Article # 146 – La pensée heureuse, J’aime penser, Serge-André Guay

La philosophie se vit dans la joie voire l’euphorie de l’étonnement. Être étonné, c’est comprendre sans effort dans la lecture, dans la réflexion personnelle ou dans la discussion. Le fameux « Ah ! Là je comprends » vient alors à l’esprit pour autant que ce dernier soit libre et dans le moment présent. Je traite de la question dans le chapitre LA PENSÉE JOYEUSE de mon livre  J’AIME PENSER (Comment prendre plaisir à penser dans un monde où tout un chacun se donne raison – Essai et témoignage de gouvernance personnelle). Vous trouverez ci-dessous le texte intégral du chapitre LA PENSÉE JOYEUSE.

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J’aime penser

Essai et témoignage de gouvernance personnelle par Serge-André Guay

La pensée heureuse

Pour attraper le bonheur – À toutes les fois où j’ouvre vraiment mon cœur à l’autre, ce dernier saura inévitablement voir et me dire : « Tu n’es pas heureux ». C’est vrai, je ne suis pas heureux. Mais cela me rassure car je ne crois pas qu’il y ait en ce monde de quoi être plus heureux que malheureux. Il y a ici et là des occasions d’être heureux mais leur nombre et leur étendue n’assurent pas une majorité au bonheur. Pour moi, être davantage heureux que malheureux signifierait que je suis inconscient du malheur en notre monde. Bref, à mon avis, il faut en quelque sorte être inconscient, de son propre malheur et du malheur des autres, pour être heureux.

Je ne suis donc pas partisan de la pensée positive. Je ne me laisse pas souvent porter par des vents d’optimisme quoique je m’adonne au rêve d’un monde meilleur, moins malheureux, soutenu par de vives et profondes convictions d’espérance.

Le vrai bonheur, pour moi, est parfait et, puisque la perfection n’est pas de ce monde, notre bonheur a toujours quelque chose de faux, il cache toujours un certain malheur, des insatisfactions et ainsi des frustrations. Je ne suis pas pour autant un réaliste. À vrai dire, la réalité me tombe sur les nerfs depuis que j’en ai pris conscience lors de mon adolescence. La réalité me démoralise et me décourage. Si être adulte, c’est accepter la réalité, je tiens à demeurer un adolescent. En fait, la réalité est acceptable que si c’est en vue de la changer, non pas pour composer quoi que ce soit avec elle; la réalité est trop corrompue pour ne pas corrompre. Jamais la réalité ne sera, dans mon livre à moi, une alliée fiable pour bâtir un monde meilleur.

Si bonheur il y a, c’est dans le rêve, plus spécifiquement, dans les premiers rêves de jeunesse, encore insoumis. Personnellement, malgré mes 47 ans, je m’accroche toujours à l’innocence de mes rêves de jeunesse car, somme toute, je n’ai pas encore fait les compromis auxquels on nous invite à l’adolescence pour « entrer dans le système ». Mes rêves sont toujours aussi irréalistes qu’ils l’étaient à treize ans. Je n’ai toujours pas les pieds sur terre et… je n’y tiens pas du tout. C’est comme si j’avais été violé ou marqué au fer rouge par mes rêves, par le plaisir et l’espoir de mes rêves; impossible de les oublier, de les mettre de côté. Mes rêves ne sont toujours pas ceux que j’aurais dû et que je devrais avoir. Je ne rêve toujours pas à ce à quoi on souhaite que je rêve pour entrer dans le rang. Mes rêves sont fous, sans limite, sans frontière. Ils courent dans toutes les directions sans jamais se perdre, sans doute parce que chacun est orienté par un sens et une histoire voire un avenir. Mes rêves sont rebelles et irréalisables. Ils ne sont pas des buts mais des souhaits, simples, sincères et honnêtes. Si jamais ils se réalisent tout de même, c’est par défaut; je me rends compte alors être dans la réalité de mes rêves. C’est quand je rêve que je suis au meilleur de ma forme et que je suis heureux. Et c’est quand je prends mes rêves pour la réalité que je travaille le mieux.

Enfant, rêver faisait partie de la vie; je pratiquais le rêve comme un sport. Je vivais dans un monde imaginaire. Il n’y avait rien de plus amusant et captivant que d’imaginer une ville dans mon carré de sable.

Qu’elle ne fut pas ma surprise de constater à l’adolescence que l’idée que je me faisais du monde n’était qu’un rêve, qu’une illusion d’enfant. Aucune autre déception ne sera jamais plus grande que celle-là, plus destructrice de mon bonheur, jeune et sans défense.

