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.» Je suis dans l’obligation d’ajouter cette deuxième partie à mon rapport de lecture de ce livre en raison de ma relecture des chapitres 6 et suivants en raison de quelques affirmations de l’auteur en contradiction avec ma conception de la philosophie.

Article # 21 – Agir et penser comme Nietzsche, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun

J’accorde au livre Agir et penser comme Nietzsche de Nathanaël Masselot cinq étoiles sur cinq. Aussi facile à lire qu’à comprendre, ce livre offre aux lecteurs une excellente vulgarisation de la philosophie de Friedricha Wilhelm Nietzsche. On ne peut pas passer sous silence l’originalité et la créativité de l’auteur dans son invitation à parcourir son œuvre en traçant notre propre chemin suivant les thèmes qui nous interpellent.

Article # 22 – La faiblesse du vrai, Myriam Revault d’Allones, Seuil

Tout commence avec une entrevue de Myriam Revault d’Allonnes au sujet de son livre LA FAIBLESSE DU VRAI à l’antenne de la radio et Radio-Canada dans le cadre de l’émission Plus on de fous, plus on lit. Frappé par le titre du livre, j’oublierai le propos de l’auteur pour en faire la commande à mon libraire.

Article # 23 – Pour une philothérapie balisée

Le développement personnel fourmille de personnes de tout acabit qui se sont improvisées conseillers, coachs, thérapeutes, conférenciers, essayistes, formateurs… et auxquelles s’ajoutent des praticiens issus des fausses sciences, notamment, divinatoires et occultes, des médecines et des thérapies alternatives. Bref, le développement personnel attire toute sorte de monde tirant dans toutes les directions.

Article # 24 – Comment nous pensons, John Dewey, Les empêcheurs de penser en rond / Seuil

Je n’aime pas cette traduction française du livre How we think de John Dewey. « Traduit de l’anglais (États-Unis) par Ovide Decroly », Comment nous pensons parait aux Éditions Les empêcheurs de penser en rond / Seuil en 2004. – Le principal point d’appui de mon aversion pour traduction française repose sur le fait que le mot anglais « belief » est traduit par « opinion », une faute majeure impardonnable dans un livre de philosophie, et ce, dès les premiers paragraphes du premier chapitre « Qu’entend-on par penser ? »

Article # 25 – Une philothérapie libre axée sur nos besoins et nos croyances avec Patrick Sorrel

Hier j’ai assisté la conférence Devenir philothérapeute : une conférence de Patrick Sorrel. J’ai beaucoup aimé le conférencier et ses propos. J’ai déjà critiqué l’offre de ce philothérapeute. À la suite de conférence d’hier, j’ai changé d’idée puisque je comprends la référence de Patrick Sorrel au «système de croyance». Il affirme que le «système de croyance» est une autre expression pour le «système de penser». Ce faisant, toute pensée est aussi une croyance.

Article # 26 – Une pratique philosophique sans cœur

J’éprouve un malaise face à la pratique philosophique ayant pour objectif de faire prendre conscience aux gens de leur ignorance, soit le but poursuivi par Socrate. Conduire un dialogue avec une personne avec l’intention inavouée de lui faire prendre conscience qu’elle est ignorante des choses de la vie et de sa vie repose sur un présupposé (Ce qui est supposé et non exposé dans un énoncé, Le Robert), celui à l’effet que la personne ne sait rien sur le sens des choses avant même de dialoguer avec elle. On peut aussi parler d’un préjugé philosophique.

Article # 27 – Êtes-vous prisonnier de vos opinions ?

Si votre opinion est faite et que vous n’êtes pas capable d’en déroger, vous êtes prisonnier de votre opinion. Si votre opinion est faite et que vous êtes ouvert à son évolution ou prêt à l’abandonner pour une autre, vous êtes prisonnier de l’opinion. Si votre opinion compte davantage en valeur et en vérité que les faits, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si votre opinion est la seule manière d’exprimer vos connaissances, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous pensez que l’opinion est le seul résultat de votre faculté de penser, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous prenez vos opinion pour vraies, vous êtes prisonnier de vos opinions.

Article # 28 – La pratique philosophique – Une méthode contemporaine pour mettre la sagesse au service de votre bien-être, Jérôme Lecoq, Eyrolles, 2014

J’ai mis beaucoup de temps à me décider à lire « La pratique philosophique » de Jérôme Lecoq. L’auteur est un émule d’Oscar Brenifier, un autre praticien philosophe. J’ai vécu l’enfer lors de mes consultations philosophiques avec Oscar Brenifier. Ainsi toute association de près ou de loin avec Oscar Brenifier m’incite à la plus grande des prudences. Jérôme Lecoq souligne l’apport d’Oscar Brenifier dans les Remerciements en première page de son livre « La pratique philosophique ».

Article # 29 – Je sais parce que je connais

Quelle est la différence entre « savoir » et « connaissance » ? J’exprime cette différence dans l’expression « Je sais parce que je connais ». Ainsi, le savoir est fruit de la connaissance. Voici quatre explications en réponse à la question « Quelle est la différence entre savoir et connaissance ? ».

Article # 30 – Les styles interpersonnels selon Larry Wilson

J’ai décidé de publier les informations au sujet des styles interpersonnels selon Larry Wilson parce que je me soucie beaucoup de l’approche de la personne en consultation philosophique. Il m’apparaît important de déterminer, dès le début de la séance de philothérapie, le style interpersonnel de la personne. Il s’agit de respecter la personnalité de la personne plutôt que de la réprimer comme le font les praticiens socratiques dogmatiques. J’ai expérimenté la mise en œuvre de ces styles inter-personnels avec succès.

Article # 31 – La confiance en soi – Une philosophie, Charles Pépin, Allary Éditions, 2018

Le livre « La confiance en soi – Une philosophie » de Charles Pépin se lit avec une grande aisance. Le sujet, habituellement dévolue à la psychologie, nous propose une philosophie de la confiance. Sous entendu, la philosophie peut s’appliquer à tous les sujets concernant notre bien-être avec sa propre perspective.

Article # 32 – Les émotions en philothérapie

J’ai vécu une sévère répression de mes émotions lors deux consultations philosophiques personnelles animées par un philosophe praticien dogmatique de la méthode inventée par Socrate. J’ai témoigné de cette expérience dans deux de mes articles précédents dans ce dossier.

Article # 33 – Chanson « Le voyage » par Raôul Duguay, poète, chanteur, philosophe, peintre… bref, omnicréateur québécois

Vouloir savoir être au pouvoir de soi est l’ultime avoir / Le voyage / Il n’y a de repos que pour celui qui cherche / Il n’y a de repos que pour celui qui trouve / Tout est toujours à recommencer

Article # 34 – « Ah ! Là je comprends » ou quand la pensée se fait révélation

Que se passe-t-il dans notre système de pensée lorsque nous nous exclamons « Ah ! Là je comprends » ? Soit nous avons eu une pensée qui vient finalement nous permettre de comprendre quelque chose. Soit une personne vient de nous expliquer quelque chose d’une façon telle que nous la comprenons enfin. Dans le deux cas, il s’agit d’une révélation à la suite d’une explication.

Article # 35 – La lumière entre par les failles

Âgé de 15 ans, je réservais mes dimanches soirs à mes devoirs scolaires. Puis j’écoutais l’émission Par quatre chemins animée par Jacques Languirand diffusée à l’antenne de la radio de Radio-Canada de 20h00 à 22h00. L’un de ces dimanches, j’ai entendu monsieur Languirand dire à son micro : « La lumière entre par les failles».

Article # 36 – Les biais cognitifs et la philothérapie

Le succès d’une consultation philosophique (philothérapie) repose en partie sur la prise en compte des biais cognitifs, même si ces derniers relèvent avant tout de la psychologie (thérapie cognitive). Une application dogmatique du dialogue socratique passe outre les biais cognitifs, ce qui augmente les risques d’échec.

Article # 37 – L’impossible pleine conscience

Depuis mon adolescence, il y a plus de 50 ans, je pense qu’il est impossible à l’Homme d’avoir une conscience pleine et entière de soi et du monde parce qu’il ne la supporterait pas et mourrait sur le champ. Avoir une pleine conscience de tout ce qui se passe sur Terre et dans tout l’Univers conduirait à une surchauffe mortelle de notre corps. Il en va de même avec une pleine conscience de soi et de son corps.

Article # 38 – Verbalisation à outrance : «Je ne suis pas la poubelle de tes pensées instantanées.»

Le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre français, a été interrogé par la journaliste Pascale Senk du quotidien Le Figaro au sujet de son livre Savoir se taire, savoir parler, coécrit avec Laurent Carouana et paru en 2017. Le titre de l’article a retenu mon attention : Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole».

Article # 39 – Comment dialoguer de manière constructive ? par Julien Lecomte, Philosophie, médias et société

Reproduction de l’article « Comment dialoguer de manière constructive ? », un texte de Julien Lecomte publié sur son site web PHILOSOPHIE, MÉDIAS ET SOCIÉTÉ. https://www.philomedia.be/. Echanger sur des sujets de fond est une de mes passions. Cela fait plusieurs années que je m’interroge sur les moyens de faire progresser la connaissance, d’apprendre de nouvelles choses. Dans cet article, je reviens sur le cheminement qui m’anime depuis tout ce temps, pour ensuite donner des pistes sur les manières de le mettre en pratique concrètement.

Article # 40 – Le récit d’initiation en spirale

Dans le récit initiatique, il s’agit de partir du point A pour aller au point B afin que le lecteur ou l’auditeur chemine dans sa pensée vers une révélation permettant une meilleure compréhension de lui-même et/ou du monde. La référence à la spirale indique une progression dans le récit où l’on revient sur le même sujet en l’élargissant de plus en plus de façon à guider la pensée vers une nouvelle prise de conscience. Souvent, l’auteur commence son récit en abordant un sujet d’intérêt personnel (point A) pour évoluer vers son vis-à-vis universel (point B). L’auteur peut aussi se référer à un personnage dont il fait évoluer la pensée.

Article # 41 – La philothérapie – Un état des lieux par Serge-André Guay, Observatoire québécois de la philothérapie

Cet article présente un état des lieux de la philothérapie (consultation philosophique) en Europe et en Amérique du Nord. Après un bref historique, l’auteur se penche sur les pratiques et les débats en cours. Il analyse les différentes publications, conférences et offres de services des philosophes consultants.

Article # 42 – L’erreur de Descartes, Antonio Damasio, Odile Jacob, 1995

J’ai découvert le livre « L’erreur de Descartes » du neuropsychologue Antonio R. Damasio à la lecture d’un autre livre : L’intelligence émotionnelle de Daniel Goleman. L’édition originale de ce livre est parue en 1995 en anglais et j’ai lu la traduction française à l’été 1998 parue un an auparavant chez Robert Laffont. Diplômé de l’université Harvard et docteur en psychologie clinique et développement personnel, puis journaliste au New York Times, où il suit particulièrement les sciences du comportement, Daniel Goleman nous informe dans son livre « L’intelligence émotionnel » au sujet de la découverte spectaculaire pour ne pas dire révolutionnaire de Antonio R. Damasio à l’effet que la raison a toujours besoin d’un coup des émotions pour prendre des décisions. Jusque-là, il était coutume de soutenir que les émotions perturbaient la raison, d’où l’idée de les contrôler.

Article # 43 – Éloge de la pratique philosophique, Sophie Geoffrion, Éditions Uppr, 2018

Ma lecture du livre ÉLOGE DE LA PRATIQUE PHILOSOPHIQUE de la philosophe praticienne SOPHIE GEOFFRION fut agréable et fort utile. Enfin, un ouvrage court ou concis (le texte occupe 65 des 96 pages du livre), très bien écrit, qui va droit au but. La clarté des explications nous implique dans la compréhension de la pratique philosophique. Bref, voilà un éloge bien réussi. Merci madame Geoffrion de me l’avoir fait parvenir.

Article # 44 – Consultation philosophique : s’attarder à l’opinion ou au système de pensée ?

Dans cet article, je m’interroge à savoir la consultation philosophique doit s’attarder à l’opinion ou au système pensée du client. OPINION – Le philosophe praticien cible l’opinion de son client en vue de démontrer l’ignorance sur laquelle elle repose et, par conséquent, l’absence de valeur de vérité qu’elle recèle. Cette pratique repose sur le « questionnement philosophique ».

Article # 45 – Sentir et savoir – Une nouvelle théorie de la conscience, Antonio Damasio, Éditions Odile Jacob

Dans son livre « Sentir et savoir », Antonio Damasio propose « Une nouvelle théorie de la conscience ». Il démontre que la conscience ne peut pas exister sans le corps. Il identifie dans le corps la capacité de sentir comme préalable à la conscience.

Article # 46 – Dépression et philosophie : Du mal du siècle au mal de ce siècle, Robert Redeker, Editions Pleins Feux, 2007

Un si petit livre, seulement 46 pages et en format réduit, mais tellement informatif. Une preuve de plus qu’il ne faut se fier aux apparences. Un livre signé ROBERT REDEKER, agrégé de philosophie originaire de la France, connaît fort bien le sujet en titre de son œuvre : DÉPRESSION ET PHILOSOPHIE.

Article # 47 – Savoir se taire, savoir parler, Dr Jean-Christophe Seznec et Laurent Carouana, InterÉditions, 2017

La plupart des intervenants en psychologie affirment des choses. Ils soutiennent «C’est comme ceci» ou «Vous êtes comme cela». Le lecteur a le choix de croire ou de ne pas croire ce que disent et écrivent les psychologues et psychiatres. Nous ne sommes pas invités à réfléchir, à remettre en cause les propos des professionnels de la psychologie, pour bâtir notre propre psychologie. Le lecteur peut se reconnaître ou pas dans ces affirmations, souvent catégoriques. Enfin, ces affirmations s’apparentent à des jugements. Le livre Savoir se taire, savoir dire de Jean-Christophe Seznec et Laurent Carouana ne fait pas exception.

Article # 48 – Penser sa vie – Une introduction à la philosophie, Fernando Savater, Éditions du Seuil, 2000

Chapitre 1 – La mort pour commencer – Contrairement au philosophe Fernando Savater dans PENSER SA VIE – UNE INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE, je ne définie pas la vie en relation avec la mort, avec son contraire. Je réfléchie et je parle souvent de la mort car il s’agit de l’un de mes sujets préféré depuis mon adolescence. Certaines personnes de mon entourage pensent et affirment que si je parle aussi souvent de la mort, c’est parce que j’ai peur de mourir. Or, je n’ai aucune peur de la mort, de ma mort, de celles de mes proches. Je m’inquiète plutôt des conséquences de la mort sur ceux et celles qui restent, y compris sur moi-même.

Article # 49 – Pourquoi avons-nous des couleurs de peau et des physiques si différents ?

À la lumière du documentaire LE SOLEIL ET DES HOMMES, notamment l’extrait vidéo ci-dessus, je ne crois plus au concept de race. Les différences physiques entre les hommes découlent de l’évolution naturelle et conséquente de nos lointains ancêtres sous l’influence du soleil et de la nature terrestre, et non pas du désir du soleil et de la nature de créer des races. On sait déjà que les races et le concept même de race furent inventés par l’homme en se basant sur nos différences physiques. J’abandonne donc la définition de « race » selon des critères morphologiques…

Article # 50 – Extrait du mémoire de maîtrise «Formation de l’esprit critique et société de consommation» par Stéphanie Déziel

Dans le cadre de notre dossier « Consulter un philosophe », la publication d’un extrait du mémoire de maîtrise « Formation de l’esprit critique et société de consommation » de Stéphanie Déziel s’impose en raison de sa pertinence. Ce mémoire nous aide à comprendre l’importance de l’esprit critique appliqué à la société de consommation dans laquelle évoluent, non seule les jeunes, mais l’ensemble de la population.

Article # 51 – « En fait, c’est dans son incertitude même que réside largement la valeur de la philosophie. » Bertrand Russell

Je reproduis ci-dessous une citation bien connue sur le web au sujet de « la valeur de la philosophie » tirée du livre « Problèmes de philosophie » signé par Bertrand Russell en 1912. Mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique, Bertrand Russell soutient que la valeur de la philosophie réside dans son incertitude. À la suite de cette citation, vous trouverez le texte de Caroline Vincent, professeur de philosophie et auteure du site web « Apprendre la philosophie » et celui de Gabriel Gay-Para tiré se son site web ggpphilo. Des informations tirées de l’Encyclopédie Wikipédia au sujet de Bertrand Russell et du livre « Problèmes de philosophie » et mon commentaire complètent cet article.

Article # 52 – Socrate et la formation de l’esprit critique par Stéphanie Déziel

Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil; et, s’ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système ni un lit. Ne vous lassez pas d’examiner et de comprendre. (…) Lisez, écoutez, discutez, jugez; ne craignez pas d’ébranler des systèmes; marchez sur des ruines, restez enfants. (…) Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui; vous avez compris, en l’écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l’aune, et que les conclusions ne sont pas l’important; restez éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n’est point mort; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s’asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n’est point mort; Socrate n’est point vieux. (…) – Alain, (Emile Charrier), Vigiles de l’esprit.

Article # 53 – J’ai un problème avec la vérité

Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».

Article # 54 – Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs, Iaria Gaspard, Presses Universitaires de France, 2022

J’accorde à ce livre trois étoiles sur cinq. Le titre « Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs » a attiré mon attention. Et ce passage du texte en quatrième de couverture m’a séduit : «En proposant une voyage philosophique à travers l’histoire des émotions, Iaria Gaspari bouscule les préjugés sur notre vie émotionnelle et nous invite à ne plus percevoir nos d’états d’âme comme des contrainte ». J’ai décidé de commander et de lire ce livre. Les premières pages m’ont déçu. Et les suivantes aussi. Rendu à la moitié du livre, je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agissait d’un témoignage de l’auteure, un témoignage très personnelle de ses propres difficultés avec ses émotions. Je ne m’y attendais pas, d’où ma déception. Je rien contre de tels témoignages personnels qu’ils mettent en cause la philosophie, la psychologie, la religion ou d’autres disciplines. Cependant, je préfère et de loin lorsque l’auteur demeure dans une position d’observateur alors que son analyse se veut la plus objective possible.

Article # 55 – Savoir, connaissance, opinion, croyance

Tout repose sur le Savoir. L’expérience personnelle et/ou professionnelle qu’on fait du Savoir, après en avoir pris conscience, se retrouve à la base des Connaissances que nous possédons. Les Opinions expriment des Jugements des connaissances et inspirent souvent les Croyances.

Article # 56 – Philosophie, science, savoir, connaissance

La philosophie, mère de toutes les sciences, recherche la sagesse et se définie comme l’Amour de la Sagesse. La sagesse peut être atteinte par la pensée critique et s’adopte comme Mode de vie. • La philosophie soutient la Science et contribue à la naissance et au développement de la méthode scientifique, notamment avec l’épistémologie.

Article # 57 – La philosophie encore et toujours prisonnière de son passé ?

La philothérapie, principale pratique de la philosophie de nos jours, met sans cesse de l’avant les philosophes de l’Antiquité et de l’époque Moderne. S’il faut reconnaître l’apport exceptionnel de ces philosophes, j’ai parfois l’impression que la philothérapie est prisonnière du passé de la philosophie, à l’instar de la philosophie elle-même.

Article # 58 – Le Québec, un désert philosophique

Au Québec, la seule province canadienne à majorité francophone, il n’y a pas de tradition philosophique populaire. La philosophie demeure dans sa tour universitaire. Très rares sont les interventions des philosophes québécois dans l’espace public, y compris dans les médias, contrairement, par exemple, à la France. Et plus rares encore sont les bouquins québécois de philosophie en tête des ventes chez nos libraires. Seuls des livres de philosophes étrangers connaissent un certain succès. Bref, l’espace public québécois n’offre pas une terre fertile à la Philosophie.

Article # 59 – La naissance du savoir – Dans la tête des grands scientifiques, Nicolas Martin, Éditions Les Arènes, 2023.

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il me permet d’en apprendre beaucoup plus sur la pensée scientifique telle que pratiquée par de grands scientifiques. L’auteur, Nicolas Martin, propose une œuvre originale en adressant les mêmes questions, à quelques variantes près, à 17 grands scientifiques.

Article # 60 – Pourquoi est-il impossible d’atteindre l’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique ?

Cet article répond à ce commentaire lu sur LinkedIn : « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique est indispensable. » Il m’apparaît impossible de viser « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique » et de prétendre que cet équilibre entre les trois disciplines soit « indispensable ». D’une part, le développement personnel est devenu un véritable fourre-tout où l’ivraie et le bon grain se mélangent sans distinction, chacun avançant sa recette à l’aveugle.

Article # 61 – Le commerce extrême de la philosophie avec les « philopreneurs »

En ne s’unissant pas au sein d’une association nationale professionnelle fixant des normes et des standards à l’instar des philosophes consultants ou praticiens en d’autres pays, ceux de la France nous laissent croire qu’ils n’accordent pas à leur disciple tout l’intérêt supérieur qu’elle mérite. Si chacun des philosophes consultants ou praticiens français continuent de s’affairer chacun dans son coin, ils verront leur discipline vite récupérée à mauvais escient par les philopreneurs et la masse des coachs.

Article # 62 – Soigner par la philosophie, En marche – Journal de la Mutualité chrétienne (Belgique)

“ Après les succès d’Épicure 500 vous permettant de faire dix repas par jour sans ballonnements, après Spinoza 200 notre inhibiteur de culpabilité, les laboratoires Laron, vous proposent Philonium 3000 Flash, un médicament révolutionnaire capable d’agir sur n’importe quelle souffrance physique ou mentale : une huile essentielle d’Heidegger pour une angoisse existentielle, une substance active de Kant pour une douleur morale…. Retrouvez sagesse et vitalité en un instant ”, s’amusaient les chroniqueurs radio de France Inter dans une parodie publicitaire diffusée à l’occasion d’une émission ayant pour thème : la philosophie peut-elle soigner le corps ?

Article # 63 – Contre le développement personnel. Thiery Jobard, Éditions Rue de l’échiquier, 2021

J’attribue quatre étoiles sur cinq à ce livre. Les lecteurs assidus de mes articles connaissent fort bien ma position plus que défavorable face au développement personnel. À l’instar de Thiery Jobard, je suis contre le développement personnel. Je qualifie le développement personnel d’arnaque extrêmement dangereuse pour ses adeptes et notre société.

Article # 64 – Apocalypse cognitive – La face obscure de notre cerveau, Gérald Bronner, Presses Universitaires de France (PUF), 2021

Le philothérapeute (philosophe consultant ou philosophe praticien) a l’obligation de très bien connaître le contexte dans lequel évolue son client. Le développement de l’esprit critique de ce client passe inévitablement par une prise de conscience de sa cognition en vue de comprendre comment il connaît. Si, dès le départ, le client n’a pas conscience de son mode de pensées, il lui sera difficile de participer activement au dialogue avec son philothérapeute. L’objectif primaire du philosophe consultant demeure de déceler et de corriger les biais cognitifs de son client avant même d’abord une question philosophique. Bref, si la »machine à pensée » du client est corrompu par des «virus cognitifs », une «réinitialisation » s’impose en début de séance de consultation.

Article # 65 – Développement (im)personnel – Le succès d’une imposture, Julia de Funès, Éditions de l’observatoire/Humensis, 2019

Dans son livre « Développement (im) personnel, Julia de Funès, docteure en philosophie, soutient que le développement personnel offre la même recette à tous et qu’à ce titre il ne peut donc pas se qualifier sa démarche de « personnel ». Selon ma compréhension, le développement personnel devrait mettre de l’avant un développement personnalisé, c’est-à-dire adapté à chaque individu intéressé pour se targuer d’être personnel.

