Article # 83 – Raviver de l’esprit en ce monde – Diagnostic du contemporain, François Jullien, Éditions de l’Observatoire, 2023

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Article # 83

J’AI LU POUR VOUS

Raviver de l’esprit en ce monde

Un diagnostic contemporain

François Jullien

© Éditions de l’Observatoire / Humensis, 2023
170 bis, boulevard du Montparnasse, 75014 Paris

ISBN : 9791032930014

EAN : 9791032930014

Date de parution : 23 novembre 2023

Collection : Hors collection

Nombre de pages : 224

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J’accorde au livre RAVIVER DE L’ESPRIT EN CE MONDE – UN DIAGNOSTIC DU CONTEMPORAIN de FRANÇOIS JULLIEN chez Éditions de l’Observatoire (2023) 4 étoiles sur cinq.

J’en recommande la lecture.

Lire mon rapport de lecture à la suite la présentation du livre et son auteur.


Résumé

Réflexion philosophique sur la potentialité d’une perte d’intelligence et d’esprit dans la société du XXIe siècle. L’auteur s’interroge sur les habitudes et les modes de vie qui traduisent une tendance allant vers la fainéantise intellectuelle : livres faciles à lire, relations sans prises de tête, entre autres. A l’heure de l’intelligence artificielle, il s’interroge sur l’intelligence humaine.


Texte en quatrième de couverture

Il est une menace dont tout le monde s’émeut – à juste titre – parce qu’elle est spectaculaire : la Terre se réchauffe et la vie pourrait s’y tarir. Mais il en est une autre qu’on évite de remarquer. Cela parce qu’elle touche à l’invisible et nous implique peut-être encore davantage – d’ailleurs comment la nommer ?

Ses effets cependant sont des moins contestables : « d’un clic », on croit que tout est à portée, qu’il n’y a plus à accéder. Ou l’on fait du Livre un « produit » comme un autre. L’écran fait écran et l’événement de la présence est perdu. Et, d’abord, les médias distillent leur coïncidence idéologique à notre insu.

Ne sommes-nous pas en train de devenir des sujets inertes sans plus d’élan – d’essor – qui nous mobilise ?

J’ai choisi de nommer de l’« esprit » cette autre perte qui nous menace. Et donc, à l’encontre de la vie qui ne vit pas, de la non-vie menaçant nos vies, d’appeler à la défense et l’illustration de l’« esprit », une fois celui-ci décapé de tout spiritualisme.

Dans le monde de la Connexion généralisée, de la Communication et de la Consommation gérées par le numérique, où font loi la Commodité et le Marché, quel écart et quel espacement reste-t-il encore où de l’esprit puisse se déployer ?

Or rien ne sert de dénoncer cet état de fait et le renverser est impossible. Mais j’appelle à en dé-coïncider : en fissurant la chape invisible sous laquelle nos vies se laissent enfermer.


SOMMAIRE

Copyright

I. D’un clic

II. L’adieu au Livre

III. La perte de la présence

IV. L’étau de la coïncidence

V. Sujet inerte / sujet alerte

VI. Fin de la philosophie ?

VII. « De l’esprit », concept de combat

Table des matières


EXTRAIT

Chapitre I. D’un clic

1. Un si petit mot – à peine un mot – règle désormais nos vies entières : un « clic ». « D’un clic », je dirige et je dispose. L’onomatopée ne fait même plus, comme jadis, entendre le bruit d’un claquement ; elle commande en silence à l’ordinateur : je clique sur l’écran, sur l’icône, et tout, d’un coup, apparaît : tout aussitôt se réalise. Y a-t-il geste plus simple, mais qui soit plus magique ? D’un clic, on atteint sans attendre, apparaît soudain sur l’écran le résultat escompté et cette automaticité est merveilleuse. Car « cliquer » n’est même pas appuyer, la pression du doigt est la plus légère, elle est égale et sans insistance : je n’éprouve plus sous la main, venant du monde, de résistance. Et même, tout s’opérant à proximité, entre le doigt et le clavier, il n’y a plus à franchir de distance ou d’opacité. L’homme enfin n’aurait plus à faire ce qu’il a fait depuis la nuit des temps : à faire effort. Car le geste est minimal, à peine esquissé, je ne fais qu’effleurer la touche : il n’y a même plus à enfoncer, donc de force à dépenser, l’intensité est minimale. Il n’y a même plus de bouton à tourner, comme pour régler le niveau du son ou du chauffage : « Vous n’avez qu’à cliquer », du bout du doigt, et l’effet suit de lui-même. N’a-t-on pas su capter enfin – et canaliser – l’immanence dispersée naguère encore dans tant de rouages et de processus, mais désormais soumise à mon gré ? Il n’y aura donc plus à chercher, à viser, ou même seulement à projeter. L’obtention est quasi immédiate et tout ne fait toujours qu’obtempérer, il n’y aura même plus à souhaiter ou espérer. Et même qu’ai-je besoin encore de « volonté » ?

« Cliquer » est par là même le verbe de notre contemporain. En outre, il s’associe à d’autres formant réseau. Cliquer d’abord va avec « cocher ». Or, quand on coche, on n’a plus à écrire et exprimer : les cases sont prêtes, prédisposées ; autrement dit, les choix sont faits, en tout cas sont cadrés : le système des possibles est pré-déterminé. Où serait encore mon initiative ? Ou bien l’autre de « cliquer » est « zapper ». Je clique pour garder ou bien je zappe : ou je retiens ou je laisse aller. Il y a beau temps que zapper ne signifie plus seulement passer d’une chaîne de télévision à l’autre (to zap) et ce verbe donne sa forme générale – comme son allure – à notre temps. Dès que cela ne m’intéresse plus, je zappe. Que je clique pour m’arrêter et m’attacher ou bien que je zappe et passe à autre chose est désormais la seule alternative connue du dispositif, mais qui reste constamment ouverte : je peux passer à tout instant de l’un à l’autre. Mais, dans un cas comme dans l’autre, je reste dans l’instantané et le réactif. Ces emplois sont devenus symboliques de tout un comportement et même sans doute d’une nouvelle façon d’être de l’humain. Je ne patiente et ne persévère plus : dès que cela ne m’attire plus, je « saute ». On connaît tous cette baisse d’expérience : quand on se dérange pour aller au cinéma, à l’heure donnée, au lieu fixé, on regarde le film en demeurant tenu et tendu par lui, en continu, les yeux levés au loin dans l’obscurité concentrante. Mais quand c’est en restant chez moi et sur mon écran, dans cet étroit circuit qui ne me donne plus à me déplacer, dès que cela ne me plaît plus, je « zappe ». Or quelle en est la conséquence pour ce qu’on appelle d’ordinaire la « vie de l’esprit » ? – commençons d’avancer précautionneusement ce terme qui sera tout au long à reprendre et retravailler. Car si mon esprit aussi n’a plus comme critère que ce qui d’emblée le capte et temporairement l’arrête ? S’il ne va plus au-delà d’une première impression, se conforme aussitôt à mon impulsion et ne « creuse » pas davantage ?

On lisait cette affiche, en ce début d’hiver, dans les stations du métro parisien : « Vous êtes à un clic de vos prochaines vacances en Égypte ». Est-ce mon rêve qui serait enfin mis en image : vue du désert doré, des dunes et des pyramides ? « À un clic », c’est mieux encore qu’« à portée de main » : toutes les démarches sont désormais comprimées, réduites à ce léger toucher du clavier. Comme si ce petit geste suffisait à faire enjamber d’un coup le temps et l’espace, qu’il réussissait à nous transporter dans un autre monde. Le raccourci tendant à l’instantané, je pourrais « d’un clic » réaliser mon désir, car celui-ci s’y trouverait déjà complètement formaté – et même y a-t-il place encore pour du « désir » ? Click and collect : le clic est le coup de baguette magique de notre temps que nous répétons désormais à longueur de journée, sans même plus nous en étonner. Il n’y a plus à cheminer soi-même, par une démarche qui serait proprement la sienne, dans l’étendue et dans la durée : le « clic » dispense de la lente et longue médiation qui donne accès. Car, ce clic étant inscrit dans tout un agencement aménagé pour prédisposer ma conduite, il est d’emblée son résultat, le geste pré-commandé n’a plus ensuite à appeler de ma part ni de réflexion ni d’action. Plus de quête aventureuse et qui serait volontaire : le monde se gère sous mon doigt, dompté, discipliné, sans plus broncher. Et moi-même sans plus bouger.

Dans l’instant, à ma table et de mon fauteuil : le « monde » est soumis à mon clavier, celui-ci est devenu un tableau de bord, il n’y a plus de dehors à conquérir, il n’y a même plus de différé. De quoi qu’il s’agisse dans ma vie de tous les jours et de plus ordinaire – une commande, une demande, un achat, etc. – j’avance désormais, non plus de moment en moment, mais de clic en clic, télécommandé que je suis par le programme et ses algorithmes. C’est peu de dire que j’y suis « guidé », j’y suis plutôt conditionné et, n’ayant plus de marge de manœuvre, je n’ai pas plus à faire appel à ma pensée qu’à ma volonté : qu’est-ce qui, d’un clic, s’atrophie alors de ma capacité, dans ma relation au monde comme à moi-même, qui ne me laisse plus désirer ou même seulement imaginer ? Quel espace à la fois de creusement et de déploiement m’est retiré, non seulement au dehors, mais à l’intérieur de moi ? Or c’est là ce que personne n’a choisi, ce pour quoi personne n’a « voté », ce n’est là qu’un effet conséquent du marché, lui-même suscitant et précipitant l’invention, mais ne se prévalant, en fait, que de sa commodité – et qui fait que, bientôt, je n’aurai plus à pénétrer dans rien du « monde » ; et même que je n’aurai peut-être un jour, à travers tous ces « portails » successivement ouverts, plus personne, au bout du tunnel, à qui m’adresser.

2. Je peux d’ordinaire, par volonté, résister à la commodité : préférer monter à pied plutôt qu’utiliser l’ascenseur ; ou gravir la montagne au lieu de prendre le téléphérique. Mais dorénavant cette commodité m’est imposée : je ne peux plus me déplacer pour me rendre un jour quelque part, dans un bureau, me renseigner ; je ne peux opérer ma commande ou formuler ma demande que d’un clic et « sur Internet ». Déjà, quand je n’ai plus qu’à tourner le bouton pour régler l’intensité du son, la musique en est aplatie en même temps qu’elle est amortie ; en réglant au degré près la température, je m’installe dans mon confort, je ne sais plus rien du froid au dehors. Or c’est ce que ce clic, de nos jours, généralise : en cliquant, je reste définitivement chez moi, au propre comme au figuré : je n’ai plus à risquer et m’aventurer. Dès lors, qu’est-ce que je rencontrerai encore du monde ? Ou qu’est-ce qui du coup se nivelle de mon expérience, à la fois s’égalise et s’uniformise : un clic fait entrer dans la même quasi-immédiateté, établit sur le même plan et comme étant du même ordre la commande d’un billet de train et l’apparition d’un ami par Zoom sur l’écran de l’ordinateur. Or les deux ne sont-ils pas – si discrètement que cela soit – incommensurables entre eux et que reste-t-il alors, dans ce cadrage, de son Visage ? Peut-on donc n’y pas prêter attention, feindre d’ignorer ce si peu, si discrètement, mais qui change tout ?

Cette commodité du clic a donc son coût et son envers : non seulement le fastidieux du geste n’appelle plus aucune habileté, à l’opposé du piano n’exige plus de « doigté » et ne peut qu’être inlassablement répété. Mais, en outre, la montée du stress rôde toujours sous cette facilité, et cela jusqu’à l’angoisse. Car « stress » est bien le mot et le mal générés par notre modernité technologique : le stress, comme tension nerveuse d’appréhension, est à l’opposé de la fatigue venant de l’effort effectué, qu’il soit intellectuel ou physique. Déjà, comme on a été mis par contrainte dans le régime de l’instantané, ces quelques secondes qui sont à attendre à l’allumage sont, par leur vide, longues à passer. En outre, si l’accès est quasi immédiat, les conditions d’accès, quant à elles, ne cessent d’être toujours plus retorses et compliquées : mot de passe, identifiant, code de vérification… – n’y a-t-il pas là, en amont, toujours plus d’embûches à traverser ? Or il faut que je suive sans le moindre écart toutes les chicanes du dispositif, sans quoi tout s’annule et doit être recommencé ; ou tout peut aussi bien d’un coup, sans que je sache pourquoi, se paralyser. Ou bien tout simplement la case indiquée ne correspond pas à ma demande. Or, je n’ai là plus aucune initiative, tout se trouvant toujours déjà emboîté.

Bien sûr – inutile de me le répéter – je sais bien que, de cette commodité du « clic », on ne pourra plus désormais se priver. Je sais surtout qu’il faut se garder de tout « attardement », de tout attachement passif au passé, et s’ouvrir par principe à l’invention qui vient. Mais il n’en est pas moins vrai que, de par ce dispositif et son confort, s’organise – en même temps qu’une paresse – une déréliction. Car l’attention demandée n’est pas d’intelligence, mais régie par le mécanisme : qu’est-ce que, en apprenant à « cliquer », je désapprends du même coup sans le mesurer ? Dans quel tunnel secrètement édifié, et dont je ne vois pas les parois, suis-je obligé chaque fois d’entrer ? Je demanderai de nouveau : qu’y reste-t-il d’une démarche possible de l’« esprit » ? On me répondra bien sûr que ce n’est là qu’une question d’habitude, de réflexes à acquérir, que la jeunesse y est tellement à l’aise désormais et que, à force, on s’y fait. Mais on « se fait » à quoi ? Mais au prix de quelle aliénation d’un moi-sujet ?

Au-delà de la commodité, du temps gagné par tant de démarches et de déplacements évités, on vantera l’offre illimitée. Avec le développement des réseaux, le débit ne cesse de s’accroître, la vitesse de s’accélérer, la précision d’être plus poussée et par suite le choix, en streaming, de se multiplier. Le stockage ne cessant d’augmenter, les propositions affluent de partout et à tout instant. D’un clic, vous avez indéfiniment accès à la musique la plus variée, à tous les films et documentaires que vous voulez, vous suivez sur YouTube toutes les conférences qui pourraient vous intéresser… C’est là le triomphe du « culturel » : à la fois par la diversification – il y en a pour « tous les goûts » – et la gratuité. On ne dépend plus d’une programmation, comme dans la télévision d’autrefois, et chacun peut désormais y faire son marché à son gré.

