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Arthur Schopenhauer
L’art de se connaître soi-même
Franco Volpi (Préfacier)
Laurent Ferec (Traducteur)

Éditions Payot & Rivages
Univers : Philosophie / Petite bibliothèque
Collection : Rivages Poche Petite Bibliothèque
Genre : Philosophie
Numéros poche : 830
Traduit de l’allemand
ISBN : 978-2-7436-2961-8
EAN : 9782743629618
Parution : 28 janvier 2015
Nombre de pages : 160 pages
Poids de l’article : 98 g
Format : 11.0 x 17.0
QUATRIÈME DE COUVERTURE
« Dès que j’ai commencé à penser, je me suis trouvé en rupture avec le monde. »
Arthur Schopenhauer
L’Art de se connaître soi-même» rassemble les notes intimes que le maître du pessimisme écrivit tout au long de sa vie. Ces souvenirs, bribes de pensées, maximes, citations et sentences sont un véritable bréviaire des règles de vie personnelles du philosophe. Avec une ironie parfois féroce, il explique comment et pourquoi il lui faut mettre le monde à distance, y vivre seul tout en se constituant une famille spirituelle parmi les esprits avec lesquels il se sent en communion.
Longtemps considéré comme disparu, ce « cahier secret » a été reconstitué par le philosophe italien Franco Volpi au prix d’une minutieuse recherche philologique.
Source : Éditions Payot & Rivages.
Commencé en 1821, inédit en français, ce petit « livre secret » de Schopenhauer composé de notes autobiographiques, de souvenirs, de maximes et de règles de vie distille sa sagesse de la vie. Un petit manuel utile pour se connaître soi-même et pour rendre moins difficile la vie avec les autres. « Vouloir le moins possible, connaître le plus possible, a été la maxime qui a guidé ma vie » Schopenhauer.
Source : L’art de se connaître soi-même, Amazon.
Cet écrit autobiographique de Schopenhauer se compose de 30 feuillets rassemblés dans un « cahier secret », sorte de journal intime tendant à la maxime, dont la publication fit l’objet d’une polémique à la disparition du philosophe.
Plus une réflexion générale sur la nécessité et la façon de se connaître, L’Art de se connaître soi-même reste centré sur la personne d’un auteur au pessimisme revendiqué, vécu au quotidien. Il justifie son éloignement du monde par la mission intellectuelle au service de la vérité dont il s’est senti tôt investi. Renonçant à se servir soi-même, il s’attache pour le bien de l’humanité à se détacher du monde. Comme le regard porté sur le monde n’est pas purement spéculatif, mais qu’il se pose sur l’environnement concret du philosophe, une ironie savoureuse est souvent convoquée pour mettre ce monde à distance. Ce texte est un bel exemple de regard ironique porté sur soi-même.
Source : L’art de se connaître soi-même, Librairie des Sciences-Politiques.
EXTRAIT
L’art de se connaître soi-même
Si tu veux tirer jouissance de ta valeur, c’est à toi d’en conférer au monde.
* * *
De la même façon qu’un peu de chaleur rend la cire, par nature dure et cassante, assez souple pour prendre n’importe quelle forme, un soupçon de politesse et d’amabilité pourra rendre dociles et complaisants jusqu’aux individus récalcitrants et hostiles. D’où il s’ensuit que la politesse est à l’homme ce que la chaleur est à la cire.
* * *
Lorsqu’il m’est arrivé parfois de me sentir malheureux, la cause en a plutôt été une simple méprise, une erreur de personne. Dans ces moments, je me suis pris pour un autre que moi, un être dont je me suis mis à déplorer le triste sort. Je me suis pris par exemple pour un chargé de cours à l’université qui n’obtient pas de chaire et dont les cours n’ont pas d’auditeurs, ou pour quelqu’un sur le compte duquel tel philistin dit des horreurs et les commères cancanent en sirotant leur café, ou bien pour l’accusé d’un procès pour injures, ou encore pour l’amoureux que la jeune fille dont il s’est entiché ne veut pas exaucer, ou pour ce patient que la maladie condamne à garder la chambre, ou pour d’autres personnes de ce genre qui s’escriment contre ce genre de misère. Tout cela, ce n’était pas moi, tout cela, c’est une matière étrangère dont était faite tout au plus la redingote que j’ai portée un temps avant de l’abandonner pour une autre.