Article # 66 – Savoirs, opinions, croyances – Une réponse laïque et didactique aux contestations de la science en classe, Guillaume Lecointre, Édition Belin / Humensis, 2018

Mon intérêt pour la pensée scientifique remonte à plus de 25 ans. Alors âgé d’une quarantaine d’année, PDG d’une firme d’étude des motivations d’achat des consommateurs, je profite des enseignements et de l’étude du processus scientifique de différentes sources. Je me concentre vite sur l’épistémologie…

Article # 67 – À l’école du doute – Apprendre à penser juste en découvrant pourquoi l’on pense faux, Marc Romainville, Presses Universitaires de France / Humensis, 2023

Ce livre m’a déçu en raison de la faiblesse de sa structure indigne de son genre littéraire, l’essai. L’auteur offre aux lecteurs une foule d’information mais elle demeure difficile à suivre en l’absence de sous-titres appropriés et de numérotation utile pour le repérage des énumérations noyés dans un style plus littéraire qu’analytique.

Article # 68 – Ébauche d’un annuaire : philothérapeutes, philosophes consultants, philosophes praticiens

En l’absence d’une association d’accréditation des philothérapeutes, philosophes consultants ou praticiens en francophonie, il est difficile de les repérer. Il ne nous reste plus que de nombreuses recherches à effectuer sur le web pour dresser une liste, aussi préliminaire soit-elle. Les intervenants en philothérapie ne se présentent pas tous sous la même appellation : « philothérapeute », « philosophe consultant » ou « philosophe praticien » « conseiller philosophique » « philosophe en entreprise », « philosophe en management » et autres.

Article # 69 – Guérir l’impossible – Une philosophie pour transformer nos souffrances en forces, Christopher Laquieze, Guy Trédaniel Éditeur, 2023

J’ai lu le livre GUÉRIR L’IMPOSSIBLE en me rappelant à chaque page que son auteur, Christopher Laquieze, est à la fois philosophe et thérapeute spécialisé en analyse comportementale. Pourquoi ? Parce que ce livre nous offre à la fois un voyage psychologique et philosophique, ce à quoi je ne m’attendais pas au départ. Ce livre se présente comme « Une philosophie pour transformer nous souffrances en forces ». Or, cette philosophie se base davantage sur la psychologie que la philosophie. Bref, c’est le « thérapeute spécialisé en analyse comportementale » qui prend le dessus sur le « philosophe ».

Article # 70 – Agir et penser comme Platon – Sage, penseur, philosophe, juste, courageux …, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun

Nathaniel Masselot maîtrise fort bien son écriture visiblement axée sur son accessibilité et sa compréhension par tous. Loin de la vulgarisation simpliste, l’auteur nous parle comme nous parlons. Loin de l’écriture hermétique, l’auteur n’a pas la tête dans les nuages et isolé dans une tour surplombant la société; il marche auprès de nous. Avec ses références à l’actualité, il campe son lecteur dans la réalité quotidienne où il évolue.

Article # 71 – 7 règles pour une vie (presque) sans problème, Simon Delannoy, 2022

Ma lecture de ce livre m’a procuré beaucoup de plaisir et de bonheur. Je recherche dans mes lectures les auteurs et les œuvres permettant aux lecteurs d’évoluer de prise de conscience en prise de conscience de la première à la dernière page, de ne plus être le même à la fin de la lecture. Et c’est ce que les lecteurs vivront à la lecture de ce livre.

Article # 72 – Les philo-cognitifs – Ils n’aiment que penser et penser autrement…, Fanny Nusbaum, Olivier Revol, Dominic Sappey-Marinier, Odile Jacob, Paris, 2019

Je n’ai pas aimé ce livre parce que son titre, LES PHILO-COGNITIFS, se réfère à la philosophie sans pour autant faire un traitement philosophique de son sujet. Mon achat reposait entièrement sur le titre de ce livre et je m’attendais à un livre de philosophie. Mais il s’agit d’un livre de psychologie. Mon achat fut intuitif. J’avais pleinement confiance dans l’usage du mot « PHILO » en titre d’un ouvrage pour que ce dernier ne puisse traiter d’un autre sujet que philosophique. Mais ce n’est pas le cas.

Article # 73 – Qu’est-ce que la philosophie ? Michel Meyer, Le livre de poche, Librairie générale française, Paris, 1997

J’aime beaucoup les livres d’introduction et de présentation de la philosophie parce qu’ils ramènent toujours les lecteurs à l’essentiel, aux bases de la discipline. À la question « Qu’est-ce que la philosophie ? », Michel Meyer répond : « La philosophie est depuis toujours questionnement radical. C’est pourquoi il importe aujourd’hui de questionner le questionnement, même si on ne l’a jamais fait auparavant. » MEYER, Michel, Qu’est-ce que la philosophie ? – Les questions ultime de la pensée, Le livre de poche © Librairie Générale Française, Paris, 1997. p. 18.

Article # 74 – Présentations de la philosophie, André Comte-Sponville, Éditions Albin Michel, Le livre de poche, 2000

À l’instar de ma lecture précédente (Qu’est-ce que la philosophie ? de Michel Meyer), le livre PRÉSENTATIONS DE LA PHILOSOPHIE du philosophe ANDRÉ COMTE-SPONVILLE m’a plu parce qu’il met en avant les bases mêmes de la philosophie et, dans ce cas précis, appliquées à une douzaine de sujets…

Article # 75 – Les théories de la connaissance, Jean-Michel Besnier, Que sais-je?, Presses universitaires de France, 2021

J’ai dévoré le livre LES THÉORIES DE LA CONNAISSANCE par JEAN-MICHEL BESNIER avec un grand intérêt puisque la connaissance de la connaissance me captive. Amateur d’épistémologie, ce livre a satisfait une part de ma curiosité. Évidemment, je n’ai pas tout compris et une seule lecture suffit rarement à maîtriser le contenu d’un livre traitant de l’épistémologie, notamment, de son histoire enchevêtrée de différents courants de pensée, parfois complémentaires, par opposés. Jean-Michel Besnier dresse un portrait historique très intéressant de la quête philosophique pour comprendre la connaissance elle-même.

Article # 76 – Philosophie de la connaissance – Croyance, connaissance, justification, textes réunis par Julien Dutant et Pascal Engel, Libraire philosophique J. Vrin, 2005

Ce livre n’était pas pour moi en raison de l’érudition des auteurs au sujet de la philosophie de connaissance. En fait, contrairement à ce que je croyais, il ne s’agit d’un livre de vulgarisation, loin de là. J’ai décroché dès la seizième page de l’Introduction générale lorsque je me suis buté à la première équation logique. Je ne parviens pas à comprendre de telles équations logiques mais je comprends fort bien qu’elles soient essentielles pour un tel livre sur-spécialisé. Et mon problème de compréhension prend racine dans mon adolescence lors des études secondaires à l’occasion du tout premier cours d’algèbre. Littéraire avant tout, je n’ai pas compris pourquoi des « x » et « y » se retrouvaient dans des équations algébriques. Pour moi, toutes lettres de l’alphabet relevaient du littéraire. Même avec des cours privés, je ne comprenais toujours pas. Et alors que je devais choisir une option d’orientation scolaire, j’ai soutenu que je voulais une carrière fondée sur l’alphabet plutôt que sur les nombres. Ce fut un choix fondé sur l’usage des symboles utilisés dans le futur métier ou profession que j’allais exercer. Bref, j’ai choisi les sciences humaines plutôt que les sciences pures.

Article # 77 – Problèmes de philosophie, Bertrand Russell, Nouvelle traduction, Éditions Payot, 1989

Quelle agréable lecture ! J’ai beaucoup aimé ce livre. Les problèmes de philosophie soulevés par Bertrand Russell et les réponses qu’il propose et analyse étonnent. Le livre PROBLÈMES DE PHILOSOPHIE écrit par BERTRAND RUSSELL date de 1912 mais demeure d’une grande actualité, du moins, selon moi, simple amateur de philosophie. Facile à lire et à comprendre, ce livre est un «tourne-page» (page-turner).

Article # 78 – La dictature des ressentis – Sauver la liberté de penser, Eugénie Bastié, Éditions Plon, 2023

La compréhension de ce recueil de chroniques signées EUGÉNIE BASTIÉ dans le quotidien LE FIGARO exige une excellence connaissance de la vie intellectuelle, politique, culturelle, sociale, économique et de l’actualité française. Malheureusement, je ne dispose pas d’une telle connaissance à l’instar de la majorité de mes compatriotes canadiens et québécois. J’éprouve déjà de la difficulté à suivre l’ensemble de l’actualité de la vie politique, culturelle, sociale, et économique québécoise. Quant à la vie intellectuelle québécoise, elle demeure en vase clos et peu de médias en font le suivi. Dans ce contexte, le temps venu de prendre connaissance de la vie intellectuelle française, je ne profite des références utiles pour comprendre aisément. Ma lecture du livre LA DICTATURE DES RESSENTIS d’EUGÉNIE BASTIÉ m’a tout de même donné une bonne occasion de me plonger au cœur de cette vie intellectuelle française.

Article # 79 – À la découverte de la sagesse stoïcienne: L’histoire improbable du stoïcisme suivie du Manuel de la vie bonne, Dr Chuck Chakrapani, Éditions Stoa Gallica, 2023

À titre d’éditeur, je n’ai pas aimé ce livre qui n’en est pas un car il n’en possède aucune des caractéristiques professionnelles de conceptions et de mise en page. Il s’agit de la reproduction d’un texte par Amazon. Si la première de couverture donne l’impression d’un livre standard, ce n’est pas le cas des pages intérieures du… document. La mise en page ne répond pas aux standards de l’édition française, notamment, en ne respectant pas les normes typographiques.

Article # 80 – Le changement personnel – Histoire Mythes Réalités, sous la direction de Nicolas Marquis, Sciences Humaines Éditions, 2015

J’ai lu avec un grand intérêt le livre LE CHANGEMENT PERSONNEL sous la direction de NICOLAS MARQUIS. «Cet ouvrage a été conçu à partir d’articles tirés du magazine Sciences Humaines, revus et actualisés pour la présente édition ainsi que de contributions inédites. Les encadrés non signés sont de la rédaction.» J’en recommande vivement la lecture pour son éruditions sous les aspects du changement personnel exposé par différents spécialistes et experts tout aussi captivant les uns les autres.

Article # 81 – L’empire des coachs – Une nouvelle forme de contrôle social, Roland Gori et Pierre Le Coz, Éditions Albin Michel, 2006

À la lecture de ce livre fort intéressent, j’ai compris pourquoi j’ai depuis toujours une dent contre le développement personnel et professionnel, connu sous le nom « coaching ». Les intervenants de cette industrie ont réponse à tout, à toutes critiques. Ils évoluent dans un système de pensée circulaire sans cesse en renouvellement créatif voire poétique, système qui, malheureusement, tourne sur lui-même. Et ce type de système est observable dans plusieurs disciplines des sciences humaines au sein de notre société où la foi en de multiples opinions et croyances s’exprime avec une conviction à se donner raison. Les coachs prennent pour vrai ce qu’ils pensent parce qu’ils le pensent. Ils sont dans la caverne de Platon et ils nous invitent à les rejoindre.

Article # 82 – À quoi sert la philosophie ?, Marc Sautet, Éditions Pleins Feux, 1997

Ce petit livre d’une soixantaine de pages nous offre la retranscription de la conférence « À QUOI SERT LA PHILOSOPHIE ? » animée par Marc Sautet, philosophe ayant ouvert le premier cabinet de consultation philosophique en France et également fondateur des Cafés Philo en France.

Article # 83 – Raviver de l’esprit en ce monde – Diagnostic du contemporain, François Jullien, Éditions de l’Observatoire, 2023

L’essai RAVIVER DE L’ESPRIT EN CE MONDE – UN DIAGNOSTIC CONTEMPORAIN par FRANÇOIS JULLIEN chez les Éditions de l’Observatoire, parue en 2023, offre aux lecteurs une prise de recul philosophique révélatrice de notre monde. Un tel recul est rare et fort instructif.

Article # 84 – La philosophie appelle à une révélation suivie d’une conversion

La philosophie a pour but l’adoption d’un mode de vie sain. On parle donc de la philosophie comme un mode de vie ou une manière de vivre. La philosophie ne se possède pas, elle se vit. La philosophie souhaite engendrer un changement de comportement, d’un mode de vie à celui qu’elle propose. Il s’agit ni plus ni moins d’enclencher et de soutenir une conversion à la philosophie.

Article # 85 – La philosophie comme mode de vie, Daniel Desroches, Deuxième édition revue et corrigée, Coll. À propos, Les Presses de l’Université Laval, Québec, 2019

La lecture de cet essai fut très agréable, instructive et formatrice pour l’amateur de philosophie que je suis. Elle s’inscrit fort bien à la suite de ma lecture de « La philosophie comme manière de vivre » de Pierre Habot (Entretiens avec Jeanne Cartier et Arnold I Davidson, Le livre de poche – Biblio essais, Albin Michel, 2001).

Article # 86 – Les consolations de la philosophie, Alain De Botton, Mercure de France, 2001, Pocket

La lecture du livre Les consolations de la philosophie, une édition en livre de poche abondamment illustrée, fut très agréable et instructive. L’auteur Alain de Botton, journaliste, philosophe et écrivain suisse, nous adresse son propos dans une langue et un vocabulaire à la portée de tous.

Article # 87 – La philothérapie – Philosophie pratique à l’international

L’Observatoire de la philothérapie a consacré ses deux premières années d’activités à la France, puis à la francophonie. Aujourd’hui, l’Observatoire de la philothérapie s’ouvre à d’autres nations et à la scène internationale.

Article # 88 – L’approche intellectuelle en philothérapie et en philosophie pratique

Certaines personnes croient le conseiller philosophique intervient auprès de son client en tenant un « discours purement intellectuel ». C’est le cas de Dorothy Cantor, ancienne présidente de l’American Psychological Association, dont les propos furent rapportés dans The Philosophers’ Magazine en se référant à un autre article parue dans The New York Times.

Article # 89 – En thérapie avec… Épicure – Combattre votre anxiété – 40 antidotes du philosophe antique, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun, Paris, 2024

Nathaniel Masselot maîtrise fort bien son écriture visiblement axée sur son accessibilité et sa compréhension par tous. Loin de la vulgarisation simpliste, l’auteur nous parle comme nous parlons. Loin de l’écriture hermétique, l’auteur n’a pas la tête dans les nuages et isolé dans une tour surplombant la société; il marche auprès de nous. Avec ses références à l’actualité, il campe son lecteur dans la réalité quotidienne où il évolue.

Article # 90 – Êtes-vous sûr d’avoir raison ?, Gilles Vervisch, Flammarion, 2022

De lecture agréable et truffé d’humour, le livre ÊTES-VOUS SÛR D’AVOIR RAISON ? de GILLES VERVISCH, agrégé de philosophie, pose la question la plus embêtante à tous ceux qui passent leur vie à se donner raison.

Article # 91 – L’approche interrogative et l’approche conversationnelle dans la pratique philosophique

Dans un article intitulé « Se retirer du jeu » et publié sur son site web Dialogon, le philosophe praticien Jérôme Lecoq, témoigne des « résistances simultanées » qu’il rencontre lors de ses ateliers, « surtout dans les équipes en entreprise » : « L’animation d’un atelier de “pratique philosophique” implique que chacun puisse se « retirer de soi-même », i.e. abandonner toute volonté d’avoir raison, d’en imposer aux autres, de convaincre ou persuader autrui, ou même de se “faire valider” par les autres. Vous avez une valeur a priori donc il n’est pas nécessaire de l’obtenir d’autrui. » (LECOQ, Jérôme, Se retirer du jeu, Dialogon, mai 2024.)

Article # 92 – Introduction à la philosophie, Karl Jaspers, Plon, coll. 10-18, 2001

« Jaspers incarne, en Allemagne, l’existentialisme chrétien » peut-on lire en quatrième de couverture de son livre INTRODUCTION À PHILOSOPHIE. Je ne crois plus en Dieu depuis vingt ans. Baptisé et élevé par défaut au sein d’une famille catholique qui finira pas abandonner la religion, marié protestant, aujourd’hui J’adhère à l’affirmation d’un ami philosophe à l’effet que « Toutes les divinités sont des inventions humaines ». Dieu est une idée, un concept, rien de plus, rien de moins. / Dans ce contexte, ma lecture de l’œuvre INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE de KARL JASPERS fut quelque peu contraignante à titre d’incroyant. Je me suis donc concentré sur les propos de JASPERS au sujet de la philosophie elle-même.

Article # 93 – Le rôle social des idées – Esquisse d’une philosophie de l’histoire contemporaine, Max Lamberty, Éditions de la Cité Chrétienne, 1936

« La philosophie a gouverné toute la vie de notre époque dans ses traits les plus typiques et les plus importants » (LAMBERTY, Max, Le rôle social des idées, Chapitre premier – La souveraineté des idées ou La généalogie de notre temps, Les Éditions de la Cité Chrétienne (Bruxelles) / P. Lethielleux (Paris), 1936, p. 41) – la démonstration du rôle social des idées par Max Lamberty doit impérativement se poursuivre de nos jours en raison des défis qui se posent à nous, maintenant et demain, et ce, dans tous les domaines. – Et puisque les idées philosophiques mènent encore et toujours le monde, nous nous devons d’interroger le rôle social des idées en philosophie pratique. Quelle idée du vrai proposent les nouvelles pratiques philosophiques ? Les praticiens ont-ils conscience du rôle social des idées qu’ils véhiculent dans les consultations et les ateliers philosophiques ?

Article # 94 – L’étonnement philosophique – Une histoire de la philosophie, Jeanne Hersch, Gallimard, coll. Folio Essai, 1993

J’aime beaucoup ce livre. Les nombreuses mises en contexte historique en lien avec celui dans lequel nous sommes aujourd’hui permettent de mieux comprendre cette histoire de la philosophie et d’éviter les mésinterprétations. L’auteure Jeanne Hersch nous fait découvrir les différentes étonnements philosophiques de plusieurs grands philosophes à l’origine de leurs quêtes d’une meilleure compréhension de l’Être et du monde.

Article # 95 – Qu’est-ce que la Deep Philosophy ? – Philosopher depuis notre profondeur intérieure, Ran Lahav, Loyev Books, 2023

Mon intérêt pour ce livre s’est dégradé au fil de ma lecture en raison de sa faible qualité littéraire, des nombreuses répétitions et de l’aveu de l’auteur à rendre compte de son sujet, la Deep Philosophy. / Dans le texte d’introduction de la PARTIE A – Première rencontre avec la Deep Philosophy, l’auteur Ran Lahav amorce son texte avec ce constat : « Il n’est pas facile de donner un compte rendu systématique de la Deep Philosophy ». Dans le paragraphe suivant, il écrit : « Néanmoins, un tel exposé, même s’il est quelque peu forcé, pourrait contribuer à éclairer la nature de la Deep Philosophy, pour autant qu’il soit compris comme une esquisse approximative ». Je suis à la première page du livre et j’apprends que l’auteur m’offre un exposé quelque peu forcé et que je dois considérer son œuvre comme une esquisse approximative. Ces précisions ont réduit passablement mon enthousiasme. À partir de là, ma lecture fut un devoir, une obligation, avec le minimum de motivation.

Article # 96 – Se réaliser – Petite philosophie de l’épanouissement personnel, Michel Lacroix, (Marabout), Éditions Robert Laffont, 2009

J’ai beaucoup aimé ce livre de Michel Lacroix, Se réaliser — Petite philosophie de l’épanouissement personnel. Il m’importe de vous préciser que j’ai lu l’édition originale de 2009 aux Éditions Robert Laffont car d’autres éditions sont parues, du moins si je me rapporte aux différentes premières et quatrièmes de couverture affichées sur le web. Ce livre ne doit pas être confondu avec un ouvrage plus récent de Michel Lacroix : Philosophie de la réalisation personnelle – Se construire dans la liberté parue en 2013 et qui sera l’objet d’une rapport de lecture dans ce dossier.

Article # 97 – Une histoire de la raison par François Châtelet – Entretiens avec Émile Noël, Édition du Seuil, 1992

Personnellement, je me suis limité à lecture du livre car je préfère et de loin l’écrit à l’audio. J’aime le titre donné à ce livre, « Une histoire de la raison », plutôt que « L’histoire de la raison », parce qu’il laisse transparaître une certaine humilité dans l’interprétation.

Article # 98 – La raison, Bertrand Saint-Sernin, Presses universitaires de France, coll. Que sais-je, Paris, 2003

Les ouvrages de la collection Que sais-je ? des PUF (Presses universitaires de France) permettent aux lecteurs de s’aventurer dans les moult détails d’un sujet, ce qui rend difficile d’en faire un rapport de lecture, à moins de se limiter à ceux qui attirent et retient davantage notre attention, souvent en raison de leur formulation. Et c’est d’entrée de jeu le cas dans le tout premier paragraphe de l’Introduction. L’auteur écrit, parlant de la raison (le soulignement est de moi) : « (…) elle est une instance intérieure à l’être humain, dont il n’est pas assuré qu’elle puisse bien fonctionner en situation de risque ou dans un état trouble ».

Article # 99 – Philosophie de la réalisation personnelle – Se construire dans la liberté, Michel Lacroix, Éditions Robert Laffont, 2013

Dans son livre « Philosophie de la réalisation personnelle – Se construire dans la liberté », le philosophe Michel Lacroix s’engage clairement en faveur du développement personnel. Il le présente comme l’héritier des efforts déployés par la philosophie dans le domaine de la réalisation de soi au cours siècles passés. À mon avis et si c’est effectivement le cas, le mouvement du développement personnel a vite fait de dilapider cet héritage de la philosophie en le déchiquetant en petits slogans vide de sens.


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Article # 53 – J’ai un problème avec la vérité

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J’ai un problème avec la vérité

Serge-André Guay

Observatoire québécois de la philothérapie

« La vérité est une invention de l’Homme.
L’Homme est imparfait.
Donc la vérité est imparfaite. »

Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».

La philosophe Myriam Revault d’Allonnes va encore plus loin en parlant d’une « ère post-factuel » :

Il n’en va pas de même avec la « post-vérité » selon laquelle — à suivre le dictionnaire d’Oxford — les faits objectifs ont moins d’importance que leur appréhension subjective. La capacité du discours politique à modeler l’opinion publique en faisant appel aux émotions prime sur la réalité des faits. Peu importe que ces derniers informent ou non les opinions : l’essentiel, c’est l’impact du propos. Le partage du vrai et du faux devient donc insignifiant au regarde de l’efficacité du « faire-croire ». L’ère de la post-vérité est aussi celle du post-factuel.

Source : Revault d’Allonnes, Myriam, La faiblesse du vrai, Introduction, p. 11.

L’erreur serait pourtant de penser que la post-vérité et la fabrication de « faits alternatifs » dans des sociétés démocratiques relèvent des mêmes mécanismes que l’idéologie totalitaire. Certes, dans les deux cas on propose un substitut à la réalité, un réarrangement de toute la texture factuelle en sorte qu’un monde fictif vient en lieu et place du monde des expériences et des relations que nous avons en partage et qui est le « sol » sur lequel nous nous tenons.

Dans les systèmes totalitaires, une idéologie « fantasmatiquement fictive » suscite un monde à la fois mensonger et cohérent que l’expérience est impuissante à contrarier. Le penser idéologique s’affranchit de l’existence de la réalité plus « vraie » que celle que nous appréhendons et percevons. Il ordonne les faits selon une procédure entièrement logique : en partant d’une prémisse tenue pour un axiome et dont tout le reste est déduit, on parvient à une cohérence jamais rencontrée dans le réel.

Source : Revault d’Allonnes, Myriam, La faiblesse du vrai, Introduction, p. 14.

(Voir notre Article # 22 – La faiblesse du vrai, Myriam Revault d’Allones, Seuil).

La vérité se fait bardasser par tout un chacun en ces temps qui courent. Elle est victime d’érosion comme les berges soumis aux ondes de tempête provoquées par les changements climatiques.