Face à quoi je ne répéterai pas seulement que la pollution va croissant de concert et même augmente vertigineusement d’année en année ; ou que le système génère de lui-même une addiction à son égard : que, comme le spectacle est en continu, on ne cesse plus de regarder et que cette profusion nous rend prisonniers. De fait, il ne s’agit même pas de juger, comme c’est le cas à chaque nouveauté, si c’est là une bonne ou mauvaise invention : de mettre en regard la commodité acquise et le risque de dépendance, de faire un bilan comparatif des avantages et des inconvénients ou de mettre en regard les gains et les pertes. Mais plutôt de comprendre comment ce gain lui-même se retourne en perte. Comme le disent les Anglais, too many choices is no choice : à pouvoir indéfiniment choisir, on n’est plus en mesure de choisir. Car ou bien le choix est paramétré d’avance ou bien s’offre en premier ce qui a été le plus écouté ou regardé. Mon choix est alors plus qu’influencé, il est induit, quantitativement pré-déterminé. Ou bien il y a tant de choix possibles que j’en suis complètement recouvert et encombré : je ne peux plus faire de comparaison et mon « choix » n’est plus concerté, il ne peut être qu’aléatoire. Car puis-je encore exercer mon jugement sur ce dont je me trouve ainsi submergé ?

3. Le terme auquel on recourt le plus volontiers, en Europe, pour parler de notre contemporain et juger de ses mutations abruptes est celui de « crise ». « Crise » à la fois focalise et dramatise : en cet instant même, tout va soudain et définitivement se « trancher », krisis. Chez les Grecs, « crise » dit, au théâtre, le point culminant de l’action : entre le bain de sang ou la réconciliation finale, dans quel sens va basculer l’histoire ? En médecine (Hippocrate) : la maladie, parvenue à son acmé, va-t-elle basculer vers un retour à la santé ou vers la mort ? Ce terme passionne, crée de lui-même une intensité, nous met dans la tension d’une imminence : quelle en sera donc l’issue ? Le terme est tragique en mettant dans l’attente d’un dénouement : il capte notre désir, suscite notre intérêt par ce qu’il fait craindre ou bien espérer. Or souvenons-nous, en regard, qu’une langue-pensée comme la chinoise en a développé, à l’inverse, une intelligence stratégique et non point pathétique : le binôme traduisant « crise » en chinois, wei-ji (危機), en même temps qu’il reconnaît qu’il y a là une « difficulté », dit aussi qu’il faut savoir la faire muter patiemment, avec persévérance (mais ce « faire » est déjà trop actif), jusqu’à ce qu’elle s’inverse en « opportunité ». Il est vrai aussi que, en Europe, ce terme de « crise » nous rassure en secret, en même temps qu’il nous alarme, par ce qu’il laisse entendre d’un nécessaire et prochain dénouement : si l’on y est entré, on ne peut qu’en sortir – « crise » reste marqué par l’idée religieuse, jamais complètement évacuée en Europe, jamais complètement laïcisée, d’un salut. Or ce passionnel de la « crise » et son montage, en nous maintenant sous la pression du sensationnel et de l’événement, ne nous dissimuleraient-ils pas une logique plus discrète de l’Histoire, en tout cas de celle que nous sommes en train de vivre, sans peut-être nous en rendre compte ?

Il y a bien cette ouverture indéfinie des possibles que nous croyons connaître aujourd’hui grâce aux exploits du numérique, à l’offre illimitée que celui-ci procure, à l’annonce spectaculaire qui s’en fait chaque fois sur le marché. Or ne sommes-nous pas aussi en train de subir, sous elle, en cette génération et même de façon accélérée, ce qu’il faudrait plutôt nommer, à l’envers, une restriction ou, mieux, une « rétraction des possibles », mais d’un autre ordre ? Cependant, parce qu’elle ne se manifeste pas en événement, sous forme de « crise », mais se distille au fil des jours, cette rétraction des possibles nous échappe. Sous ce que nous aimons nous figurer comme l’avènement, d’une « crise » à l’autre, d’un nouveau monde accroissant toujours ses prouesses, prodiguant par à-coups ses promesses, et dont ces crises seraient d’inévitables sursauts et soubresauts de croissance, ne sommes-nous pas en train de subir, de fait, un grand rabattement ? Par différence avec le « déclin » dont on se plaint tant, qu’on dénonce à grands cris quand on ne croit plus au Progrès, mais de façon aussi sonore et démonstrative, ce « rabattement », avouons-le, n’offre guère de prise à la déclamation. Car rabattement dit seulement qu’on prive alors de sa hauteur, de sa vigueur, comme on rabat un arbre : non pas qu’on taille ou qu’on élague pour concentrer la force, mais qu’on rabaisse et qu’on réduit : rabattre est priver de son essor. Ou l’on rabat le bétail qui s’égaille pour qu’il se range en troupeau. « Se rabattre sur » est se contenter d’un moindre ; « en rabattre » est renoncer à ses exigences… Or quel rabattement général, que je qualifierai de l’« esprit », vivons-nous donc aujourd’hui sans même nous en rendre compte ?

Ce qui fait que ce rabattement contemporain de l’esprit nous échappe est en effet que, à l’encontre de la logique de la crise qui est celle de l’événement, un tel rabattement relève plutôt de ce que j’ai nommé, m’inspirant de la pensée chinoise, une « transformation silencieuse ». Si l’événement focalise et passionne, fait saillie dans la continuité temporelle et émerge par conséquent au regard, que c’est par suite sur lui que se braque l’attention, la transformation silencieuse procède, quant à elle, d’une logique inverse : parce qu’elle est globale et continue, elle ne se démarque pas, donc on ne la remarque pas et c’est pourquoi elle est « silencieuse » – on ne l’entend pas cheminer. À la fois elle se déploie sans bruit et on n’en parle pas : silence des deux côtés. Mais, moins on perçoit cette transformation progresser, plus son résultat ensuite éclate de façon sonore : l’« événement » qui en résulte est d’autant plus frappant dans son débouché.

Or cela est de commune expérience. Nous ne nous percevons pas vieillir parce que c’est tout en nous qui vieillit, qui se transforme et dans la durée, que rien donc ne s’en distingue suffisamment pour se bien repérer. Mais, quand nous tombons sur une photographie d’il y a vingt ans, soudain, brutalement, nous nous en rendons compte. Ou bien le réchauffement climatique est une transformation silencieuse à laquelle, parce qu’elle est globale et continue, nous n’avons si longtemps pas prêté d’attention. Mais maintenant qu’elle est devenue spectaculaire dans son résultat, si « sonore » dans ses méfaits, nous en faisons finalement le grand événement de notre temps et sonnons le tocsin – mais si tard. Or il en va de même du rabattement de l’esprit que nous vivons aujourd’hui : comme il concerne tout de notre monde comme en nous-mêmes, procède de tant de modifications diverses et s’étend en durée, qu’il se dissout dans le quotidien en se mêlant au cours entier de nos vies, nous ne le distinguons pas et, par conséquent, ne le percevons pas. Mais, quand il aura enfin manifesté bruyamment ses effets et que nous ne pourrons pas ne pas le constater, alors ce sera trop tard. Ou peut-être n’aurons-nous même plus alors la capacité de l’analyser, nous y étant à ce point habitués, et n’en ferons-nous plus qu’un « état de fait ». Un état de fait, c’est-à-dire ce qui fait partie désormais de la réalité, dont nous ne nous étonnons plus, dont nous ne songeons même plus à nous étonner, tellement nous en sommes habités, nous y sommes définitivement soumis et « pliés ».

Ou plutôt ce résultat sonore, quant à la « vie de l’esprit », n’aurait-il pas commencé déjà de s’imposer ? Si par mégarde on ouvre encore, un soir, un poste de télévision, on mesure d’un coup, avec effroi, un tel rabattement. On est stupéfait soudain de ce qui s’étale sur l’écran de vulgarité généralisée, à la fois de faux pathétique et d’ineptie de la pensée : entre le tout positif de la réclame publicitaire et le sensationnel impudique, on est si tôt lassé. Nous ne pouvons pas ne pas nous en rendre compte en même temps que nous y sommes déjà tellement conformés et soumis. Cependant, à voir tant de médiocrité affichée, se consommant selon la loi de l’audimat et du marché, on se demande, dès qu’on y songe, comment on a pu en arriver là : y reste-t-il une percée d’intelligence ou bien la moindre trace d’élégance, quelque saillie de l’esprit sous ce plafond bas qu’on ne voit pas ? Or, ce n’est pas « élitiste » de le dire, pas plus qu’il n’était « passéiste » de soupçonner précédemment la commodité imposée – je préférerais tellement être « futuriste » (comme y appelait Apollinaire) : « À la fin tu es las de ce monde ancien. »

Mais qu’on se rappelle seulement les émissions intellectuelles de qualité qui ont été supprimées, au cours des dernières années. Or à peine a-t-on protesté. Ou qu’on pense à l’évolution récente du marché des revues, dont les meilleurs titres ont été fauchés l’un après l’autre ; ainsi qu’à l’étiolement des « Suppléments littéraires ». Or, il n’y a pas nostalgie à le dire – ou quelle fausse pudeur (serait-ce de l’« intelligence », celle de celui qui « comprend » son époque ?) me retiendrait de l’évoquer ? Force seulement est de comparer et de constater. On répondra bien sûr que personne, en fait, ne regarde plus « cela » le soir et n’y prête attention. Et puis « on sait bien tout cela », dit-on en haussant les épaules, pourquoi encore s’en alarmer ? Or néanmoins, ce faisant et nul ne s’y opposant ou même seulement ne le faisant remarquer, ce bas régime finit par s’imposer, fixe ce qui devient la norme, s’étale avec complaisance, « forme » l’opinion et en vient insidieusement à rétracter les possibles de l’esprit jusqu’à les faire oublier. Sans même qu’on s’en aperçoive, on s’y est résigné : le rabattement de l’esprit est déjà de fait si avancé – procédant d’une transformation silencieuse, mais qui maintenant devient « sonore » – qu’il ne nous choque plus et même ne nous étonne plus.

4. Il est vrai qu’on s’inquiète enfin aujourd’hui de ce qui nous menace, depuis peu, mais si brutalement : on s’inquiète de la perte des ressources naturelles et de l’avenir de la planète et même on en fait, à raison, une priorité de notre temps comme de notre monde. L’avenir de celui-ci, au lieu d’apparaître comme un déploiement indéfini, soudain se referme brutalement sur nous et nous nous découvrons pris au piège que nous avons nous-mêmes provoqué. Mais n’en va-t-il pas de même de ces autres ressources qu’on appellera globalement de l’intelligence ou de la conscience ou, plus globalement encore, de l’« esprit », ce terme, je l’ai dit, étant lui-même à retravailler ? Nous multiplions aujourd’hui les marches pour le climat, la volonté de mobilisation est de plus en plus générale, et cela pour continuer de pouvoir vivre – ou survivre – sur la Terre et de respirer. Mais s’aperçoit-on que ces autres ressources – de l’« esprit » – pour des raisons analogues sont en train, elles aussi, de s’atrophier et de se raréfier ? Car, de même que la production technique s’est retournée contre la vie sur Terre et la menace, la commodité technique et, plus récemment, numérique s’est retournée contre ces ressources de l’esprit qui nous font « vivre », et cela d’une façon qui n’est pas seulement figurée. Mais se soucie-t-on de cette autre « menace » ?

Car s’il y a bien eu également dans les deux cas transformation silencieuse, parce que globale et continue, mais qui maintenant se perçoit dans ses résultats, il s’avère que dans l’un, de ce que la Terre se réchauffe, le phénomène s’éprouve de façon flagrante, à vif, dans notre chair et physiquement. On voit sous nos yeux que tant d’espèces sont en train de disparaître et que la Terre est effectivement menacée dans sa vivabilité. Les savants peuvent analyser les facteurs en jeu, en développer un savoir positif et même modéliser l’évolution à venir. Dans l’autre cas, en revanche, celui de la vie de l’esprit, le phénomène est intérieur à nous-mêmes, à notre « esprit », ce pourquoi on est sans distance, par conséquent aussi sans prise aisée pour l’analyser. D’un côté, il y a une cause assignable, qu’on peut nettement invoquer et dénoncer (le CO2) ; mais, de l’autre, non seulement les raisons sont plus diffuses et ne se prêtent pas aussi commodément à l’objectivité de la mesure, mais surtout la transformation s’opère elle-même dans l’invisible. Pour autant on en perçoit maintenant des effets également sensibles : la chute de la lecture, la perte de la présence, l’étiolement du sujet, etc. – je reprendrai tous ces points l’un après l’autre et pas à pas.

Mais encore faut-il vouloir, ces effets devenus patents, les remarquer. Ou bien l’on s’en fait de temps en temps la remarque, mais sans plus l’approfondir. Ou bien même l’on s’y résigne justement parce que le principe en est dans l’invisible et qu’on ne se voit pas de prise tangible pour s’y opposer. Voire, nous faisons semblant de croire, parce que les moyens culturels, grâce au numérique, vont se démultipliant, que tout ce qui s’y laisse remarquer d’effets négatifs, concernant la vie de l’esprit, est promis à être largement compensé. En vrai, nous sommes concernés de trop près, c’est-à-dire en nous-mêmes, cela nous remet nous-mêmes trop en question, pour accepter d’y prêter davantage attention et entreprendre d’y résister. Ce pourquoi nous continuons de passer cette transformation sous silence, au lieu de nous en alarmer.