* * *
Ce qui, dans la vie réelle, a été à tout moment et en tout lieu une entrave pour moi, c’est que, jusqu’à un âge avancé, je n’ai pas été capable de me faire une idée suffisante de la petitesse et de la médiocrité des hommes.
* * *
Une fois qu’ils ont compris qui ils sont, ceux qui, comme moi, ont pour mission de transmettre la vérité au genre humain s’abstiendront autant que possible de se mêler aux gens en dehors de leur mission […]. Dans toutes les circonstances de la vie, et en particulier tant que dure la jeunesse, un être comme moi se sent à tout moment comme une personne affublée de vêtements qui ne lui vont pas.
* * *
Vouloir le moins possible et connaître le plus possible : telle est la maxime qui a dirigé le cours de ma vie.
* * *
SCHOPENHAUER, Arthur, L’art de se connaître soi-même, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015.
REVUE DE PRESSE
Série « Les arts d’Arthur Schopenhauer »
Épisode 1/4 : L’art de se connaître soi-même
THÈSES
La théorie du génie selon Arthur Schopenhauer par Nathanaël Gilbert
AU SUJET DE L’AUTEUR
Arthur Schopenhauer

Arthur Schopenhauer
(1788-1860)
Voici le philosophe du pessimisme par excellence ! Toute la philosophie d’Arthur Schopenhauer est en effet marquée par le constat du caractère tragique de l’existence humaine. Selon le penseur allemand, nous passons toute notre vie à poursuivre un objet puis un autre, allant du désir et de la privation à la déception que la possession engendre toujours.
Éléments de biographie (Th. Duret)
«Arthur Schopenhauer est né à Dantzig le 22 février 1788, fils d’un des principaux négociants de la ville. Envoyé très jeune à l’étranger, il séjourna plusieurs années en Angleterre et en France. Il s’initia ainsi de bonne heure à la connaissance des langues, et finit par parler facilement le français, l’anglais, l’italien et même l’espagnol. Il montrait la plus vive répulsion pour la carrière commerciale à laquelle on le destinait; aussi, à la mort de son père, abandonna-t-il le comptoir pour aller étudier à l’Université d’Iéna. Au sortir de l’Université, il visita Weimar et connut Gœthe, puis fit de longs voyages, particulièrement en Italie. Sa fortune se trouva un instant compromise par la mauvaise gestion de sa mère, et, cherchant à se créer une profession, il se fit inscrire à l’Université de Berlin comme privat-docent, pour enseigner la philosophie. Le cours qu’il essaya n’eut aucun succès. Il dut renoncer à l’enseignement que régentaient alors des professeurs célèbres, tels que Hegel, dont il s’était déclaré l’implacable ennemi. En 1832, il s’établit à Francfort qu’il ne quitta plus, et où il mourut le 23 septembre 1860.
La vie de Schopenhauer
Les tribulations du jeune Arthur
Biographie d’un philosophe tragique
Copyright © Guy Heff – Schopenhauer.fr
DU MÊME AUTEUR
Œuvres de Schopenhauer
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« Langage, éthique, compassion, folie… Les sujets abordés par la philosophie d’Arthur Schopenhauer sont nombreux et variés, et son influence sur les écrivains et philosophes qui l’ont suivie est tout aussi multiple. Flaubert, Maupassant, Nietzsche, Freud ou encore Dostoïevski… Jusqu’aux sœurs Wachowski, qui en revendiquent l’influence sur la trilogie Matrix. Redécouvrez la philosophie du penseur allemand en téléchargeant gratuitement ses livres au format numérique. »
Essais
De la quadruple racine du principe de raison suffisante, 1813, via Schopenhauer.fr
Le Monde comme volonté et comme représentation, 1818-1819, via Wikisource
L’Art d’avoir toujours raison, 1830-1831, via Wikisource
Les Deux Problèmes fondamentaux de l’éthique : Essai sur le libre arbitre (1839) et Le
Fondement de la morale (1841), via Schopenhauer.fr
Parerga et Paralipomena : Aphorismes sur la sagesse dans la vie, 1851, via Schopenhauer.fr
La philosophie universitaire, 1851, via Schopenhauer.fr
Essai sur les femmes, 1851, via Wikisource
Écrivains et Style, 1851, via Schopenhauer.fr
Éthique, droit et politique, 1851, via Schopenhauer.fr
Philosophie et philosophes, 1851, via Schopenhauer.fr
Mémoires sur les sciences occultes, 1912, via Wikisource
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MON RAPPORT DE LECTURE
Arthur Schopenhauer
L’art de se connaître soi-même
Franco Volpi (Préfacier)
Laurent Ferec (Traducteur)