Il y a 25 ans, en pleine crise intellectuelle au début de ma quarantaine d’âge, je me suis réfugié dans la méthode de la pensée scientifique, dans l’épistémologie, c’est-à-dire dans l’étude de la connaissance de la connaissance. J’en suis venu à la conclusion que nous devrions importer dans notre vie de tous les jours la méthode de la pensée scientifique, notamment le doute systématique. Mon objectif : une pensée juste débarrassée des biais cognitifs, libérée de mes opinions, de mes préjugés… Admettre pour vrai uniquement ce que les sciences exactes ont démontré, tout en considérant qu’en ces sciences, la connaissance se bâtit sur la destruction du déjà-su dont on s’est donné formellement l’obligation de douter.

À la fin de cette décennie de ma vie, j’ai observé de plus en plus de gens prendre pour vrai ce qu’ils pensaient uniquement parce qu’ils le pensaient. Cette absence complète de recul et de doute court-circuite voire détruit le système de penser. « Seul ce que je pense est vrai » semble dire ces personnes plus attachées à leurs opinions qu’au savoir et à la connaissances eux-mêmes. Or, la première règle de la pensée scientifique est de lutter contre ses opinions.

À la question « Pourquoi la vérité ne triomphe pas par elle-même ? », je répond « parce qu’elle est imparfaite » et cette imperfection vient du fait qu’on la cherche dans des domaines où elle ne peut pas émerger, comme dans les sciences inexactes. Une imperfection justifiée aussi par le fait qu’elle est un concept de l’Homme et que ce dernier est lui-même imparfait. La vérité n’existe pas non plus dans la Nature. La vérité est une invention conceptuelle de l’Homme qui lui permet de s’assurer de la correspondance de ses observations avec la réalité.

Pour commencer, il faut distinguer la vérité et la réalité : la vérité n’est pas la réalité. La réalité est une propriété des choses. La vérité est une propriété du discours ou de la pensée. Une chose est réelle, si elle est, si elle existe, si elle est effective. Ici, nous entendons « réalité » dans son sens ordinaire, et non pas dans son sens technique.

Source : Gabriel Gay-Para, La vérité a-t-elle une histoire ? ggpphilo.

La vérité tient donc du seul fait de l’expérience que nous faisons de la réalité pour en tirer une connaissance (vraie).

Le concept de connaissance enveloppe celui de vérité : toute connaissance est par définition vraie ; une connaissance qui ne serait pas vraie perdrait aussitôt son statut de connaissance.

Source : Gabriel Gay-Para, La vérité a-t-elle une histoire ? ggpphilo.

Et si des experts se prononcent sur notre temps en évoquant dans notre histoire une ère de post-vérité, ce n’est pas parce que la vérité change avec le temps mais plutôt parce que les critères de la vérité changent. « (…) la vérité est par définition absolue, universelle et transhistorique », nous dit Gabriel Gay-Para :

De prime abord, si on considère l’essence ou la nature de la vérité, et non ses critères, la vérité est par définition absolue, universelle et transhistorique. Prenons un exemple simple : « la somme des angles d’un triangle est égale à un angle plat. » Cette vérité, dans le cadre de la géométrie euclidienne, respecte cette triple propriété. Elle est absolue : comme cette propriété découle de l’essence même du triangle, elle est indépendante de toute condition. Elle vaut pour tout le monde, qu’on soit géomètre ou non. Mais elle vaut aussi pour tous les triangles, quelles que soient leurs propriétés particulières (triangle isocèle, équilatéral, rectangle, etc.) ; elle est donc universelle. Elle est enfin transhistorique : elle vaut pour toutes les époques. Cette propriété vaut pour les arpenteurs de l’Égypte ancienne, comme pour les mathématiciens du XXe siècle : le développement des géométries non-euclidiennes depuis le XIXe siècle n’y a rien changé. Un triangle dessiné sur une surface plane a toujours la somme de ses angles égale à un angle plat. La vérité semble donc transhistorique ou éternelle, indépendante du temps qui passe. Dans cette perspective, comment la vérité pourrait-elle avoir une histoire ? Si la vérité est la propriété qui caractérise nos énoncés lorsque ceux-ci décrivent ce qui est, autrement dit, « correspondent » ou sont en adéquation avec la réalité, comment pourrait-elle avoir une histoire, et donc évoluer avec le temps ? Historiciser le concept de vérité, n’est-ce pas le vider de son contenu ?

Source : Gabriel Gay-Para, La vérité a-t-elle une histoire ? ggpphilo.

La vérité n’a pas d’histoire parce qu’elle « (…) est par définition absolue, universelle et transhistorique ».

La vérité existe que dans son rapport à la réalité. C’est une théorie de la vérité nommée « correspondantisme » : « Le correspondantisme, appelé aussi théorie de la vérité-correspondance, est l’ensemble des théories définissant la vérité comme une relation de correspondance entre un énoncé et une chose réelle. Un énoncé est vrai seulement s’il correspond à la chose à laquelle il réfère dans la réalité. » (source : Vérité, Wikipédia, consulté le 26 janvier 2023).

À présent, toute connaissance s’accomplit dans l’assimilation du connaissant à la chose connue, et l’on dit que cette assimilation est cause de la connaissance, comme la vue connaît la couleur du fait qu’elle y est disposée par l’espèce de la couleur. De la sorte, le premier rapport de l’étant à l’intellect tient à ce que l’étant et l’intellect concordent, concordance qui est appelée adéquation de l’intellect et de la chose [adaequatio intellectus et rei], et dans laquelle la notion de vrai s’accomplit formellement. C’est donc cela que le vrai ajoute à l’étant, la conformité ou l’adéquation de la chose et de l’intellect [adaequationem rei et intellectus], conformité de laquelle, comme on l’a dit, suit la connaissance de la chose. Ainsi l’entité de la chose précède-t-elle la notion de vérité alors que la connaissance est un certain effet de la vérité.

Source : Thomas d’Aquin, Sur la vérité, 1257, Article 1, tr. fr. Gilles-Jérémie Ceaucescu, CNRS éditions, 2008, p. 6-7. Tiré du site web philo52.com, consulté le 26 janvier 2023.

Si la vérité ne triomphe pas toujours par elle-même, si elle ne s’impose pas d’emblée à tous, c’est parce que nous ne nous entendons pas sur la réalité. Et si nous ne nous entendons pas sur la réalité, c’est en raison des différences et des variations des perceptions de cette réalité d’une personne à l’autre, et ce, même si nous disposons tous du même « matériel biologique » de perception. Notre histoire personnelle, sociétale, nationale, civilisationnelle… caractérise nos perceptions non seulement de la réalité mais aussi de nos interprétations.

Le seul et unique moyen dont nous disposons pour décerner la statut de vérité à une chose matérielle, c’est la pensée scientifique à la barre de l’expérience scientifique. Le scientifique nous propose une hypothèse concernant une chose matérielle spécifique, il vérifie cette hypothèse lors d’une expérience et tous ceux et celles qui reprendront avec rigueur la même expérience arriveront aux mêmes résultats confirmant l’hypothèse. Cette dernière est prouvée. Elle est une vérité. Personnellement, je préfère soutenir que l’hypothèse ainsi mise à l’épreuve de l’expérience est une « connaissance ». Reprenons la citation tiré du texte de Gabriel Gay-Para :

Le concept de connaissance enveloppe celui de vérité : toute connaissance est par définition vraie ; une connaissance qui ne serait pas vraie perdrait aussitôt son statut de connaissance.

Source : Gabriel Gay-Para, La vérité a-t-elle une histoire ? ggpphilo.

Mais ce « vrai » n’est pas nécessairement « absolue, universelle et transhistorique » tel que le précise Gabriel Gay-Para. Car, en science du moins, une connaissance est admise pour vraie que le temps qu’une autre connaissance la rende caduque et lui soustrait son caractère de vérité. En science la connaissance se construit sur la destruction du déjà-su. Autrement dit, une connaissance scientifique n’est pas nécessairement absolue et transhistorique. Il y a obligation de douter de toute connaissance. La connaissance n’est vrai que le temps que l’on en doute.

Si une connaissance peut être admise comme étant « absolue, universelle et transhistorique » tel que le précise Gabriel Gay-Para en donnant en exemple « la somme des angles d’un triangle est égale à un angle plat », c’est uniquement parce qu’elle a résisté jusqu’ici à tous les doutes et à toutes les expériences des scientifiques tout comme à tous les changements de critères de vérité survenus au fil du temps.

Dans ce contexte, faut-il donner un statut différent aux connaissances scientifiques qui ne sont pas absolues, universelles et transhistoriques ? Que faire de cette « connaissance » scientifique qui se construit sur la destruction du déjà-su ? Les question est posée. Je n’ai pas de réponse pour l’instant.

Enfin, si j’ai toujours et encore un problème avec la vérité, c’est parce que chacun se forge « sa vérité ». La vérité est devenue aussi personnelle que les perceptions personnelles de la réalité. Dans le film LA RÈGLE DU JEU (France, 1939, 1h52) de JEAN RENOIR (1894 – 1979), l’un des personnages dit : « Tu comprends, sur cette terre, il y a une chose effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons ».

  • Dis donc vieux, j’ai envie de foutre le camp. J’ai envie de disparaître dans un trou.
  • Ça t’avancerait à quoi ?
  • Ça m’avancerait à plus rien voir. À ne plus chercher, à savoir ce qui est bien, ce qui est mal. Parce que, tu comprends, sur cette terre, il y a une chose effroyable, c’est que tout le monde a ses raisons.
  • Mais bien sur que tout le monde a ses raisons.

Jean Renoir dans le rôle d’Octave dans le film La règle du jeu, France, 1939.

Voir l’extrait : https://youtube.com/clip/UgkxaK1R4t_NGO6fHaJu7IWDAB1WrggB4VTz

« À chacun sa vérité » revient sans cesse dans les discussions, à l’instar de « À chacun son opinion ». Ainsi devenue une simple affaire personnelle, la vérité n’est plus absolue, universelle et transhistorique. Le concept de vérité en prend pour son rhume avec ce critère de validité personnelle.

Pour plusieurs, la vérité n’est rien de plus que ce que l’on croit ou, si vous préférez, une simple croyance à défendre avec force de conviction. La vérité perd ainsi son sens propre (absolue, universelle et transhistorique).

La vérité laisse place à l’interprétation et, de ce fait, elle n’est que rarement absolue, universelle et transhistorique.

Comparé à la perfection des concepts de base en mathématiques, les chiffres et les nombres, celui de la vérité se caractérise par ses imperfections. Si nous prenons le chiffre « 2 », jamais nous le rencontrerons au coin de la rue parce qu’il s’agit d’un concept abstrait parfait. Il en va de même de la vérité; nous ne la rencontrerons pas non plus au coin de la rue. La supériorité des concepts de base en mathématique (chiffres et nombres) repose sur sa parfaite adéquation avec la réalité qu’ils désignent. Lorsqu’on dénombre 2 pommes, il y en a pas 1, 2½ ou 3, et ce, peu importe les perceptions personnelles. Je ne rencontre aucun problème avec un tel concept abstrait parfait qui nous donne un vérité absolue, universelle et transhistorique.

Cependant, je rencontre un grave problème avec la vérité lorsqu’elle est relative, personnelle et historique parce qu’elle donne lieu à de multiple interprétations et d’opinions, toujours particulières.

En général, on définit la vérité soit comme un jugement conforme à son objet (on parle alors de vérité-correspondance), soit comme un jugement non-contradictoire (on parle alors de vérité-cohérence). Son caractère universel la distingue de l’opinion qui est toujours particulière.

Source : Vérité, Lexique, Philosophie magazine. Consulté le 6 février 2023.

Dans la définition ci-dessus, le mot  « jugement » associé à la « vérité » me cause aussi un problème. Je me demande si l’on porte un jugement lorsqu’on exprime une vérité.


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Vérité (nom commun)

  1. Caractère de ce qui est conforme à la réalité.
  2. Proposition, jugement ou croyance qui est vraie.
  3. Réalité profonde d’une chose, par opposition à ses manifestations superficielles.

Exemple(s)

  1. La vérité d’une proposition scientifique est parfois difficile à établir.
  2. C’est une vérité bien admise que les poules ne poussent pas sur les arbres.
  3. La vérité du capitalisme, c’est l’exploitation.

Terme(s) associé(s)

correspondance, faux

Remarque

La définition de « vérité » est controversée. Il n’y a d’accord ni sur la nature du concept, ni sur la façon de le penser. Même la définition précédente , pourtant très classique, ne fait pas consensus. Ceux qui tendent à l’accepter ne s’accordent pas sur sa formulation précise ou ses implications. « Qu’est ce que la vérité ? » reste une question ouverte. Difficultés philosophiques mises de coté, la « vérité » est une notion très courante. Son usage est peut-être inévitable, en dépit des incertitudes philosophiques.

Source : Vérité, Dicophilo – Dictionnaire de philosophie en ligne. Consulté le 6 février 2023.


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Vérité

0) (traditionnellement) Adequatio rei et intellectus
1) (sens commun) Caractère de ce qui est conforme à la réalité.
2) Proposition, jugement, ou croyance qui est vraie.
3) « Réalité stable, profonde, essentielle, par opposition aux apparences aux accidents »
(Dictionnaire de Philosophie, Godin).

Remarques

Jugement & proposition. La définition dite commune de la vérité la donne comme « jugement » ou « proposition » conforme à la réalité. Cette expression est d’emblée problématique : elle utilise deux termes dans leur sens philosophique pour circonscrire ce qu’on présente comme le sens commun. L’usage courant de jugement & de proposition n’est pas celui qu’on mobilise ici. Si on devait définir depuis le sens commun, on dirait que c’est une « phrase » qui est conforme ou non à la réalité.

Stricto sensu, une proposition est une entité abstraite, dotée d’une valeur de vérité unique (ou bien vrai ou bien faux), et qui s’exprime dans des phrases. Deux phrases prononcées dans des langues différentes peuvent expriment la même proposition [4], et deux phrases linguistiquement identiques refléter des propositions différentes selon le contexte spatio-temporel de son énonciation et son locuteur (« Il faisait beau hier » ; « J’aime le chocolat »). Les propositions sont des entités hors du temps, leur valeur (V/F) est et sera toujours la même [5]. La possibilité d’être V ou F est essentielle à une proposition, même si certaines propositions pourront êtres dites vraies en vertu de leur forme et d’autres en vertu des faits [6]. Il semble que les propositions soient d’emblée des entités linguistiques (cf. « proposition » est presque une abréviation de « proposition linguistique »).

A contrario, un jugement est le résultat de la faculté de juger, il met en relation ordonnée des concepts, mais n’est ni forcément une entité linguistique, ni toujours ou bien vrai ou bien faux. On peut penser le jugement comme un élément mental, et refuser à des jugements absurdes, moraux, ou esthétiques la possibilité d’être vrai ou faux. La notion de jugement est plus lâche : il n’est pas clair que le jugement soit une entité abstraite ou concrète. Par rapport à la proposition on peut considérer que ce qui permet à un jugement d’être vrai est le fait d’exprimer une proposition. On enchâsse alors les deux notions.

La définition classique & commune de la vérité oscille donc entre deux descriptions proches mais distinctes des vériporteurs, tout en maintenant un usage vague et imprécis des termes philosophiques qu’elle mobilise. D’un coté on use de concepts précis, de l’autre on noie la différence entre ces concepts, en présentant la définition comme « commune », alors même que son expression est philosophique.

[4] Au delà de non-nominalisme dans lequel engage l’admission de propositions, le fait qu’on sache mal quand une proposition exprimée par une phrase est la même que celle exprimée par une autre phrase a été critiqué.
[5] La proposition qui dit qu’il faisait beau hier, prononcée le jour/mois/année à l’endroit E, aura toujours la même valeur de vérité (V/F), parce qu’en dépit de la possibilité de réitérer la phrase « il faisait beau hier », la proposition exprimée sera toujours différente (sauf au cours de la journée X, où pendant toute la journée « hier » réfère à X-1 jour).
[6] Ce qui pose la question de ce qui est à l’origine de la vérité.

Source : Vérité : Définition philosophique (fiche personnelle) (PDF offert sur : http://dicophilo.fr, pp 4-5.)


La définition de la vérité comme étant « Proposition, jugement, ou croyance qui est vraie », cette fois en ajoutant au terme « jugement » celui de « croyance » me déstabilise. Il y a toujours un danger de prendre pour vrai ce que l’on croit, et ce, uniquement parce qu’on le pense. L’expression d’une croyance comme étant en adéquation avec une réalité donnée relève à mes yeux du monde métaphysique plutôt que du monde physique perceptible (par nos sens). À mon avis, la métaphysique se classe parmi les sciences inexactes et ne peut pas prétendre être absolue, universelle et transhistorique.

Aussi, je ne mets sur le même pied une « proposition » et un « jugement ». À mon avis, une proposition peut être objective tandis qu’un jugement sera toujours subjectif. Certaines personnes parlent de la « vérité d’une proposition » et de la « vérité d’un jugement », ce qui me complique davantage la vie. Dans ce cas, la vérité ne peut pas être un jugement puisque ce dernier peut ne pas être vrai en raison de sa subjectivité. Il en va de même avec la proposition qui possède pas un caractère de vérité qui lui soit intrinsèque puisqu’elle peut ne pas être vraie. Or, à mes yeux, une vérité existe que si la seule et unique option est qu’elle soit vraie.

Une vérité ne peut pas être déclarée fausse, à moins qu’il y ait eu méprise. Dans ce cas, la vérité est contestée, ce qui va à l’encontre de son caractère absolue, universelle et transhistorique. Et c’est ce qui se produit lorsqu’on croit en une vérité ou que l’on prend la vérité pour croyance vraie.

Je considère que la vérité doit tout simplement être admise. Je me rapproche ainsi de la connaissance. Revenons donc à la citation tirée de Gabriel Gya-Para :

Le concept de connaissance enveloppe celui de vérité : toute connaissance est par définition vraie ; une connaissance qui ne serait pas vraie perdrait aussitôt son statut de connaissance.

Source : Gabriel Gay-Para, La vérité a-t-elle une histoire ? ggpphilo.

Cette observation logique m’apparaît la seule solution à mon problème avec la vérité : il n’y a pas de vérité en dehors de la connaissance.


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Liste des articles par ordre de publication

Article # 1 : Introduction

Témoignage de ma recherche personnelle au sujet de la philothérapie (philosophie + thérapie) ou, si vous préférez, de la pratique de la philosophie en clinique. Il s’agit de consultation individuel ou de groupe offert par un philosophe praticien pour nous venir en aide. Elle se distingue de la « psychothérapie » (psychologie + thérapie) en ce qu’elle utilise des ressources et des procédés et poursuit de objectifs propres à la philosophie. On peut aussi parler de « philosophie appliquée ».

Article # 2 : Mise en garde contre le copinage entre la philosophie et la psychologie

La philothérapie gagne lentement mais sûrement en popularité grâce à des publications de plus en plus accessibles au grand public (voir l’Introduction de ce dossier).

L’un des titres tout en haut de la liste s’intitule « Platon, pas Prozac! » signé par Lou Marinoff paru en français en l’an 2000 aux Éditions Logiques. Ce livre m’a ouvert à la philothérapie.

L’auteur est professeur de philosophie au City College de New York, fondateur de l’Association américaine des praticiens de la philosophie (American Philosophical Practitioners Association) et auteurs de plusieurs livres.

Article # 3 : Philothérapie – Libérez-vous par la philosophie, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun

Présentation du livre Philothérapie – Libérez-vous par la philosophie suivie de mes commentaires de lecture.

Article # 4 : Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie. Jean-Eudes Arnoux, Éditions Favre

Présentation du livre Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie suivie de mes commentaires de lecture.

Article # 5 : Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai, Laurence Bouchet, Éditions Marabout

Cet article présente et relate ma lecture du livre « Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai », de Laurence Bouchet aux Éditions Marabout. Malheureusement ce livre n’est plus disponible à la vente tel que mentionné sur le site web de l’éditeur. Heureusement on peut encore le trouver et l’acheter dans différentes librairies en ligne.

Article # 6 : Une danse dangereuse avec le philothérapeute Patrick Sorrel

Cet article se penche sur l’offre du philothérapeute Patrick Sorrel.

Article # 7 : La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence, Eugénie Vegleris

Le livre « La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence » de Madame Eugénie Vegleris aux Éditions Eyrolles se classe en tête de ma liste des meilleurs essais que j’ai lu à ce jour au sujet de la « philothérapie ».

Article # 8 : Guérir la vie par la philosophie, Laurence Devillairs, Presses universitaires de France

À ce jour, tous les livres dont j’ai fait rapport de ma lecture dans ce dossier sont l’œuvre de philosophes consultants témoignant de leurs pratiques fondées sur le dialogue. Le livre « Guérir la vie par la philosophie » de Laurence Devillairs aux Presses universitaires de France (PUF) diffère des précédents parce que l’auteure offre à ses lecteurs une aide direct à la réflexion sur différents thèmes.

Article # 9 : Du bien-être au marché du malaise – La société du développement personnel – par Nicolas Marquis aux Presses universitaires de France

J’ai lu ce livre à reculons. J’ai appliqué les feins dès les premières pages. L’objectivité sociologique de l’auteur m’a déplu. Ce livre présente aux lecteurs des observations, que des observations. L’auteur n’en tire aucune conclusion.

Article # 10 : Happycratie : comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, Eva Illouz et Edgar Cabanas, Premier Parallèle, 2018

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il m’a révélé les coulisses de la quête du bonheur au cœur de notre société néo-libérale. Je savais que cette obsession du bonheur circulait au sein de la population, notamment par le biais des coach de vie et des agents de développement personnel, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle cachait une véritable industrie soutenue par une idéologie psychologisante. Jusque-là, je ne connaissais de cette industrie que le commerce des livres et la montée en puissance des coachs de vie dédiés à la recherche du bonheur.

Article # 11 : La consultation philosophique, Oscar Brenifier, Éditions Alcofribas, 2020

J’ai adoré ce livre. Il est dense, très dense. On ne peut pas le lire comme un roman. Me voici enfin devant un auteur qui dit tout, où, quand, comment il observe, comment il pense, comment il chemine, comment il voit, comment il entend, comment il anticipe, comment il tire ses conclusions… Bref, un auteur qui expose son propre système de pensée dans un essai plus que formateur pour le nôtre.

Article # 12 : Fin du chapitre : Oscar Brenifier, philosophe praticien

La lecture du livre «La consultation philosophique» signé par le philosophe praticien Oscar Brenifier (voir article #11 de notre dossier «Consulter un philosophe – Quand la philosophie nous aide») nous apprend qu’il adresse un document à ses clients potentiels. J’ai écrit à monsieur Brenifier pour lui demander s’il pouvait me faire parvenir ce document.

Article # 13 : La philo-thérapie, Éric Suárez, Éditions Eyrolles, 2007

Cet article présente et relate ma lecture du livre du «La philo-thérapie» de Éric Suárez, Docteur en philosophie de l’Université Laval (Québec), philosophe praticien (Lausanne), publié en 2007 aux Éditions Eyrolles. Ce livre traite de la consultation philosophique ou, si vous préférez, de la philo-thérapie, d’un point de vue pratique. En fait, il s’agit d’un guide pour le lecteur intéressé à acquérir sa propre approche du philosopher pour son bénéfice personnel. Éric Suárez rassemble dans son ouvrage vingt exemples de consultation philosophiques regroupés sous cinq grands thèmes : L’amour, L’image de soi, La famille, Le travail et le Deuil.

Article # 14 : Comment choisir son philosophe ? Guide de première urgence à l’usage des angoissés métaphysiques, Oreste Saint-Drôme avec le renfort de Frédéric Pagès, La Découverte, 2000

Ce livre se caractérise par l’humour de son auteur et se révèle ainsi très aisé à lire. D’ailleurs l’éditeur nous prédispose au caractère divertissant de ce livre en quatrième de couverture : «Étudier in extenso la pensée des grands théoriciens et en extraire un mode de réflexion agissant est une mission impossible pour l’honnête homme/femme. C’est pourquoi l’auteur de cet ouvrage aussi divertissant que sérieux propose des voies surprenantes au premier abord, mais qui se révèlent fort praticables à l’usage. L’une passe par la rencontre avec la vie et la personnalité du philosophe : la voie des affinités électives».