On entend annoncer, chez ceux qui se sont les premiers mobilisés pour la planète, que nous devrions ne plus avoir dorénavant d’autre « morale » que de « favoriser la vie sur Terre ». Or, la question désormais nous revient cruciale : peut-il y avoir « vie » proprement humaine sans que celle-ci soit également une « vie de l’esprit » ? Ou bien « vie », quand il s’agit de l’esprit, ne serait-il que d’un emploi second, dilué ou métaphorique ? Ou bien sinon métaphysique ? De là qu’il incombe désormais à la philosophie, après avoir critiqué la pensée religieuse et métaphysique qui l’a précédée, elle qui exaltait l’« Esprit » par rupture d’avec le monde, mais maintenant est en retrait, de repenser ce qu’est la « vie » quand elle ne se borne pas au vital, mais ne se cantonne pas non plus dans un sens abstrait ou figuré ni ne s’extrapole dans un autre monde. C’est-à-dire de se demander en quoi « être en vie » n’est pas seulement « ne pas être mort », mais relève également de la capacité d’être plus pleinement ou surabondamment vivant – « au-delà » donc du vital, mais sans que cet au-delà soit celui d’un Au-delà du monde et d’une autre vie. Ou comment penser l’invisible de l’« esprit » sans qu’il renvoie à l’Invisible ?

Il faudra repenser, autrement dit, sous le terme de « vie de l’esprit », une vie dont le contraire n’est pas la mort, mais ce que j’ai nommé la « non-vie », la vie inerte, enlisée, qui n’est plus qu’une apparence de vie ou pseudo-vie, vie rabattue ou vie « perdue ». En opposition à quoi est à concevoir la vie « alerte », vie en essor, ou la « vraie vie ». Or, ne sommes-nous pas en train précisément aujourd’hui, par transformation silencieuse et sous le régime du numérique, de l’Intelligence artificielle et de tout ce qui s’impose de technicité trop commode, de sombrer peu à peu dans ce qui ne serait plus que de la non-vie – de « la vie qui ne vit pas » – sans même nous en rendre compte ? De là qu’il faudra faire de la vie de l’esprit un concept de combat, décapé de la spiritualité d’antan, celle du spiritualisme et de la métaphysique, et mobilisant notre présent même. Nous mobilisant par conséquent comme on se mobilise aujourd’hui pour la planète : de sorte que la vie humaine soit portée à se promouvoir, et cela « en ce monde », le seul, au lieu de s’y laisser étioler, sans même qu’on songe à s’en révolter.

5. Car c’est aussi un fait de notre modernité que le philosophe, ne s’occupant plus seulement d’idéalité et de raison pure, tourne son regard vers le présent de ce monde : qu’il se conçoive ainsi en diagnosticien du contemporain. Mais quelle disposition – ou plus précisément quelle distance – faut-il avoir alors avec ce contemporain, en même temps qu’on y applique son attention, pour pouvoir « voir à travers » lui, dis-cerner en son centre, ou plus précisément dans son « entre », dia : en être proprement le « dia-gnosticien » ? Car la tâche du philosophe n’est pas de commenter ce présent, ce que fait pour son compte le journaliste (en quoi je me sépare ici de ceux qu’on nomme des « Intellectuels ») ; n’est pas de le jauger et de l’évaluer pour le gérer à ses fins, comme le fait l’homme politique ; ni non plus de le juger, de le blâmer et de le dénoncer, comme le fait le Moraliste. Il s’agit, pour mener ce diagnostic du présent, d’en dégager l’évolution d’après ce qu’il laisse appréhender de symptômes, donc aussi en fonction d’exigences et de cohérences qui puissent rendre ces faits plus lisibles.

(…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre 1 – D’un clic, Éditions de l’Observatoire, 2023, pp. 7-27. Extrait disponible sur le site web de l’éditeur.



AU SUJET DE L’AUTEUR

FRANÇOIS JULLIEN

Source : https://francoisjullien.hypotheses.org/
Source : https://francoisjullien.hypotheses.org/

Philosophe, helléniste et sinologue, François Jullien a déployé son chantier entre les pensées de la Chine et de l’Europe. Il en a développé une philosophie de l’existence. Son œuvre compte plus d’une trentaine d’essais. C’est l’un des penseurs contemporains les plus traduits dans le monde.

Source : Éditions de l’Observatoire.


Philosophe et sinologue français. Ancien élève de l’École normale supérieure, Ulm, Paris (1972-1977). Agrégé de l’université (1974). Responsable de l’antenne française de sinologie, Hong-Kong (1978-1981). Docteur ès lettres (1983). Président du Collège International de philosophie, Paris (1995-1998).

Professeur, Université Paris-Diderot, France / Chaire sur l’altérité, FMSH, Paris, France L’œuvre de François Jullien se déploie au carrefour la sinologie et de la philosophie générale. Fondée sur une étude de la pensée de la Chine antique, du néoconfucianisme et des conceptions littéraires et esthétiques de la Chine classique, elle questionne l’histoire et les catégories de la raison européenne en instaurant un vis à vis entre les cultures. En faisant le détour par la Chine, le travail de François Jullien a ainsi ouvert des pistes fécondes et exigeantes pour penser l’interculturalité.

Le travail actuel de François Jullien vise à la fois à dépayser la pensée, en explorant en Extrême-­Orient d’autres intelligibilités que celles qu’a développées la pensée européenne ; et, par effet de retour, à partir de cet écart, à remonter dans les choix enfouis de la raison européenne et à la réinterroger dans ses partis pris – autrement dit dans son impensé. En tentant d’éviter le double écueil du préjugé ethnocentrique et de la fascination exercée par l’exotisme, l’ambition du chantier ouvert est de construire un rapport interculturel qui se garde de l’universalisme facile comme du relativisme paresseux qui aboutit au culturalisme ; elle est, en faisant jouer l’« hétérotopie » chinoise, de remettre en perspective la tradition européenne, de dé­ et re-catégoriser la pensée et de contribuer ainsi à une reconfiguration du champ du pensable.

François Jullien est l’auteur de plus de vingt ouvrages majeurs, traduits dans plus de 20 pays (dont  la Chine et le Viet-Nam). Il a récemment signé Cette étrange idée du beau (Grasset, Paris, 2010) ; L’invention de l’idéal et le destin de l’Europe (Seuil, Paris, 2009) ; De l’universel, de l’uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures (Fayard, Paris  2008) et Chemin faisant, connaître la Chine ou relancer la philosophie (Seuil, Paris, 2006).

Son œuvre a fait l’objet de nombreuses études et colloques. Il a reçu le prix Rousseau de la Ville de Genève, le prix de l’Académie Française, le prix de la Maison des gens de lettres et le prix Hannah-Arendt pour la pensée politique.

Source : François Jullien, Canal U.


Bibliographie

Chantier philosophique Chine-Europe

Lu Xun. Écriture et révolution, Paris, Presses de l’École normale supérieure, 1979, 128 p. (ISBN 2-7288-0061-8)

La Valeur allusive : Des catégories originales de l’interprétation poétique dans la tradition chinoise, Paris, École française d’Extrême-Orient, 1985, 312 p. (ISBN 2-85539-744-8)19 ; rééd. PUF, « Qudrige », 2002

La Chaîne et la trame. Du canonique, de l’imaginaire et de l’ordre du texte en Chine, Extrême-Orient/Extrême-Occident, Presses Universitaires de Vincennes ; réed. « Quadrige », PUF, 2004, 240 p.

Procès ou Création. Une introduction à la pensée des lettrés chinois, Seuil, 198920, 320 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 1996

Fonder la morale. Dialogue de Mencius avec un philosophe des Lumières., Grasset, 199521, 219 p. ; rééd. Dialogue sur la morale, Le Livre de Poche, « Biblio », 1998

Un sage est sans idée ou L’Autre de la philosophie, Seuil, 1998, 237 p. ; rééd. « Points », Seuil, 2013.

Du « temps ». Éléments d’une philosophie du vivre, Grasset, 2001, 240 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 2012

L’Ombre au tableau, du mal ou du négatif, Seuil, 200422, 192 p. ; rééd. Du mal/du négatif, « Points Essai », 2006

Nourrir sa vie. À l’écart du bonheur, Seuil, 2005, 176 p. ; rééd. « Points », Seuil, 2015

Chemin faisant, connaître la Chine, relancer la philosophie. Réplique à ***, Seuil, 2006, 160 p.

Sortir de la langue de l’Être ?

Figures de l’immanence. Pour une lecture philosophique du Yi king, Grasset, 199323,24,21, 288 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 1995 : rééd. Seuil « Points essai », 2012

Si parler va sans dire. Du logos et d’autres ressources, Seuil, 2006, 208 p.

Les Transformations silencieuses, Grasset, 2009, 200 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 2010.

De l’Être au vivre, Lexique euro-chinois de la pensée, Gallimard, 2015, 315 p. ; rééd Gallimard « Folio », 2019

Ce Point obscur d’où tout a basculé, Éditions de l’Observatoire, 2021, 160 p.25 ; rééd. De l’évasif, « Alpha » Éditions de l’Observatoire, 2023

Interroger « Dieu »

Ressources du christianisme, Mais sans y entrer par la foi, Éditions de L’Herne, 2018, 121 p.

Moïse ou la Chine. Quand ne se déploie pas l’idée de Dieu, Éditions de l’Observatoire, 2022, 384 p. ; rééd. Gallimard « Folio », 2004

Dieu est dé-coïncidence, Labor et Fides, 2024, 103 p.

Efficacité et stratégie

La Propension des choses. Pour une histoire de l’efficacité en Chine, Seuil, 199226, 288 p. ; rééd. Seuil, « Points essais », 2003

Le Détour et l’Accès. Stratégies du sens en Chine, en Grèce, Grasset, 199527,21,28,29, 462 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 1995 ; Seuil, « Points essais », 2010

Traité de l’efficacité, Grasset, 199730,31,32,33, 240 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 2002

Conférence sur l’efficacité, PUF, 2005, 96 p. ; rééd. PUF, « Quadrige », 2020

Philosophie de l’art

Éloge de la fadeur. À partir de la pensée et de l’esthétique de la Chine, Philippe Picquier, 1991[1], [2], [3], 144 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 1993, 2004

De l’Essence ou du nu34, 152 p., Seuil, 2000 ; rééd. Le Nu impossible, Seuil, « Points », 2005.

La Grande image n’a pas de forme ou Du non-objet par la peinture, Seuil, 2003[4], 384 p. ; rééd. Seuil, « Points essais », 2009

Cette étrange idée du beau, Grasset, 2010, 266 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 2011

Vivre de paysage ou L’impensé de la Raison, Gallimard, 2014, 258 p. ; rééd. Gallimard, « Folio essais », 202235

L’universel et le dialogue des cultures

De l’universel, de l’uniforme, du commun et du dialogue entre les cultures36, Fayard, 2008, 270 p. ; rééd. « Points », Seuil, 2010.

L’invention de l’idéal et le destin de l’Europe, Seuil, 2009, 204 p. ; rééd. Gallimard, Folio, 2017

L’écart et l’entre. Leçon inaugurale de la Chaire sur l’altérité, Galilée, 2012, 91 p. ; rééd. Gallimard, « Folio essais », 2018.

Le Pont des singes (De la diversité à venir). Fécondité culturelle face à identité nationale, Galilée, 2010, 72 p. ; rééd Altérités, Gallimard, « Folio essais », 2020

Il n’y a pas d’identité culturelle, mais nous défendons les ressources d’une culture37, Éditions de L’Herne, 2016, 93 p.

Entrer dans une pensée ou Des possibles de l’esprit, Gallimard, 2012, 188 p. ; rééd. Gallimard, « Folio essais « , 2018.

Philosophie du vivre

Philosophie du vivre, Gallimard, 2011, 256 p. ; rééd. Gallimard, Folio, 2015.

Cinq concepts proposés à la psychanalyse, Grasset, 2012, 185 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 2013.

De l’intime. Loin du bruyant Amour, Grasset, 2013, 253 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 2014.

Vivre en existant, Une nouvelle éthique, Gallimard, 2016, 281 p.

Près d’elle, Présence opaque : présence intime, Galilée, 2016, 119 p. ; rééd. Altérités, Gallimard, « Folio essais », 2020

Une seconde vie, Grasset, 2017, 185 p. ; rééd. Le Livre de Poche, « Biblio », 2018.

Si près tout autre, De l’écart et de la rencontre, Grasset, 2018, 223 p. ; rééd. De la rencontre, Gallimard, « Folio essais », 2020

L’inouï, Grasset, 2019, 207 p. ; rééd. Le Livre de Poche, 2021

De l’écart à l’inouï, Éditions de L’Herne, 2019, 129 p.

De la vraie vie, Éditions de l’Observatoire, 2020, 200 p. ; rééd. Le Livre de Poche, 2022

L’Incommensurable, Éditions de L’Observatoire, 2022, 250 p.

La Transparence du matin, Éditions de L’Observatoire, 2023, 272 p.38

Philosophie de la dé-coïncidence

Dé-coïncidence. D’où viennent l’art et l’existence?, Grasset, 2017, 162 p. ; rééd. Le Livre de Poche, 2020

Politique de la décoïncidence, Éditions de L’Herne, 2020, 122 p.

Rouvrir des possibles. Décoïncidence, un art d’opérer [archive], 2023, 168 p., Éditions de l’Observatoire

Raviver de l’esprit en ce monde, un diagnostic du contemporain, Éditions de l’Observatoire, 2023, 217 p.

Source : François Jullien, Wikipédia.


Voir aussi

La page François Jullien sur Lieux-dits

Publications de François Jullien diffusées sur Cairn.info

Page de François Jullien sur Canal U

Page de François Jullien sur l’École normale supérieure – Savoir ENS

Page de François Jullien sur l’Académie française

Page de François Julien sur Radio France

François Jullien sur YouTube


dossier-consulter-un-philosophe.01

Mon rapport de lecture

Serge-André Guay

Raviver de l’esprit en ce monde

Un diagnostic du contemporain

François Jullien

Éditions de l’Observatoire, 2023

L’essai RAVIVER DE L’ESPRIT EN CE MONDE – UN DIAGNOSTIC CONTEMPORAIN par FRANÇOIS JULLIEN chez les Éditions de l’Observatoire, parue en 2023, offre aux lecteurs une prise de recul philosophique révélatrice de notre monde. Un tel recul est rare et fort instructif.