J’aurai pu alors en vouloir à mon imagination et décider de ne plus jamais me laisser trahir par mes rêves, bref, de m’en tenir à la réalité. Mais la réalité m’était insupportable; elle tuait mes rêves et l’idée de l’accepter me répugnait et me répugne encore. « On n’accepte pas la réalité, on la change, pour soi et pour les autres », me dis-je. La réalité a de quoi décevoir tous les hommes et l’adolescence est une époque propice pour s’en rendre compte car jamais la réalité ne frappe autant aux yeux qu’à la sortie de l’enfance. J’ai alors décidé de m’accrocher à mes rêves et de refuser la réalité.

Aussi, ai-je vite tourné ma conscience vers mes rêves, ce sur quoi ils portaient, sur leur pouvoir, leur avenir, les croyances et la force de conviction dont ils témoignaient. Il m’était impossible d’affronter les désillusions vécues à l’adolescence sans rêver, sans faire de mes rêves la seule réalité qui compte. Et à mon avis, il en va de même dans le cas des déceptions de la vie adulte.

La réalité découverte à l’adolescence est loin d’être réjouissante pour chacun de nous, d’où que le rêve devienne essentiel. On ne rêve pas pour voir ce qu’on imagine se réaliser. On ne rêve pas non plus pour fuir. On ne rêve pas pour rêver. On rêve pour vivre heureux.

On rêve pour se convaincre que la vie vaut tout de même la peine d’être vécue. On rêve de changer le monde parce qu’on l’aime. Conscient soi-même que l’on change, on rêve tout autant que les autres changent, que le monde change. Mais rares sont ceux que les rêves transforment. C’est plutôt la réalité qui change la plupart d’entre nous. Les rêves deviennent terre-à-terre, individualistes et égoïstes, sans espoir pour l’autre. Pour la plupart, toute la question est de savoir comment tirer son épingle du jeu de la réalité. Difficile de rêver quand la réalité est au pouvoir, plutôt que l’imagination. Certes, on rêve mais la réalité finit toujours par rattraper le rêve, par le discipliner. Pour rêver autrement, il suffit simplement d’avaler la clé de ses rêves, de s’enfermer dans ses rêves. Bien sûr, c’est un jeu dangereux mais le risque en vaut la chandelle : le bonheur d’un monde meilleur pour tous.

Pour vivre ainsi dans le bonheur du rêve, il y a trois trucs. Premièrement, il faut rêver aux autres, non pas à soi-même, à moins que cela soit avant tout profitable aux autres. Deuxièmement, il faut rêver sans espoir de retour; rêver d’un monde meilleur en vue d’en tirer soi-même profit n’est pas un rêve gratuit. Troisièmement, le rêve doit être personnel, d’abord pour lui assurer une originalité, à soi pour autrui, et ensuite pour le rendre « partageable », de soi à autrui. Autrement dit, c’est parce que le rêve est personnel que l’autre lui reconnaîtra une originalité et celle-ci motivera le partage du rêve. Et si le rêve transpire le bonheur, qu’il rend le rêveur heureux, l’autre voudra le partager avec un autre et ce dernier avec un autre encore, chacun lui ajoutant sa touche d’originalité.

Ici, toute la question est de savoir ce que vous avez à offrir : la réalité ou le rêve. Que révèlent les pensées que vous partagez avec autrui ? La réalité cachée d’un monde malheureux ou le rêve personnel d’un monde heureux ?

Je sais, on me l’a assez dit, je suis un rêveur, j’ai la tête dans les nuages, et je cours le risque de me barrer les pieds dans la réalité et ainsi de créer non seulement mon propre malheur mais aussi de rendre autrui malheureux, surtout ceux dont je suis responsable du bonheur.

Il faut dire qu’avec le peu de respect que je manifeste pour la réalité, source de tant de malheurs, je ne suis pas enclin à faire attention où je mets les pieds. Et si j’écrase ici et là les plaisirs d’autrui, parfois avec l’intention du malheur, c’est toujours pour une leçon de vie car je hais l’esclavage du bonheur éphémère. Rares sont les plaisirs dont la satisfaction ne nous aveugle pas en nous laissant croire qu’une vie heureuse est une vie pleine de plaisirs.

« Faites-vous plaisir et vous serez heureux! », nous dit-on. Foutaise, si on ne précise pas que le bonheur visé durera uniquement le temps d’un plaisir. Ainsi, court-on d’un plaisir à l’autre, d’un bonheur à l’autre, souvent trop petit, trop court, et, par surcroît, en récompense d’avoir supporté la réalité d’un malheur à peine masqué par les soi-disant obligations d’être conforme au système (dodo, boulot,…). Qu’est-ce qu’il y a de mal à ça? L’esclavage des plaisirs. Plus encore, l’esclavage des désirs.