Article # 15 : La philosophie comme manière de vivre, Pierre Habot, Entretiens avec Jeanne Cartier et Arnold I Davidson, Le livre de poche – Biblio essais, Albin Michel, 2001

Référencé par un auteur à mon programme de lecture, le livre «La philosophie comme manière de vivre» m’a paru important à lire. Avec un titre aussi accrocheur, je me devais de pousser plus loin ma curiosité. Je ne connaissais pas l’auteur Pierre Hadot : «Pierre Hadot (né à Paris, le 21 février 1922, et mort à Orsay, le 24 avril 20101) est un philosophe, historien et philologue français, spécialiste de l’Antiquité, profond connaisseur de la période hellénistique et en particulier du néoplatonisme et de Plotin. Pierre Hadot est l’auteur d’une œuvre développée notamment autour de la notion d’exercice spirituel et de la philosophie comme manière de vivre.» (Source : Wikipédia)

Article # 16 : La philosophie, un art de vivre de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021

Jeanne Hersch, éminente philosophe genevoise, constate une autre rupture encore, celle entre le langage et la réalité : « Par-delà l’expression verbale, il n’y a pas de réalité et, par conséquent, les problèmes ont cessé de se poser (…). Dans notre société occidentale, l’homme cultivé vit la plus grande partie de sa vie dans le langage. Le résultat est qu’il prend l’expression par le langage pour la vie même. » (L’étonnement philosophique, Jeanne Hersch, Éd. Gallimard.) / On comprend par là qu’aujourd’hui l’exercice du langage se suffit à lui-même et que, par conséquent, la philosophie se soit déconnectée des problèmes de la vie quotidienne.» Source : La philosophie, un art de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021, Préface,  p. 9.

Article # 17 : Socrate à l’agora : que peut la parole philosophique ?, Collectif sous la direction de Mieke de Moor, Éditions Vrin, 2017

J’ai trouvé mon bonheur dès l’Avant-propos de ce livre : «Laura Candiotto, en insistant sur le rôle joué par les émotions dans le dialogue socratique ancien et sur l’horizon éthique de celui-ci, vise à justifier théoriquement un «dialogue socratique intégral», c’est-à-dire une pratique du dialogue socratique qui prend en compte des émotions pour la connaissance.» Enfin, ai-je pensé, il ne s’agit plus de réprimer les émotions au profit de la raison mais de les respecter dans la pratique du dialogue socratique. Wow ! Je suis réconforté à la suite de ma lecture et de mon expérience avec Oscar Brenifier dont j’ai témoigné dans les articles 11 et 12 de ce dossier.

Article # 18 : La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence, Lou Marinoff, La table ronde, 2004

Lou Marinoff occupe le devant de la scène mondiale de la consultation philosophique depuis la parution de son livre PLATON, PAS PROJAC! en 1999 et devenu presque’intantément un succès de vente. Je l’ai lu dès sa publication avec beaucoup d’intérêt. Ce livre a marqué un tournant dans mon rapport à la philosophie. Aujourd’hui traduit en 27 langues, ce livre est devenu la bible du conseil philosophique partout sur la planète. Le livre dont nous parlons dans cet article, «  La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence », est l’une des 13 traductions du titre original « The Big Questions – How Philosophy Can Change Your Life » paru en 2003.

Article # 19 : S’aider soi-même – Une psychothérapie par la raison, Lucien Auger, Les Éditions de l’Homme

J’ai acheté et lu « S’aider soi-même » de Lucien Auger parce qu’il fait appel à la raison : « Une psychothérapie par la raison ». Les lecteurs des articles de ce dossier savent que je priorise d’abord et avant tout la philothérapie en place et lieu de la psychothérapie. Mais cette affiliation à la raison dans un livre de psychothérapie m’a intrigué. D’emblée, je me suis dit que la psychologie tentait ici une récupération d’un sujet normalement associé à la philosophie. J’ai accepté le compromis sur la base du statut de l’auteur : « Philosophe, psychologue et professeur ». « Il est également titulaire de deux doctorats, l’un en philosophie et l’autre en psychologie » précise Wikipédia. Lucien Auger était un adepte de la psychothérapie émotivo-rationnelle créée par le Dr Albert Ellis, psychologue américain. Cette méthode trouve son origine chez les stoïciens dans l’antiquité.

Article # 20 (1/2) : Penser par soi-même – Initiation à la philosophie, Michel Tozzi, Chronique sociale

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.

Article # 20 (2/2) : Penser par soi-même – Initiation à la philosophie, Michel Tozzi, Chronique sociale

Dans la première partie de ce rapport de lecture du livre « Penser par soi-même – Initiation à la philosophie » de Michel Tozzi, je vous recommandais fortement la lecture de ce livre : « J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.» Je suis dans l’obligation d’ajouter cette deuxième partie à mon rapport de lecture de ce livre en raison de ma relecture des chapitres 6 et suivants en raison de quelques affirmations de l’auteur en contradiction avec ma conception de la philosophie.

Article # 21 – Agir et penser comme Nietzsche, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun

J’accorde au livre Agir et penser comme Nietzsche de Nathanaël Masselot cinq étoiles sur cinq. Aussi facile à lire qu’à comprendre, ce livre offre aux lecteurs une excellente vulgarisation de la philosophie de Friedricha Wilhelm Nietzsche. On ne peut pas passer sous silence l’originalité et la créativité de l’auteur dans son invitation à parcourir son œuvre en traçant notre propre chemin suivant les thèmes qui nous interpellent.

Article # 22 – La faiblesse du vrai, Myriam Revault d’Allones, Seuil

Tout commence avec une entrevue de Myriam Revault d’Allonnes au sujet de son livre LA FAIBLESSE DU VRAI à l’antenne de la radio et Radio-Canada dans le cadre de l’émission Plus on de fous, plus on lit. Frappé par le titre du livre, j’oublierai le propos de l’auteur pour en faire la commande à mon libraire.

Article # 23 – Pour une philothérapie balisée

Le développement personnel fourmille de personnes de tout acabit qui se sont improvisées conseillers, coachs, thérapeutes, conférenciers, essayistes, formateurs… et auxquelles s’ajoutent des praticiens issus des fausses sciences, notamment, divinatoires et occultes, des médecines et des thérapies alternatives. Bref, le développement personnel attire toute sorte de monde tirant dans toutes les directions.

Article # 24 – Comment nous pensons, John Dewey, Les empêcheurs de penser en rond / Seuil

Je n’aime pas cette traduction française du livre How we think de John Dewey. « Traduit de l’anglais (États-Unis) par Ovide Decroly », Comment nous pensons parait aux Éditions Les empêcheurs de penser en rond / Seuil en 2004. – Le principal point d’appui de mon aversion pour traduction française repose sur le fait que le mot anglais « belief » est traduit par « opinion », une faute majeure impardonnable dans un livre de philosophie, et ce, dès les premiers paragraphes du premier chapitre « Qu’entend-on par penser ? »

Article # 25 – Une philothérapie libre axée sur nos besoins et nos croyances avec Patrick Sorrel

Hier j’ai assisté la conférence Devenir philothérapeute : une conférence de Patrick Sorrel. J’ai beaucoup aimé le conférencier et ses propos. J’ai déjà critiqué l’offre de ce philothérapeute. À la suite de conférence d’hier, j’ai changé d’idée puisque je comprends la référence de Patrick Sorrel au «système de croyance». Il affirme que le «système de croyance» est une autre expression pour le «système de penser». Ce faisant, toute pensée est aussi une croyance.

Article # 26 – Une pratique philosophique sans cœur

J’éprouve un malaise face à la pratique philosophique ayant pour objectif de faire prendre conscience aux gens de leur ignorance, soit le but poursuivi par Socrate. Conduire un dialogue avec une personne avec l’intention inavouée de lui faire prendre conscience qu’elle est ignorante des choses de la vie et de sa vie repose sur un présupposé (Ce qui est supposé et non exposé dans un énoncé, Le Robert), celui à l’effet que la personne ne sait rien sur le sens des choses avant même de dialoguer avec elle. On peut aussi parler d’un préjugé philosophique.

Article # 27 – Êtes-vous prisonnier de vos opinions ?

Si votre opinion est faite et que vous n’êtes pas capable d’en déroger, vous êtes prisonnier de votre opinion. Si votre opinion est faite et que vous êtes ouvert à son évolution ou prêt à l’abandonner pour une autre, vous êtes prisonnier de l’opinion. Si votre opinion compte davantage en valeur et en vérité que les faits, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si votre opinion est la seule manière d’exprimer vos connaissances, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous pensez que l’opinion est le seul résultat de votre faculté de penser, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous prenez vos opinion pour vraies, vous êtes prisonnier de vos opinions.

Article # 28 – La pratique philosophique – Une méthode contemporaine pour mettre la sagesse au service de votre bien-être, Jérôme Lecoq, Eyrolles, 2014

J’ai mis beaucoup de temps à me décider à lire « La pratique philosophique » de Jérôme Lecoq. L’auteur est un émule d’Oscar Brenifier, un autre praticien philosophe. J’ai vécu l’enfer lors de mes consultations philosophiques avec Oscar Brenifier. Ainsi toute association de près ou de loin avec Oscar Brenifier m’incite à la plus grande des prudences. Jérôme Lecoq souligne l’apport d’Oscar Brenifier dans les Remerciements en première page de son livre « La pratique philosophique ».

Article # 29 – Je sais parce que je connais

Quelle est la différence entre « savoir » et « connaissance » ? J’exprime cette différence dans l’expression « Je sais parce que je connais ». Ainsi, le savoir est fruit de la connaissance. Voici quatre explications en réponse à la question « Quelle est la différence entre savoir et connaissance ? ».

Article # 30 – Les styles interpersonnels selon Larry Wilson

J’ai décidé de publier les informations au sujet des styles interpersonnels selon Larry Wilson parce que je me soucie beaucoup de l’approche de la personne en consultation philosophique. Il m’apparaît important de déterminer, dès le début de la séance de philothérapie, le style interpersonnel de la personne. Il s’agit de respecter la personnalité de la personne plutôt que de la réprimer comme le font les praticiens socratiques dogmatiques. J’ai expérimenté la mise en œuvre de ces styles inter-personnels avec succès.

Article # 31 – La confiance en soi – Une philosophie, Charles Pépin, Allary Éditions, 2018

Le livre « La confiance en soi – Une philosophie » de Charles Pépin se lit avec une grande aisance. Le sujet, habituellement dévolue à la psychologie, nous propose une philosophie de la confiance. Sous entendu, la philosophie peut s’appliquer à tous les sujets concernant notre bien-être avec sa propre perspective.

Article # 32 – Les émotions en philothérapie

J’ai vécu une sévère répression de mes émotions lors deux consultations philosophiques personnelles animées par un philosophe praticien dogmatique de la méthode inventée par Socrate. J’ai témoigné de cette expérience dans deux de mes articles précédents dans ce dossier.

Article # 33 – Chanson « Le voyage » par Raôul Duguay, poète, chanteur, philosophe, peintre… bref, omnicréateur québécois

Vouloir savoir être au pouvoir de soi est l’ultime avoir / Le voyage / Il n’y a de repos que pour celui qui cherche / Il n’y a de repos que pour celui qui trouve / Tout est toujours à recommencer

Article # 34 – « Ah ! Là je comprends » ou quand la pensée se fait révélation

Que se passe-t-il dans notre système de pensée lorsque nous nous exclamons « Ah ! Là je comprends » ? Soit nous avons eu une pensée qui vient finalement nous permettre de comprendre quelque chose. Soit une personne vient de nous expliquer quelque chose d’une façon telle que nous la comprenons enfin. Dans le deux cas, il s’agit d’une révélation à la suite d’une explication.

Article # 35 – La lumière entre par les failles

Âgé de 15 ans, je réservais mes dimanches soirs à mes devoirs scolaires. Puis j’écoutais l’émission Par quatre chemins animée par Jacques Languirand diffusée à l’antenne de la radio de Radio-Canada de 20h00 à 22h00. L’un de ces dimanches, j’ai entendu monsieur Languirand dire à son micro : « La lumière entre par les failles».

Article # 36 – Les biais cognitifs et la philothérapie

Le succès d’une consultation philosophique (philothérapie) repose en partie sur la prise en compte des biais cognitifs, même si ces derniers relèvent avant tout de la psychologie (thérapie cognitive). Une application dogmatique du dialogue socratique passe outre les biais cognitifs, ce qui augmente les risques d’échec.

Article # 37 – L’impossible pleine conscience

Depuis mon adolescence, il y a plus de 50 ans, je pense qu’il est impossible à l’Homme d’avoir une conscience pleine et entière de soi et du monde parce qu’il ne la supporterait pas et mourrait sur le champ. Avoir une pleine conscience de tout ce qui se passe sur Terre et dans tout l’Univers conduirait à une surchauffe mortelle de notre corps. Il en va de même avec une pleine conscience de soi et de son corps.

Article # 38 – Verbalisation à outrance : «Je ne suis pas la poubelle de tes pensées instantanées.»

Le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre français, a été interrogé par la journaliste Pascale Senk du quotidien Le Figaro au sujet de son livre Savoir se taire, savoir parler, coécrit avec Laurent Carouana et paru en 2017. Le titre de l’article a retenu mon attention : Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole».

Article # 39 – Comment dialoguer de manière constructive ? par Julien Lecomte, Philosophie, médias et société

Reproduction de l’article « Comment dialoguer de manière constructive ? », un texte de Julien Lecomte publié sur son site web PHILOSOPHIE, MÉDIAS ET SOCIÉTÉ. https://www.philomedia.be/. Echanger sur des sujets de fond est une de mes passions. Cela fait plusieurs années que je m’interroge sur les moyens de faire progresser la connaissance, d’apprendre de nouvelles choses. Dans cet article, je reviens sur le cheminement qui m’anime depuis tout ce temps, pour ensuite donner des pistes sur les manières de le mettre en pratique concrètement.

Article # 40 – Le récit d’initiation en spirale

Dans le récit initiatique, il s’agit de partir du point A pour aller au point B afin que le lecteur ou l’auditeur chemine dans sa pensée vers une révélation permettant une meilleure compréhension de lui-même et/ou du monde. La référence à la spirale indique une progression dans le récit où l’on revient sur le même sujet en l’élargissant de plus en plus de façon à guider la pensée vers une nouvelle prise de conscience. Souvent, l’auteur commence son récit en abordant un sujet d’intérêt personnel (point A) pour évoluer vers son vis-à-vis universel (point B). L’auteur peut aussi se référer à un personnage dont il fait évoluer la pensée.

Article # 41 – La philothérapie – Un état des lieux par Serge-André Guay, Observatoire québécois de la philothérapie

Cet article présente un état des lieux de la philothérapie (consultation philosophique) en Europe et en Amérique du Nord. Après un bref historique, l’auteur se penche sur les pratiques et les débats en cours. Il analyse les différentes publications, conférences et offres de services des philosophes consultants.

Article # 42 – L’erreur de Descartes, Antonio Damasio, Odile Jacob, 1995

J’ai découvert le livre « L’erreur de Descartes » du neuropsychologue Antonio R. Damasio à la lecture d’un autre livre : L’intelligence émotionnelle de Daniel Goleman. L’édition originale de ce livre est parue en 1995 en anglais et j’ai lu la traduction française à l’été 1998 parue un an auparavant chez Robert Laffont. Diplômé de l’université Harvard et docteur en psychologie clinique et développement personnel, puis journaliste au New York Times, où il suit particulièrement les sciences du comportement, Daniel Goleman nous informe dans son livre « L’intelligence émotionnel » au sujet de la découverte spectaculaire pour ne pas dire révolutionnaire de Antonio R. Damasio à l’effet que la raison a toujours besoin d’un coup des émotions pour prendre des décisions. Jusque-là, il était coutume de soutenir que les émotions perturbaient la raison, d’où l’idée de les contrôler.

Article # 43 – Éloge de la pratique philosophique, Sophie Geoffrion, Éditions Uppr, 2018

Ma lecture du livre ÉLOGE DE LA PRATIQUE PHILOSOPHIQUE de la philosophe praticienne SOPHIE GEOFFRION fut agréable et fort utile. Enfin, un ouvrage court ou concis (le texte occupe 65 des 96 pages du livre), très bien écrit, qui va droit au but. La clarté des explications nous implique dans la compréhension de la pratique philosophique. Bref, voilà un éloge bien réussi. Merci madame Geoffrion de me l’avoir fait parvenir.

Article # 44 – Consultation philosophique : s’attarder à l’opinion ou au système de pensée ?

Dans cet article, je m’interroge à savoir la consultation philosophique doit s’attarder à l’opinion ou au système pensée du client. OPINION – Le philosophe praticien cible l’opinion de son client en vue de démontrer l’ignorance sur laquelle elle repose et, par conséquent, l’absence de valeur de vérité qu’elle recèle. Cette pratique repose sur le « questionnement philosophique ».

Article # 45 – Sentir et savoir – Une nouvelle théorie de la conscience, Antonio Damasio, Éditions Odile Jacob

Dans son livre « Sentir et savoir », Antonio Damasio propose « Une nouvelle théorie de la conscience ». Il démontre que la conscience ne peut pas exister sans le corps. Il identifie dans le corps la capacité de sentir comme préalable à la conscience.

Article # 46 – Dépression et philosophie : Du mal du siècle au mal de ce siècle, Robert Redeker, Editions Pleins Feux, 2007.

Un si petit livre, seulement 46 pages et en format réduit, mais tellement informatif. Une preuve de plus qu’il ne faut se fier aux apparences. Un livre signé ROBERT REDEKER, agrégé de philosophie originaire de la France, connaît fort bien le sujet en titre de son œuvre : DÉPRESSION ET PHILOSOPHIE. L’auteur prend le temps de situer son sujet dans son contexte historique soulignant la reconnaissance plutôt récente de la dépression comme une maladie. Auparavant, on parlait d’acédie et d’ennui.

Article # 47 – Savoir se taire, savoir parler, Dr Jean-Christophe Seznec et Laurent Carouana, InterÉditions, 2017

Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole» – Avec cet article, nous sortons de du cadre de la philosophie pour entrer de plein pied dans celui de la psychologie. Le livre Savoir se taire, savoir parler a attiré mon attention à la suite de ma lecture de l’article « Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole » paru dans le Figaro.fr. J’accepte cette intrusion de la psychologie dans ce dossier sur la philosophie parce que cette « hystérie de la parole » observable à notre époque, notamment sur les réseaux sociaux, entre directement en conflit avec le silence nécessaire et incontournable à la réflexion philosophique. Bref, il faut savoir se taire, savoir parler pour philosopher. J’ai donc acheté ce livre et voici mon rapport de lecture.

Article # 48 – Penser sa vie – Une introduction à la philosophie, Fernando Savater, Éditions du Seuil, 2000

Chapitre 1 – La mort pour commencer – Contrairement au philosophe Fernando Savater dans PENSER SA VIE – UNE INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE, je ne définie pas la vie en relation avec la mort, avec son contraire. Je réfléchie et je parle souvent de la mort car il s’agit de l’un de mes sujets préféré depuis mon adolescence. Certaines personnes de mon entourage pensent et affirment que si je parle aussi souvent de la mort, c’est parce que j’ai peur de mourir. Or, je n’ai aucune peur de la mort, de ma mort, de celles de mes proches. Je m’inquiète plutôt des conséquences de la mort sur ceux et celles qui restent, y compris sur moi-même.

Article # 49 – Pourquoi avons-nous des couleurs de peau et des physiques si différents ?

À la lumière du documentaire LE SOLEIL ET DES HOMMES, notamment l’extrait vidéo ci-dessus, je ne crois plus au concept de race. Les différences physiques entre les hommes découlent de l’évolution naturelle et conséquente de nos lointains ancêtres sous l’influence du soleil et de la nature terrestre, et non pas du désir du soleil et de la nature de créer des races. On sait déjà que les races et le concept même de race furent inventés par l’homme en se basant sur nos différences physiques. J’abandonne donc la définition de « race » selon des critères morphologiques (…)

Article # 50 – Extrait du mémoire de maîtrise «Formation de l’esprit critique et société de consommation» par Stéphanie Déziel

Dans le cadre de notre dossier « Consulter un philosophe », la publication d’un extrait du mémoire de maîtrise « Formation de l’esprit critique et société de consommation » de Stéphanie Déziel s’impose en raison de sa pertinence. Ce mémoire nous aide à comprendre l’importance de l’esprit critique appliqué à la société de consommation dans laquelle évoluent, non seule les jeunes, mais l’ensemble de la population.

Article # 51 – « En fait, c’est dans son incertitude même que réside largement la valeur de la philosophie. » Bertrand Russell

Je reproduis ci-dessous une citation bien connue sur le web au sujet de « la valeur de la philosophie » tirée du livre « Problèmes de philosophie » signé par Bertrand Russell en 1912. Mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique, Bertrand Russell soutient que la valeur de la philosophie réside dans son incertitude. À la suite de cette citation, vous trouverez le texte de Caroline Vincent, professeur de philosophie et auteure du site web « Apprendre la philosophie » et celui de Gabriel Gay-Para tiré se son site web ggpphilo. Des informations tirées de l’Encyclopédie Wikipédia au sujet de Bertrand Russell et du livre « Problèmes de philosophie » et mon commentaire complètent cet article.

Article # 52 – Socrate et la formation de l’esprit critique par Stéphanie Déziel

Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil; et, s’ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système ni un lit. Ne vous lassez pas d’examiner et de comprendre. (…) Lisez, écoutez, discutez, jugez; ne craignez pas d’ébranler des systèmes; marchez sur des ruines, restez enfants. (…) Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui; vous avez compris, en l’écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l’aune, et que les conclusions ne sont pas l’important; restez éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n’est point mort; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s’asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n’est point mort; Socrate n’est point vieux. (…) – Alain, (Emile Charrier), Vigiles de l’esprit.

Article # 53 – J’ai un problème avec la vérité

Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».

Article # 54 – Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs, Iaria Gaspard, Presses Universitaires de France, 2022

J’accorde à ce livre trois étoiles sur cinq. Le titre « Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs » a attiré mon attention. Et ce passage du texte en quatrième de couverture m’a séduit : «En proposant une voyage philosophique à travers l’histoire des émotions, Iaria Gaspari bouscule les préjugés sur notre vie émotionnelle et nous invite à ne plus percevoir nos d’états d’âme comme des contrainte ». J’ai décidé de commander et de lire ce livre. Les premières pages m’ont déçu. Et les suivantes aussi. Rendu à la moitié du livre, je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agissait d’un témoignage de l’auteure, un témoignage très personnelle de ses propres difficultés avec ses émotions. Je ne m’y attendais pas, d’où ma déception. Je rien contre de tels témoignages personnels qu’ils mettent en cause la philosophie, la psychologie, la religion ou d’autres disciplines. Cependant, je préfère et de loin lorsque l’auteur demeure dans une position d’observateur alors que son analyse se veut la plus objective possible.

Article # 55 – Savoir, connaissance, opinion, croyance

Tout repose sur le Savoir. L’expérience personnelle et/ou professionnelle qu’on fait du Savoir, après en avoir pris conscience, se retrouve à la base des Connaissances que nous possédons. Les Opinions expriment des Jugements des connaissances et inspirent souvent les Croyances.

Article # 56 – Philosophie, science, savoir, connaissance

La philosophie, mère de toutes les sciences, recherche la sagesse et se définie comme l’Amour de la Sagesse. La sagesse peut être atteinte par la pensée critique et s’adopte comme Mode de vie. • La philosophie soutient la Science et contribue à la naissance et au développement de la méthode scientifique, notamment avec l’épistémologie.

Article # 57 – La philosophie encore et toujours prisonnière de son passé ?