L’art de se connaître soi-même du philosophe allemand Arthur Schopenhauer rassemble des textes de ses carnets de notes personnelles et fut publiés après son décès. Je ne crois pas que ces carnets de notes furent intitulée « L’art de se connaître soi-même » par Arthur Schopenhauer. À lecture des textes, j’ai la nette impression que l’auteur se donne lui-même en exemple dans l’art de se connaître soi-même. Arthur Schopenhauer parle de lui et par projection de sa vision du monde. Avant tout, il faut nous pencher sur la fameuse injonction « Connais-toi toi-même », ce que fait fort bien le philosophe italien Franco Volpi, professeur à l’Université de Vicenze, dans sa préface :
La connaissance de soi est le premier pas sur la voie de la sagesse. « Connais-toi toi-même ! », γνῶθι σεαυτόν, nosce te ipsum : cette injonction, venue de la nuit des temps et attribuée à l’un des sept sages, est censée guider qui veut être heureux. Elle concentre en soi la sagesse de la vie et s’est transmise presque sans interruption sans perdre en influence. Les sources les plus anciennes la mentionnent comme un commandement initiatique pour parvenir à la réalisation de soi, et renvoient à son origine divine. Elle était gravée comme précepte sur le temps d’Apollon à Delphes, autrement dit au « nombril du monde », le lieu où deux aigles que Zeus avant lâchés aux extrémités du cosmos se croisèrent dans leur vol dirigé vers le centre de la terre. (…)
« Connais-toi toi-même » est en même temps la pierre angulaire de la philosophie, comprise comme l’ «amour de la vérité ». C’est la première règle de vie que la philosophie se propose de transmettre, depuis toujours. « Il a été accordé à tous les hommes de pouvoir se connaître », affirmait déjà Héraclite (fragment 116). Mais c’est surtout Socrate qui fait de l’art de se connaître soi-même la base de toute la sagesse philosophique. Dans ses dialogues (dans son Apologie de Socrate et puis surtout dans son Alcibiade majeur), Platon le présente comme un enseignant de la connaissance de soi. (…)
Le thème de la connaissance de soi traverse toute la philosophie antique et connaît un développement particulier avec la littérature hellénistique du « soin de soi » (epiméleia beautoû), qui atteint son apogée avec Cicéron, Sénèque, Épictète ou Marc Aurèle (entre autres auteurs). Désormais, la connaissance de soi n’est plus liée à une mission politique, elle n’est plus limitée à un âge précis, celui de la transition de la jeunesse à la maturité. Elle n’est plus comprise simplement comme un savoir théorique sur soi-même, comme une simple contemplation de soi. La connaissance de soi s’assimile de plus en plus à l’intégralité du soin qu’on prend se soi, un soin qui s’applique à toute la durée de la vie et implique quotidiennement une série d’exercices, tant pratiques que spirituels, dont le but est de s’imprimer à la vie comme on façonne une œuvre d’art pour lui conférer la forme la plus belle et la plus réussie possible. Connaissance de soi et soin de soi sont les principes sur lesquels se fonde une esthétique de l’existence.
SCHOPENHAUER, Arthur, Préface (VOLPI, Franco), L’art de se connaître soi-même, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, pp. 7-10.
« En véritable philosophe, Schopenhauer s’attaque lui aussi au motif de la connaissance de soi » souligne Franco Volpi et avance qu’ « (…) il ne pouvait pas ne pas traiter de ce thème ».
(…) À ceci prêt : il ne se limite pas à traiter de la connaissance de soi comme un objet abstrait d’un examen théorique, mais il la prend au sérieux en tant que règle pour mener une vie sage dans la pratique, et il la met en œuvre (…)
SCHOPENHAUER, Arthur, Préface (VOLPI, Franco), L’art de se connaître soi-même, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, p. 13.
C’est « La philosophie comme manière de vivre » avancée par Pierre Hadot. Il ne s’agit non plus de la philosophie pour la philosophie évoluant dans son enclos théorique mais de la philosophie libérée en notre mode de vie, y compris nos choix de vie, à commencer en notre mode de pensée, en nos attitudes et en nos comportements.
(…) Le cahier comprenait au total une trentaine de feuillets, et le maître du pessimisme y tenait tout particulièrement, car il représentait une sorte de somme de sa propre expérience de la vie, de son expérience personnelle, son « journal intime * » : des remarques d’ordre autobiographique, des souvenirs, des observations de soi, des instructions pour l’action, des règles de comportement, des maximes, des citations et des proverbes. (…)
SCHOPENHAUER, Arthur, Préface (VOLPI, Franco), L’art de se connaître soi-même, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, pp. 14-15.