Si au moins ces plaisirs et ces désirs étaient originaux, mais c’est très rarement le cas car ils sont dictés par le système, selon la place occupée par chacun dans la hiérarchie de la société de production et de consommation de masse. Cette société dicte aux pauvres et aux riches des désirs et des plaisirs différents, aux gens très cultivés et aux gens peu cultivés des désirs et des plaisirs différents, et ainsi de suite.

La démocratisation des désirs et des plaisirs, apparemment soutenue par une éducation et une chance égales pour tous, nous le savons, est une illusion. Dans une société aussi conformiste et sectaire que la nôtre, gare à celui ou celle qui marche hors des sentiers battus des désirs et des plaisirs imputables à son rang et à son groupe. Nous sommes tous pour la démocratisation uniquement parce que nous voulons avoir le plaisir, personnel avant tout, de dire notre mot, généralement avec la seule intention d’imposer notre point de vue, d’améliorer notre rang ou de défendre le groupe auquel on appartient. Notre solidarité se limite à ce que l’on pense personnellement, tout au plus, à ce que pense notre groupe. S’il n’en n’était pas ainsi, il n’y aurait pas un tiers de l’humanité qui crèverait de faim, y compris, 18,000 enfants par semaine.

En fait, chacun défend « son » bonheur, soi-disant pour le bonheur de l’humanité tout entière. « Si je suis heureux, je vais faire des heureux », disent certains, peut-être, mais probablement uniquement des heureux dans leur groupe respectif. Par exemple, généralement, les gens riches rendent heureux d’autres gens riches tandis que ce sont les pauvres qui rendent d’autres pauvres vraiment heureux. Vous le savez, l’argent ne fait pas le bonheur et les parents riches boudés par leurs enfants pauvres le savent aussi. Je me demande combien de pauvres n’auraient plus besoin du secours public si les gouvernements obligeaient le partage des richesses au sein des familles.

La pauvreté, un état malheureux, résulte souvent de l’esclavage des « mauvais » désirs et plaisirs. Par exemple, on dira du pauvre que « plutôt que d’aller à l’école, il a succombé à ses plaisirs, raison pour laquelle il n’a pas la formation pour se trouver un emploi ». Il y aurait donc de « mauvais » et de « bons » désirs et plaisirs, toujours dictés par notre société.

L’affirmation suivante résume bien l’argumentation : « Il faut être raisonnable car on ne peut pas être heureux tout le temps. » De quelle philosophie s’agit-il ? Est-ce à dire qu’il y a un temps pour être heureux et un temps pour être malheureux ? Dans le cas où l’on répond « Oui », on adhère à la philosophie du sacrifice. Je suis raisonnable si je sacrifie une partie de ma vie au malheur pour me mériter le bonheur de certains plaisirs. Ça, c’est quand on cherche le bonheur dans des plaisirs, des plaisirs que l’on tente de trouver partout, pour réduire le sacrifice au minimum et augmenter les plaisirs au maximum. Bref, du plaisir, même dans le malheur. Personnellement, mes malheurs me rassurent sur l’éveil de ma conscience mais je n’y trouve aucun plaisir et je ne cherche pas non plus à y voir l’opportunité d’un plaisir. Il ne faut pas confondre l’idée de joindre l’utile à l’agréable mais avec l’idée de sacrifier une part de sa vie au malheur dans la promesse d’un éventuel bonheur. Même une infime part de notre vie ne mérite pas d’être sacrifiée au malheur car nous manquons ainsi de respect au bien le plus cher.

Comme je le disais, ça, c’est quand on cherche le bonheur dans des plaisirs. Et si le bonheur, le vrai, se trouvait ailleurs que dans la maximisation des plaisirs? S’il se trouvait plutôt dans « une manière d’être déterminée à la fois par le bon ordre de l’âme et le bien agir »,1 comme certains philosophes grecs le définissaient dans leur éthique, « sous le nom d’eudaimonia »,2 « qui associe étroitement la poursuite de la moralité et celle de la félicité »,3 « Il ne s’agit aucunement du sentiment subjectif du bonheur »,4 ou du « bonheur comme la maximisation d’états subjectifs excellents ».5 Nous laisserons « le bon ordre de l’âme » à La pensée divine pour nous concentrer sur « le bien agir » et le rejet des plaisirs comme source du bonheur.