La philothérapie, principale pratique de la philosophie de nos jours, met sans cesse de l’avant les philosophes de l’Antiquité et de l’époque Moderne. S’il faut reconnaître l’apport exceptionnel de ces philosophes, j’ai parfois l’impression que la philothérapie est prisonnière du passé de la philosophie, à l’instar de la philosophie elle-même.

Article # 58 – Le Québec, un désert philosophique

Au Québec, la seule province canadienne à majorité francophone, il n’y a pas de tradition philosophique populaire. La philosophie demeure dans sa tour universitaire. Très rares sont les interventions des philosophes québécois dans l’espace public, y compris dans les médias, contrairement, par exemple, à la France. Et plus rares encore sont les bouquins québécois de philosophie en tête des ventes chez nos libraires. Seuls des livres de philosophes étrangers connaissent un certain succès. Bref, l’espace public québécois n’offre pas une terre fertile à la Philosophie.

Article # 59 – La naissance du savoir – Dans la tête des grands scientifiques, Nicolas Martin, Éditions Les Arènes, 2023.

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il me permet d’en apprendre beaucoup plus sur la pensée scientifique telle que pratiquée par de grands scientifiques. L’auteur, Nicolas Martin, propose une œuvre originale en adressant les mêmes questions, à quelques variantes près, à 17 grands scientifiques.

Article # 60 – Pourquoi est-il impossible d’atteindre l’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique ?

Cet article répond à ce commentaire lu sur LinkedIn : « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique est indispensable. » Il m’apparaît impossible de viser « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique » et de prétendre que cet équilibre entre les trois disciplines soit « indispensable ». D’une part, le développement personnel est devenu un véritable fourre-tout où l’ivraie et le bon grain se mélangent sans distinction, chacun avançant sa recette à l’aveugle.

Article # 61 – Le commerce extrême de la philosophie avec les « philopreneurs »

En ne s’unissant pas au sein d’une association nationale professionnelle fixant des normes et des standards à l’instar des philosophes consultants ou praticiens en d’autres pays, ceux de la France nous laissent croire qu’ils n’accordent pas à leur disciple tout l’intérêt supérieur qu’elle mérite. Si chacun des philosophes consultants ou praticiens français continuent de s’affairer chacun dans son coin, ils verront leur discipline vite récupérée à mauvais escient par les philopreneurs et la masse des coachs.

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Le dernier livre – Pour les jeunes qui ne passeront pas leur vie à lire

Le dernier livre

LE DERNIER LIVRE

Pour les jeunes qui ne passeront pas leur vie à lire

Tout ce que vous n’apprendrez pas au secondaire et au collégial

Essai, Serge-André Guay,

Fondation littéraire Fleur de Lys,

Lévis, Québec, 2022, 67 pages.

ISBN 978-2-89612-625-5

Exemplaire numérique (PDF) : Gratuit

Exemplaire papier sur demande – Écrivez à contact@manuscritdepot.com

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Édité par la Fondation littéraire Fleur de Lys, organisme sans but lucratif, éditeur libraire québécois en ligne sur Internet. Depuis 2003.

Adresse électronique : contact@manuscritdepot.com

Site Internet : http://www.manuscritdepot.com


Tous droits réservés

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© Copyright 2022 Serge-André Guay

Reproduction intégrale ci-dessous


TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE

INTRODUCTION

Critique de l’école et des programmes scolaires

Arrêter de penser à demain, penser ici et maintenant

Une question de conscience

CHAPITRE 1 – À CHACUN SON OPINION

CHAPITRE 2 – TU ME JUGES

CHAPITRE 3 – PIÉGÉ PAR LA PSYCHOLOGIE

Pourquoi la psychologie peut-elle être un piège ?

Et la question du bonheur ?

Anxiété

Conclusion

CHAPITRE 4 – LA LIBERTÉ DE PENSER ET D’AGIR

1. Déceler vos biais cognitifs

2. Examiner votre comportement

3. Le conditionnement de vos attitudes

Conclusion

CHAPITRE 5 – VIVRE EN MARGE

Éloge de la fuite

Conclusion

CONCLUSION

ANNEXE – LES STYLES INTERPERSONNELS

DU MÊME AUTEUR

AU SUJET DE L’AUTEUR

COMMUNIQUER AVEC L’AUTEUR

ÉDITION ÉCOLOGIQUE


PRÉFACE

Âgé de 15 ans, rendu en secondaire IV, je consacre mes dimanches soirs à mes devoirs tout en écoutant mon émission de radio préférée. L’animateur mobilise toute mon attention lorsqu’il affirme : « Ceux qui se donnent constamment raison, vivent dans un système (de pensée) sans failles. Or, c’est par les failles que la lumière entre ». Ce fut pour moi une véritable révélation.

Je reconnais dans mon entourage plusieurs adultes qui se donnent raison chaque fois qu’ils parlent. Ils s’expriment avec une telle force de conviction qu’il ne sert à rien d’essayer de remettre en question leurs opinions. Ils ont raison. En fait, ils se donnent raison comme si c’était là le but de toutes leurs conversations.

Pour tout vous dire, j’avais l’impression d’avoir tort avant même d’ouvrir la bouche lors des soupers familiaux. Alors, je me contentais d’écouter en silence. Je n’avais pas le goût de me confronter à mes parents en soutenant que je n’étais pas d’accord avec leurs affirmations. J’observais à quel point leur système de pensée n’avait aucune faille. À un moment donné, je me suis même demandé si être adulte procurait le pouvoir de se donner raison. Ainsi, un jeune ne pouvait pas avoir raison tant et aussi longtemps qu’il n’atteignait pas l’âge adulte.

C’est vrai, quand on est jeune, nous n’avons pas l’expérience des adultes. Mais rien n’empêche que nous ayons des idées et des opinions. Nous imitons nos parents. Certains jeunes se lancent dans des confrontations, parfois violentes, avec leurs parents et les adultes en autorité. Le prix à payer est souvent élevé : « Va dans ta chambre » ou, pis encore, « C’est ce que tu penses… mais tu te trompes, tu verras plus tard ».

Jeunes, on se rend compte que le monde dans lequel nous vivons n’est pas celui qu’on nous a annoncé et encore moins celui qu’on a imaginé durant notre enfance. Du secondaire I au secondaire V puis au CÉGEP, nous prenons conscience que le monde ne correspond pas aux promesses des adultes.

J’ai observé deux réactions au sein de mes collègues de classe. Certains refusent de se confronter au monde des adultes et s’enferment dans leur jeunesse. Les autres sont en colère parce qu’ils se sentent trahis et contestent. En fin de compte, la plupart des jeunes parviennent à se faire une raison pour profiter du système en place dans le monde. D’autres vivront toujours en marge de la société.

Ce livre ne sera pas utile à ceux et celles qui accepteront de se plier aux exigences du système et l’exploiteront au mieux de leurs connaissances et de leurs expériences.

Ce livre sera utile à ceux et celles qui, comme moi, décideront de vivre en marge de la société avec laquelle ils ne souhaitent pas (ou ne peuvent pas envisager) faire des compromis avec le système et s’accrochent à leurs idéaux.

En termes imagés, les premiers empruntent l’autoroute de la vie et les seconds préfèrent la route de campagne. Il n’y a pas de mauvais choix. Il s’agit simplement d’exploiter au maximum notre faculté de pensée, nos talents et notre créativité pour surmonter les obstacles.

Ce soir-là, je me couche tout en écoutant mon émission de radio, mais je suis distrait par ce fameux « La lumière entre par les failles ». Désormais, je ne vais plus chercher à colmater mes failles en cherchant à me donner raison pour laisser la lumière m’éclairer. Ce livre explique comment je profite encore de ce changement de cap à 65 ans.


INTRODUCTION

Cette introduction, me dit-on, n’est pas écrite dans un langage adapté aux jeunes.
À vous de juger.

La lecture de plusieurs livres vous est imposée par vos professeurs au cours de vos études secondaires et collégiales. Mais plusieurs d’entre vous n’aiment pas la lecture et n’en prendront pas l’habitude à la suite de leurs études. De plus, ces lectures scolaires ne vous préparent pas réellement à la vie réelle. Il en va de même avec les programmes d’étude parce qu’ils excluent des informations essentielles depuis des décennies. Ainsi, tout au long de votre vie, vous découvrirez ces informations et conclurez « Mais pourquoi donc ne m’a-t-on pas dit cela lorsque j’étais jeune ? J’aurais gagné un temps précieux ». Voilà pourquoi je propose un dernier livre à ceux et celles qui ne passeront pas leur vie à lire. Je souhaite contribuer au développement de votre faculté de penser, l’enjeu principal de vos études.

Dans ce livre, je réunis tout ce que j’aurais aimé savoir dès mon adolescence et mes premiers pas dans la vie adulte. Un savoir acquis par la lecture de livres anciens et nouveaux et par ma propre expérience de la vie.

« Le dernier livre » propose tout ce que vous n’apprendrez jamais pour développer votre faculté de penser au cours de vos études secondaires et collégiales.

Critique de l’école et des programmes scolaires

Depuis des décennies, les décideurs des programmes scolaires épurent, pour ne pas dire, censurent les contenus et les méthodes d’enseignement. Ils écartent des sources de connaissances jadis essentielles. « Ils jettent le bébé (l’essentiel) avec l’eau du bain (le superficiel) » comme on dit. Pour prendre conscience de la situation du monde de l’enseignement, il faut un certain recul que seules les années et l’expérience permettent.

Aujourd’hui, l’école a perdu de vue les enseignements qui vous seraient utiles pour bâtir votre liberté de penser. Au fil des décennies, l’école est devenue ignorante et elle ne peut plus vous apprendre ce qu’elle ne sait pas (on ne donne pas ce que l’on n’a pas).

Pis encore, l’école vous isole toujours davantage du monde réel. Seuls les intervenants soumis entièrement à leur projet éducatif peuvent désormais entrer dans les écoles pour s’adresser à vous. Celles-ci veillent à ce que personne ne vienne vous corrompre avec des idées nouvelles autres que celles à ses programmes. Que ce soit au secondaire ou au collégial, l’école barre les portes à double tour à tous ceux et celles qui vous motiveraient à remettre en question votre apprentissage.

La critique ne date pas d’hier et demeure actuelle : « À quoi cela va-t-il me servir dans la vie ? ». Très souvent sans réponse satisfaisante, cette question laisse pourtant voir clairement des besoins non comblés par l’école depuis trop longtemps.

Les plus courageux d’entre vous s’accrochent et décrochent leur diplôme d’études secondaires et même collégiales. Ils y parviennent, non pas uniquement par le programme scolaire, mais surtout par leur attachement à leur milieu de vie, à l’école elle-même, à leurs collègues de classe et à leurs amis tout comme à leurs activités parascolaires sans oublier leur vie en dehors du cadre scolaire. Vous pouvez vous discipliner à rester enfermés dans une classe pour écouter les professeurs, à faire vos devoirs et à améliorer vos notes. Bref, votre réussite dépend de votre capacité à vous glisser dans le système et à lui donner ce qu’il demande, sans vous questionner.

Mais il faut une récompense pour tenir une telle discipline, une récompense quotidienne et durable. Vous la trouvez dans la vie parascolaire et sociale libre. Elle vous maintient à l’école ainsi devenue un simple lieu physique avec des facilités. « C’est déjà beaucoup », me diront des adultes qui ne veulent pas voir les jeunes traîner dans les rues ou décrocher. Mais ce n’est pas assez ! On peut toujours se rallier à l’idée qu’il faut que jeunesse se passe ou à celle beaucoup plus inspirante qu’il ne faut pas gaspiller sa jeunesse.

Vous savez fort bien que l’école ne vous prépare pas à la vie réelle, mais à un travail. Vous apprenez assez rapidement et à la dure que la vie réelle est toute autre que celle enseignée en classe.

Si on ne peut pas nier l’apport de l’école à l’acquisition d’une certaine culture générale, cette dernière demeure très limitée par les programmes d’enseignement imposés aux professeurs. Au Québec, les programmes scolaires ne vous instruisent pas de certains sujets pourtant jugés essentiels ailleurs dans le monde. La censure de ces sujets se maintient d’une réforme de l’éducation à l’autre depuis des décennies.

Dans les années 1950, les principales matières enseignées dans les collèges classiques sont les lettres, la philosophie et la rhétorique (art oratoire). Le programme des collèges classiques incluait, entre autres, des cours de logique et des cours de stylistique (étude des particularités d’écriture d’un texte). À cette époque, les programmes scolaires de ces collèges se fondaient sur les acquis de l’Homme depuis plus de 2000 ans. Dans les années 1960, les programmes scolaires québécois ont rejeté ces acquis historiques. Il s’agissait alors de rendre l’école accessible à tous et il fut décidé d’exclure des programmes scolaires du contenu classique. Plus de 2000 ans de connaissance furent relégués aux oubliettes.

J’ai trouvé quelques-uns des manuels scolaires utilisés dans les collèges classiques au cours des années 1950. Ma réaction : « Ah ! Si on m’avait enseigné ça, tout aurait été plus simple ».

Enfin, je me dois de vous sensibiliser au rôle exagéré de la psychologie dans vos écoles secondaires et dans vos collèges. Tout problème devient psychologique, du manque de confiance en soi à la dégradation de l’estime de soi en passant par les difficultés de concentration. L’école est psychologisante, c’est-à-dire qu’elle donne une valeur, une explication exclusivement psychologique à toute chose. Elle soumet abusivement tout événement à une interprétation psychologique. L’école s’accorde ainsi parfaitement avec la société tout aussi psychologisante dans laquelle on nous force tous à vivre, souvent pour notre plus grand malheur.

Arrêter de penser à demain, penser ici et maintenant

On vous motive à demeurer et à vous impliquer dans vos études en soutenant que vous devez penser à demain ou, si vous préférez, qu’aujourd’hui vous devez penser à votre avenir. Mais qu’en est-il du penser ici et maintenant ? Les programmes scolaires au secondaire et au collégial ne comprennent aucun cours consacré à votre faculté de penser et son développement. Pourquoi l’école ne vous enseigne-t-elle pas comment notre système de pensée fonctionne, comment l’ajuster en cas d’erreur de pensée, comment en profiter pour bien réfléchir ?

Si l’école se vante de développer l’esprit critique des jeunes, elle ne vous en donne pas vraiment les moyens puisqu’il n’y a aucun cours consacré uniquement à ce sujet au programme. On trouve ici et là, dans certains cours, des interventions en faveur de la pensée critique face à ceci ou cela. La mode, par exemple, est à l’esprit critique pour reconnaître les fausses nouvelles. Mais toutes ces interventions ne vous plongent pas au cœur de l’extraordinaire faculté de pensée reconnue à tout Homme et toute Femme. L’école donne des exemples précis de pensée critique sur des sujets tout aussi précis. Elle espère ainsi que votre esprit se formera par lui-même à la pensée critique à l’aide de ces exemplaires. Mais ce n’est pas ainsi ou par la bande que l’on forme à l’esprit critique. Il faut aborder le sujet de front. Ceci fait, peu importe les sujets et les situations, l’esprit critique joue son rôle. Il est acquis et en développement une fois pour toutes tout au long de sa vie. Mais l’école l’ignore ou n’a pas le temps de s’arrêter aussi longtemps au sujet. Elle se limite, comme mentionné ci-dessus, à de simples exemples d’application de l’esprit critique, mais n’aborde pas le développement général de l’esprit critique en soi.

De plus, pour enseigner l’esprit critique, il faut un esprit critique. Les universités québécoises ne forment pas vos professeurs à l’enseignement de la pensée critique au secondaire et au collégial. Les institutions scolaires françaises le font et nous retrouvons des cours et des manuels scolaires spécifiques au développement de la pensée critique auprès des jeunes. Ça n’est-ce pas le cas au Québec!

Une question de conscience

À l’adolescence ou lors de nos premiers pas dans la vie adulte nous développons notre propre conscience face à la vie, la famille, les ami(e)s, les collègues de classe, l’école… Plusieurs se rendent compte que le monde n’est pas ce qu’ils imaginaient. Certains d’entre vous se résignent et entrent dans le rang. D’autres portent un regard critique sur la société et se rebellent. Peu importe la situation dans laquelle vous vous retrouvez, il s’agit d’une question de conscience intimement liée à la pensée critique. Ce livre vous propose des moyens pour développer votre pensée critique.


CHAPITRE 1

À chacun son opinion

Il ne faut pas prendre pour vrai ce que l’on pense uniquement parce qu’on le pense.

L’opinion règne en roi et maître sur le monde des jeunes, tout autant sur celui des adultes. J’ai rencontré des gens soutenant que notre faculté de penser ne peut pas produire autre chose que des opinions. Toutes nos pensées sont des opinions et rien d’autre m’a-t-on dit. L’exercice de notre faculté de penser n’a pas pour but de nous fournir des opinions. Elle vise plutôt à acquérir et à développer des connaissances. Et ces connaissances n’ont pas pour but de servir de fondement à nos opinions.

En effet, nous exprimons et partageons nos connaissances beaucoup trop souvent sous la forme d’opinions que nous avons de nos connaissances plutôt que les connaissances elles-mêmes.

Pour clore un débat d’opinions qui nous tombe sur les nerfs, nous optons pour une sortie facile : « À chacun son opinion ». Dans ce cas, nous enfermons l’autre dans son opinion, dans ce qu’il dit, et il n’y a plus de communication possible.

Les adultes ont construit un monde où l’opinion règne en roi et maître. Ils peuvent vous donner l’impression qu’être adulte, c’est avoir une opinion sur tout. Vous n’êtes pas obligé de suivre cet exemple.

Pendant une quinzaine d’années (20 à 35 ans), j’ai tiré mes revenus de la vente de mes opinions à titre de consultant en communication et en marketing. Il me suffisait de croire dur comme fer que mon opinion était la meilleure et de l’exposer avec toute ma force de conviction pour la vendre à mon client.

Puis, un jour, Louis Cheskin, un chercheur américain en étude des motivations des consommateurs, a tout fait dérailler. Dans l’un de ses livres, il écrit : « Je me trompe souvent, mais mes recherches ne se trompent jamais ». L’affirmation ne m’a pas poussé à chercher comment ne pas me tromper, mais à comprendre comment nous pensons pour être capables de déceler et de corriger mes erreurs de pensée à la source.

Mon seul but : éviter de répéter sans cesse les mêmes erreurs. Nous ne sommes pas parfaits et nous commettons tous des erreurs. L’important est de ne pas répéter les mêmes erreurs et ainsi revenir sans cesse au point de départ.

Jusque-là, je fonçais. Quand je commettais une erreur, je me relevais et je fonçais de nouveau. « Foncer, c’est permis », répétait la publicité à l’époque. Je croyais qu’il s’agissait du seul et unique modèle menant au succès professionnel.

Or, il ne s’agit pas de se relever et de foncer de nouveau sans hésiter. Il s’agit plutôt de se relever, de prendre tout le temps nécessaire pour regarder en arrière et identifier l’erreur qui nous a fait tomber pour la comprendre et ne pas la répéter. Ceci fait, on peut foncer de nouveau.

J’ai fait mon entrée dans le monde du travail avant même d’avoir terminé mes études secondaires à titre de chroniqueur et journaliste pigiste. Dans ce domaine, on parle beaucoup de l’objectivité des médias. Je me croyais objectif jusqu’à ma lecture d’un autre passage d’un des livres du chercheur américain :

« Nous aimons croire que nous sommes objectifs, que nous sommes intéressés par l’information objective. En fait, à moins qu’une personne devienne subjective au sujet d’une information objective, elle ne s’y intéressera pas et elle ne sera pas motivée par cette information. Nous disons juger objectivement, mais en réalité nous réagissons subjectivement.

Nous faisons continuellement des choix dans notre vie quotidienne. Nous choisissons des « choses » qui nous apparaissent subjectivement, mais nous considérons nos choix comme étant objectifs.» ¹

¹ Cheskin, Louis, Basis For marketing Decision, Liveright, New York, 1961, p. 82. « We like to believe that we are objective, that we are interested in objective information. Actually, unless one becomes subjective about a new objective information, he is not interested in it and is not motivated by it. We say we judge objectively, but actually we react subjectively. We continually make choices in daily life. We choose the « things » which appeal to us subjectively, but we consider the choices objective. »

Au diable l’objectivité ! Nous sommes et nous demeurons tous subjectifs, souvent sans même en prendre conscience. Ce chercheur, philosophe sur les bords, m’a motivé à étudier comment nous pensons et comment nous pouvons être raisonnablement certains de la justesse de nos pensées.

J’ai étudié de nombreux livres sérieux sur le sujet, des ouvrages traitant de la pensée scientifique. Tous commencent par la même invitation : « Luttez contre vos opinions ». Nos opinions se dressent devant nous comme le premier obstacle à surmonter pour acquérir des connaissances.

L’outil principal pour gagner cette lutte contre nos opinions est le doute, le doute raisonnable et systématique. Et le doute, c’est cette faille par laquelle la lumière entre et éclaire nos pensées, nos opinions, nos connaissances, notre expérience…

Un doute ou une faille laissera donc entrer la lumière et cette dernière nous aveuglera d’autant plus si nous sommes dans le noir depuis longtemps. Soit nous fermerons les yeux, soit nous colmaterons la faille le plus vite possible pour retrouver le confort de l’absence de lumière.

Aussi, il se trouve des personnes pour soutenir qu’elles ne sont pas dans le noir même en l’absence de toute faille dans leur système de pensées parce qu’elles émettent elles-mêmes la lumière nécessaire à leur bien-être. Dans ce cas, ce n’est plus une simple faille qui sera utile, mais un véritable effondrement de leur système de pensée. Je pense ici à un « doute nucléaire ». Nous y revenons au chapitre V « Vivre en marge ».

Un jour, j’ai rencontré une jeune adulte de retour d’une fin de semaine de retraite. Je tentais de l’amener à douter de ses opinions. Elle m’a répondu rapidement : « J’ai assez pensé en fin de semaine. Je n’ai pas envie de douter encore et encore ».

Depuis quelques années (ou décennies), vous êtes fortement invités à développer votre « amour de soi », votre « estime de soi » afin de vous assurer d’avoir une bonne « confiance en soi ». L’amour de soi réfère au sentiment positif que vous ressentez pour vous-même, par opposition à la haine de soi qui dépend alors d’un sentiment négatif face à vous-même. L’estime de soi concerne votre propre valeur. La confiance en soi relève de votre croyance en vos capacités.

Je vous invite à la plus grande des prudences face à cette approche purement psychologique de vous-même et des autres. Elle fait appel à vos sentiments et il n’y a rien de plus malléable que vos sentiments; ils peuvent être de véritables sables mouvants. Le plus souvent, la psychologie vous aborde comme un Être émotif aux dépens de votre Être raisonné.

Vos sentiments et vos jugements personnels ne constitueront jamais une base assez solide pour fonder votre amour de soi, votre estime de soi et votre confiance en soi.

Pourquoi ? Parce qu’une fois que vous vous aimez, que vous avez une bonne estime de vous-même et une belle confiance en vous-même, il vous est conseillé de ne pas en douter. Or, se remettre en question ou douter de soi est l’acte le plus essentiel pour développer son esprit critique.

Douter de vos sentiments et de vos opinions envers vous-même donne la possibilité de se reconstruire sans cesse au fil des expériences tout au long de votre vie.

« La connaissance de soi » s’avère beaucoup plus utile qu’une « bonne opinion de soi ». Et savez-vous comment se construit la connaissance (scientifique) ? Par le doute systématique de tout ce que l’on connaît. La connaissance se construit sur la destruction du déjà su ou, si vous préférez, sur la destruction de ce que vous savez déjà. Il nous faut soumettre au doute ce que nous savons.

Une connaissance n’est certaine que le temps qu’un doute vienne la remettre en question, la démolisse pour voir une autre prendre sa place. C’est comme ça que ça marche. Bref, le bénéfice du doute, c’est la certitude jusqu’au prochain doute.