On présente Arthur Schopenhauer comme étant « Le pessimiste le plus connu du monde ».
Le véritable titre de ce « cahier secret », nous dit Franco Volpi est « Eis beautón ».
Sous le titre de Eis beautón, choisi vraisemblablement par analogie aux Pensées pour lui-même de Marc Aurèle (en grec : Tà eis beautón), il rassembla au fils des ans des réflexions, des méditations et des bribes de pensées « adressées à soi-même », qui donnèrent naissance à un « cahier secret » personnel dont on perdit la trace après sa mort et qui, par conséquent, se trouve ici reconstitué dans une version fondée sur des supputations. (…)
SCHOPENHAUER, Arthur, Préface (VOLPI, Franco), L’art de se connaître soi-même, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, p.14.
Mais puisqu’on ne naît pas pessimiste, il faut bien une explication.
Ce n’est pas par hasard si Schopenhauer a commencé à remplir ce précieux cahier à une époques de grands questionnements qui mettaient son caractère à rude épreuve. Après la publication du Monde comme volonté et représentation (1819), il avait pleinement conscience de sa vocation pour la philosophie, et dans ce domaine, il ne se sentait inférieur à personne. Mieux, il se voyait même investi d’une mission au service de l’humanité. Et pourtant, cette conscience ne lui valut pas la moindre reconnaissance de la part de la corporation des philosophes. Au lieu de cela, sont œuvre fut ignorée et sa dure confrontation avec Hegel, l’astre resplendissant au firmament philosophique de son temps, tua dans l’œuf toute perspective de carrière. À cela s’ajoutaient des obstacles et des contrariétés de toute sorte : la rupture douloureuse avec sa même, des problèmes financiers liés à la faillite des banques qui administraient l’héritage de son père, des difficultés insurmontables et des heurts constants dans ses rapports avec les autres, une méfiance viscérale vis-à-vis de l’autre sexe — bref, toute une série d’alimenta misanthropiae supplémentaires qui justifiaient et aggravaient sa vision pessimiste de l’existence. Et pourtant, il ne s’agissait pas d’un pessimisme qui tirait son origine de l’aigreur, de la faiblesse ou de la résignation. Non, c’était le résultat logique de la clairvoyance, de la désillusion et du sens du tragique de l’existence. En ce sens, un véritable pessimisme, comme l’était Schopenhauer, est en même temps un optimiste bien informé.
SCHOPENHAUER, Arthur, Préface (VOLPI, Franco), L’art de se connaître soi-même, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, pp. 15-17.
« Un optimiste bien informé » ? Ce n’est pas du tout ma compréhension des textes de Schopenhauer dans les pages de ce livre. « Une vision pessimiste de l’existence » ne s’inscrit pas en toute logique pour celui ou celle qui ne cesse de recevoir une brique après l’autre sur la tête à chaque fois qu’il avance d’un pas dans la vie. En pareille situation ou quand le malheur s’acharne, il y a plus d’une réaction possible. Le pessimisme n’est certainement pas la seule voie possible. Or, Schopenhauer fait du pessimisme sa philosophie de vie. C’est un choix, un choix sous l’influence directe et indirecte, volontaire et involontaire, conscient et inconscient, de ses difficultés. Je l’imagine se dire : « S’il en va ainsi, aussi bien demeurer pessimiste ». On peut certes pas soutenir qu’il s’agit là d’un « résultat logique de la clairvoyance ». Soutenir qu’il n’y a là ni aigreur, ni faiblesse ou ni résignation ne tient pas la route. Je ne vois en cette « vision pessimiste de l’existence » de Schopenhauer aucune sagesse et aucune vie bonne.
(…) Avec son Eis beautón, Schopenhauer s’était constitué au fil des ans un petit manuel personnel de philosophie pratique auquel il pouvait recourir à tout moment, comme un outil. Les règles fondamentales de sa philosophie de la vie y sont identifiables : autarcie, estime de soi, amour-propre, solitude, aristocratie de l’intelligence, saine misanthropie, retenue dans ses rapports à l’autre sexe, et bien d’autres choses encore. Le fondement de tout cela est la conviction que notre monde est un mundus pessimus, et que dans les cas de doute et les incertitudes que la vie nous réserve, il vaut toujours mieux agir ex summo malo, c’est-à-dire en présumant le pire, que de se laisser berner par le mirage d’un improbable mundus optimus.