D’abord, le plus important : le bonheur est « une manière d’être ». Comprenez bien, le bonheur n’est pas le résultat d’une manière d’être mais la manière d’être elle-même. Ici, la manière d’être est le bonheur, d’où l’idée de définir le bonheur comme le « bien-être ». On parle ici de notre état d’être, du simple fait d’exister. La question du bonheur se pose ainsi : comment être ou comment exister, en tant qu’homme sur cette terre? La quête du bonheur, c’est quête du comment être bien, du comment être un homme bien. L’être qui cherche comment être cherche comment être bien, rien d’autre. Bref, le bonheur est la manière d’être bien. Comme on dit, « tout est dans la manière », tout. Dans ce cas, on ne cherche pas des plaisirs partout mais une manière de bien être partout et en tout temps, même sous la torture de la réalité du malheur.

« La définition la plus commune du bonheur est celle qui l’identifie au plaisir. Un des premiers et plus ardents défenseurs en est le Calliclès du Gorgias qui affirme que la vie heureuse est « la vie facile, l’intempérance. la licence. Socrate réfute cette thèse en soulignant le caractère insatiable des désirs physiques les plus grands (et la frustration qui se trouve ainsi toujours attachée à leur satisfaction). Mais la véritable réfutation conceptuelle de l’hédonisme se trouve dans le Philèbe. Le plaisir dans son ensemble appartient au genre de l’illimité, il n’est qu’une genèse et ne possède pas de nature propre; il ne peut donc être confondu avec le bien humain au fondement de la vie heureuse. De plus, toute perception du plaisir suppose que la pensée s’ajoute au plaisir. La pure vie de plaisir serait donc marquée d’incomplétude et condamnée à rechercher toujours, sans en avoir la moindre représentation mentale, les objets qui devraient satisfaire les désirs dont elle est habitée. »6

C’est le bien humain qui est le fondement de la vie heureuse, et le bien humain n’est égal aux plaisirs, à moins de les raisonner, non pas pour se limiter ou se récompenser, mais pour être tranquille et indépendant par rapport aux réalités extérieures :

« La vie de plaisir, comme ensemble des satisfactions éprouvées, est, selon Épicure, la seule vie heureuse, parce que c’est la seule vie qui puisse être réglée et conduise à un état de tranquillité et d’indépendance par rapport aux réalités extérieures. L’individu accède à une forme d’autosuffisance en changeant et adaptant ses désirs, car ceux-ci sont les produits de croyances que les hommes peuvent contrôler par la raison. L’état de bonheur est caractérisé par l’absence de peine dans le corps et par l’absence de trouble dans l’âme.7

Accéder au bonheur, c’est accéder à une certaine autosuffisance; le bonheur ne dépend plus des réalités extérieures mais intérieures. Autrement dit, être heureux, c’est ne plus laisser les réalités extérieures contrôler nos désirs et nos croyances. Cette coupure avec les réalités extérieures pour acquérir l’autosuffisance sera faite « en changeant et en adaptant nos désirs » et, puisque ces derniers dépendent de nos croyances, ils pourront donc être changés et adaptés en contrôlant nos croyances par la raison. Ainsi, des croyances raisonnables produiront des désirs raisonnables pour des plaisirs tout aussi raisonnables procurant l’état de bonheur, c’est-à-dire, « l’absence de peine dans le corps et de trouble dans l’âme ».

Évidemment, moi qui en veux à la réalité, cette idée d’indépendance par rapport aux réalités extérieures me plaît mais je garde une réticence face à la relation entre plaisir et bonheur.

« Les philosophes cyrénaïques semblent avoir, un siècle avant Épicure, critiqué une telle conception du bonheur-plaisir. Eux-mêmes soulignaient que le plaisir est la fin de toute action, mais refusaient pour cette raison d’assimiler bonheur et plaisir, parce que les satisfactions du plaisir ont un caractère rhapsodique et détaché que ne peut avoir le bonheur. Le bonheur ne peut donc être défini comme plaisir ou sommation de plaisirs. »8

Le bonheur n’est pas un état dont on peut se détacher et se libérer, comme on se détache et se libère des satisfactions du plaisir. En fait, nous avons face au plaisir un certain recul parce que nous distinguons notre être des satisfactions du plaisir qu’il éprouve. Nous pouvons donc parler des satisfactions du plaisir avec un certain détachement. Le simple fait de dire « J’ai plaisir à satisfaire… » témoigne de la séparation du « je » ou de l’« être » du « plaisir » et de l’action de « satisfaire ». Dans le cas du bonheur, il s’agit d’« être heureux », en un tout ou sans distinction du fait d’être du fait heureux, ce qui limite le détachement ou le recul, d’où l’idée de ne pas assimiler une chose face à laquelle nous pouvons prendre du recul (satisfactions du plaisir) à une chose face à laquelle nous pouvons difficilement prendre le même recul (bonheur). Si le bonheur n’égale pas plaisir, l’un et l’autre sont tout de même en relation, une relation à soumettre à la sagesse :