Si douter vous déstabilise, c’est parce que vous vous fondez sur vos sentiments et vos opinions. Peu importe les sentiments et les opinions que vous avez de vous-même, votre valeur, la valeur mère de toutes les valeurs, une valeur inattaquable, c’est la vie en vous. On peut questionner vos sentiments et rejeter vos opinions, mais on ne peut pas critiquer le fait que vous soyez en vie, que vous existez, à moins de faire preuve de mauvaise foi. La vie permet d’Être, d’exister.

Votre valeur ne repose pas sur la valeur de vos opinions, mais plutôt sur la vie en vous.

Vient ensuite une autre valeur inestimable, la conscience de soi, incluant la conscience de votre existence et celle du monde extérieur.

Avec la valeur de la conscience, nous entrons dans le monde de la philosophie, un domaine qui rebute bien des gens, avec raison. Car nos premiers contacts avec ce domaine impliquent des philosophies et non pas la philosophie elle-même.

Au Québec, l’étude des différents philosophes passe avant l’étude de la philosophie. Or, comment comprendre les textes de ces philosophes sans comprendre d’abord la philosophie elle-même ? Prenez pour acquis que nous philosophons tous dès l’enfance, sans le savoir. Prendre conscience de nos pensées et y réfléchir, c’est ça philosopher.

Voici une définition de la conscience : « activité psychique qui fait que je pense le monde et que je me pense moi-même. Et ce parce que la conscience est une mise à distance. » (Source : dictionnaire de philosophie : la conscience, Philosophie.com. Lien : https://la-philosophie.com/la-conscience-philosophie.)

On peut toujours s’exercer à être conscient de ce qui se passe en nous et autour de nous, mais le plus important est de prendre nos distances face à ce qui se passe en nous et autour de nous. Seule la distance permet le recul nécessaire pour être capable de réfléchir. Tout ce qui se passe suscite en nous des émotions immédiates. Or, nos émotions nous empêchent souvent de prendre conscience de ce qui se passe. L’idée de base est de ne pas tenter de réfléchir sous le coup de l’émotion.

Je ne suis pas un adepte de la domination de la raison sur les émotions. Je préfère vivre en harmonie avec mon Être conscient et mon Être émotif. (Nous reviendrons au terme « Être » plus tard.

Devant une dizaine de possibilités de valeur égale, c’est la possibilité coup de cœur qui nous permettra de choisir. La raison a toujours besoin d’un coup de pouce des émotions dans la prise de décision. La preuve nous en est donnée par le chercheur Antonio Damasio (directeur de l’Institut pour l’étude neurologique de l’émotion et de la créativité de l’université de la Californie méridionale (University of Southern California) depuis 2005).

Conclusion

Pour lutter contre nos opinions, il ne faut pas les tenir pour vraies au point d’en faire une croyance inébranlable. La remise en question de nos opinions permet de prendre du recul et de conserver notre indépendance d’esprit.

Aussi, réfléchir exige de mettre à distance nos émotions. Enfin, si une décision difficile s’impose face à des choix de valeur égale, on peut se fier à nos émotions pour s’assurer de vivre en harmonie avec ce choix.

Permettez-moi de vous lancer sur une autre piste de réflexion en citant une fois de plus le chercheur américain Louis Cheskin : « Mon opinion n’a aucune valeur, mais mes recherches ne se trompent jamais ». Il pouvait soutenir une telle affirmation parce que ses recherches se fondaient sur la pensée et le processus scientifiques. Nous aborderons ce sujet plus tard.


CHAPITRE 2

Tu me juges

La connaissance plus utile que les jugements

Le jugement le plus dur sur ma personne au cours de ma vie fut celui d’un collègue étudiant au secondaire. À la suite de la mort d’un ami, également l’ami de tous, un autre collègue de classe, il a affirmé qu’il aurait été plus juste que ce soit moi qui meurs plutôt que mon ami, et ce, en présence de plusieurs autres étudiants. Personne n’a réagi à ces propos, pas même moi. Je me suis limité à identifier la personne ayant tenu ce propos dans le groupe silencieux derrière moi. Je n’ai pas eu l’idée de répondre, le deuil de mon ami passant avant tout dans ma conscience. Mais ma mémoire a enregistré profondément en moi ce jugement sur ma personne devenu au fil du temps un mauvais souvenir plutôt tenace.

Aujourd’hui, âgé de 65 ans, j’épouse l’idée qu’il n’y a pas plus cruel qu’un adolescent face à un autre. Cependant, j’observe de tels jugements dans le monde adulte. Je m’explique ce type de jugements négatifs par un manque flagrant d’empathie. Selon le dictionnaire Le Robert, l’empathie est la « capacité de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent ». L’empathie m’impose la prudence face à tous mes jugements afin d’éviter de blesser l’autre.

Si je juge par antipathie, c’est-à-dire par une aversion ou une vive répulsion de l’autre, je suis biaisé. Souvent, on n’aime pas la personne et on ne sait pas trop pourquoi. On la juge alors sans pouvoir fournir une explication rationnelle de cause à effet. L’émotion ressentie face à cette personne m’aveugle.

Juger devient parfois un acte de pensée  »naturel ». On juge tout comme on a une opinion sur tout. En fait, le jugement correspond à une opinion personnelle.

Faut-il alors lutter contre ses jugements comme on doit lutter contre ses opinions ? Pas forcément. Si nous jugeons comme le fait un juge en cour de justice, nous posons un acte judiciaire. Notre conscience devient alors ni plus ni moins qu’un tribunal et ce n’est pas son rôle.

Si vous jugez en vous appuyant sur une observation neutre et objective, vous portez un jugement de fait (Mon téléphone a été piraté. Il n’est pas bien protégé).

Dans ce cas, on parle aussi du jugement comme une « opération de connaissance » ou d’un « jugement de connaissance ».

Si vous jugez en impliquant une évaluation et une appréciation subjective (souvent personnelles), vous portez un jugement de valeur (Cette blague n’est pas drôle. Je n’ai pas ri). Ce jugement met en valeur vos goûts personnels.

Peu importe le jugement, je vous invite à en faire une proposition à discuter plutôt que l’affirmation d’une vérité.

Aussi, lorsqu’on vous juge, prêtez attention aux éléments du jugement, pour relever ce à quoi celui ou celle qui vous juge est sensible, ce sur quoi il vous juge. Vous tirerez de ce jugement à la fois une connaissance de vous-même (ce qui fait réagir l’autre) et une connaissance de l’autre (ce à quoi il est sensible). Vous serez à même d’apprécier son jugement, à savoir s’il vous est utile ou non. Si le jugement de l’autre vous blesse, rappelez-vous que ce jugement n’a pas force de vérité, qu’il est subjectif et non pas objectif.


CHAPITRE 3

Piégé par la psychologie

La société psychologisante nous enferme dans la gestion sans fin de nos émotions

La dépression

Pendant mes études secondaires, nous pouvions nous absenter d’un cours régulier pour rencontrer la psychologue de l’école sur rendez-vous. Nous avions droit à une rencontre par semaine. Chacune d’elle durait 45 minutes, le temps d’un cours. Et j’en ai profité pleinement pendant presque toutes les semaines tout au long de mes études au secondaire.

Lors de ces rencontres, je parlais de ma vie de famille, de ma situation à l’école, de mes relations avec les autres, y compris mes professeurs, de mes échecs et de ce que je considérais comme mes réussites, de mes états d’âme… Cet exercice me faisait un bien fou. Je pouvais enfin m’exprimer sans que l’on me coupe à répétition, comme à la maison. La psychologue m’offrait une oreille attentive; elle intervenait très peu dans mon monologue. Elle me permettait ainsi de m’écouter parler et de prendre du recul par moi-même. Le simple fait de m’entendre dire les choses, d’être critique et de me questionner face à ce que je disais m’aidait beaucoup. À l’époque, j’avais peu d’ami(e)s et donc peu de gens autour de moi à qui me confier.

L’exercice demande beaucoup d’humilité et de franchise, ce qui n’est pas donné à tous. Confier ses pensées personnelles, intimes et profondes, à une autre personne se heurte souvent à la peur du jugement voire à la peur d’un éventuel bris de la confidentialité.

Si la confiance dans la personne-ressource à l’écoute demeure une affaire personnelle, mais qu’elle ne se manifeste pas lors de la rencontre, je vous suggère une confiance « objective » plutôt que « subjective ». Il s’agit alors de fonder la confiance sur des faits plutôt que sur des sentiments. La question à poser en début de séance est simple « Pourquoi puis-je avoir confiance en vous ? » Si la personne-ressource hésite ou vous retourne la question, vous n’êtes pas à la bonne place pour vous confier.

Aujourd’hui, on parle du « besoin de verbalisation » ou, si vous préférez, du besoin de parler librement à une personne attentive, expérimentée et compétente sans être jugé. À mon avis, tous les humains ressentent ce besoin.

Même les personnes qui parlent beaucoup avec aisance vivent une certaine solitude intérieure. Nous sommes seuls en nous-mêmes, seul face à soi-même, à moins de nous ouvrir à une autre personne.

Le moyen le plus sûr pour se connaître soi-même, c’est l’autre. C’est lui qui nous informe sur nous-mêmes avec ses perceptions, sa sensibilité, ses réactions et ses actes face à notre personne. Il ne s’agit pas de demander à l’autre qui nous sommes, mais plutôt de relever en nous ce qui le fait réagir, ce qui fonde ses dires à notre sujet.

La confiance en soi va de pair avec la connaissance de soi. Plus vous vous connaîtrez (à l’aide de l’autre), plus votre confiance en vous-même grandira. Une condition s’impose : ne pas entretenir de préjugés face à vous-même et face à l’autre.

Pourquoi la psychologie peut-elle être un piège ?

Même la personne la plus professionnelle et la plus attentive au monde ne peut pas satisfaire votre besoin de verbalisation une fois pour toutes. Et c’est bien là tout le problème avec la psychologie, cette science ne parvient que rarement à l’autonomie réelle de la personne.

Psychologie :

« Étude scientifique des phénomènes de l’esprit (au sens le plus large). » (Dictionnaire Le Robert)

« Discipline qui vise la connaissance des activités mentales et des comportements en fonction des conditions de l’environnement. » (Dictionnaire Larousse)

J’ai vécu deux dépressions au cours de ma vie. La première à l’adolescence à la suite de la perte de mon ami et la seconde à 30 ans sous la pression de ma vie professionnelle.

J’ai surmonté la première en me retirant du monde en prenant un congé de l’école pendant quelques jours pour penser et panser mes blessures. À mon retour en classe, j’ai fait rapport de mes réflexions à la psychologue de l’école.

N’ayant pas accès à un psychologue, j’ai mis fin à la seconde avec la lecture d’un livre intitulé « Séduction psychologique » et sous-titré « Échec de la psychologie moderne », écrit par William Kirk Kilpatrick, professeur associé de psychologie éducative au Boston College, et publié en 1983. Un psychologue portant un regard critique sur sa profession et ses pratiques, ça me plaisait.

Dans son livre, l’auteur accuse la psychologie de faire du moi une montagne à gravir, puis une fois au sommet, le moi se retrouve devant une autre montagne à escalader et ainsi de suite la vie durant. Les gens, soutient le professeur Kilpatrick, ne veulent pas d’un moi réparé voire rafistolé d’une étape à l’autre de leur vie, mais un tout nouveau moi, ce à quoi ne parvient pas la psychologie.

En se référant au sociologue britannique Stanislas Andreski, le professeur Kilpatrick rapporte que plus le nombre de psychologues augmente plus la société se porte mal :

« Ainsi, dans un pays où il y a pléthore d’ingénieurs en télécom¬munication, l’équipement téléphonique sera normalement meilleur que dans un pays où il n’y a que quelques spécialistes dans ce domaine. Le taux de mortalité sera plus bas dans les pays ou les régions où il y a beaucoup de docteurs et d’infirmières que dans les lieux où ils sont rares et éloignés. Les comptes seront généralement tenus avec plus d’efficacité dans les pays où il y a de nombreux comptables expérimentés que là où ils font défaut. »

« Mais quel est donc le profit produit par la psychologie et la sociologie ? » Le professeur Andreski poursuit :

« … Partant, nous devrions constater que dans les pays, les régions, les institutions ou encore les secteurs où les services des psychologues sont très largement requis, les foyers sont plus résistants, les liens entre conjoints, frères et sœurs, parents et enfants, plus solides et plus chaleureux; les relations entre collègues plus harmonieuses, le traitement des patients meilleur; les vandales, les criminels et les toxicomanes moins nombreux que dans les endroits et les groupes qui n’ont pas recours aux talents des psychologues. En conséquence, nous pourrions déduire que les États-Unis sont la patrie bénie de l’harmonie et de la paix; et qu’il aurait dû en être toujours plus ainsi durant le dernier quart de siècle en relation avec la croissance numérique des sociologues, des psychologues et des experts en sciences politiques. »

« Cependant, ce n’est pas ce qui s’est produit. Au contraire, les choses semblent empirer. Les rues ne sont pas sûres. Les foyers se désintègrent. Le suicide sévit parmi les jeunes. Et quand la psychologie tente de régler de tels problèmes, il semble souvent qu’elle les aggrave. La création dans les villes de centres de prévention du suicide s’accompagne, par exemple, d’une augmentation de celui-ci. Les conseils matrimoniaux conduisent fréquemment au divorce. Par ailleurs, l’observation la plus élémentaire nous montre que l’introduction de l’éducation sexuelle dans un public très étendu n’a aucunement enrayé la hausse des grossesses non désirées, de la promiscuité et des maladies vénériennes. Il est plutôt manifeste que de tels programmes encouragent la sexualité précoce et les problèmes qui en découlent. »

« Il est difficile de ne pas conclure que l’ordonnance est à l’origine de la maladie. « Si nous constations, écrit Andreski, que toutes les fois que les pompiers arrivent, le feu redouble d’intensité, nous finirions par nous demander ce qu’il peut bien sortir de leurs lances et si, par hasard, ils ne sont pas en train de verser de l’huile sur le feu. »

Note de bas de page originale de l’auteur : Stanislas Andreski, Social Sciences as Sorcery, Penguin Books, New York, 1974, pp. 25-26.

Source : Kilpatrick, William Kirk, Séduction psychologique, Centre Biblique Européen, 1985.

Et la question du bonheur ?

« Es-tu heureux ? » Ah ! La fameuse question. Le bonheur court vite, souvent plus rapidement que nous. Nous le rattrapons pour un temps. Autrement dit, nous n’acquérons jamais le bonheur une fois pour toutes. En voici une définition générale :

Qu’est-ce que le bonheur ?

Le bonheur est un état de satisfaction complète caractérisé par sa stabilité et sa durabilité. Il ne suffit pas de ressentir un bref contentement pour être heureux. Une joie intense n’est pas le bonheur. Un plaisir éphémère non plus. Le bonheur est un état global. L’humain heureux est comblé. Il vit une forme de plénitude. Sa situation est stable : elle présente un équilibre et seul un élément extérieur pourrait la modifier.

Source : Bonheur, Dicophilo – Dictionnaire de philosophie en ligne. URL : https://dicophilo.fr/definition/bonheur/

Certains philosophes présentent le bonheur comme notre premier devoir dans la vie, celui d’être heureux et de rendre heureux les autres. D’autres font du bonheur le but de la vie. Devoir ou but, le bonheur implique à la fois notre corps (santé, beauté, vigueur, adresse), nos biens extérieurs (richesse, honneur, pouvoir) et notre âme (intelligence, sagesse, justice, courage et tempérance) selon Platon (source : Les Lois, Platon, Wikipédia. ULR : https://fr.wikipedia.org/wiki/Les_Lois).

Définition de l’âme : L’âme est le siège de l’activité psychique et des états de conscience d’un individu. L’âme porte l’ensemble des états et dispositions intellectuelles, morales, affectives qui forment l’individualité, autrement dit le « moi » profond. L’âme est liée à la conscience, à l’ego, mais aussi au cœur, à la raison et à l’intellect. Elle
peut donc être attirée vers le bas (la matière) ou vers le haut (l’esprit).

Source : La différence entre âme et esprit, JePense.org, 26 novembre 2019. URL : https://www.jepense.org/difference-entre-ame-et-esprit/

Au bout de 65 ans d’efforts, je ne parviens pas toujours à être heureux en tout temps et en tout lieu, pas plus que de rendre heureux tous mes proches.

D’autres disciplines nous laissent croire que nous sommes tous destinés au bonheur. Cette croyance suppose un droit au bonheur. Pour être juste, nous avons à la fois droit au malheur et droit au bonheur et aucune thérapie n’effacera l’un ou l’autre de ces droits. Et ces droits n’ont rien à voir avec notre compétence à diriger notre vie, comme si nous pouvions éviter le malheur.

La psychologie propose de se concentrer sur soi pour trouver le bonheur. Or, il n’y a pas plus heureux que ceux et celles qui s’oublient l’un et l’autre en jouant une partie de cartes. En se concentrant sur soi, nous courons le risque de devenir trop narcissiques (fixation affective à soi-même, dictionnaire Le Robert). Être en admiration face à soi-même ou s’adonner à une contemplation de soi-même est une chose. Être heureux en est une autre.

J’adhère à l’idée que la vie n’est pas un cadeau :

Vivre, se sentir vivant, exister ici et maintenant, tel serait, à en croire certains, le secret du bonheur. Comme si la vie était un cadeau ; comme si le moment présent n’était que magie et poésie. Pour tous ceux qui vivent d’amour et d’eau fraîche, de vacances et de loisirs, dans le luxe, le calme et la volupté, il en va sans doute ainsi. Cependant, pour la majorité d’entre nous, vivre n’est pas un cadeau, mais une série de contraintes, de figures et d’horaires imposés.

DEVILLAIRS, Laurence, Guérir la vie par la philosophie, Presses Universitaires de France / Humensis, 2020, p. 17.

Je dois vous parler de l’industrie du bonheur et, plus spécialement du livre « Happycratie : comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies ». J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il m’a révélé les coulisses de la quête du bonheur au cœur de notre société néo-libérale. Je savais que cette obsession du bonheur circulait au sein de la population, notamment par le biais des coachs de vie et des agents de développement personnel, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle cachait une véritable industrie soutenue par une idéologie psychologisante. Jusque-là, je ne connaissais de cette industrie que le commerce des livres de développement personnel et la montée en puissance des coachs de vie dédiés à la recherche du bonheur.

Disons-le franchement, la science du bonheur est une pseudoscience, dont les postulats et la logique se révèlent tout à fait défectueux. Le philosophe pragmatiste Charles Peirce a dit un jour qu’une chaîne de raisonnement n’est pas plus solide que son lien le plus faible ; de fait, la science du bonheur s’appuie sur de nombreux postulats sans fondement, sur des incohérences théoriques, des insuffisances méthodologiques, des résultats non prouvés et des généralisations ethnocentriques et abusives. Tout cela interdit d’accepter de manière non critique ce que cette science affirme en se réclamant de la vérité et de l’objectivité.

ILLOUZ, Eva, CANANAS, Edgar, Happycratie : comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, Premier parallèle, 2018, pp. 16-17.

Anxiété

La recherche à tout prix du bonheur entraîne beaucoup d’anxiété. Même le moment présent deviendra anxiogène s’il ne répond pas à nos attentes face au bonheur. Et c’est pire encore si nous lions notre avenir à une promesse de bonheur.

Il suffit de peu d’expériences de vie pour douter du bonheur, du soi-disant droit au bonheur. La pression exercée sur vous pour adopter le bonheur comme le but ultime de votre vie augmente votre anxiété. Il en va de même avec l’idée qu’il suffit de vous trouver une passion pour être heureux. C’est faux.
Le piège du bonheur psychologique se referme rapidement sur vous. Il n’est pas vrai que vous êtes le principal obstacle à votre bonheur, qu’il suffit de changer pour être heureux, que nous avons tous les moyens d’être heureux, comme nous le propose l’industrie du bonheur. Il ne suffit pas non plus de contrôler ses émotions et d’avoir des pensées positives en toutes circonstances.
Des études constatent que vous êtes plus anxieux en raison de la pression de performance à l’école, la peur de l’échec, l’esprit de compétition, le choix de carrière, la solitude, la pauvreté, l’écologie et les problèmes sociaux, ce qui augmente votre stress au quotidien.

Au départ, l’anxiété se présente comme une émotion désagréable provoquée par une perception de soi et/ou du monde dans lequel nous vivons. Tout comme en mer, si la vague (émotive) roule et roule encore et prend trop d’ampleur, qu’elle nous submerge, nous sommes en détresse, tout près de la noyade.

Je suis une personne anxieuse par nature. J’envisage toujours le pire voir l’invraisemblable. Puis, je tombe dans un trou sans fond. Je déprime. Ma vie fut et est encore parsemée de tels trous. Un jour, une travailleuse sociale m’a demandé : « Pourquoi vous ne faites pas un pas plus grand lorsqu’un trou est devant vous ? » Je n’y avais jamais pensé et c’est une excellente idée. Ainsi, lorsqu’une émotion d’anxiété monte en moi, je passe par-dessus, comme si je faisais un plus grand pas que le trou qu’elle crée. Comment ? Par une prise de conscience de ma perception à savoir si elle est conforme ou non à la réalité. Je mets en perspective l’émotion et l’anxiété qu’elle provoque afin de prendre du recul.

À l’école, j’étais un élève moyen, par choix. Je ne m’embêtais pas avec la performance. Tout au long de mes études, je me suis fixé comme objectif d’obtenir un résultat de 70% pour les travaux et les examens. Je considérais alors cette note comme un succès. Je savais fort bien mon choix influerait sur mon choix de carrière suivant les critères d’admission des collèges et des universités. Mais je ne me stressais pas avec ça. J’irais là où ma performance me le permettrait. Il n’était pas question que le stress face à mon avenir vienne ruiner ma jeunesse. Un point, c’est tout. (À suivre dans le Chapitre V – Vivre en marge.)

Conclusion

J’ai trouvé mon bonheur à quelques occasions au cours de ma vie et je n’y suis pour rien. Je suis heureux d’Être conscient, de prendre conscience de nouvelles connaissances et de mes expériences de vie.

Je suis heureux d’avoir un esprit ouvert. Je répète à qui veut bien l’entendre depuis ma jeunesse : « Si vous avez une meilleure idée que la mienne, n’hésitez surtout pas à me la communiquer afin que je l’adopte et qu’ainsi je ne perde pas mon temps ».

Je ne cherche pas le bonheur. Je me contente de le reconnaître et d’en profiter lorsqu’il passe dans ma vie. À chaque fois, j’observe que le bonheur n’est pas une simple émotion, mais une expérience de vie. Au diable l’anxiété du vivre heureux en tout temps !


CHAPITRE 4

La liberté de penser et d’agir

Comment devenir un libre penseur

Nous nous croyons tous libres de penser à ce que nous voulons tout comme nous croyons en notre liberté d’agir à notre guise. Malheureusement, nous nous illusionnons, car notre liberté de pensée et d’agir subit un conditionnement dès notre enfance et tout au long de notre vie. Nous avons peu ou pas conscience de ce conditionnement. Autrement dit, notre inconscient influence davantage notre liberté de penser et d’agir que notre conscience.

Cette situation est tout à fait normale et nous disposons de toute notre vie pour conquérir toujours davantage notre liberté de penser et d’agir.

Le déconditionnement commence souvent par comparaison avec une liberté de penser et d’agir différente de la vôtre. Enfant, au sein de votre famille, vos parents affichent habituellement la même liberté de penser et vous l’adoptez inconsciemment. À la garderie, vous constatez une certaine différence entre votre liberté de penser et d’agir et celle de vos nouveaux ami(e)s et le personnel de la garderie. Il en va de même à l’école élémentaire. Mais vous n’aurez pas toute la conscience de ce qui se passe.

Au secondaire et au collégial, votre liberté de pensée et d’agir subit encore un conditionnement inconscient impliquant vos professeurs et vos collègues de classe. Il en va de même durant vos emplois d’étudiant et vos loisirs.