SCHOPENHAUER, Arthur, Préface (VOLPI, Franco), L’art de se connaître soi-même, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, pp. 31-32.
Je ne crois pas qu’il vaut toujours mieux agir en présumant le pire. Et je ne crois pas le contraire, c’est-à-dire qu’il vaut mieux agir en présumant le meilleur.
Notez bien le mot « conviction » dans ce passage : « (…) Le fondement de tout cela est la conviction que notre monde est un mundus pessimus (…) » Peut-on fonder une philosophie sur une conviction, une croyance, qui repose de toute évidence sur une perception de réalité plutôt que sur la réalité elle-même ? Le monde n’est pas en soi ou par essence pessimiste ou optimiste. La réalité n’est jamais autre chose que ce que nous en percevons de notre point de vue.
On peut toujours juger ce que nous percevons mais est-ce là encore une fois de la philosophie. À la limite, on peut parler d’UNE « philosophie » mais certainement pas de LA philosophie.
On ne peut pas se connaître soi-même en s’abreuvant uniquement de jugements enchaînés à nos perceptions et à nos interprétations de nos expérience de vie. Ce que je lis dans le cahier de Schopenhauer, ce sont des jugements sous l’influence, entre autres, de biais cognitifs et de préjugés.
La phrase de Bacon dans laquelle il dit que toute suspicion repose sur de l’ignorance, je la rejette, et fais mienne la pensée de Chamfort qui veut que le commencement de la sagesse soit la criante des hommes.13 Démosthène a raison quand il dit que fortifications et murailles sont certes une bonne protection, mais que la meilleurs est la méfiance. Le proverbe de Bias (…)14 [« La plupart des hommes sont mauvais »] et les maximes de Leopardi (…)15 [« L’imposture est l’âme de la vie sociale »] et (…)16 [« Le monde est une bande de filous qui s’en prennent aux honnêtes gens, et d’êtres mesquins qui s’en prennent aux êtres généreux »] sont les guides de ma pensée et de mon action.
____________
NOTES
13. Cf. Chamfort, Produit de la civilisation perfectionné, chap. 11, 116. « L’Écriture a dit que le commencement de la sagesse était la crainte de Dieu; moi, je crois que c’est la crainte des hommes. » Schopenhauer utilise également cette citation dans son avant-propos à la première édition de Die beiden Grundprobleme der Ethik (Les deux problèmes fondamentaux de l’éthique) (1841).
14 Sentence de Bias, l’un des sept sages (cf. Diogène Laërce, I, 5, 87 ; Stobée, III, 1, 172). Schopenhauer découvrit cette sentence dans une inscription gravée sous le buste de Bias au Vatican (cf. Der bandschriftliche Nachlass, vol. III, p. 9), et on la trouve à plusieurs reprises dans ses écrits posthumes et dans ses lettres (par exemple sa lettre du 25 mai 1822 à Osann, et dans celle du 22 juin 1854 à Frauenstädt), cf. Schopenhauer, Gesammelte Briefe, p. 86-87, 346.
15 Giacomo Leopardi, Pensieri, XXIX, dans l’édition utilisée par Schopenhauer : Opere, vol. II, Antonio Ranieri (ed.), Florence, Le Monnier, 1845, p. 128.
16 Ibid, p. 107
P.S. : (…) = Remplacement des équivalents en grec ancien.
SCHOPENHAUER, Arthur, L’art de se connaître soi-même, 13, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, p. 59.
Je ne crois pas que « le commencement de la sagesse soit la criante des hommes ». Je ne crois pas que « La plupart des hommes sont mauvais ». Je ne crois pas que « L’imposture est l’âme de la vie sociale ». Je ne crois pas que « Le monde est une bande de filous ».
Aussi, lisez attentivement cette affirmation : « Le monde est une bande de filous qui s’en prennent aux honnêtes gens, et d’êtres mesquins qui s’en prennent aux êtres généreux ». Est-ce à dire que les honnêtes gens et que les êtres généreux ne font pas partie monde puisque ce dernier est dit comme étant « une bande de filous » « et d’êtres mesquins ». On peut ici parler du biais de généralisation à outrance. Il eut mieux valu écrire : « Il y a en ce monde une bande de filous » plutôt que « Le monde est une bande de filous ».