I. D’un clic

« L’homme enfin n’aurait plus à faire ce qu’il a fait depuis la nuit des temps : à faire effort.  »

1. Un si petit mot – à peine un mot – règle désormais nos vies entières : un « clic ». « D’un clic », je dirige et je dispose. L’onomatopée ne fait même plus, comme jadis, entendre le bruit d’un claquement ; elle commande en silence à l’ordinateur : je clique sur l’écran, sur l’icône, et tout, d’un coup, apparaît : tout aussitôt se réalise. Y a-t-il geste plus simple, mais qui soit plus magique ? D’un clic, on atteint sans attendre, apparaît soudain sur l’écran le résultat escompté et cette automaticité est merveilleuse. Car « cliquer » n’est même pas appuyer, la pression du doigt est la plus légère, elle est égale et sans insistance : je n’éprouve plus sous la main, venant du monde, de résistance. Et même, tout s’opérant à proximité, entre le doigt et le clavier, il n’y a plus à franchir de distance ou d’opacité. L’homme enfin n’aurait plus à faire ce qu’il a fait depuis la nuit des temps : à faire effort. Car le geste est minimal, à peine esquissé, je ne fais qu’effleurer la touche : il n’y a même plus à enfoncer, donc de force à dépenser, l’intensité est minimale. Il n’y a même plus de bouton à tourner, comme pour régler le niveau du son ou du chauffage : « Vous n’avez qu’à cliquer », du bout du doigt, et l’effet suit de lui-même. N’a-t-on pas su capter enfin – et canaliser – l’immanence dispersée naguère encore dans tant de rouages et de processus, mais désormais soumise à mon gré ? Il n’y aura donc plus à chercher, à viser, ou même seulement à projeter. L’obtention est quasi immédiate et tout ne fait toujours qu’obtempérer, il n’y aura même plus à souhaiter ou espérer. Et même qu’ai-je besoin encore de « volonté » ?

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre I – D’un clic, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 7.

J’ose parler de la culture du clic, qui ne l’a pas observé avance lui-même sans conscience de son clic. En faut parler de la culture du clic, clic, clic par empressement car très souvent la personne ne se donne même plus la peine de s’arrêter aux résultats affichés et se perd. Ce clic, clic, clic témoigne d’une confiance en soi et en la machine mal placée. Nous pouvons parler de parler de geste machinale voire involontaire, qui échappe à la conscience.

(…) j’avance désormais, non plus de moment en moment, mais de clic en clic, télécommandé que je suis par le programmes et ses algorithmes. C.est peu dire que l’y suis «guidé», j’y suis plutôt conditionné et, n’ayant plus de marge de manœuvre, je n’ai pas plus à faire appel à ma pensée qu’à ma volonté : qu’est-ce qui, d’un clic, s’atrophie alors de ma capacité, dans ma relation au monde comme à moi-même, que ne me laisse plus désirer ou même seulement imaginer ? (…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre I – D’un clic, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 11.

Je me suis arrêté à chaque occasion offerte sur le philosophie elle-même, notamment ce passage :

Car la tâche du philosophe n’est pas de commenter ce présent, ce que fait pour son compte le journaliste (en quoi je me sépare ici de ceux qu’on nomme des « Intellectuels ») ; n’est pas de le jauger et de l’évaluer pour le gérer à ses fins, comme le fait l’homme politique ; ni non plus de le juger, de le blâmer et de le dénoncer, comme le fait le Moraliste. Il s’agit, pour mener ce diagnostic du présent, d’en dégager l’évolution d’après ce qu’il laisse appréhender de symptômes, donc aussi en fonction d’exigences et de cohérences qui puissent rendre ces faits plus lisibles.

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre I – D’un clic, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 27.

II. l’adieu au Livre

1. Partons donc de plus haut, en amont, au départ de ce qui fait « livre » : un livre n’est pas seulement l’œuvre d’un auteur, il est aussi un support de civilisation. Et cela depuis des millénaires, depuis que la civilisation se connaît comme civilisation.(…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre II – L’adieu au Livre, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 31.

J’ai lu ce chapitre avec un intérêt particulier parce que je suis moi-même auteur (et non pas écrivain professionnel) et éditeur (Fondation littéraire Fleur de Lys). Je partage avec François Jullien son constat : les livres contribuant à la « vie de l’esprit » se font rares.

Car encore faut-il s’entendre sur ce qu’est un « livre » : un texte un peu long et qui soit édité suffit-il à faire un livre ? Un Livre ne se détache-t-il pas de la mer indéfinie de l’écrit qui l’entoure ou par quoi se qualifie-t-il, ou se rehausse-t-il, à par-tir de quoi se noue-t-il, et cela sans qu’on veuille l’enrober pour autant de sacralité, serait-elle la dernière qui nous reste ? Or demandons-nous : quelle est la nature, en regard, de ce qui se vise et se vend aujourd’hui comme « livre » ? Que de plus en plus de personnes veuillent, dans notre société, écrire un livre et le publier peut être tenu pour un progrès démocratique et participe à l’émancipation politique. Et que l’édition numérique le permette, pourquoi ne serait-ce pas, en effet, le plus souhaitable ? Car chacun n’a-t-il pas dans sa tête quelque livre à écrire et ne peut-on imaginer qu’il y ait, au fil du temps et par inversion progressive des parties, de plus en plus d’« auteurs » et de moins en moins de « lecteurs » ? Que, à terme, tout le monde écrive et que plus personne ne lise n’est pas une hypothèse à éliminer. Mais il vaudra alors d’autant plus la peine de préciser à quelles exigences internes répond un « livre » et ce qui, en termes de civilisation, avec le Livre, aujourd’hui disparaît ; et par quoi aussi il est remplacé. Ou bien à quoi nous disons « adieu ». À mieux cerner cette transformation silencieuse se présentant donc comme tout le contraire d’un séisme, mais néanmoins si perceptible désormais dans son résultat, saura-t-on mieux ce qui se joue là d’une mutation qui fait si violemment symptôme et nous donne à songer pour l’avenir.

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre II – L’adieu au Livre, Éditions de l’Observatoire, 2023, pp. 34-35.

À titre d’éditeur en ligne de livres papier (imprimé à la demande – un exemplaire à la sois à la suite de l’achat par un lecteur) et de livres numériques et n’ayant pour seule distribution et point de vente ma propre librairie en ligne, je m’inscris dans « un progrès démocratique » et je « participe à l’émancipation politique ».

Je m’appuie sur un constant simple : les éditeurs traditionnels (avec distribution en librairies) refusent plus de 90% des manuscrit soumis à leur attention par les nouveaux auteurs et les écrivains professionnels. Il nous reste donc un maigre 10% des écrits qui sont édités. Ainsi, aussi grande que puisse être une librairie avec pignons sur rue, elle n’offre qu’une part des 10% des écrits finalement édités puisqu’il n’en est pas proposé davantage. Et il va de même des bibliothèques nationales. Elles ne recueille, par le dépôt légal, que les 10% des écrits édités.

Le plus important critère de sélection des manuscrit par les éditeurs traditionnels est commercial (Ce manuscrit, si je l’édite, sera-t-il rentable ?) C’est dire que les éditeurs traditionnels sélectionnent les manuscrits à éditer, moins de 10%, sur la base de leur rentabilité commerciale.

En bout de ligne, nous disposons que de moins de 10% des écrits du bon peuple, de ceux et celles qui se donnent la peine d’écrire en vue d’être lus. Notre patrimoine littéraire est donc amputé de plus de 90% des écrits du bon peuple.

Depuis l’arrivée de l’impression à la demande (un exemplaire à la fois suivant la vente de ce dernier) jumelée aux technologies numériques permettant la production à moindre coût du livre en format numérique, l’accès à l’édition et à l’autoédition se démocratise. Plusieurs nouveaux auteurs, auteurs et écrivains n’offrent plus leurs manuscrits en lecture à un éditeur traditionnel. Ils s’adresse directement à un éditeur en ligne ou un service d’autoédition en ligne.

François Jullien écrit : « Car chacun n’a-t-il pas dans sa tête quelque livre à écrire et ne peut-on imaginer qu’il y ait, au fil du temps et par inversion progressive des parties, de plus en plus d’« auteurs » et de moins en moins de « lecteurs » ? Que, à terme, tout le monde écrive et que plus personne ne lise n’est pas une hypothèse à éliminer ». Certes, la question est légitime mais dans une perspective uniquement économique de rentabilité. Car, les nouveaux auteurs, les auteurs et les écrivains professionnels que j’édite ne poursuivent pas tous un ou ne souffrent pas tous du « syndrome Harry Potter » (succès mondial). Ces gens-à écrivent avant tout pour leurs proches ou les personnes intéressées par l’expérience de vie et ou de travail dans une discipline donnée.

Quand j’accepte le manuscrit d’un auteur et que je lui demande quelle de mise en marché ils souhaitent, il peut choisir, entre trois options, la seule option de la gratuité : « Offrir gratuitement la version numérique aux lecteurs potentiels ». Et plusieurs auteurs préfèrent cette option. Ainsi, plutôt que de voir leurs œuvres en vente dans notre librairie en ligne, ils les retrouvent dans notre bibliothèque de livres numériques gratuits. Le mercantilisme a donc beaucoup moins d’importance que le laisse prétendent les statistiques de vente des grands éditeurs en ligne.

Et qui sont ces auteurs ? On dénombre très de jeunes; ils sont occupés à cliquer, texter, et faire leurs devoirs scolaires. Ces auteurs sont plus souvent qu’autrement des pré-retraités, des retraités ou des professionnels aguerris encore au travail dans leur discipline respective, avec leurs expériences en sujet de leurs essais, bref, des gens qui ont le temps d’écrire et, souvent, pour qui écrire est un projet longuement mûri au cours de leur vie. La plupart ne regardent pas du côté de l’édition traditionnelle avant de se tourner vers l’édition en ligne ou l’autoédition. Et dans notre maison d’édition, plus du tiers des livres édités depuis plus de vingt ans sont des ouvrages qui donnent à penser, qui ravivent l’esprit. Sachant qu’il n’y aura pas rejet ou de censure d’un éditeur traditionnel, ils se donnent une grande liberté en s’engageant dans des chemins de travers.

François Jullien écrit : « Mais il vaudra alors d’autant plus la peine de préciser à quelles exigences internes répond un « livre » et ce qui, en termes de civilisation, avec le Livre, aujourd’hui disparaît ; et par quoi aussi il est remplacé. » C’est vrai, le livre, celui avec une lettre majuscule, le livre de fond qui donne conscience et la change en même temps, le livre révélateur au sens philosophique du terme, disparaît peu à peu, d’une génération à l’autre.

Les lecteurs en âge et en expérience, scolarisés et instruits au cours des décennies des années 1950-1960, héritiers de l’enseignement Classique, meurent peu à peu et avec eux le Livre.

On peut toujours mettre en cause la marchandisation du livre mais, de par sa nature, si le marché du livre ne trouvait pas preneurs (lecteurs), sous un clic ou en personne, il sombrerait avec le livre ou s’adapterait à créer une nouvelle demande et s’imaginer qu’il répond à un besoin. Il pourrait s’accaparer un part de marché d’autres produits, vendre des jeux, des bibelots et même des soupes aux côtés des livres. Que le meilleur gagne.

Les jeunes ne lisent plus, dit-on. Forcés de lire au cours de leurs études, ils abandonnent rapidement la lecture au cours de leur vie d’adulte. C’est pourquoi j’ai intitulé mon plus récent ouvrage : « LE DERNIER LIVRE – POUR LE JEUNES QUI NE PASSERONT PAS LEUR VIE À LIRE – TOUT CE QUE VOUS N’APPRENDREZ PAS AU SECONDAIRE ET AU COLLÉGIAL ».


Le dernier livre – Pour les jeunes qui ne passeront pas leur vie à lire. Cliquez ici pour télécharger gratuitement ce livre (PDF) ou cliquez ici pour le lire en ligne sur ce site web.
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La civilisation du livre va-t-elle céder sa place à la civilisation du clic ? Pour les jeunes, c’est déjà le cas. Pour les adultes, c’est la civilisation du « non livres » :

Je n’ai même pas besoin de citer de tels livres puisque ce sont ceux qu’on voit le plus souvent étalés dans les librairies et que chacun connaît. Car les librairies se sont elles-mêmes, durant ces dernières années, silencieusement recomposées. Sauf exceptions dues à la résistance de libraires indépendants et qu’il faut hautement saluer. Des rayons se sont souvent massivement accrus, plutôt faits de ce que j’appellerai des « non livres », s’étendant du Développement personnel au marché du Bonheur : relevant donc à la fois de la « spiritualité » et de la « para-psychologie », comme on parle de « para-pharmacie ». Les rayons consacrés à la philosophie se trouvent, de ce fait, de plus en plus reportés dans le fond et réduits : l’érosion a été lente et régulière, mais elle devient maintenant spectaculaire. Car cela se mesure bien d’abord en termes de place : non pas tant qu’il y en ait moins, mais on retrouve de plus en plus les mêmes livres empilés partout pour être imposés à la vente. La loi est de plus en plus, comme ailleurs, celle du monopole sous la diversité tant vantée : il n’est plus guère laissé de lieu pour les autres, l’espace réservé aux livres sur table ou sur les rayons, mais tout aussi bien dans les journaux comme à la radio, se trouvant de plus en plus consacré au tout-venant de l’actualité captant l’intérêt du jour. (…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre II – L’adieu au Livre, Éditions de l’Observatoire, 2023, pp. 38-39.

À la fin des années 1990, toujours consterné par le succès des non livres de la série « Bouillon de poulet pour l’âme », du fait que les lecteurs préféraient un bouillon en place et lieu d’un repas complet nourrissant (ravivant) l’esprit, j’ai entrepris la rédaction d’un essai offrant à la conscience un tel repas : « J’AIME PENSER – COMMENT PRENDRE PLAISIR À PENSER DANS UN MONDE OÙ TOUT UN CHACUN SE DONNE RAISON – ESSAI ET TÉMOIGNAGE DE GOUVERNANCE PERSONNEL ».

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J’aime penser – Comment prendre plaisir à penser dans un monde où tout un chacun se donne raison. Cliquez ici pour télécharger gratuitement ce livre (PDF) ou cliquez ici pour le lire en ligne sur un site web dédié.