En même temps, vous prenez de plus en plus conscience que vos ami(e)s et leurs familles, vos collègues de classes et vos professeurs ne pensent pas comme vous. De cette prise de conscience, vous pouvez déduire que les opinions varient passablement d’une personne à l’autre, d’une institution à l’autre. Certains d’entre vous garderont cette idée tout au long de leur vie. Ils ne prendront pas vraiment conscience du conditionnement de leurs systèmes de pensée et de leur liberté de penser. Tout demeurera une simple question d’opinion.

Mais, nous l’avons déjà souligné, une lutte contre nos opinions (et celles des autres) s’impose pour accéder à la connaissance de soi et du monde.

Il en va de même avec notre liberté de penser. Il faut la conquérir en la délivrant de son conditionnement. Et ce dernier étant acquis inconsciemment, l’entreprise s’avèrera très difficile. Notre conscience ne prend pas conscience de l’inconscient en claquant des doigts.

Nous n’aurons jamais une conscience complète de l’inconscient, car ce dernier disparaîtrait et ce serait une catastrophe. Notre inconscient s’occupe pour nous de notre survie et d’une foule d’action.

La difficulté de conquérir une partie de notre inconscient vient de la nécessité de prendre du recul pour se regarder aller. Nous sommes tous le nez collé sur nous-mêmes et le monde par habitude, comme un aimant.

1. Déceler vos biais cognitifs

Le bout par lequel vous pouvez prendre conscience d’une part du conditionnement de votre liberté de penser se trouve dans vos biais cognitifs. Le « cognitif » concerne « l’acquisition de connaissances ». Le « biais cognitif » est une « distorsion dans le traitement d’une information, susceptible de fausser le raisonnement et le jugement. » (Dictionnaire Le Robert) Par exemple, un préjugé est un biais cognitif. On peut aussi parler d’erreurs de raisonnement.

Voici une liste de biais cognitifs pour prendre du recul et ainsi être capable d’espionner votre conditionnement :

  1. Le tout-ou-rien : votre pensée n’est pas nuancée. Vous classez les choses en deux seules catégories : les bonnes et les mauvaises. En conséquence, si votre performance laisse à désirer, vous considérez votre vie comme un échec total.
  2. La généralisation à outrance : un seul événement malheureux vous apparaît comme faisant partie d’un cycle sans fin d’échecs.
  3. Le filtre : vous choisissez un aspect négatif et vous vous attardez à un tel point à ce petit détail que toute votre vision de la réalité en est faussée, tout comme une goutte d’encre qui vient teinter un plein contenant d’eau.
  4. Le rejet du positif : pour toutes sortes de raisons, en affirmant qu’elles ne comptent pas, vous rejetez toutes vos expériences positives. De cette façon, vous préservez votre image négative des choses, même si elle entre en contradiction avec votre expérience de tous les jours.
  5. Les conclusions hâtives : vous arrivez à une conclusion négative, même si aucun fait précis ne peut confirmer votre interprétation.
  6. L’interprétation indue. Vous décidez arbitrairement que quelqu’un a une attitude négative à votre égard, et vous ne prenez pas la peine de voir si c’est vrai.
  7. L’erreur de prévision. Vous prévoyez le pire, et vous êtes convaincu que votre prédiction est déjà confirmée par les faits.
  8. L’exagération (la dramatisation) et la minimisation : vous amplifiez l’importance de certaines choses (comme vos bévues ou le succès de quelqu’un d’autre) et vous minimisez l’importance d’autres choses jusqu’à ce qu’elles vous semblent toutes petites (vos qualités ou les imperfections de votre voisin, par exemple). Cette distorsion s’appelle aussi « le phénomène de la lorgnette ».
  9. Les raisonnements émotifs : vous présumez que vos sentiments les plus sombres reflètent nécessairement la réalité des choses : « C’est ce que je ressens, cela doit donc correspondre à une réalité.
  10. Les « dois » et les « devrais » : vous essayez de vous motiver par des « je devrais… » ou des « je ne devrais pas… » comme si, pour vous convaincre de faire quelque chose, il fallait vous battre ou vous punir. Ou par des « je dois ». Et cela suscite chez vous un sentiment de culpabilité. Quand vous attribuez des « ils doivent » ou « ils devraient » aux autres, vous éveillez chez vous des sentiments de colère, de frustration et de ressentiment.
  11. L’étiquetage et les erreurs d’étiquetage : il s’agit là d’une forme extrême de généralisation à outrance. Au lieu de qualifier votre erreur, vous vous apposez une étiquette négative : « Je suis un perdant ». Et quand le comportement de quelqu’un d’autre vous déplaît, vous lui accolez une étiquette négative : « C’est un maudit pouilleux ». Les erreurs d’étiquetage consistent à décrire les choses à l’aide de mots très colorés et chargés d’émotion.
  12. La personnalisation : vous vous considérez responsable d’un événement fâcheux dont, en fait, vous n’êtes pas le principal responsable.

Source : Burns, David D, Être bien dans sa peau, Héritage, 2005.

À ma première lecture de cette liste, j’ai coché un gros OUI à chacun de ces biais cognitifs. Ce fut pour moi une prise de conscience douloureuse. Il me fallait donc agir sur ces illusions cognitives pour conquérir davantage ma liberté de penser.

2. Examiner votre comportement

Votre comportement est un autre bout par lequel vous pouvez prendre conscience de votre conditionnement. Savoir que je pose tel ou tel geste est une chose, en comprendre le pourquoi en est une autre.

Chaque geste que vous posez résulte de tout un processus à la fois conscient et inconscient.

Il y a des gestes acquis directement par l’inconscient. Par exemple, lorsque vous marchez dans la rue et que vous entendez le crissement des pneus d’une automobile, vous montrez presque automatiquement sur trottoir. Vous savez par expérience que ce n’est le temps de vous interroger sur la distance parcouru par le bruit pour évaluer la distance de l’automobile, à savoir si elle est loin ou non de vous. Il en va de votre survie et vous montez sur le trottoir sans vous posez de questions.

Il y a aussi des gestes involontaires. Par exemple, la pupille de votre œil se rétracte automatiquement en présence d’une lumière forte; vous n’avez pas à y penser et encore moins à ordonner à votre pupille de s’ajuster. Ici encore, il s’agit de votre survie; il n’est pas question que vous soyez aveuglé et perdiez pied.

Enfin, il y a des gestes posés suivant des attitudes inconscientes. Il s’agit de geste que vous pouvez expliquer et justifier aisément et qui vous laissent croire qu’ils sont le fruit de votre réflexion, bien consciente. En fait, il s’agit d’une opinion que vous formulez après le geste.

Voici un exemple tiré de mon expérience en étude des motivations des consommateurs. Notre équipe organise un test d’étiquette d’un pot de confiture aux fraises dune grande marque pour un client. Nous repérons des consommateurs de confiture aux fraises. Nous leur offrons deux pots de confiture aux fraises de même forme, de même format… Seule l’étiquette est différente. Nous leur demandons de tester les deux confitures et de nous dire laquelle est la meilleure. Une semaine plus tard, nous visitons chaque consommateur et nous prenons note de leur choix. Une majorité de consommateurs préfère l’une des confitures à l’autre. Or, dans le deux pots, on retrouve la même confiture extraite d’une même production un jour donné. Que testions-nous ? La confiture, non. Nous testions les deux projets d’étiquette de notre client. Nous aurions pu proposer à notre client de demander aux consommateurs laquelle des deux étiquettes ils préféraient. Mais, dans ce cas, nous aurions eu droit à leurs opinions. Or, les gestes se produisent avant même que nous en ayons une opinion.

Dans le cas d’un produit de consommation, nous effectuons un « transfert de sensations » que nous procurent nos sens face à l’emballage du produit vers le produit lui-même. Ce transfert de sensations est inconscient.

Pour déterminer si ce « transfert de sensations » engendre des attitudes favorables ou défavorables au produit, il ne faut éveiller la conscience. Une question directe au sujet de l’étiquette aurait alerterait la conscience et nous serions alors en plein sondage d’opinion. Or, ce n’est pas ce que nous voulons. Pour mesurer et qualifier le « transfert de sensations », nous recourons à une approche indirecte en ne révélant jamais le sujet réel du test. Dans l’exemple ci-dessus, nous parlons d’un test de goût alors qu’il s’agit en réalité d’un test d’étiquette.

Nous effectuons constamment de tels transferts de sensations tout au long de la journée, sans nous en rendre compte. Le processus est si rapide qu’il a peu de chance d’attirer l’attention de notre conscience. La plupart du temps, notre système de penser n’a pas le temps d’attendre une analyse de notre conscience avant de décider du geste à poser.

Comment cela se déroule dans notre tête ? Tout commence avec les sens qui envoient des signaux à notre cerveau, ce dernier traduit ces signaux en sensations identifiables. Puis, les sensations donnent lieux à des perceptions (des images mentales), plus rapide à traiter que du blablabla. Les images parviennent à notre « schéma de référence ». Ce dernier nous dicte alors, sans nous demander la permission, l’attitude à adopter face à l’objet ou la personne auquel nos sens ont réagis. L’attitude, favorable ou défavorable, engendrera finalement le geste que nous poserons face à l’objet ou la personne en question.

3. Le conditionnement de vos attitudes

Il nous faut revenir au « schéma de références » parce qu’il conditionne directement nos attitudes. Ces dernières peuvent mettre à mal notre liberté de pensée.

Lorsqu’une personne vous dit « Vous avez une mauvaise attitude » ou « Changez d’attitude », elle vous donne un indice sur une référence négative inscrite dans votre schéma de référence. Cette référence concerne la situation face à laquelle vous adoptez cette attitude questionnable. Il vous revient alors de prendre du recul face à votre attitude pour en comprendre le pourquoi. Elle peut provenir d’une association négative inconsciente de la situation dans votre schéma de référence. Il est possible que vous associerez inconsciemment la situation à une mauvaise expérience, à un ou des préjugés ou à une émotion négative qui vient conditionner votre attitude. Le simple fait d’en prendre conscience vous procurera un gain en liberté de penser.

Il ne faut pas oublier que la personne qui commente votre attitude est elle-même conditionnée. Son jugement face à votre attitude peut reposer sur les attentes de l’environnement scolaire ou autres dans lequel vous vous trouvez. Dans ce cas, vous pouvez exercer votre liberté de penser pour remettre en questions ces attentes. Vous apparaissent-elles logiques et raisonnables ? Et pourquoi ?

Un esprit libre se libère du conditionnement en utilisant le questionnement sur soi et sur le monde. Si vous ne trouvez pas de réponse, la prudence s’impose. Vous pouvez aussi partager votre questionnement avec d’autres personnes et porter une attention toute spéciale à leurs réactions et à ce à quoi ils réagissent.

À l’adolescence, je me rendais dans les parcs des quartiers touristiques de la ville voisine. Je choisissais toujours en banc occupé par une personne seule. Et j’entamais avec cet étranger un dialogue au sujet de mes questionnements : « Je me pose une question, peut-être vous pouvez m’aider ». Ces échanges avec un parfait étranger, sans préjugés face à ma vie, me furent d’une grande aide pour prendre du recul.

Aussi, tout au long de mon adolescence, ma mère n’avait qu’une réaction face aux difficultés de la vie qui l’exaspéraient. Elle répétait sans cesse « J’ai hâte que le bon Dieu vienne me chercher », ce qui revenait à dire « J’ai hâte de mourir ». Inconsciemment, j’ai enregistré cette réaction comme étant celle à avoir face à mes propres difficultés de la vie. Ce n’est que dans la quarantaine que j’ai compris l’origine de mon comportement négatif et dépressif face à mes difficultés de la vie. Cela provenait de ma mère. Cette prise de conscience fut salutaire. Depuis, je suis libre de penser mes propres réactions face aux difficultés de la vie.

Un dernier point avant de conclure ce chapitre : on ne change pas d’attitude comme on le veut. Notre schéma de référence est tenace. En fait, une attitude est toujours délogée par une autre, souvent sans trop d’efforts de notre part.

Les changements de comportement se produisent à la suite d’un traumatisme (échec, accident, peine d’amour…) ou d’une révélation (prise de conscience aiguë). Le traumatisme peut générer une nouvelle attitude capable d’en déloger une ancienne du jour au lendemain sans effort de votre part. Par contre, si vous demeurez sur vos positions après, disons, une série d’échecs qui vous perturbent profondément, pour maintenir une bonne opinion de vous-même, vous n’êtes pas libre de penser et vous pouvez bloquer une nouvelle attitude plus sage.

Conclusion

Le libre-penseur est une « personne qui pense librement, ne se fiant qu’à sa raison » (dictionnaire Le Robert). Le libre-penseur s’oppose aux croyances installées (…) pour ne se fier qu’à ce qui est librement établi et prouvé par la raison. (Libre-penseur, La langue française. URL : https://www.lalanguefrancaise.com/).

Abordons aussi l’idée de la libre-pensée, c’est-à-dire l’attitude d’esprit du libre-penseur (dictionnaire Le Robert) : « La libre-pensée n’est pas une doctrine, mais une méthode, une manière de conduire sa pensée et son action. C’est-à-dire qu’elle ne serait pas une affirmation de la vérité (doctrine), mais une recherche de la vérité, uniquement par la raison et l’expérience. » (Libre-pensée, Wikipédia. URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Libre-pensée).

Pour « se fier qu’à ce qui est librement établi et prouvé par la raison », le libre-penseur s’en remet à la rigueur de la méthode et de la pensée scientifiques.

Tout va pour le mieux dans le domaine des sciences exactes, les sciences de la nature (biologie, physique, chimie, géologie, astronomie) et les sciences formelles (mathématiques, logique, informatique théorique).

Mais ça tourne mal dans le secteur des sciences inexactes (sciences humaines, sciences sociales) parce qu’elles ne sont pas objectivement quantifiables avec exactitude.

Rien n’empêche le libre-penseur de critiquer les sciences, exactes et inexactes, sur la base de leurs pouvoirs et de leurs effets sur les hommes, les civilisations, l’environnement, la paix… pour autant que l’on dispose des connaissances nécessaires et que la lutte contre nos opinions et nos croyances se poursuit.

Enfin, je note une certaine peur de la science et même un certain défaitisme. Je vous conseille de ne pas lier votre liberté de penser à vos émotions.


CHAPITRE 5

Vivre en marge

Le prix à payer pour vivre en marge

Au cours de mes études secondaires, j’ai fait tout en mon pouvoir pour donner au système ce qu’il attendait de moi. L’exercice implique de déceler les attentes des professeurs envers nous et de demeurer dans sa ligne de pensée pour faire nos devoirs et répondre aux examens.

Cependant, j’ai rencontré un grave problème avec l’algèbre. Je n’y comprenais absolument rien. Et ce n’est pas parce que je ne voulais pas apprendre puisque je posais régulièrement des questions au professeur. Un jour, ce dernier m’a répondu que je retardais la classe. Je me suis levé et j’ai quitté la classe. Il fut convenu avec la direction que je suivrais des cours privés… avec le même professeur. Je ne comprenais pas davantage. Finalement, la direction m’a donné la permission de ne pas assister au cours d’algèbre et de profiter de ce temps libre pour me rendre à la bibliothèque. Me voilà donc en marge. Résultat : un diplôme d’études secondaires sans mathématique, ce qui réduisait passablement mes choix aux seules sciences humaines pour mes études collégiales. Adieu à mon projet de devenir vétérinaire.

Rendu au collégial, j’avais une seule attente : enseignez-moi comment chercher, évaluer et choisir toute connaissance. Le temps venu, je les trouverais et les étudierais par moi-même. Au collégial, les professeurs choisissent les connaissances pour nous. Et quoique cela se fasse dans le cadre du programme dicté par le ministère, le professeur a toujours une marge de manœuvre dans le choix du contenu de son cours.
Par exemple, il va choisir un auteur à étudier plutôt qu’un autre, une fiche pédagogique plutôt qu’une autre, ou un plan et des notes de cours qu’il a lui-même élaborés.

Au cours de ma première année de collégial, certains de mes professeurs nous donnaient la liste de tous les livres sur lesquels ils avaient préparé leurs cours. Ce geste m’a donné l’idée de me procurer, non seulement les livres retenus par les professeurs sur leurs listes, mais tous les autres livres de leurs listes. Puis, je me suis procuré des livres soutenant d’autres avenues que celles choisies par les professeurs. J’avais un énorme sac pour trimballer tous ces livres d’un cours à l’autre.

À chaque fois, j’adressais aux professeurs une question simple : « Pourquoi vous avez choisi le livre de cet auteur plutôt que celui-ci qui soutient le contraire de votre auteur ? » Les professeurs n’aiment pas ma démarche. Et je suis vite devenu le trouble-fête dans mes cours pour finalement me retrouver une fois de plus en marge. J’ai tout de même donné aux professeurs ce qu’ils voulaient en réalisant mes devoirs et en répondant aux questions des examens.

Savoir comment chercher, évaluer et choisir les connaissances m’apparaît encore aujourd’hui plus important que toutes les connaissances que l’on veut que nous retenions au cours de nos études, du moins en sciences humaines.

Aussi, je me suis poussé dans la marge le temps venu de me trouver un emploi d’été. J’avais à l’esprit, non pas d’appliquer sur des offres d’emploi, mais de proposer mes propres projets à des employeurs éventuels. Je mettais tout ce qu’il fallait dans la présentation écrite de mes projets pour qu’on reconnaisse d’emblée mes talents et ma capacité à les réaliser. Lors de l’entrevue, je laissais clairement voir mon désir d’apprendre de mes futurs mentors (employeurs). J’ai connu beaucoup de succès avec cette démarche projet par projet. C’est ainsi que j’ai gagné ma vie.
J’ai abandonné mes études collégiales après trois sessions sur quatre en sciences humaines pour travailler à temps plein sur mes projets au sein de différentes entreprises. Je suis un autodidacte, c’est-à-dire en marge du système.

Vous pouvez vivre en marge par choix ou y être poussé par le système. Dans un cas comme dans l’autre, vivre en marge implique beaucoup de sacrifices.

Si cela se produit avant la fin de vos études, vous n’aurez pas de diplôme à présenter à un éventuel employeur, ce qui peut devenir un gros handicap. Être un décrocheur n’est pas une mince affaire, quoique vous pourrez raccrocher en tout temps à l’aide des programmes conçus pour une telle situation.

Si vous quittez vos études pour aller travailler et devenir autonome financièrement, vous devez envisager la probabilité de devoir y parvenir avec un faible salaire. Vous vivrez en marge de la classe moyenne. Ici aussi vous pourrez décider de reprendre vos études si l’expérience de travail ne vous satisfait pas.

Le choc encaissé à la conclusion que le monde n’est pas tel qu’il vous a été présenté dans votre enfance peut engendrer une déception telle que vous déciderez délibérément de vivre en marge de la société, même si vous avez un diplôme, un travail et une vie stable.

Car nous vivons parfois en marge du système avec un pied dedans et un autre en dehors. Dans ce cas, le système vous procure les ressources nécessaires qui vous permettent de garder un pied en dehors. Un trait de caractère ou une attitude explique parfois un tel choix.

C’est du moins mon cas. Âgé de 45 ans, incapable de me sortir d’une situation difficile, j’ai décidé de suivre une thérapie avec un travailleur social qui deviendra mon ami.
Lors de ma première rencontre, j’ai parlé pendant un gros 45 minutes sans arrêt. Le travailleur social m’écoutait attentivement puis m’annonça la fin de la séance. Debout, la poignée de la porte en main, je me suis retourné vers lui pour lui demander : « Qu’en pensez-vous ? ». Il m’a répondu, sans hésiter : « Vous avez un problème de rigidité ».

J’ai imposé ce soi-disant problème de rigidité au programme de ma deuxième rencontre. Dans mon cas, rigidité rimait avec absence de compromis. « Depuis mon adolescence, je me refuse à tout compromis. Je les considère comme une source de pollution de mes idées, de mes convictions, de mes valeurs… À force de faire des compromis, les gens perdent de vue l’essentiel. » Je me demandais comment rester fidèle à moi-même si je me compromets.

Le travailleur social avait tout de même mis le doigt sur un sujet hypersensible pour moi. Au cours de mes premières années de jeune adulte, j’observai un grand nombre de mes anciens collègues de classe faire des compromis. Certains reniaient sans gêne les valeurs qu’ils soutenaient pendant leurs études. Je me suis placé en marge et j’ai perdu de vue mes collègues de classe.

Vingt ans plus tard, je me confrontais à l’idée d’être rigide, trop rigide. Il me fallait être honnête avec moi-même et admettre qu’en l’absence de compromis, j’étais effectivement trop rigide. Ce trait de caractère expliquait en partie pourquoi je vivais en marge de la société.

Aujourd’hui, j’accepte le compromis s’il met en lumière une perception plus juste de la société. Et je puis vous confesser qu’avec le recul acquis avec l’âge, en raison de l’expérience et des connaissances acquises, le compromis devient un simple retour à la raison.

Vivre en marge avec succès exige de penser par soi-même. Et penser par soi-même nous isole de tous ceux et celles qui se contentent de répéter ce que disent leurs leaders. Deux concepts entrent alors en jeu : l’obéissance et la soumission. Il faut choisir.

Obéissance ou soumission?

Obéir n’est pas se soumettre : dans la soumission, je suis contraint à faire ce que veut l’Autre, alors que dans l’obéissance, je veux bien faire ce qu’il veut, j’y consens. Dans les deux situations, il faut que le développement de mon empathie me donne accès au monde de l’Autre. Quand l’Autre me soumet, il (elle) m’impose son désir et sa loi. Mais j’obéis à l’Autre quand j’ai compris que j’aurai intérêt à lui faire plaisir. Il ne m’est pas désagréable d’accepter sa loi et de satisfaire ses désirs, alors que je rechigne à me soumettre à ce qu’il (elle) m’impose.

Cyrulnik, Boris, Autobiographie d’un épouvantail, Éditions Odile Jacob, 2008, p. 163

Obéir ou se soumettre à l’autre nous demande une prise de conscience profonde de chaque situation et un choix judicieux des compromis acceptables. Dans les deux cas, l’empathie demeure la clé pour comprendre l’autre.

Car vivre en marge ne signifie pas vivre coupé de tous dans une grande solitude intérieure. Vivre en marge, c’est bénéficier d’un point de vue unique. Nous nous devons de partager ce point de vue avec ceux qui suivent le courant, ne serait-ce que le temps d’une soirée sur la berge.

Vivre en marge parce qu’on se révolte contre le système ne vous causera que des problèmes.

La marge se compare à un chemin de campagne tranquille avec ses magnifiques paysages, par opposition à une autoroute ou un boulevard. Il n’est pas recommandé d’avancer sur ce chemin en maugréant (manifester son mécontentement, sa mauvaise humeur, en protestant à mi-voix (Dictionnaire Le Robert), ou en hurlant de colère.

Vivre en marge nous pousse souvent hors des sentiers battus. Le pionnier devra frayer son propre chemin dans une brousse très dense avec, pour seul outil, sa créativité.

Éloge de la fuite

Enfin, la marge accueille aussi celui en fuite pour sa survie. La fuite se présente comme la dernière solution pour sortir du pétrin, pour retrouver un certain bien-être.

Henri Laborit, neurobiologiste, spécialiste des comportements humains, a intitulé l’un de ses ouvrages « Éloge de la fuite ». Il vaut mieux fuir pour ne pas suffoquer sous les structures tissées par notre éducation et l’incapacité à évoluer des ordres établis (Éloge de la fuite. URL : http://www.elogedelasuite.net/?p=185).

La fuite proposée met de l’avant le seul mécanisme utile : l’imaginaire.

Imaginaire, seul mécanisme de fuite, d’évitement de l’aliénation environnementale, sociologique en particulier, utilisé aussi bien par le drogué, le psychotique, que par le créateur artistique ou scientifique. Imaginaire dont l’antagonisme fonctionnel avec les automatismes et les pulsions, phénomènes inconscients, est sans doute à l’origine du phénomène de conscience.

Source : LABORIT, Henri, Éloge de la fuite, Paris, Robert Laffont, 1976.