Voilà un exemple explicatif de mon désintérêt envers LES philosophies au profit de LA philosophie. Ce que je trouve dans LES philosophies, ce sont de simples opinions et des croyances prise pour la vérité. Notez que je répond à cette citation par des « Je ne crois pas ». Face à une croyance, on croit ou on ne croit pas. Est-ce là une marche vers la vérité ?
Le titre de ce livre est bel bien « L’art de se connaître soi-même ». Or, l’autre demeure le seul révélateur de la connaissance de soi. Seul sur Terre, je ne peux pas me connaître. Si j’approche l’autre en le craignant, j’aurai donc une fausse connaissance de soi-même.
(…) Si pour les autres la véritable compréhension de ce que veut dire Plaute par son « homo bomini lupus » [ « l’homme est un loup pour l’homme » ] est le produit du hasard, elle repose chez moi sur un instinct vital. On craint les bêtes dangereuses sans pour autant les haïr : j’ai la même attitude vis-à-vis des hommes. Je ne veux pas être un misanthrope mais un contempteur des hommes. Pour pouvoir mépriser ceux qui le méritent comme ils le mérite (c’est-à-dire les cinq sixièmes de l’humanité), il faut avant tout qu’on ne les haïsse pas. Il faut éviter de laisser monter la haine en soi. Car ce que l’on hait, on ne le méprise pas totalement. Ou, pour prendre les choses par l’autre bout : le moyen le plus simple d’éviter de haïr les hommes est de les mépriser. Mais alors de les mépriser radicale ment, ce à quoi on arrive quand on a une vision claire et nette de l’incroyable petitesse de leurs vues, de la colossale étroitesse de leur intelligence et de leur égoïsme dans fin de leur envie et de pure méchanceté, et parfois même de cruauté.
SCHOPENHAUER, Arthur, L’art de se connaître soi-même, 17, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, pp. 66-67.
P.S. : Les notes en bas de page et les termes grecs originaux sont supprimés de la citation.
P.S.: Contempteur : Personne qui méprise, dénigre (qqn, qqch.). Source : Le Robert.
Comment Schopenhauer peut-il soutenir que ceux qui méritent d’être méprisés comme ils le mérite représente « les cinq sixièmes de l’humanité » ? A-t-il parcouru le monde, rencontré un échantillonnage suffisant scientifiquement pour se prononcer sur « les cinq sixièmes de l’humanité » ? Schopenhauer privilégiait sa solitude à toute socialisation. Il vivait en retrait du monde. Comment pouvait-il avoir une telle connaissance de l’humanité ?
Dans un monde composé pour les cinq sixièmes de voyous ou bien de fous et d’imbéciles, tout individu du sixième restant devra, dans une mesure qui croît avec la distance le séparant des autres, nécessairement fonder l’organisation de sa vie sur le retrait du monde. Plus il vivra loin du monde, mieux ce sera. La conviction que le monde est une contrée désertique où il ne faut pas compter sur la compagnie des hommes doit devenir un sentiment profond, rentrer dans son caractère. (…)
SCHOPENHAUER, Arthur, L’art de se connaître soi-même, 18, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, p. 68.
Un jour, un pasteur m’a dit que la lumière ne brille pas au soleil dans le noir. Comment un homme en retrait du monde peut-il alors prétendre éclairer ce monde ?
Schopenhauer garde le cap en se référant à Heinrich von Kleist, écrivain prussien, poète, dramaturge et essayiste.
(…) Kleist ne dit rien d’autre quand il chante les louanges de Schiller :
« Un homme véritable doit se tenir loin des hommes »Dans un monde si bassement commun, tout ce qui échappe au commun est appelé à s’isoler, et ne s’est pas privé de le faire. Plus on peut se soustraire à la compagnie des hommes, mieux on s’en trouve. Il faut que celui qui ressent un besoin de compagnie agisse avec les hommes dans l’état où ils sont en s’inspirant de l’attitude de celui qui meurt de faim et laisse sans y toucher une herbe non comestible, peut-être même toxique. Et c’est de ce fait un rare et grand bonheur que d’être suffisamment riche de sa propre personne pour ne pas être poussé par l’ennui et la lassitude vis-à-vis soi-même à recherche la compagnie des hommes, dont même le noble et doux Pétrarque que dit :
« Car l'homme est non seulement un être vil et répugnant, mais aussi — je le dis avec déplaisir, ah si seulement l'expérience ne l'avait pas montré et ne continuait à le montrer largement ! — un être nuisible, inconstant, infidèle, traître, sauvage et cruel. » Pétrarque De vita solitaria, praefatioSCHOPENHAUER, Arthur, L’art de se connaître soi-même, 18, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, pp. 69-70.