Ce livre, anti-développement-personnel-à-la-volée, fut proposé, par principe à l’éditeur des « Bouillons de poulet pour l’âme » et refusé d’emblée. Un casse-croûte n’offre pas de restauration gastronomique, même amateur, et je le savais. Je voulais simplement que cet éditeur le sache aussi, si ce n’était pas déjà le cas.

III. La perte de présence

Parmi les pertes de notre contemporain, il en est une particulièrement cruciale, en effet, mais que nous pointons moins – sans doute parce qu’elle se mêle désormais le plus intimement à notre quotidien et  que nous ne savons plus suffisamment la repérer pour la penser. Une perte qui, par suite, ira s aggravant en même temps que s’assimilant toujours davantage et qui ne peut appeler – une fois pointée – que le sursaut d’une résistance : celle que j’ai commencé de nommer la « perte de la présence ». (…)

(…) Perte sans doute la plus urgente à penser parce que abîmant si crûment l’humain, aggravant la non-vie, en même temps qu’elle paraît compensée par tant d’avantages qui sont patents et par suite la recouvrent et la dissimulent : on évite ainsi tant de déplacements, on pourra tout gérer de son fauteuil – le numérique nous relie aussitôt à tout et à tous, on est d’emblée « connecté » avec le monde, à tout instant. Plus besoin de se déranger ni de se dépenser : il y a à la fois économie de moyens et gain de temps. En outre, à cette facilité et « démocratie » de l’accès s’ajoute un profit écologique « pour la planète »… (…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre III – La perte de présence, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 55.

Je résume ainsi ce chapitre : « Je ne suis plus ici mais là, là et encore là, bref ne m’attendez pas au coin de la rue. Et même si je vais au café avec mes amis, je ne serai pas présent à eux. »

Si cette commodité technique défait donc si cruellement – parce que si sournoisement, si sourdement – la présence, c’est qu’on se croit encore en présence, alors qu’on ne l’est plus, qu’on est dans un semblant de présence, ou pseudo-présence, comme j’ai déjà parlé de pseudo-livres et de pseudo-vie : de ce semblant de présence je n’aurais même pas à m’inquiéter parce que son leurre demeure dissimulé et qu’on reste dans une proximité physique qui le cautionne et l’absout. Il ne s’agira pourtant pas là de refaire le procès ordinaire contre la technique, mais seulement de constater : quand les voyageurs descendent du car devant un « beau » paysage, ils se mettent aussitôt à prendre des photos sans commencer de se rendre présents à ce paysage, c’est-à-dire de se laisser envahir par ce qu’ils ont sous les yeux – mais qui n’est pas seulement « sous les yeux » et se creuse « en esprit ». En quoi leur vue peut se perdre jusqu’à les absorber. Ou plutôt le font-ils comme par réflexe et par démission pour ne pas avoir à tenter d’être présents au paysage, à en faire effort : pour pouvoir se dérober à l’effraction, au dérangement silencieux, au si bouleversement qu’il pourrait susciter. Ces photos, qui n’ont rien à voir avec l’art de la photographie, escamotent ainsi la présence, s’y substituent et en dispensent. Ou bien les jeunes gens qui se retrouvent au café et se mettent à lire chacun leurs textos s’évitent le heurt du face-à-face, l’inouï de se rencontrer. Et cela sans s’en rendre compte, comme si de rien n’était.

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre III – La perte de présence, Éditions de l’Observatoire, 2023, pp. 57-58.

Cette situation impliquant des jeunes attablés ensemble dans un café et chacun plongé, rivé à son téléphone cellulaire, sans dire un seul mot à l’Autre, ça me dépasse complètement. Je ne comprends pas. Et même les familles, les couples font de même au restaurant. Je classe un tel comportement dans les insultes, tant à soi-même qu’à l’Autre. Ces gens n’ont pas de vie. Ils sont dans la « non-vie » comme le souligne si bien François Jullien dans son livre RAVIVER DE L’ESPRIT EN CE MONDE. Mais contrairement à Monsieur Jullien, je ne parlerais même pas de « pseudo-présence ». Ce gens-là ne sont pas là du tout. Et s’agit-il encore d’être humain ou simplement de robots en esclavage technologique ? « Ne gaspillez pas votre jeunesse ! » Sont-ils conscients d’être absents ? Je ne comprend pas.

Et pour qu’il y ait « perte de la présence », ne faut-il pas qu’une présence précède ? Ont-ils déjà été présents ? Dès l’enfance, ils se fixent à leurs téléphones, à leurs console de jeux, à leur tablette, avec l’assentiment de leur parents. Comment ces parents peuvent-ils éduquer ces absents ?

Notre jeunesse gaspille sa jeunesse. Dans la Bible Louis Segond, il est écrit : « Que personne ne méprise ta jeunesse; mais sois un modèle pour les fidèles, en parole, en conduite, en charité, en foi, en pureté. » IL LA MÉPRISE EUX-MÊMES !!!

IV. L’étau de la coïncidence

(…) J’ai déjà été conduit à nommer « coïncidence », d’un point de vue social et politique, ce fait élémentaire qu’une « idée » – dès lors qu’elle est collectivement assimilée, n’est par conséquent plus questionnée et même n’est plus soupçonnée, donc qu’on ne pense plus à la penser – devient par là même « idéologie ». Elle s’étale dès lors en pseudo-« évidence » – comme j’ai parlé de pseudo-présence – et génère d’elle-même une obédience, en deçà même de l’opinion ou de la croyance, qui est d’autant plus puissante dans ses effets, par
l’adhérence engendrée, qu’elle est subie sans plus laisser de prise pour la critiquer ou même seulement la remarquer. Or il n’en découle pas seulement que l’uniformisation intellectuelle tue alors la pensée ; ou que la standardisation des thèmes empêche la singularité des points de vue ; ou bien que la logique de la communication l’emporte sur
le travail d’élaboration ; ou encore que ces sillons /filons) du marché se creusent désespérément en ornières restreignant l’invention. Il en résulte surtout un effet de contrainte d’autant plus redoutable qu’il n’est pas suspecté et donc n’est pas interrogé, encore moins analysé.

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre IV – L’étau de la coïncidence, Éditions de l’Observatoire, 2023, pp. 86-87.

Tout coïncide et tout doit coïncider. C’est la devise du nouveau marché des idées remplaçant la place, le lieu, des débats. Le monde des idées est marchandisé. Ainsi, il revient sur les mêmes idées à la mode et y revient encore, creusant ce que François Jullien identifie comme des sillons, des ornières. Et nous connaissons tous les dangers de sortir des ornières sur la route avec nos automobiles; il faut y rester au risque de prendre le clot (prendre le champ). Cette coïncidence des idées créée l’uniformisation intellectuelle et la standardisation des thèmes dans un chemin toujours plus étroit, d’où l’idée de « l’étau de la coïncidence ».

La thématisation médiatique obéit comme telle à deux lois concurrentes qui la mettent en tension et la tiennent constamment en activité : la répétition poussée jusqu’au ressassement (et recouvrant tout autre événement) et la variation appelant un perpétuel renouvellement (empêchant par là l’approfondissement). D’une part, le fait qu’on ne peut parler que de ce dont on parle (ou que l’on ne peut débattre que de ce qui est déjà en débat) est la grande loi des médias tendant à bloquer la machine médiatique en circuit fermé. Il faut entendre ce « ne peut » : il signifie que les médias ne prêtent attention qu’à ce qu’ils ont déjà fait entrer dans le champ de leur attention. Le montage médiatique ne vaut dès lors que pour lui-même, tournant en boucle jusqu’à épuisement. D’où se justifie, d’autre part, la loi de son renouvellement appelant à faire entrer du nouveau dans le champ de son attention, mais un « nouveau » qui, dans ce cas, n’est pas véritablement nouveau puisqu’il est moins d’exploration que de compensation et de variation : il faut bien en effet « passer à autre chose » nous changeant de cet événement « usé ».

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre IV – L’étau de la coïncidence, Éditions de l’Observatoire, 2023, pp. 94-95.

J’ai travaillé à la radio de Radio-Canada à Québec alors que je n’avais que 18 ans (il y a près de vingt ans). Je prenais le micro à titre de chroniqueur au culturel aux émissions matinales de la fin de la semaine (weekend).

Un jour, je flânais dans la salle des nouvelles et j’ai saisi un dossier sur un bureau ayant attiré mon attention de par son titre annonçant les nouvelles à venir. Je l’ai ouvert et je l’ai lu. Il s’y trouvait une liste des événements à ne pas oublier À CHAQUE ANNÉE : magasinage des Fêtes de Noël, Fêtes du Nouvel An, St-Valentin, arrivée du printemps, Pâques et le chocolat, le solstice d’été, la fin de l’année scolaire, la Fête Nationale, le début des vacances d’été, les récoltes de fruits et légumes, la Fête du Travail et ainsi de suite jusqu’au retour au début (magasinage des Fêtes de Noël). Pour un sillon, en voilà tout un. Et c’était il y a presque cinquante ans ! Je fus bouleversé du seul fait de l’existence de cette liste dans un dossier sur le bureau du chef de pupitre de la salle des nouvelles. L’étau de la coïncidence se resserre depuis plusieurs décennies !

V. Sujet inerte / sujet alerte

Comme elle ne croit plus à un statut donné, substantiel et comme auto-consistant d’un moi-sujet, la pensée moderne s’est plutôt attachée aux modes de « subjectivation » générés par la société. Or notre contemporain est marqué par trois modes prépondérants de subjectivation nous portant à l’« inertie » : le sujet est aujourd’hui Connecté, Communiquant et Consommateur. (…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre V – Sujet inerte / sujet alerte, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 113.

Dans la vingtaine, j’ai importé de la France au Québec le programme JEUNES TÉLÉSPECTATEURS ACTIFS (JTA). Il s’agissait d’une nouvelle disciple, l’éducation aux médias. Le but du programme, comme son nom le révèle, visait à contrer la passivité des jeunes connectés à l’écran du téléviseur. Nous parlions alors des livres L’enfant de la télévision, Lire le journal et Pour comprendre les médias. On croyait qu’il suffisait d’expliquer le fonctionnement des médias pour développer le sens critique de leurs auditoires respectifs.  La lutte contre l’abrutissement du monde par les médias ne date donc pas d’hier. Le sous-titre du livre Pour comprendre les médias était le suivant : « Les prolongements technologiques de l’homme ». Aujourd’hui, avec les appareils numériques, on ne peut pas parler de prolongements technologiques de l’homme mais plutôt de prolongement humain de la technologie. Les rôles son complètement inversé. L’homme ne possède plus la machine. C’est la machine qui le possède. Elle fait de lui un sujet inerte, en référence aux propos de François Jullien.

VI. Fin de la philosophie ?

(…) Car ce ne sont peut-être pas les ressources propres à la philosophie, mais les conditions de possibilités de son exercice qui se sont aujourd’hui taries. (…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre VI – La fin de la philosophie, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 155.

Heureusement qu’il s’agit d’une question : « Fin de la philosophie ? ». La philosophie, pour autant qu’elle se donne de l’esprit et se rapporte à lui, résiste à sa disparition depuis des millénaires. Pourquoi en serait-il autrement aujourd’hui ? Parce que « les conditions de possibilités de son exercice qui se sont aujourd’hui taries » nous signale François Jullien. Parmi ces conditions, la place – le lieu – l’agora – où exercer la philosophie, où les esprits se rencontrent, partagent et débattent. Cette place se rétrécie. C’est vrai.

Cependant, je crois que la philosophie, avant toute rencontre de l’Autre, s’exerce dans un espace intérieur pour murir en mode de vie. Il est aussi vrai que cet espace intérieur se rétrécie (sujet inerte).

Personnellement, j’en suis venu à la conclusion que la philosophie n’est pas pour tout le monde, n’est pas accessible à tous. La philosophie est devenue le secret d’une vie bonne, d’une vraie vie. Alors, la philosophie peut-elle vivre que par l’exemple de ce mode de vie au sein de notre civilisation ? Oui. Mais l’influence sur l’Autre n’est pas plus assuré aujourd’hui qu’hier. La philosophie n’est pas tout le monde. Elle est non seulement devenue un secret mais aussi mystère. Et c’est ce statut, comme une graine en terre qu’on ne voit pas, qui éveillera l’intérêt dans un autre temps, lorsque la jeune pousse sortira en plein milieu du désert. Les secrets et les mystères en feront l’attrait comme toujours en toute civilisation.

Encore faut-il que celle-ci (la philosophie) reconnaisse sa part de responsabilité dans son propre naufrage : quand, faisant le choix de se penser comme « connaissance », elle a défini la « sagesse » comme étant la « science », sophia comme épistémè, elle a laissé tomber le « désir » de sagesse qui la portait – qui la portait à penser quoi si ce n’est vivre ? C’est donc le religieux, avec la pensée du « mystère » et du « salut », qui en a récupéré la charge. De cette bifurcation s’ensuivent une complicité et comme une bipartition des rôles, en Europe, avec le christianisme. Or, avec le retrait contemporain du religieux, vivre s’est trouvé abandonné et comme laissé en friche ; et c’est pourquoi, dans ce vide de la pensée, le marché du Développement personnel et du Bonheur a prospéré avec le succès qu’on sait – autant dire jusqu’à recouvrir la philosophie. (…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre VI – La fin de la philosophie, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 177.

Note : Les mots (la philosophie) entre parenthèses sont de moi.

Pour l’instant, nous marchons dans un champ fleuri de bout en bout des fleurs du développement personnel. Mais ce dernier se tarira aussi en raison d’une contribution trop éphémère, par manque d’efficacité durable de la vie bonne promise et qui, somme toute, ne sera que saisonnière, et non pas vivace. Les gens ne veulent pas un Moi amélioré mais un tout nouveau Moi et seule la philosophie l’offre. Les fournisseurs et les distributeurs du développement personnel le savent. Et c’est pourquoi ils tentent de se relier à la philosophie pour se crédibiliser. Malheureusement pour eux, il n’est pas dans la nature même de la philosophie en en vertu de son statut civilisationnelle d’être autrement que vécue plutôt qu’exploitée comme un simple produit. Ils donnent l’illusion de la philosophie mais ils ne sont pas eux-mêmes des philosophes, si ce n’est que corrompus par un méli-mélo de toutes les sciences.