Fuir par l’imaginaire comporte une part de danger : perdre contact avec la réalité. Vivre dans sa tête, coupé du monde. Or, fuir, c’est « choisir un but et corriger la trajectoire de l’action à chaque seconde », peut-on lire sur le site web dédié à l’auteur (Url : http://www.elogedelasuite.net/).

Ainsi, fuir par l’imaginaire, c’est être exempté du poids de tout ce qui nous angoisse pour exploiter librement sa créativité. Fuir par l’imaginaire, ce n’est pas fabuler, se présenter comme réels des faits imaginés (Dictionnaire Le Robert).

Pour nous, la cause primordiale de l’angoisse c’est donc l’impossibilité de réaliser l’action gratifiante, en précisant qu’échapper à une souffrance par la fuite ou par la lutte est une façon aussi de se gratifier, donc d’échapper à l’angoisse.

Source : LABORIT, Henri, Éloge de la fuite, Paris, Robert Laffont, 1976.

Tous mes projets furent d’abord et avant tout élaborés dans la fuite en mon imaginaire. Je fuyais les contraintes de l’entreprise et de l’emploi pour imaginer mes projets en toute liberté. Une fois imaginé et couché sur papier, il revenait à l’entreprise d’évaluer si mon projet répondait à l’une ou l’autre de ses attentes.

Conclusion

Les travailleurs autonomes vivent en marge du marché traditionnel de l’emploi. Ce fut et c’est toujours mon cas. Ce choix de vie demande une grande discipline, une autonomie exemplaire et beaucoup de résilience. Ces qualités essentielles vous permettront de faire face aux hauts et aux bas du travail autonome. Si vous ne supportez pas de travailler en entreprise, le travail autonome offre une solution. Mais évitez de croire que vous êtes votre propre patron. En fait, vos clients seront votre patron. Il vous faudra les comprendre et, pour ce faire, votre empathie demeure votre meilleur atout.


CONCLUSION

La créativité

J’ai usé de ma créativité tout au long de ma vie. D’abord, j’observe. Puis je repère un problème. Ensuite, je décèle le besoin non comblé à l’origine du problème. Enfin, j’imagine comment le combler pour résoudre le problème.

À 18 ans, j’observe encore l’insatisfaction des parents face au peu d’information que leurs jeunes leur donnent au sujet de ce qui se passe à l’école. Le besoin : information au sujet de la vie à l’école. Je ne crois pas qu’il faille encourager les jeunes à partager avec leurs parents leur vie à l’école. Je prends note de la réticence des jeunes à parler de leur vie à l’école en raison de leur timidité, de la peur du jugement de leurs parents, de l’incompréhension éventuelle de leurs parents… Bref peu importe la raison, les jeunes n’informent pas leurs parents au sujet de l’école et il ne sert à rien de les y forcer.

J’imagine alors un nouveau canal d’information devant servir d’intermédiaire entre les étudiants, l’école et les parents. Je choisis l’hebdomadaire local comme canal d’information. D’une part, les parents en sont les principaux lecteurs. Et d’autre part, à l’époque, les jeunes accordent une certaine importance sociale au fait d’être en vedette dans un média officiel. L’hebdomadaire local accepte mon projet et m’accorde une page complète dans chaque édition. Le titre de la page sera « La semaine étudiante ».

Je dois alors recueillir des informations sur la vie étudiante de l’élémentaire jusqu’au collégial. Je consacre plusieurs soirées à rejoindre les jeunes impliqués dans la vie scolaire de leurs écoles et quelques avant-midis à rejoindre des directeurs d’établissements scolaires et des responsables de la vie étudiante. Et n’allez pas croire que je n’interview que les jeunes les plus actifs dans la vie étudiante de leurs écoles. Je me fais un devoir de repérer d’autres jeunes à mettre en vedette en raison de leurs passions.

J’écris mes articles. Je les transmets à l’hebdomadaire local qui les assemble pour publication dans la page réservée à mon projet. Le succès de la page « La semaine étudiante » ne se fait pas attendre. Les parents trouvent l’information demandée. Les jeunes veulent voir qui des leurs sont en vedette et pourquoi tout en apprenant sur ce qui se passe dans la vie étudiante des autres institutions scolaires. Il me suffisait d’ajouter des photographies de la vie étudiante et des jeunes en vedette pour obtenir davantage de succès.

Je me demande s’il n’y aurait pas un autre canal d’information utile à mon projet d’information. Je présente un projet d’une émission hebdomadaire d’une heure à la télévision locale. À la demande du directeur général de la station, je dois trouver le financement de cette production.

Je me présente au ministère de l’Éducation, département de la publicité, et j’obtiens une part du financement de l’émission en échange de publicités gouvernementales destinées aux jeunes (ex.: publicité sur les prêts et bourses).

Je réunis les directeurs des commissions scolaires et du CÉGEP et je leur demande 10 cents par étudiant dans leurs établissements en leur proposant de consacrer une part égale de l’émission à l’élémentaire, au secondaire et au collégial. Ils acceptent. Bingo ! J’ai bouclé mon budget.

Mais je n’ai pas de décor. Je souhaite animer l’émission dans le décor d’un appartement d’étudiant. Je propose à un directeur de magasin de meubler mon décor en échange d’une mention à chaque émission.

Tout est prêt pour la diffusion en direct de la première de l’émission… « La semaine étudiante ». En vedette, seulement des élèves et des étudiants, parfois des professeurs appréciés plus que d’autres. C’est un succès.

Parmi les téléspectateurs se trouvent plusieurs jeunes de 18 ans et plus fréquentant les deux institutions collégiales de la ville. Parmi eux, un bon nombre se retrouve en soirée dans les bars et brasseries de la ville. J’ai l’idée d’organiser, à la suite de la diffusion en direct de chaque émission, une fête dans une brasserie. Le directeur de l’établissement accepte de consacrer la soirée du mardi, jour de diffusion de l’émission, à cette fête. L’émission est diffusée de 19h00 à 20h00, la fête commencera à 21h00 et se terminera à 23h00. Une compagnie de bière m’accorde une consommation gratuite par personne. Et c’est parti pour la fête hebdomadaire à la brasserie que je baptise… « La semaine étudiante ».

Parmi les jeunes téléspectateurs, plusieurs se plaignent de l’absence d’endroit dans la ville pour aller danser. Je propose au CÉGEP de tenir une soirée de danse mensuelle sous le thème… « La semaine étudiante ». C’est encore un succès.

Qu’est-ce que j’ai fait ? Observer, identifier un problème, cerner le besoin, imaginer une solution et exploiter ma créativité (pouvoir de création, d’invention, dictionnaire Le Robert). Et nous disposons tous d’un tel pouvoir.

Notez la différence entre observer et enquêter. Dans mon cas, observer dans le but avouer d’exploiter ma créativité repose sur un sujet déjà abordé à quelques reprises soit l’empathie. Permettez-moi de revenir sur la définition de l’empathie : capacité de s’identifier à autrui dans ce qu’il ressent, (dictionnaire Le Robert).

Pour développer son empathie envers les autres, il faut savoir écouter en vue de comprendre et, par conséquent, ne pas juger. L’observateur se penchera aussi sur la communication non verbale de l’autre. Enfin, il disposera d’une bonne connaissance des émotions en vue de les reconnaître, autant chez lui que chez l’autre.

Personnellement, je commence toujours par observer de loin afin de repérer un problème commun au plus grand nombre. Ensuite et seulement, ensuite je peux documenter le problème par des conversations avec les personnes touchées.

Cette observation de loin impose une certaine solitude pour s’assurer de garder ses distances. Pour tout vous dire, la solitude est la maison de ma créativité. Si je réalise des projets ayant un impact social ou qui épouse une cause populaire, je demeure un solitaire. Mon imagination s’épanouit pleinement dans ma solitude et ce n’est qu’ainsi qu’elle devient ainsi constructive.

Lorsque j’avais ma firme de recherche en marketing, ma publicité disait « si vous n’avez pas de problème, ne me contactez pas ». Ma créativité se met en action seulement s’il y a un problème à résoudre. Je crois que le plus grand besoin de notre société est d’avoir des hommes et des femmes motivés à trouver des solutions à des problèmes.

Une dernière confidence : ma créativité s’est activée souvent lorsque j’étais dans le fond du trou, déprimé et découragé. C’est bien le seul et unique bénéfice d’une telle situation. La créativité peut donc nous aider à reprendre du poil de la bête, à revenir à la surface.


ANNEXE

LES STYLES INTERPERSONNELS

En 1992, je me suis inscrit à un concours provincial de création d’entreprise. Il s’agissait d’avoir une idée d’entreprise et de suivre une formation. Elle visait à faire de cette idée un projet d’entreprise. À la fin de la formation, les participants devaient être prêts à lancer leurs entreprises. Travailleur autonome depuis toujours, je ne possédais aucune expérience dans la préparation et la gestion d’une entreprise.

À l’époque, âgé de 35 ans, je venais de perdre, pour la première fois de ma vie, un contrat important aux mains d’une entreprise très bien organisée. Je ne faisais plus le poids dans le domaine de la publicité et du marketing au seul titre de travailleur autonome. Je voulais fonder ma propre entreprise pour lutter à armes égales avec les firmes compétitrices.

Quelle ne fut pas ma surprise face au titre de la première série de cours : « Connaissance de soi ». Je me demandais ce qu’un cours sur la connaissance de soi pouvait bien faire dans le programme de création d’une entreprise.

J’ai compris le pourquoi de cette série de cours. Nous devions avant tout dresser notre profil d’entrepreneur pour mettre en relief nos forces et nos faiblesses. On peut avoir le meilleur projet d’entreprise au monde, si vous êtes un entrepreneur naïf et inconscient de vos qualités et de vos défauts, votre entreprise n’ira pas loin.

L’importance d’une excellente connaissance soi m’a sauté aux yeux lors de mon étude de marché. Un fonctionnaire du ministère de l’Industrie et du Commerce du Québec m’informa que plus de 80% des diagnostics d’entreprises exigé avec toute demande d’aide financière à l’État pointaient du doigt l’entrepreneur comme le principal problème de son entreprise. Ma formation devenait essentielle pour éviter une telle situation.

La série de cours « Connaissance de soi » incluait un chapitre au sujet des styles de relations interpersonnels. Il était question d’améliorer l’efficacité de nos communications avec les autres, y compris avec nos futurs clients. Bref, toutes nos communications et nos relations interpersonnelles étaient sur la table.

Nous avons découvert les quatre grands styles interpersonnels : Analytique, Fonceur, Aimable et Expressif

Jusque-là, je croyais que tous les entrepreneurs partageaient un seul et unique style interpersonnel, celui du fonceur. C’était mon style depuis toujours.

Voici une anecdote à ce sujet. Au début des années 90, je décroche un contrat avec une fondation en milieu hospitalier. J’en serai le premier directeur général. À ce titre, je dois mettre sur pied un secrétariat, structurer le fonctionnement et le programme d’activités de la fondation. Je dois aussi organiser la première campagne de financement. Gros contrat à réaliser sur une période de neuf mois.

Un jour, quelques années avant mon cours d’entrepreneur, en bon fonceur que je suis, je décide de bousculer les membres du conseil d’administration en attaquant leur président afin qu’un dossier débloque. Je sais fort bien que cela ne se fait pas, mais je tente le tout pour le tout, car je risquais la rupture de mon contrat. Le conseil d’administration se réunit d’urgence pour se pencher sur ma façon de faire et sur le dossier en question. Conclusion : 1. je conserve mon contrat; 2. le conseil d’administration avancera sur le dossier; 3. le président me convoque à une rencontre privée avec lui.

Il me confiera un état de fait qui restera à jamais marqué dans mon esprit : « Tu atteins toujours tes objectifs, mais il faut construire un cimetière après ton passage tellement tu as bousculé des personnes au cours de ta mission ». C’est vrai, je dois l’admettre. Mon client vient de me rendre un grand service.

Lors de la série de cours « Connaissance de soi », cet événement à la fondation prendra encore plus d’importance. En fait, je ne sais pas trop ce qui se passe en moi. J’hésite à foncer à la suite de la perte de mon contrat au profit d’un compétiteur. Je n’ai plus la même assurance et je ne réponds plus aux questions avec la rapidité typique du fonceur qui a toujours une réponse à tout.

L’animatrice consacre l’un de ses cours pour déterminer le style interpersonnel de chacun des participants. Nous sommes tous assis autour d’une grande table de conférence. À tour de rôle, chaque participant doit répondre aux questions de tous les autres participants. Le but : amener chaque participant à prendre son rythme normal d’expression sous la pression des questions des autres participants. Devant mes collègues de classe, je trouve difficilement les réponses aux questions qu’ils m’adressent d’où un long silence de ma part avant chaque réponse. Bref, j’hésite et je ne me comprends plus. Puis, l’exercice se poursuit avec les autres collègues de classe.

L’animatrice prend des notes. À la fin de l’exercice, elle attribue à chacun le style interpersonnel qu’elle a reconnu. Elle me classe parmi les « analytiques ». Surprise totale. Je me connaissais comme fonceur et je suis soudainement devenu « analytique ».

Le cours se termine et je vais à la rencontre de l’animatrice pour lui demander s’il est possible que l’on puisse changer de style. « Oui, me répond-elle, le changement de style interpersonnel se produit parfois à la suite d’un traumatisme. » Elle me demande si j’ai subi un traumatisme récemment. « Oui, la perte d’un contrat. C’est la première fois de ma vie que je perds un contrat aux mains d’un compétiteur. Et c’est d’ailleurs pour éviter qu’une telle situation se répète que je suis ce cours ». Elle conclut : « Ce traumatisme explique votre changement de style ».

Lors de nos réponses aux questions de nos collègues autour de la table, chaque participant note le rythme d’élocution et le niveau d’émotion dans le langage de celui ou celle qui répond. Et voici la grille de référence des styles interpersonnels proposée par le formateur américain en management, Larry Wilson :

Référence : Ce tableau provient des Notes du cours remises en 1992 par la professeure Lise Jobin aux participants du cours Tirer votre épingle du jeu pour la création ou l'expansion de votre entreprise, Centre de création et d'expansion d'entreprises (C.C.E.E.), Collège de Limoilou, juin 1992. Cependant, on trouve un tableau similaire en 2004 dans le livre The social styles handbook : find your comfort zone and make people feel comfortable with you préfacé par Larry Wilson et proposé par sa firme Wilson Learning. Il y a une incohérence dans les années puisque l'une est datée de 1992 et l'autre de 2004, soit 12 ans d'écart. À force de chercher, j'ai trouvé la source originelle de ces styles interpersonnels : le livre Personal styles and effective performance make your style work for you par David W. Merrill et Roger H Reid paru chez Tracom Corporation en 1981. Si on fouille encore plus loin, la recherche initiale au sujet de styles interpersonnels remonte jusqu'aux travaux de Dr. James W. Taylor au début des années 1960. Aujourd'hui, on trouve des tableaux similaires des styles interpersonnels avec différentes variables chez plusieurs firmes de management.
Référence : Ce tableau provient des Notes du cours remises en 1992 par la professeure Lise Jobin aux participants du cours Tirer votre épingle du jeu pour la création ou l’expansion de votre entreprise, Centre de création et d’expansion d’entreprises (C.C.E.E.), Collège de Limoilou, juin 1992. Cependant, on trouve un tableau similaire en 2004 dans le livre The social styles handbook : find your comfort zone and make people feel comfortable with you préfacé par Larry Wilson et proposé par sa firme Wilson Learning. Il y a une incohérence dans les années puisque l’une est datée de 1992 et l’autre de 2004, soit 12 ans d’écart. À force de chercher, j’ai trouvé la source originelle de ces styles interpersonnels : le livre Personal styles and effective performance make your style work for you par David W. Merrill et Roger H Reid paru chez Tracom Corporation en 1981. Si on fouille encore plus loin, la recherche initiale au sujet de styles interpersonnels remonte jusqu’aux travaux de Dr. James W. Taylor au début des années 1960. Aujourd’hui, on trouve des tableaux similaires des styles interpersonnels avec différentes variables chez plusieurs firmes de management.

Sous tension, nous utilisons pour convaincre un style dominant qui nous est particulier lequel peut être nuancé par un autre style sous-dominant.

Pour trouver le style d’un interlocuteur, il s’agit d’identifier, dans un premier temps, le débit de son élocution sur une échelle de 4 niveaux :

Débit lent (1, 2) : Styles « Aimable » et « Analytique »;

Débit rapide (3, 4) : Styles « Expressif » et « Fonceur ».

Dans un deuxième temps, on observe le mode de fonctionnement spontané de l’individu qui consiste à prioriser soit la « tâche » ou la « personne ».

Les styles « Aimable » et « Expressif » priorisent la PERSONNE.

Les styles « Analytique » et « Fonceur » priorisent la TÂCHE.

Par ailleurs, d’autres observations sont utiles pour cerner le style de notre interlocuteur. Les gens orientés prioritairement sur la « personne » révèlent, entre autres, rapidement leurs émotions présentes dans une discussion. Ils utilisent naturellement le « Je ». Ils parlent d’abord des choses personnelles pour établir un contact avec l’autre et, par la suite, ils traitent de l’objet de la rencontre. Pour ce qui est des personnes orientées prioritairement sur la « tâche », le niveau d’émotivité est peu présent dans leurs propos. Elles abordent directement le sujet de la rencontre et sont préoccupées par la rentabilité de l’échange. La relation avec l’autre s’établit par le biais de la tâche et de la personne.

Par exemple, à la sortie d’une salle de cinéma, l’aimable et l’expressif diront «J’ai trouvé le film très bon» tandis que l’analytique et le fonceur diront «Le film était très bon».

Voici les caractéristiques de chacun de ces styles « purs », leurs forces et limites respectives.

STYLE AIMABLE

Caractéristiques

Vitesse d’élocution : lente.
Non-verbal : air doux, sourire (même fâché), semble bonasse.
Tendance à l’acquiescement (oui facile).

Forces

Très bonne capacité d’écoute;
S’exprime avec douceur;
Favorise des relations chaleureuses;
Sensible aux sentiments des autres;
S’efforce d’établir de bonnes relations et s’assure de l’existence d’un climat positif avant d’entreprendre une tâche;
Favorise un rythme de travail très pondéré;
Se préoccupe de répondre aux besoins des autres et leur accorde une attention personnelle;
Réagit bien au leadership des autres;
À l’aise avec des personnes qui s’expriment clairement.

Limites

Action lente;
Manque d’affirmation et d’assurance;
Évite les conflits;
Peur de prendre des risques;
Personne très émotive.

Style Analytique

Caractéristiques

Vitesse d’élocution : lente.
Non-verbal : air suspicieux, œil sceptique, semble juger les autres.
Tendance à l’évitement (fuite).

Forces

Très bonne capacité de réflexion;
Approche orientée sur l’étude des faits, rassemble des données;
Fonctionnement prudent, actions non précipitées;
Personne calme et possédant des réponses aux situations ennuyeuses;
Objectivité et précision dans ses interventions;
Exige des réponses logiques et claires;
Aptitudes pour régler des problèmes;
N’impose pas ses idées sans certitude;
Aime aider les autres à prendre des décisions.

Limites

Prise de décision personnelle très difficile;
Personne ne pouvant être stimulée pour agir rapidement;
Comportement peu affirmatif et peu émotif;
Recueille des informations nécessaires et n’écoute plus par la suite.

Style Expressif

Caractéristiques

Vitesse d’élocution : rapide.
Non-verbal : air énervé, gestes en rond, semble sans mesure.
Tendance à l’attaque (explosion).

Forces

Très bonne capacité de décision;
Amène l’humour et l’enthousiasme dans les situations;
S’engage rapidement;
A besoin de peu d’indications précises;
Personne stimulante et persuasive;
Capacité de prendre des décisions sans encadrement;
Pense à ce qui plaît aux autres;
Habile dans les techniques orientées vers les gens;
Compréhension intuitive des situations.

Limites

Réflexion très difficile;
Change fréquemment d’idées;
Néglige de vérifier sa compréhension avant d’agir;
Personne susceptible et impulsive;
Besoin constant d’activités stimulantes et de rétroaction.

Style Fonceur

Caractéristiques

Vitesse d’élocution : rapide.
Non-verbal : air sévère, gestes saccadés, semble rigide.
Tendance à l’autocratie (ordre).

Forces

Très bonne capacité d’action;
Rythme rapide, efficacité et orientation vers des buts précis;
Disposition à prendre des responsabilités pour aller de l’avant et prendre des décisions;
Personne habile à traiter des situations difficiles sans être contrariée par la critique et le rejet;
Capacité à déterminer les faits et ensuite passer à l’action;
Aptitude pour présenter un point de vue d’une façon confiante et énergique.

Limites

Écoute très difficile;
Tendance à l’impatience;
Peu susceptible de demander des informations supplémentaires pour clarifier un sujet;
S’arrête peu à la compréhension des attitudes et des émotions des autres.

J’ai mis en pratique cette approche de la communication suivant le style interpersonnel de chacun, leurs caractéristiques et leurs forces et leurs limites, avec beaucoup de succès.


AU SUJET DE L’AUTEUR

Marié et père de quatre enfants, Serge-André Guay est né à Lévis (Québec, Canada) en 1957. De formation autodidacte et travailleur autonome depuis près de 50 ans, il a tout d’abord été animateur, commentateur, chroniqueur, journaliste, recherchiste et rédacteur en chef au service de différents médias québécois et ontariens.

Puis, son expérience des médias et un stage de formation en Europe font de lui un éducateur aux médias dont les interventions sont recherchées par le milieu scolaire. Ensuite, à titre de consultant, l’utilité de ses plans d’action en communication et en marketing est vite appréciée.

Depuis 1990, il développe une expertise hautement spécialisée en recherche marketing, soit l’étude des motivations d’achat des consommateurs, axée sur l’évaluation prédictive du potentiel commercial des produits et des services, nouveaux et améliorés.

Pour ce faire, il retient la méthode et l’approche indirecte proposées par le chercheur américain Louis Cheskin, à qui il accorde le titre de premier scientifique du marketing.

Depuis, il a étudié les réactions sensorielles involontaires et les réactions inconscientes de plus de 25,000 consommateurs dans le cadre de plus d’une centaine d’études des motivations d’achat pour différents manufacturiers et distributeurs canadiens.

Il a signé de nombreux articles et donné plusieurs conférences percutantes. Il a aussi publié une série de vingt-quatre études traitant du caractère scientifique du marketing sous le titre “Science & Marketing ”, Prédire le potentiel commercial des biens et des services”. À ses yeux, le marketing doit renouveler son efficacité sur des bases scientifiques rigoureuses.

Il n’hésite pas à questionner les idées reçues. Animé par une profonde réflexion sur la conscience et la condition humaine, il est un « libre-penseur-entrepreneur », plutôt analytique.
En 2000, il écrit un essai de gouvernance personnel sous le titre J’aime penser – Comment prendre plaisir à penser dans un monde où tout un chacun se donne raison.

En juin 2003, il met sur pied la Fondation littéraire Fleur de Lys, premier éditeur libraire francophone sans but lucratif en ligne sur Internet (http://www.manuscritdepot.com/).

En février 2022, il lance l’Observatoire québécois de la philothérapie (https://philotherapie.ca/).


DU MÊME AUTEUR

J’aime penser
Comment prendre plaisir à penser dans un monde où tout un chacun se donne raison
PDF gratuit
http://manuscritdepot.com/livres-gratuits/pdf-livres/n.serge-andre-guay.1.pdf

Comment motiver les consommateurs à l’achat
Tout ce que vous n’apprendrez pas à l’université
PDF gratuit
https://manuscritdepot.com/livres-gratuits/pdf-livres/n.serge-andre-guay.2.pdf

Comment motiver les québécois à voter pour ou contre l’indépendance du Québec
Analyse et point de vue apolitiques, strictement marketing
PDF gratuit
https://manuscritdepot.com/livres-gratuits/pdf-livres/n.serge-andre-guay.3.pdf


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