« Dans le Gorgias, Socrate évoque la vie de l’homme sage qui limite ses désirs à ceux qu’il est possible de satisfaire et connaît ainsi une forme de tranquillité qui lui garantirait le bonheur, en l’immunisant contre l’insatisfaction et la perte. Cette conception se retrouve dans la pensée cynique. Le bonheur semble y être défini comme le fait de vivre, après une forme d’ascèse physique ou mentale de ses désirs, en agrément avec la nature ou en conformité avec la raison. L’essence du bonheur est une maîtrise de soi qui se manifeste par la capacité à vivre bien en toute circonstance imaginable. »9

La sélection des désirs par la raison dans un exercice de maîtrise de soi permet d’atteindre le bonheur. La capacité à vivre bien devient la capacité à rationaliser et s’oppose à la capacité à éprouver du plaisir :

« Pour Aristote, le bonheur correspond à l’état d’actualisation le plus parfait de la plus excellente des capacités humaines. Mais une telle définition du bonheur s’oppose résolument à l’hédonisme. Aristote montre ainsi que la caractéristique la plus proprement humaine que la vie heureuse doit refléter n’est pas la capacité à éprouver du plaisir, mais l’exercice de la faculté rationnelle. »10

Où est passé le plaisir dans ce bonheur, somme toute, rationnel? Il est dans l’acte de pensée et la satisfaction de ce plaisir procure la vertu, « l’énergie morale », la « force d’âme »:11

« La définition la plus générale de l’eudaimonia est donc le fait d’accomplir certains actes, d’être une certaine personne, de mener une certaine vie. Le bon état de l’âme conduit au bonheur et la vertu est la seule récompense. C’est le sens profond de l’eudémonisme grec. À l’existence d’un lien conceptuel entre la vertu et le bonheur s’ajoute la certitude que l’une et l’autre sont toujours compatibles pratiquement. On peut être heureux tout en étant vertueux au sens où aucune souffrance ne peut déposséder l’individu de sa vertu, source objective de son bonheur. Une telle interdépendance de la vertu et du bonheur peut prendre des sens différents. La vertu peut suffire au bonheur, sans qu’on ait besoin d’y ajouter quoi que ce soit (c’est la position strictement socratique que les Stoïciens ont reprise). »12

Le plaisir subjectif a définitivement cédé sa place à une « source objective du bonheur », la vertu. Le bonheur, c’est de ne pas agir contre son meilleur jugement, poussé par le plaisir, la peine ou la peur :

« Le bonheur est donc une fin ultime qui permet d’expliquer nos actions et nos désirs. Car il n’y a que le bonheur pour lequel il n’est pas légitime de demander : « En vue de quoi avez-vous fait cela? ». Socrate faisait de la rationalité la seule source de l’action morale. En conséquence l’« incontinence » (akrasia), ou le fait d’agir contre son meilleur jugement, poussé par le plaisir, la peine ou la peur, n’existe pas. De plus, personne ne peut agir volontairement contre la vertu, car c’est là ne pas respecter ce qui importe le plus à son âme. »13

La meilleure explication de nos actes tiendra de la haute intention, le bien-être. Aussi, « l’intentionnalité de l’action est toujours liée au fait que celle-ci procède d’un jugement sur le bien »14 et seule la raison peut porter un tel jugement et ainsi motiver les actions :

« Le sage stoïcien, s’il existe, sait toujours ce qu’il est approprié de faire en toutes circonstances et doit pouvoir agir conformément à ce savoir. Les Stoïciens ont montré qu’il existait un lien direct entre les croyances relatives au bien et l’action. Seule la raison motive les actions : il suffit donc de consentir à l’impression rationnelle qui présente la description d’une action à accomplir ou à éviter. L’action est juste si la proposition qui la motive est vraie. Il n’y a pas de faiblesse de la volonté, mais il y a en revanche des erreurs de raisonnement, lorsqu’on acquiesce à des propositions qui présentent comme bon un autre objet que la vertu ou la rationalité. »15

C’est dans ce lien avec le bien que le bonheur prend véritablement tout son sens : le bien-être! Il n’est pas d’autre plaisir d’être et de vivre que le bien-être. C’est lorsque le bonheur est associé au bien que je suis à l’aise avec la quête du bonheur qui se résume en fait à la recherche de la pensée heureuse. C’est bien de se faire plaisir si le plaisir est le bien, en pensée et en acte.

« Ce n’est pas péché de se faire plaisir », répète la publicité, pour attendrir les gens qui se sentent coupables de se faire plaisir. C’est que le doute gagne le cœur et la conscience lorsque la satisfaction des plaisirs ne donne pas de résultats durables.