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VII. « De l’esprit », concept de combat

J’imagine avoir déjà fait assez travailler ici le terme d’« esprit », jusqu’à le mailler le plus étroite-ment avec la philosophie, l’avoir accommodé progressivement et plié à mon usage, l’avoir à la fois dégonflé et fait lever d’à ras l’expérience, pour pouvoir enfin l’aborder de front et le porter au concept en vue de penser en lui ce qui vient à défaillir : pour en faire l’outil d’un diagnostic du contemporain et, par suite, d’un combat à mener contre ce qui, par sa défaillance, nous menace aujourd’hui. Et d’abord il ne s’agit pas ici de l’« âme », mais de l’esprit. On clame de nos jours à grands cris la « mort de l’âme », son « abolition », mais l’âme est une notion qui restera irrémédiablement idéologique (est-elle « immortelle » ou non ?), affectivement connotée (le « supplément d’âme »), donc dont la perte porte si facilement à la désolation-consolation – ce dont je veux d’abord me garder ici. En outre, l’âme a rapport à la vie par le vital (déjà l’âme « nutritive » d’Aristote), mais l’esprit par le vivant. Or c’est ce vivant, comme contraire de la « vie qui ne vit pas », c’est-à dire qui ne vit pas vraiment, de la vie aliénée dont nous sommes menacés, que j’appelle à défendre et à promouvoir. Et ce en faisant de l’esprit un concept de combat – Kampf-hegriff dirait l’allemand – à tourner contre cette non-vie en train de nous enserrer sans qu’on l’aperçoive.

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre VII – « De l’esprit », concept de combat, Éditions de l’Observatoire, 2023, pp. 188-189.

(…) Pourquoi ne ferait-on pas en effet de ce rabattement de la vie de l’esprit, de ce qui s’en perd de ressources, une Cause, nationale et mondiale, réunissant l’humanité face à son danger, comme tente de la faire pour l’autre menace, concernant la « planète » ? (…)

JULLIEN. François, Raviver de l’esprit en ce monde – Un diagnostic du contemporain, Chapitre VII – « De l’esprit », concept de combat, Éditions de l’Observatoire, 2023, p. 217.

Mener un combat ? Devenir combattant ? « Et ce en faisant de l’esprit un concept de combat » ? Mobiliser les esprits alertes pour en faire des lanceurs d’alerte ? Le tout dans une « Cause, nationale et mondiale, réunissant l’humanité » ? « Réunissant l’humanité, toutes les civilisations » ?

On ne peut pas envisager un tel combat sur l’inspiration du combat pour la « planète ». Ce dernier est né de l’extérieur, de la planète elle-même qui se fait lanceur d’alerte. La planète se fait entendre et prend tous les moyens naturels à sa disposition. Dans ce contexte, quel agent extérieur aussi tangible que la planète pourrait aussi se faire entendre et provoquer un combat, une mobilisation de toute l’humanité contre « ce rabattement de la vie de l’esprit » ?

À bien y penser, il faut admettre que la crise climatique est un symptôme du « rabattement de la vie de l’esprit » depuis la révolution industrielle jusqu’à nos jours avec la révolution technologique/numérique. Autrement dit, pour sauver la planète et nos civilisations, il faut lutter contre ce rabattement de l’esprit. Car c’est bien un problème de conscience qui a laissé courir la pollution de la planète depuis plus d’un siècle. Et c’est encore un problème de conscience qui permis le rabattement de l’esprit. Pollution de la planète et pollution de l’esprit proviennent toutes deux d’un manque de conscience. Nous n’avons pas anticipé les effets de nos inventions sur nous-même sur la planète par manque d’exercice de notre conscience devenue aussi enfumée que l’air. Nous n’avons pas écouté les lanceurs d’alerte à l’époque de l’ère industrielle. Notre conscience dormait au gaz. Puis, soudainement, nous nous sommes mis à courir dans tous les sens, pour tout et pour rien. C’est toute une chance que l’anxiété nous fut donnée en réponse normale aux menaces.

Il y a près de cinquante ans, j’écrivais ce poème sur les rives de mon adolescence.


L’Homme de course

La Terre est un champ de course.
Les dieux misent sur les points de vie
À savoir qui trouvera la fin
de ce circuit où la rapidité
ne détermine aucun vainqueur.

L’Homme de course

L’homme a métamorphosé la Terre
en une grande piste de course
sans loi et sans limite.

L’homme de course court
pour rattraper le temps perdu.

Mais il n’aura jamais le temps
de reprendre le temps
qu’il met à la poursuite du temps
déjà perdu.

Et si l’homme de course réussissait
à rejoindre son temps
il mourrait
puisque son temps serait écoulé.

Un conseil ? Prenez votre temps.

Serge-André Guay, 17 ans
Juillet 1975


François Jullien est un lanceur d’alerte dont je recommande fortement la lecture de son livre  RAVIVER DE L’ESPRIT EN CE MONDE – UN DIAGNOSTIC DU CONTEMPORAIN chez les Éditions de l’Observatoire et paru en 2023.

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J’accorde 4½ étoiles sur 5 au livre RAVIVER DE L’ESPRIT EN CE MONDE – UN DIAGNOSTIC DU CONTEMPORAIN chez les Éditions de l’Observatoire (2023).


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Articles du dossier

Article # 1 : Introduction

Témoignage de ma recherche personnelle au sujet de la philothérapie (philosophie + thérapie) ou, si vous préférez, de la pratique de la philosophie en clinique. Il s’agit de consultation individuel ou de groupe offert par un philosophe praticien pour nous venir en aide. Elle se distingue de la « psychothérapie » (psychologie + thérapie) en ce qu’elle utilise des ressources et des procédés et poursuit de objectifs propres à la philosophie. On peut aussi parler de « philosophie appliquée ».

Article # 2 : Mise en garde contre le copinage entre la philosophie et la psychologie

La philothérapie gagne lentement mais sûrement en popularité grâce à des publications de plus en plus accessibles au grand public (voir l’Introduction de ce dossier).

L’un des titres tout en haut de la liste s’intitule « Platon, pas Prozac! » signé par Lou Marinoff paru en français en l’an 2000 aux Éditions Logiques. Ce livre m’a ouvert à la philothérapie.

L’auteur est professeur de philosophie au City College de New York, fondateur de l’Association américaine des praticiens de la philosophie (American Philosophical Practitioners Association) et auteurs de plusieurs livres.

Article # 3 : Philothérapie – Libérez-vous par la philosophie, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun

Présentation du livre Philothérapie – Libérez-vous par la philosophie suivie de mes commentaires de lecture.

Article # 4 : Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie. Jean-Eudes Arnoux, Éditions Favre

Présentation du livre Sur le divan d’un philosophe – La consultation philosophie : une nouvelle démarche pour se connaître, changer de perspective, repenser sa vie suivie de mes commentaires de lecture.

Article # 5 : Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai, Laurence Bouchet, Éditions Marabout

Cet article présente et relate ma lecture du livre « Philosopher pour se retrouver – La pratique de la philo pour devenir libre et oser être vrai », de Laurence Bouchet aux Éditions Marabout. Malheureusement ce livre n’est plus disponible à la vente tel que mentionné sur le site web de l’éditeur. Heureusement on peut encore le trouver et l’acheter dans différentes librairies en ligne.

Article # 6 : Une danse dangereuse avec le philothérapeute Patrick Sorrel

Cet article se penche sur l’offre du philothérapeute Patrick Sorrel.

Article # 7 : La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence, Eugénie Vegleris

Le livre « La consultation philosophique – L’art d’éclairer l’existence » de Madame Eugénie Vegleris aux Éditions Eyrolles se classe en tête de ma liste des meilleurs essais que j’ai lu à ce jour au sujet de la « philothérapie ».

Article # 8 : Guérir la vie par la philosophie, Laurence Devillairs, Presses universitaires de France

À ce jour, tous les livres dont j’ai fait rapport de ma lecture dans ce dossier sont l’œuvre de philosophes consultants témoignant de leurs pratiques fondées sur le dialogue. Le livre « Guérir la vie par la philosophie » de Laurence Devillairs aux Presses universitaires de France (PUF) diffère des précédents parce que l’auteure offre à ses lecteurs une aide direct à la réflexion sur différents thèmes.

Article # 9 : Du bien-être au marché du malaise – La société du développement personnel – par Nicolas Marquis aux Presses universitaires de France

J’ai lu ce livre à reculons. J’ai appliqué les feins dès les premières pages. L’objectivité sociologique de l’auteur m’a déplu. Ce livre présente aux lecteurs des observations, que des observations. L’auteur n’en tire aucune conclusion.

Article # 10 : Happycratie : comment l’industrie du bonheur a pris le contrôle de nos vies, Eva Illouz et Edgar Cabanas, Premier Parallèle, 2018

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il m’a révélé les coulisses de la quête du bonheur au cœur de notre société néo-libérale. Je savais que cette obsession du bonheur circulait au sein de la population, notamment par le biais des coach de vie et des agents de développement personnel, mais je n’aurais jamais imaginé qu’elle cachait une véritable industrie soutenue par une idéologie psychologisante. Jusque-là, je ne connaissais de cette industrie que le commerce des livres et la montée en puissance des coachs de vie dédiés à la recherche du bonheur.

Article # 11 : La consultation philosophique, Oscar Brenifier, Éditions Alcofribas, 2020

J’ai adoré ce livre. Il est dense, très dense. On ne peut pas le lire comme un roman. Me voici enfin devant un auteur qui dit tout, où, quand, comment il observe, comment il pense, comment il chemine, comment il voit, comment il entend, comment il anticipe, comment il tire ses conclusions… Bref, un auteur qui expose son propre système de pensée dans un essai plus que formateur pour le nôtre.

Article # 12 : Fin du chapitre : Oscar Brenifier, philosophe praticien

La lecture du livre «La consultation philosophique» signé par le philosophe praticien Oscar Brenifier (voir article #11 de notre dossier «Consulter un philosophe – Quand la philosophie nous aide») nous apprend qu’il adresse un document à ses clients potentiels. J’ai écrit à monsieur Brenifier pour lui demander s’il pouvait me faire parvenir ce document.

Article # 13 : La philo-thérapie, Éric Suárez, Éditions Eyrolles, 2007

Cet article présente et relate ma lecture du livre du «La philo-thérapie» de Éric Suárez, Docteur en philosophie de l’Université Laval (Québec), philosophe praticien (Lausanne), publié en 2007 aux Éditions Eyrolles. Ce livre traite de la consultation philosophique ou, si vous préférez, de la philo-thérapie, d’un point de vue pratique. En fait, il s’agit d’un guide pour le lecteur intéressé à acquérir sa propre approche du philosopher pour son bénéfice personnel. Éric Suárez rassemble dans son ouvrage vingt exemples de consultation philosophiques regroupés sous cinq grands thèmes : L’amour, L’image de soi, La famille, Le travail et le Deuil.

Article # 14 : Comment choisir son philosophe ? Guide de première urgence à l’usage des angoissés métaphysiques, Oreste Saint-Drôme avec le renfort de Frédéric Pagès, La Découverte, 2000

Ce livre se caractérise par l’humour de son auteur et se révèle ainsi très aisé à lire. D’ailleurs l’éditeur nous prédispose au caractère divertissant de ce livre en quatrième de couverture : «Étudier in extenso la pensée des grands théoriciens et en extraire un mode de réflexion agissant est une mission impossible pour l’honnête homme/femme. C’est pourquoi l’auteur de cet ouvrage aussi divertissant que sérieux propose des voies surprenantes au premier abord, mais qui se révèlent fort praticables à l’usage. L’une passe par la rencontre avec la vie et la personnalité du philosophe : la voie des affinités électives».

Article # 15 : La philosophie comme manière de vivre, Pierre Habot, Entretiens avec Jeanne Cartier et Arnold I Davidson, Le livre de poche – Biblio essais, Albin Michel, 2001

Référencé par un auteur à mon programme de lecture, le livre «La philosophie comme manière de vivre» m’a paru important à lire. Avec un titre aussi accrocheur, je me devais de pousser plus loin ma curiosité. Je ne connaissais pas l’auteur Pierre Hadot : «Pierre Hadot (né à Paris, le 21 février 1922, et mort à Orsay, le 24 avril 20101) est un philosophe, historien et philologue français, spécialiste de l’Antiquité, profond connaisseur de la période hellénistique et en particulier du néoplatonisme et de Plotin. Pierre Hadot est l’auteur d’une œuvre développée notamment autour de la notion d’exercice spirituel et de la philosophie comme manière de vivre.» (Source : Wikipédia)

Article # 16 : La philosophie, un art de vivre de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021

Jeanne Hersch, éminente philosophe genevoise, constate une autre rupture encore, celle entre le langage et la réalité : « Par-delà l’expression verbale, il n’y a pas de réalité et, par conséquent, les problèmes ont cessé de se poser (…). Dans notre société occidentale, l’homme cultivé vit la plus grande partie de sa vie dans le langage. Le résultat est qu’il prend l’expression par le langage pour la vie même. » (L’étonnement philosophique, Jeanne Hersch, Éd. Gallimard.) / On comprend par là qu’aujourd’hui l’exercice du langage se suffit à lui-même et que, par conséquent, la philosophie se soit déconnectée des problèmes de la vie quotidienne.» Source : La philosophie, un art de vivre, Collectif sous la direction de Jean-François Buisson, Les Éditions Cabédita, 2021, Préface,  p. 9.

Article # 17 : Socrate à l’agora : que peut la parole philosophique ?, Collectif sous la direction de Mieke de Moor, Éditions Vrin, 2017

J’ai trouvé mon bonheur dès l’Avant-propos de ce livre : «Laura Candiotto, en insistant sur le rôle joué par les émotions dans le dialogue socratique ancien et sur l’horizon éthique de celui-ci, vise à justifier théoriquement un «dialogue socratique intégral», c’est-à-dire une pratique du dialogue socratique qui prend en compte des émotions pour la connaissance.» Enfin, ai-je pensé, il ne s’agit plus de réprimer les émotions au profit de la raison mais de les respecter dans la pratique du dialogue socratique. Wow ! Je suis réconforté à la suite de ma lecture et de mon expérience avec Oscar Brenifier dont j’ai témoigné dans les articles 11 et 12 de ce dossier.