Schopenhauer s’est-il demandé : « Pourquoi tous les hommes ne sont-ils tous pas comme moi, un homme véritable ? » Il me semble qu’il y a un rejet des différences dans sa critique de l’homme. Est-ce que tout homme qui n’est pas comme moi est à rejeter, à traiter d’être vil, répugnant, nuisible, inconstant, infidèle, traître, sauvage et cruel ? Du fin fond de ma solitude, coupé de tout contact avec les hommes, que puis-je observer de l’autre ?
Pour Schopenhauer, il n’est pas question de laisser l’autre nous révéler qui on est.
(…) Du comportement que les autres ont vis-à-vis de nous, nous ne devrions surtout pas apprendre et déduire qui nous sommes, mais qui ils sont eux. (…)
SCHOPENHAUER, Arthur, L’art de se connaître soi-même, 20, Éditions Payot & Rivages, Paris, 2015, p. 78.
En opposition à la position d’Arthur Schopenhauer, voici quelques citations tirées de l’œuvre d’Albert Jacquard :
Respecter autrui, c’est le considérer comme une partie de soi, ce qui correspond à une évidence si l’on accepte la définition : je suis les liens que je tisse avec d’autres.
* * *
L’autre est différent, certes. Il ne s’agit pas de nier cette différence, ou de prétendre l’oublier, mais d’en tirer parti. Car la vie se nourrit de différences; l’uniformité mène à la mort.
* * *
La véritable activité de l’homme consiste à se construire soi-même en rencontrant les autres.
* * *
Il faut prendre conscience de l’apport d’autrui, d’autant plus riche que la différence avec soi-même est plus grande.
* * *
Albert Jacquard
Source : Citation du jour, Ouest France.
AUTRUI
En quel sens ai-je besoin d’autrui
pour être conscient de moi-même ?
Extrait de « Autrui », Guillaume Nicaise, 19 octobre 2015.
« Pour Hobbes, j’ai besoin d’autrui parce qu’il est dans la nature humaine de désirer qu’autrui admette ma supériorité. La nature humaine révèle donc un désir de pouvoir sur autrui. Hegel juge cette thèse insuffisante, car Hobbes suppose une nature humaine antérieure à la rencontre d’autrui. Mais selon Hegel, je ne suis homme que si l’on m’accorde ce statut. Le désir de pouvoir, et donc le besoin d’autrui n’est pas seulement révélateur, mais bien constitutif de mon humanité.4
Pour Husserl, la visée d’autrui est en soi spécifique et diffère de la visée de tout autre objet intentionnel, parce que je sais qu’autrui me voit le voir : autrui est bien un objet de ma perception parmi tous les autres, mais il diffère de tous les autres objets parce que je suis moi- même un objet de sa perception. Il est vrai que c’est également le cas avec les animaux : mais même si je sais qu’un animal me voit lorsque je le regarde, je ne sais pas quel sens il peut bien donner à cette perception.
Face à autrui, je peux m’assurer de la signification qu’il donne à ce qu’il voit de moi par le langage : parce qu’autrui peut me parler, je suis face à lui en situation de compréhension réciproque. Paresser lorsqu’on a du travail sous le regard de son chien n’est pas un problème ; mais si autrui me voit dans cette situation, j’en suis gêné, parce que je sais le sens qu’il donne à mon comportement. Autrui n’est donc pas celui qui a des devoirs envers moi ; c’est bien plutôt moi qui ai toujours des devoirs envers lui, parce que c’est aussi à travers lui que je me juge.