L’argument « Tout le monde se fait plaisir, il n’y a pas de raison pour ne pas vous aussi vous faire plaisir » nous invite à trouver le bonheur dans le conformisme :

« Il est ainsi possible de trouver le bonheur dans le conformisme, puisque celui-ci évite la punition sociale et crée les besoins acquis qu’il saura justement satisfaire. Des sociétés qui ont établi leurs échelles hiérarchiques de dominance, donc de bonheur, sur la production des marchandises, apprennent aux individus qui les composent à n’être motivés que par leur promotion sociale dans un système de production de marchandises. Cette promotion sociale décidera du nombre de marchandises auquel vous avez droit, et de l’idée complaisante que l’individu se fera de lui-même par rapport aux autres. Elle satisfera son narcissisme. Les automatismes créés dès l’enfance dans son système nerveux n’ayant qu’un seul but, le faire entrer au plus vite dans un processus de production, se trouveront sans objet à l’âge de la retraite, c’est pourquoi celle-ci est rarement le début de l’apprentissage du bonheur, mais le plus souvent celui de l’apprentissage du désespoir. »16

Où alors trouver la pensée heureuse si ce n’est pas dans la conformité à l’idée de plaisir et de bien proposée par notre système de production de marchandises ? Je vous l’ai déjà révélé : dans l’imaginaire car lui seul « crée le désir d’un monde qui n’est pas de ce monde ».17

« L’imaginaire s’apparente ainsi à une contrée d’exil où l’on trouve refuge lorsqu’il est impossible de trouver le bonheur parce que l’action gratifiante en réponse aux pulsions ne peut être satisfaite dans le conformisme socioculturel. C’est lui qui crée le désir d’un monde qui n’est pas de ce monde. Y pénétrer, c’est « choisir la meilleure part, celle qui ne sera point enlevée ». Celle où les compétitions hiérarchiques pour l’obtention de la dominance disparaissent, c’est le jardin intérieur que l’on modèle à sa convenance et dans lequel on peut inviter des amis sans leur demander, à l’entrée, de parchemin, de titres ou de passeport. C’est l’Éden, le paradis perdu, où les lys des champs ne filent, ni ne tissent. On peut alors rendre à César ce qui est à César et à l’imaginaire ce qui n’appartient qu’à lui. On regarde, de là, les autres vieillir prématurément, la bouche déformée par le rictus de l’effort compétitif, épuisés par la course au bonheur imposé qu’ils n’atteindront jamais. »18

Lié au bien, le bonheur relève plus spécifiquement de notre échelle de valeurs :

« Finalement, on peut se demander si le problème du bonheur n’est pas un faux problème. L’absence de souffrance ne suffit pas à l’assurer. D’autre part, la découverte du désir ne conduit au bonheur que si ce désir est réalisé. Mais lorsqu’il l’est, le désir disparaît et le bonheur avec lui. Il ne reste donc qu’une perpétuelle construction imaginaire capable d’allumer le désir et le bonheur consiste peut-être à savoir s’en contenter. Or, nos sociétés modernes ont supprimé l’imaginaire, s’il ne s’exerce pas au profit de l’innovation technique. L’imagination au pouvoir, non pour réformer mais pour transformer, serait un despote trop dangereux pour ceux en place. Ne pouvant plus imaginer, l’homme moderne compare. Il compare son sort à celui des autres. Il se trouve obligatoirement non satisfait. Une structure sociale dont les hiérarchies de pouvoir, de consommation, de propriété, de notabilité, sont entièrement établies sur la productivité en marchandises, ne peut que favoriser la mémoire et l’apprentissage des concepts et des gestes efficaces dans le processus de la production. Elle supprime le désir tel que nous l’avons défini et le remplace par l’envie qui stimule non la créativité, mais le conformisme bourgeois ou pseudo-révolutionnaire.

Il en résulte un malaise. L’impossibilité de réaliser l’acte gratifiant crée l’angoisse, qui peut déboucher parfois sur l’agressivité et la violence. Celles-ci risquent de détruire l’ordre institué, les systèmes hiérarchiques, pour les remplacer d’ailleurs immédiatement par d’autres. La crainte de la révolte des malheureux a toujours fait rechercher par le système de dominance l’appui des religions, car celles-ci détournent vers l’obtention dans l’au-delà la recherche d’un bonheur que l’on ne peut pas atteindre sur terre, dans une structure socio-économique conçue pour établir et maintenir les différences entre les individus. Différences établies sur la propriété matérielle des êtres et des choses, grâce à l’acquisition d’une information strictement professionnelle plus ou moins abstraite. Cette échelle de valeurs enferme l’individu sa vie durant dans un système de cases qui correspond rarement à l’image idéale qu’il se fait de lui-même, image qu’il tente sans succès d’imposer aux autres. Mais il ne lui viendra pas à l’idée de contester cette échelle. Il se contentera le plus souvent d’accuser la structure sociale de lui avoir interdit l’accès aux échelons supérieurs. Son effort d’imagination se limitera à proposer de la renverser pour, ensuite, la redresser à l’envers de façon à ce que ceux qui produisent les marchandises soient en haut et puissent en profiter. Mais ceux qui sont au haut de l’échelle aujourd’hui sont ceux qui imaginent les machines, seul moyen de faire beaucoup de marchandises en peu de temps. Si on renverse l’échelle, tout tournant encore autour de la production, l’absence de motivations chez ceux que la productivité récompensait avant, risque fort de supprimer toute productivité. Il semble bien que l’on ne puisse sortir de ce dilemme qu’en fournissant une autre motivation, une autre stratégie aux hommes dans leur recherche du bonheur.