Article # 18 : La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence, Lou Marinoff, La table ronde, 2004

Lou Marinoff occupe le devant de la scène mondiale de la consultation philosophique depuis la parution de son livre PLATON, PAS PROJAC! en 1999 et devenu presque’intantément un succès de vente. Je l’ai lu dès sa publication avec beaucoup d’intérêt. Ce livre a marqué un tournant dans mon rapport à la philosophie. Aujourd’hui traduit en 27 langues, ce livre est devenu la bible du conseil philosophique partout sur la planète. Le livre dont nous parlons dans cet article, «  La philosophie, c’est la vie – Réponses aux grandes et aux petites questions de l’existence », est l’une des 13 traductions du titre original « The Big Questions – How Philosophy Can Change Your Life » paru en 2003.

Article # 19 : S’aider soi-même – Une psychothérapie par la raison, Lucien Auger, Les Éditions de l’Homme

J’ai acheté et lu « S’aider soi-même » de Lucien Auger parce qu’il fait appel à la raison : « Une psychothérapie par la raison ». Les lecteurs des articles de ce dossier savent que je priorise d’abord et avant tout la philothérapie en place et lieu de la psychothérapie. Mais cette affiliation à la raison dans un livre de psychothérapie m’a intrigué. D’emblée, je me suis dit que la psychologie tentait ici une récupération d’un sujet normalement associé à la philosophie. J’ai accepté le compromis sur la base du statut de l’auteur : « Philosophe, psychologue et professeur ». « Il est également titulaire de deux doctorats, l’un en philosophie et l’autre en psychologie » précise Wikipédia. Lucien Auger était un adepte de la psychothérapie émotivo-rationnelle créée par le Dr Albert Ellis, psychologue américain. Cette méthode trouve son origine chez les stoïciens dans l’antiquité.

Article # 20 (1/2) : Penser par soi-même – Initiation à la philosophie, Michel Tozzi, Chronique sociale

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.

Article # 20 (2/2) : Penser par soi-même – Initiation à la philosophie, Michel Tozzi, Chronique sociale

Dans la première partie de ce rapport de lecture du livre « Penser par soi-même – Initiation à la philosophie » de Michel Tozzi, je vous recommandais fortement la lecture de ce livre : « J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq et je peux même en rajouter une de plus, une sixième, pour souligner son importance et sa pertinence. Il faut le lire absolument ! Je le recommande à tous car il nous faut tous sortir de ce monde où l’opinion règne en roi et maître sur nos pensées.» Je suis dans l’obligation d’ajouter cette deuxième partie à mon rapport de lecture de ce livre en raison de ma relecture des chapitres 6 et suivants en raison de quelques affirmations de l’auteur en contradiction avec ma conception de la philosophie.

Article # 21 – Agir et penser comme Nietzsche, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun

J’accorde au livre Agir et penser comme Nietzsche de Nathanaël Masselot cinq étoiles sur cinq. Aussi facile à lire qu’à comprendre, ce livre offre aux lecteurs une excellente vulgarisation de la philosophie de Friedricha Wilhelm Nietzsche. On ne peut pas passer sous silence l’originalité et la créativité de l’auteur dans son invitation à parcourir son œuvre en traçant notre propre chemin suivant les thèmes qui nous interpellent.

Article # 22 – La faiblesse du vrai, Myriam Revault d’Allones, Seuil

Tout commence avec une entrevue de Myriam Revault d’Allonnes au sujet de son livre LA FAIBLESSE DU VRAI à l’antenne de la radio et Radio-Canada dans le cadre de l’émission Plus on de fous, plus on lit. Frappé par le titre du livre, j’oublierai le propos de l’auteur pour en faire la commande à mon libraire.

Article # 23 – Pour une philothérapie balisée

Le développement personnel fourmille de personnes de tout acabit qui se sont improvisées conseillers, coachs, thérapeutes, conférenciers, essayistes, formateurs… et auxquelles s’ajoutent des praticiens issus des fausses sciences, notamment, divinatoires et occultes, des médecines et des thérapies alternatives. Bref, le développement personnel attire toute sorte de monde tirant dans toutes les directions.

Article # 24 – Comment nous pensons, John Dewey, Les empêcheurs de penser en rond / Seuil

Je n’aime pas cette traduction française du livre How we think de John Dewey. « Traduit de l’anglais (États-Unis) par Ovide Decroly », Comment nous pensons parait aux Éditions Les empêcheurs de penser en rond / Seuil en 2004. – Le principal point d’appui de mon aversion pour traduction française repose sur le fait que le mot anglais « belief » est traduit par « opinion », une faute majeure impardonnable dans un livre de philosophie, et ce, dès les premiers paragraphes du premier chapitre « Qu’entend-on par penser ? »

Article # 25 – Une philothérapie libre axée sur nos besoins et nos croyances avec Patrick Sorrel

Hier j’ai assisté la conférence Devenir philothérapeute : une conférence de Patrick Sorrel. J’ai beaucoup aimé le conférencier et ses propos. J’ai déjà critiqué l’offre de ce philothérapeute. À la suite de conférence d’hier, j’ai changé d’idée puisque je comprends la référence de Patrick Sorrel au «système de croyance». Il affirme que le «système de croyance» est une autre expression pour le «système de penser». Ce faisant, toute pensée est aussi une croyance.

Article # 26 – Une pratique philosophique sans cœur

J’éprouve un malaise face à la pratique philosophique ayant pour objectif de faire prendre conscience aux gens de leur ignorance, soit le but poursuivi par Socrate. Conduire un dialogue avec une personne avec l’intention inavouée de lui faire prendre conscience qu’elle est ignorante des choses de la vie et de sa vie repose sur un présupposé (Ce qui est supposé et non exposé dans un énoncé, Le Robert), celui à l’effet que la personne ne sait rien sur le sens des choses avant même de dialoguer avec elle. On peut aussi parler d’un préjugé philosophique.

Article # 27 – Êtes-vous prisonnier de vos opinions ?

Si votre opinion est faite et que vous n’êtes pas capable d’en déroger, vous êtes prisonnier de votre opinion. Si votre opinion est faite et que vous êtes ouvert à son évolution ou prêt à l’abandonner pour une autre, vous êtes prisonnier de l’opinion. Si votre opinion compte davantage en valeur et en vérité que les faits, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si votre opinion est la seule manière d’exprimer vos connaissances, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous pensez que l’opinion est le seul résultat de votre faculté de penser, vous êtes prisonnier de vos opinions. Si vous prenez vos opinion pour vraies, vous êtes prisonnier de vos opinions.

Article # 28 – La pratique philosophique – Une méthode contemporaine pour mettre la sagesse au service de votre bien-être, Jérôme Lecoq, Eyrolles, 2014

J’ai mis beaucoup de temps à me décider à lire « La pratique philosophique » de Jérôme Lecoq. L’auteur est un émule d’Oscar Brenifier, un autre praticien philosophe. J’ai vécu l’enfer lors de mes consultations philosophiques avec Oscar Brenifier. Ainsi toute association de près ou de loin avec Oscar Brenifier m’incite à la plus grande des prudences. Jérôme Lecoq souligne l’apport d’Oscar Brenifier dans les Remerciements en première page de son livre « La pratique philosophique ».

Article # 29 – Je sais parce que je connais

Quelle est la différence entre « savoir » et « connaissance » ? J’exprime cette différence dans l’expression « Je sais parce que je connais ». Ainsi, le savoir est fruit de la connaissance. Voici quatre explications en réponse à la question « Quelle est la différence entre savoir et connaissance ? ».

Article # 30 – Les styles interpersonnels selon Larry Wilson

J’ai décidé de publier les informations au sujet des styles interpersonnels selon Larry Wilson parce que je me soucie beaucoup de l’approche de la personne en consultation philosophique. Il m’apparaît important de déterminer, dès le début de la séance de philothérapie, le style interpersonnel de la personne. Il s’agit de respecter la personnalité de la personne plutôt que de la réprimer comme le font les praticiens socratiques dogmatiques. J’ai expérimenté la mise en œuvre de ces styles inter-personnels avec succès.

Article # 31 – La confiance en soi – Une philosophie, Charles Pépin, Allary Éditions, 2018

Le livre « La confiance en soi – Une philosophie » de Charles Pépin se lit avec une grande aisance. Le sujet, habituellement dévolue à la psychologie, nous propose une philosophie de la confiance. Sous entendu, la philosophie peut s’appliquer à tous les sujets concernant notre bien-être avec sa propre perspective.

Article # 32 – Les émotions en philothérapie

J’ai vécu une sévère répression de mes émotions lors deux consultations philosophiques personnelles animées par un philosophe praticien dogmatique de la méthode inventée par Socrate. J’ai témoigné de cette expérience dans deux de mes articles précédents dans ce dossier.

Article # 33 – Chanson « Le voyage » par Raôul Duguay, poète, chanteur, philosophe, peintre… bref, omnicréateur québécois

Vouloir savoir être au pouvoir de soi est l’ultime avoir / Le voyage / Il n’y a de repos que pour celui qui cherche / Il n’y a de repos que pour celui qui trouve / Tout est toujours à recommencer

Article # 34 – « Ah ! Là je comprends » ou quand la pensée se fait révélation

Que se passe-t-il dans notre système de pensée lorsque nous nous exclamons « Ah ! Là je comprends » ? Soit nous avons eu une pensée qui vient finalement nous permettre de comprendre quelque chose. Soit une personne vient de nous expliquer quelque chose d’une façon telle que nous la comprenons enfin. Dans le deux cas, il s’agit d’une révélation à la suite d’une explication.

Article # 35 – La lumière entre par les failles

Âgé de 15 ans, je réservais mes dimanches soirs à mes devoirs scolaires. Puis j’écoutais l’émission Par quatre chemins animée par Jacques Languirand diffusée à l’antenne de la radio de Radio-Canada de 20h00 à 22h00. L’un de ces dimanches, j’ai entendu monsieur Languirand dire à son micro : « La lumière entre par les failles».

Article # 36 – Les biais cognitifs et la philothérapie

Le succès d’une consultation philosophique (philothérapie) repose en partie sur la prise en compte des biais cognitifs, même si ces derniers relèvent avant tout de la psychologie (thérapie cognitive). Une application dogmatique du dialogue socratique passe outre les biais cognitifs, ce qui augmente les risques d’échec.

Article # 37 – L’impossible pleine conscience

Depuis mon adolescence, il y a plus de 50 ans, je pense qu’il est impossible à l’Homme d’avoir une conscience pleine et entière de soi et du monde parce qu’il ne la supporterait pas et mourrait sur le champ. Avoir une pleine conscience de tout ce qui se passe sur Terre et dans tout l’Univers conduirait à une surchauffe mortelle de notre corps. Il en va de même avec une pleine conscience de soi et de son corps.

Article # 38 – Verbalisation à outrance : «Je ne suis pas la poubelle de tes pensées instantanées.»

Le Dr Jean-Christophe Seznec, psychiatre français, a été interrogé par la journaliste Pascale Senk du quotidien Le Figaro au sujet de son livre Savoir se taire, savoir parler, coécrit avec Laurent Carouana et paru en 2017. Le titre de l’article a retenu mon attention : Psychologie: «il faut sortir de l’hystérie de la parole».

Article # 39 – Comment dialoguer de manière constructive ? par Julien Lecomte, Philosophie, médias et société

Reproduction de l’article « Comment dialoguer de manière constructive ? », un texte de Julien Lecomte publié sur son site web PHILOSOPHIE, MÉDIAS ET SOCIÉTÉ. https://www.philomedia.be/. Echanger sur des sujets de fond est une de mes passions. Cela fait plusieurs années que je m’interroge sur les moyens de faire progresser la connaissance, d’apprendre de nouvelles choses. Dans cet article, je reviens sur le cheminement qui m’anime depuis tout ce temps, pour ensuite donner des pistes sur les manières de le mettre en pratique concrètement.

Article # 40 – Le récit d’initiation en spirale

Dans le récit initiatique, il s’agit de partir du point A pour aller au point B afin que le lecteur ou l’auditeur chemine dans sa pensée vers une révélation permettant une meilleure compréhension de lui-même et/ou du monde. La référence à la spirale indique une progression dans le récit où l’on revient sur le même sujet en l’élargissant de plus en plus de façon à guider la pensée vers une nouvelle prise de conscience. Souvent, l’auteur commence son récit en abordant un sujet d’intérêt personnel (point A) pour évoluer vers son vis-à-vis universel (point B). L’auteur peut aussi se référer à un personnage dont il fait évoluer la pensée.

Article # 41 – La philothérapie – Un état des lieux par Serge-André Guay, Observatoire québécois de la philothérapie

Cet article présente un état des lieux de la philothérapie (consultation philosophique) en Europe et en Amérique du Nord. Après un bref historique, l’auteur se penche sur les pratiques et les débats en cours. Il analyse les différentes publications, conférences et offres de services des philosophes consultants.

Article # 42 – L’erreur de Descartes, Antonio Damasio, Odile Jacob, 1995

J’ai découvert le livre « L’erreur de Descartes » du neuropsychologue Antonio R. Damasio à la lecture d’un autre livre : L’intelligence émotionnelle de Daniel Goleman. L’édition originale de ce livre est parue en 1995 en anglais et j’ai lu la traduction française à l’été 1998 parue un an auparavant chez Robert Laffont. Diplômé de l’université Harvard et docteur en psychologie clinique et développement personnel, puis journaliste au New York Times, où il suit particulièrement les sciences du comportement, Daniel Goleman nous informe dans son livre « L’intelligence émotionnel » au sujet de la découverte spectaculaire pour ne pas dire révolutionnaire de Antonio R. Damasio à l’effet que la raison a toujours besoin d’un coup des émotions pour prendre des décisions. Jusque-là, il était coutume de soutenir que les émotions perturbaient la raison, d’où l’idée de les contrôler.