Quel est le sens de la thèse de Hegel ? Selon Hegel, l’humanité ne nous est pas donnée à la naissance, au contraire, elle est gagnée si nous voyons autrui nous l’accorder, car c’est lui qui me donne le statut d’être humain. Il faut le miroir de l’autre pour que la conscience de nous- même ne soit pas une illusion : ce qui différencie le fou qui se prend pour Napoléon, et Napoléon lui-même, c’est qu’autrui ne reconnaît pas que le fou est ce qu’il croit être. Or, la reconnaissance par l’autre ne passe pas simplement par la reconnaissance de l’autre : tel est le véritable sens de la dialectique du maître et de l’esclave. Qu’est-ce que la reconnaissance d’autrui ? Je reconnais autrui comme un homme, et en échange, il fait de même. Hegel va montrer en quoi cette thèse est absurde : si je cesse de dominer autrui, si je le reconnais comme un autre homme, alors, c’est lui qui va me dominer. La reconnaissance est donc pour Hegel « une rivalité à mort » dont l’enjeu est le choix entre la vie et la liberté. Dans la lutte pour la reconnaissance, l’esclave est le premier à lâcher prise : il préfère abandonner sa liberté plutôt que de risquer sa vie. Le maître arrive donc à obliger l’autre à le reconnaître comme étant un homme, c’est-à-dire comme étant libre ; et en acceptant de reconnaître le maître, l’esclave accepte d’être asservi, c’est-à-dire de ne pas être lui-même reconnu comme homme. Selon Hegel, c’est finalement le maître qui devient inhumain en refusant le statut d’homme à l’esclave. Il est en réalité esclave de son désir qui l’enchaîne au plaisir. Faisant d’autrui un moyen d’assouvir ses désirs, et non une fin en soi, le maître méconnaît la liberté véritable : je ne suis vraiment libre que si je reconnais autrui, malgré toutes ses différences, comme étant le même que moi.
La moralité ne se fonde donc pas sur un prétendu « droit à la différence », bien au contraire : c’est parce qu’autrui, malgré ses différences, appartient au même, c’est-à-dire à l’humanité, que j’ai des devoirs moraux envers lui ; c’est pourquoi Rousseau faisait de la pitié, sentiment naturel par lequel je m’identifie aux souffrances d’autrui, le fondement de la moralité. Rousseau pose la pitié, ou compassion suscitée par le malheur d’autrui, comme le sentiment caractéristique de la nature humaine. La tradition philosophique insiste en général davantage sur l’ambivalence de ce sentiment, qui permet d’asseoir sa domination sur autrui. En effet, cette tendance humanitariste à considérer l’autre comme un être en souffrance ayant besoin de moi pose un rapport équivoque qui peut cautionner un rapport de domination (celui qui souffre et qui est dans le besoin est alors un être inférieur à moi). En outre, cette affection pour l’autre ne suppose pas nécessairement une véritable sortie de soi. Or sans celle-ci, il est vain de croire qu’il puisse y avoir position d’autrui comme une altérité irréductible à soi, il peut s’agir d’une simple projection de soi sur l’autre. Pour que l’autre soit posé dans son altérité, il faut transcender le pathos. Un sentiment plus noble serait donc de poser le mécanisme de solidarité sur la dignité humaine. »
Source : Autrui, Guillaume Nicaise, 19 octobre 2015.
À mon avis et contrairement à Arthur Schopenhauer, « L’art de la connaissance de soi-même » ne passe pas par le rejet de l’autre, l’isolement et la solitude mais plutôt par l’Autre comme révélateur de moi-même.
C’est bien là toute la difficulté avec LES philosophies et LA philosophie. Chacune DES philosophie est celle de son auteur ou celle d’un autre rapportée par un autre auteur. Ce sont des philosophies personnelles avancées sur la scène publique par leurs publications. Les lecteurs se retrouvent donc dans un débat d’opinion, un débat entre différentes philosophies personnelles. Chacun avance SA philosophie. C’est ainsi qu’on préfère certains philosophes à d’autres.
Quand à LA philosophie, elle ne concerne pas l’opinion philosophique personnelle, mais bel et bien la manière de penser cette opinion dans le respect des principes de la philosophie instaurés par Descartes (voir aussi ce document : Première partie : des principes de la connaissance humaine), et ce, par Amour de la Sagesse, comme connaissance du vrai et du bien, fondée sur la raison et sur l’expérience.
Ce que je connais par la raison et l’expérience, je peux librement le reconnaître comme vrai et fondé mais je me dois, pour philosopher, d’en douter et d’en questionner l’idéal supérieur de vie.
Je ne crois donc pas que le pessimisme avancé par Arthur Schopenhauer dans « L’art de se connaître soi-même » puisse être un idéal supérieur de vie.
Ce livre, comme tous les autres dont j’ai fait rapport de lecture, m’a aidé à mieux connaître en raison de ce qui a attiré et retenue mon attention. Je ne suis pas un pessimiste même si je m’amuse à envisager le pire pour m’y préparer au cas où.
J’accorde à ce livre une seule étoile sur cinq parce qu’il ne tient pas sa promesse en titre, c’est-à-dire d’enseigner ou de témoigner de « L’art de se connaître soi-même ».





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