Puisqu’il tient tant au cœur de l’individu de montrer sa différence, de montrer qu’il est un être unique, ce qui est vrai, dans une société globale, ne peut-on lui dire que c’est dans l’expression de ce que sa pensée peut avoir de différent de celle des autres, et de semblable aussi, dans l’expression de ses constructions imaginaires en définitive qu’il pourra trouver le bonheur. Mais il faudrait pour cela que la structure sociale n’ait pas, dès l’enfance, châtré cette imagination pour que sa voix émasculée se mêle sans discordance aux chœurs qui chantent les louanges de la société expansionniste. »19

S’arrêter à accuser les motivations de la société expansionniste ne me paraît pas suffisant; ces motivations en cachent bien d’autres, plus profondes et plus déterminantes encore. Aussi, pour trouver une différence réelle dans sa pensée, il faut revoir son échelle de valeurs car, pour le moment, elle semble davantage être pareille que différente des autres avec lesquelles nous vivons, au moins, en ce qui a trait à la priorité des priorités : moi, je, me, moi.

La concentration sur soi est une valeur très répandue et, sous son influence, « la quête du bonheur devient un projet malheureux » :

« J’espère que ce point est tout à fait clair. La poursuite sérieuse de la santé physique peut devenir une obsession malsaine. De la même façon, un homme ou une femme qui recherchent avec trop de sérieux la santé ou la plénitude mentale, cheminent dans la mauvaise direction. La quête sérieuse du bonheur devient un projet malheureux.

Il existe une raison principale à cela. Le bonheur et la plénitude personnelle font partie de ces choses qui ne peuvent être recherchées directement. Ils sont les résultats secondaires d’autres quêtes. Plus vous essayez de les rechercher directement, plus ils vous échappent. Nous sommes le plus heureux lorsque nous sommes pris entièrement par un jeu, un loisir ou une conversation et que nous avons, l’espace d’un instant, oublié notre quête du bonheur. C’est la raison pour laquelle l’importance donnée à la prise de conscience de soi, prescription courante pour atteindre le bonheur, mène souvent sur le chemin de l’échec personnel. Le bonheur vient plus fréquemment lorsque l’attention est concentrée sur quelque chose d’extérieur au moi. Si nous nous intéressons véritablement à la recherche du bonheur, il nous faut considérer avec sérieux presque tout, courses de chevaux, gastronomie, amour, sauf nous-mêmes.

Une autre remarque. Il existe peu de gens capables de rechercher la réalisation de leur moi sans dévaluer celui des autres. L’un des signes particuliers de l’homme qui concentre son attention sur lui-même est le peu d’intérêt qu’il manifeste à l’égard des autres individus ou autres choses. En fin de compte, il ne considère les préoccupations extérieures intéressantes que dans la mesure où elles servent la réalisation de sa propre personne. Elles deviennent de simples moyens pour parvenir à ses fins : les instruments dont on se débarrasse après utilisation. Ce type d’attitudes, bien sûr, tend en réalité à détruire toute chance de réalisation. Le moi ne devient nullement plus intéressant à mesure que décroît l’intérêt pour le monde extérieur : il ne devient que plus exigeant et plus impatient. Bien vite, l’homme qui s’est mis à poursuivre son moi y découvre un fardeau tel qu’il recherche désespérément à s’en débarrasser. Il se tourne vers la drogue ou l’alcool ou tout autre anesthésique.

Voici le problème exposé dans ses grandes lignes. Permettez-moi d’utiliser un exemple cinématographique pour lui donner plus de consistance. The Mirror Crack’d (Le Miroir Brisé), film adapté d’un roman d’Agatha Christie, met en contraste deux types de personnes. Une équipe cinématographique hollywoodienne arrive dans un village anglais pour faire un film. Les gens de Hollywood sont narcissistes au plus haut point et cependant l’anxiété les oppresse, si bien qu’ils s’en remettent aux médicaments. Ils n’ont d’intérêt qu’en eux-mêmes, tandis que les personnages du petit village anglais possèdent un regard d’amateurs pour toutes choses. Mlle Marple, par exemple, est toujours en train de jardiner, de faire du crochet, du pain, ou encore de s’enquérir des affaires des voisins. Son centre d’intérêt se porte à l’extérieur d’elle-même et ainsi fait d’elle un excellent détective amateur. Elle peut considérer objectivement toute situation parce qu’elle est profondément attachée aux réalités objectives : sa curiosité ne s’arrête pas à sa propre personne.

Un amateur, est-il besoin de le rappeler, est un ‘amoureux’. Ce mot dénote un vif intérêt pour le monde, un soin attentionné pour ce qui est extérieur à soi-même. Lorsque nous perdons notre côté amateur, nous commençons à perdre notre capacité d’aimer. C’est ce qui semble être arrivé aux gens de Hollywood dans cette histoire. Quand il s’agit de parler d’eux-mêmes, ils sont experts. Ils connaissent tous les coins et recoins de leurs besoins et préoccupations, résultat soit d’années d’analyse, soit simplement de vie dans une société psychologique. Ce qu’ils ont perdu, c’est cet amateurisme de bon aloi qui permet d’apprécier le reste de la vie.

Il y a un autre point qu’il faut remarquer au sujet du film. L’histoire se situe dans les années cinquante. D’une certaine manière, c’était il y a très peu de temps. Mais d’un autre côté, cela semble appartenir à un siècle déjà oublié. L’Angleterre rurale était encore à un stade de société pré-psychologique. En fait, il en était ainsi de certaines grandes régions rurales d’Amérique. Toutefois, à cette époque, Hollywood avait déjà été envahie de part en part par la psychologie. Ainsi, les acteurs et les villageois sont-ils séparés non seulement parce qu’ils représentent deux cultures différentes, mais aussi parce qu’ils vivent à deux époques différentes. Les villageois anglais vivent encore dans un univers préfreudien.

Une question s’impose très logiquement ici : « N’y a-t-il donc personne qui soit parvenu à la réalisation? » La réponse est : bien sûr que si. Nous connaissons tous des individus dont la vivacité et l’aisance naturelle au-dessus de la moyenne nous frappent. En outre, ils semblent posséder un intérêt authentique pour le monde au sens large du terme. Ils ont aussi la capacité de nous rendre davantage conscients de nous-mêmes. J’aimerais simplement observer que lorsque l’on rencontre cet être authentique et non pas tout bonnement un simulateur, vous pouvez parier que le chemin qu’il a parcouru n’a pas été celui de la concentration sur le moi.

L’argument jusqu’ici est triple : 1. la tentative de donner la suprématie au moi – un substitut de Dieu – fait peser sur nous un fardeau énorme; 2. la concentration sur le moi conduit à l’échec personnel puisqu’elle mène non à la réalisation du moi mais à une certaine gravité de la personne; 3. la préoccupation de sa personne conduit à une perte d’intérêt pour le monde et rend à son tour le moi moins intéressant. »20

Pour attraper le bonheur, ma pensée doit se concentrer ailleurs que sur mon moi pour ainsi porter un regard amateur sur autrui et sur le monde. Autrement, seule la pensée malheureuse vient à l’esprit.

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NOTES

1. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 150.

2. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 150.

3. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 150.

4. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 150.

5. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 150.

6. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 150.

7. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 151.

8. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 151.

9. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 151.

10. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 152.

11. Disposition constante à accomplir une sorte d’actes moraux par un effort de volonté. Le Petit Robert.

12. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 152.

13. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, pp. 152-153.

14. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 153.

15. Brunschwig, Jacques et Lloyd, Geoffrey, Le savoir grec – Dictionnaire critique, Flammarion, 1996, p. 154.

16. Laborit, Henri, L’éloge de la fuite, (© Édition Robert Laffont, S.A., Paris, 1976), Éditions Gal-limard, Collection Folio / Essais, 1997, p. 97.

17. Laborit, Henri, L’éloge de la fuite, (© Édition Robert Laffont, S.A., Paris, 1976), Éditions Gal-limard, Collection Folio / Essai, 1997, p. 99.

18. Laborit, Henri, L’éloge de la fuite, (© Édition Robert Laffont, S.A., Paris, 1976), Éditions Gal-limard, Collection Folio / Essai, 1997, p. 98.

19. Laborit, Henri, L’éloge de la fuite, (© Édition Robert Laffont, S.A., Paris, 1976), Éditions Gal-limard, Collection Folio / Essai, 1997, pp. 100-102.

20. Kilpatrick, William Kirk, op. cit., pp. 72-75.


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