Article # 43 – Éloge de la pratique philosophique, Sophie Geoffrion, Éditions Uppr, 2018

Ma lecture du livre ÉLOGE DE LA PRATIQUE PHILOSOPHIQUE de la philosophe praticienne SOPHIE GEOFFRION fut agréable et fort utile. Enfin, un ouvrage court ou concis (le texte occupe 65 des 96 pages du livre), très bien écrit, qui va droit au but. La clarté des explications nous implique dans la compréhension de la pratique philosophique. Bref, voilà un éloge bien réussi. Merci madame Geoffrion de me l’avoir fait parvenir.

Article # 44 – Consultation philosophique : s’attarder à l’opinion ou au système de pensée ?

Dans cet article, je m’interroge à savoir la consultation philosophique doit s’attarder à l’opinion ou au système pensée du client. OPINION – Le philosophe praticien cible l’opinion de son client en vue de démontrer l’ignorance sur laquelle elle repose et, par conséquent, l’absence de valeur de vérité qu’elle recèle. Cette pratique repose sur le « questionnement philosophique ».

Article # 45 – Sentir et savoir – Une nouvelle théorie de la conscience, Antonio Damasio, Éditions Odile Jacob

Dans son livre « Sentir et savoir », Antonio Damasio propose « Une nouvelle théorie de la conscience ». Il démontre que la conscience ne peut pas exister sans le corps. Il identifie dans le corps la capacité de sentir comme préalable à la conscience.

Article # 46 – Dépression et philosophie : Du mal du siècle au mal de ce siècle, Robert Redeker, Editions Pleins Feux, 2007

Un si petit livre, seulement 46 pages et en format réduit, mais tellement informatif. Une preuve de plus qu’il ne faut se fier aux apparences. Un livre signé ROBERT REDEKER, agrégé de philosophie originaire de la France, connaît fort bien le sujet en titre de son œuvre : DÉPRESSION ET PHILOSOPHIE.

Article # 47 – Savoir se taire, savoir parler, Dr Jean-Christophe Seznec et Laurent Carouana, InterÉditions, 2017

La plupart des intervenants en psychologie affirment des choses. Ils soutiennent «C’est comme ceci» ou «Vous êtes comme cela». Le lecteur a le choix de croire ou de ne pas croire ce que disent et écrivent les psychologues et psychiatres. Nous ne sommes pas invités à réfléchir, à remettre en cause les propos des professionnels de la psychologie, pour bâtir notre propre psychologie. Le lecteur peut se reconnaître ou pas dans ces affirmations, souvent catégoriques. Enfin, ces affirmations s’apparentent à des jugements. Le livre Savoir se taire, savoir dire de Jean-Christophe Seznec et Laurent Carouana ne fait pas exception.

Article # 48 – Penser sa vie – Une introduction à la philosophie, Fernando Savater, Éditions du Seuil, 2000

Chapitre 1 – La mort pour commencer – Contrairement au philosophe Fernando Savater dans PENSER SA VIE – UNE INTRODUCTION À LA PHILOSOPHIE, je ne définie pas la vie en relation avec la mort, avec son contraire. Je réfléchie et je parle souvent de la mort car il s’agit de l’un de mes sujets préféré depuis mon adolescence. Certaines personnes de mon entourage pensent et affirment que si je parle aussi souvent de la mort, c’est parce que j’ai peur de mourir. Or, je n’ai aucune peur de la mort, de ma mort, de celles de mes proches. Je m’inquiète plutôt des conséquences de la mort sur ceux et celles qui restent, y compris sur moi-même.

Article # 49 – Pourquoi avons-nous des couleurs de peau et des physiques si différents ?

À la lumière du documentaire LE SOLEIL ET DES HOMMES, notamment l’extrait vidéo ci-dessus, je ne crois plus au concept de race. Les différences physiques entre les hommes découlent de l’évolution naturelle et conséquente de nos lointains ancêtres sous l’influence du soleil et de la nature terrestre, et non pas du désir du soleil et de la nature de créer des races. On sait déjà que les races et le concept même de race furent inventés par l’homme en se basant sur nos différences physiques. J’abandonne donc la définition de « race » selon des critères morphologiques…

Article # 50 – Extrait du mémoire de maîtrise «Formation de l’esprit critique et société de consommation» par Stéphanie Déziel

Dans le cadre de notre dossier « Consulter un philosophe », la publication d’un extrait du mémoire de maîtrise « Formation de l’esprit critique et société de consommation » de Stéphanie Déziel s’impose en raison de sa pertinence. Ce mémoire nous aide à comprendre l’importance de l’esprit critique appliqué à la société de consommation dans laquelle évoluent, non seule les jeunes, mais l’ensemble de la population.

Article # 51 – « En fait, c’est dans son incertitude même que réside largement la valeur de la philosophie. » Bertrand Russell

Je reproduis ci-dessous une citation bien connue sur le web au sujet de « la valeur de la philosophie » tirée du livre « Problèmes de philosophie » signé par Bertrand Russell en 1912. Mathématicien, logicien, philosophe, épistémologue, homme politique et moraliste britannique, Bertrand Russell soutient que la valeur de la philosophie réside dans son incertitude. À la suite de cette citation, vous trouverez le texte de Caroline Vincent, professeur de philosophie et auteure du site web « Apprendre la philosophie » et celui de Gabriel Gay-Para tiré se son site web ggpphilo. Des informations tirées de l’Encyclopédie Wikipédia au sujet de Bertrand Russell et du livre « Problèmes de philosophie » et mon commentaire complètent cet article.

Article # 52 – Socrate et la formation de l’esprit critique par Stéphanie Déziel

Passez donc sans vous arrêter, amis, au milieu des Marchands de Sommeil; et, s’ils vous arrêtent, répondez-leur que vous ne cherchez ni un système ni un lit. Ne vous lassez pas d’examiner et de comprendre. (…) Lisez, écoutez, discutez, jugez; ne craignez pas d’ébranler des systèmes; marchez sur des ruines, restez enfants. (…) Socrate vous a paru un mauvais maître. Mais vous êtes revenus à lui; vous avez compris, en l’écoutant, que la pensée ne se mesure pas à l’aune, et que les conclusions ne sont pas l’important; restez éveillés, tel est le but. Les Marchands de Sommeil de ce temps-là tuèrent Socrate, mais Socrate n’est point mort; partout où des hommes libres discutent, Socrate vient s’asseoir, en souriant, le doigt sur la bouche. Socrate n’est point mort; Socrate n’est point vieux. (…) – Alain, (Emile Charrier), Vigiles de l’esprit.

Article # 53 – J’ai un problème avec la vérité

Tout au long de ma vie, j’ai vu la vérité malmenée, tassée d’un bord puis de l’autre, devenir une propriété personnelle (ma vérité — ta vérité — à chacun sa vérité), tantôt objet de monopôle, tantôt reconnue, tantôt niée et reniée… Ah ! La vérité. Quel chaos ! Je me demande depuis longtemps pourquoi la vérité, si elle existe, ne triomphe pas à tout coup, pourquoi elle ne s’impose à tous d’elle-même. Contestée de toutes parts, la vérité, si elle existe, n’a d’intérêt que pour l’opinion qu’on en a et les débats qui s’ensuivent. On va jusqu’à donner à la vérité une mauvaise réputation eu égard à son influence néfaste sur la société et les civilisations. Et que dire de toutes ces croyances qui se prennent pour la vérité ? Et c’est sans compter l’observation récente à l’effet que nous venons d’entrer dans une « ère de post-vérité ».

Article # 54 – Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs, Iaria Gaspard, Presses Universitaires de France, 2022

J’accorde à ce livre trois étoiles sur cinq. Le titre « Petit manuel philosophique à l’intention des grands émotifs » a attiré mon attention. Et ce passage du texte en quatrième de couverture m’a séduit : «En proposant une voyage philosophique à travers l’histoire des émotions, Iaria Gaspari bouscule les préjugés sur notre vie émotionnelle et nous invite à ne plus percevoir nos d’états d’âme comme des contrainte ». J’ai décidé de commander et de lire ce livre. Les premières pages m’ont déçu. Et les suivantes aussi. Rendu à la moitié du livre, je me suis rendu à l’évidence qu’il s’agissait d’un témoignage de l’auteure, un témoignage très personnelle de ses propres difficultés avec ses émotions. Je ne m’y attendais pas, d’où ma déception. Je rien contre de tels témoignages personnels qu’ils mettent en cause la philosophie, la psychologie, la religion ou d’autres disciplines. Cependant, je préfère et de loin lorsque l’auteur demeure dans une position d’observateur alors que son analyse se veut la plus objective possible.

Article # 55 – Savoir, connaissance, opinion, croyance

Tout repose sur le Savoir. L’expérience personnelle et/ou professionnelle qu’on fait du Savoir, après en avoir pris conscience, se retrouve à la base des Connaissances que nous possédons. Les Opinions expriment des Jugements des connaissances et inspirent souvent les Croyances.

Article # 56 – Philosophie, science, savoir, connaissance

La philosophie, mère de toutes les sciences, recherche la sagesse et se définie comme l’Amour de la Sagesse. La sagesse peut être atteinte par la pensée critique et s’adopte comme Mode de vie. • La philosophie soutient la Science et contribue à la naissance et au développement de la méthode scientifique, notamment avec l’épistémologie.

Article # 57 – La philosophie encore et toujours prisonnière de son passé ?

La philothérapie, principale pratique de la philosophie de nos jours, met sans cesse de l’avant les philosophes de l’Antiquité et de l’époque Moderne. S’il faut reconnaître l’apport exceptionnel de ces philosophes, j’ai parfois l’impression que la philothérapie est prisonnière du passé de la philosophie, à l’instar de la philosophie elle-même.

Article # 58 – Le Québec, un désert philosophique

Au Québec, la seule province canadienne à majorité francophone, il n’y a pas de tradition philosophique populaire. La philosophie demeure dans sa tour universitaire. Très rares sont les interventions des philosophes québécois dans l’espace public, y compris dans les médias, contrairement, par exemple, à la France. Et plus rares encore sont les bouquins québécois de philosophie en tête des ventes chez nos libraires. Seuls des livres de philosophes étrangers connaissent un certain succès. Bref, l’espace public québécois n’offre pas une terre fertile à la Philosophie.

Article # 59 – La naissance du savoir – Dans la tête des grands scientifiques, Nicolas Martin, Éditions Les Arènes, 2023.

J’accorde à ce livre cinq étoiles sur cinq parce qu’il me permet d’en apprendre beaucoup plus sur la pensée scientifique telle que pratiquée par de grands scientifiques. L’auteur, Nicolas Martin, propose une œuvre originale en adressant les mêmes questions, à quelques variantes près, à 17 grands scientifiques.

Article # 60 – Pourquoi est-il impossible d’atteindre l’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique ?

Cet article répond à ce commentaire lu sur LinkedIn : « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique est indispensable. » Il m’apparaît impossible de viser « L’équilibre entre développement personnel et développement spirituel ou philosophique » et de prétendre que cet équilibre entre les trois disciplines soit « indispensable ». D’une part, le développement personnel est devenu un véritable fourre-tout où l’ivraie et le bon grain se mélangent sans distinction, chacun avançant sa recette à l’aveugle.

Article # 61 – Le commerce extrême de la philosophie avec les « philopreneurs »

En ne s’unissant pas au sein d’une association nationale professionnelle fixant des normes et des standards à l’instar des philosophes consultants ou praticiens en d’autres pays, ceux de la France nous laissent croire qu’ils n’accordent pas à leur disciple tout l’intérêt supérieur qu’elle mérite. Si chacun des philosophes consultants ou praticiens français continuent de s’affairer chacun dans son coin, ils verront leur discipline vite récupérée à mauvais escient par les philopreneurs et la masse des coachs.

Article # 62 – Soigner par la philosophie, En marche – Journal de la Mutualité chrétienne (Belgique)

“ Après les succès d’Épicure 500 vous permettant de faire dix repas par jour sans ballonnements, après Spinoza 200 notre inhibiteur de culpabilité, les laboratoires Laron, vous proposent Philonium 3000 Flash, un médicament révolutionnaire capable d’agir sur n’importe quelle souffrance physique ou mentale : une huile essentielle d’Heidegger pour une angoisse existentielle, une substance active de Kant pour une douleur morale…. Retrouvez sagesse et vitalité en un instant ”, s’amusaient les chroniqueurs radio de France Inter dans une parodie publicitaire diffusée à l’occasion d’une émission ayant pour thème : la philosophie peut-elle soigner le corps ?

Article # 63 – Contre le développement personnel. Thierry Jobard, Éditions Rue de l’échiquier, 2021

J’attribue quatre étoiles sur cinq à ce livre. Les lecteurs assidus de mes articles connaissent fort bien ma position plus que défavorable face au développement personnel. À l’instar de Thiery Jobard, je suis contre le développement personnel. Je qualifie le développement personnel d’arnaque extrêmement dangereuse pour ses adeptes et notre société.

Article # 64 – Apocalypse cognitive – La face obscure de notre cerveau, Gérald Bronner, Presses Universitaires de France (PUF), 2021

Le philothérapeute (philosophe consultant ou philosophe praticien) a l’obligation de très connaître le contexte dans lequel évolue son client. Le développement de l’esprit critique de ce client passe inévitablement par une prise de conscience de sa cognition en vue de comprendre comment il connaît. Si, dès le départ, le client n’a pas conscience de son mode de pensées, il lui sera difficile de participer activement au dialogue avec son philothérapeute. L’objectif primaire du philosophe consultant demeure de déceler et de corriger les biais cognitifs de son client avant même d’abord une question philosophique. Bref, si la »machine à pensée » du client est corrompu par des «virus cognitifs », une «réinitialisation » s’impose en début de séance de consultation.

Article # 65 – Développement (im)personnel – Le succès d’une imposture, Julia de Funès, Éditions de l’observatoire/Humensis, 2019

Dans son livre « Développement (im) personnel, Julia de Funès, docteure en philosophie, soutient que le développement personnel offre la même recette à tous et qu’à ce titre il ne peut donc pas se qualifier sa démarche de « personnel ». Selon ma compréhension, le développement personnel devrait mettre de l’avant un développement personnalisé, c’est-à-dire adapté à chaque individu intéressé pour se targuer d’être personnel.

Article # 66 – Savoirs, opinions, croyances – Une réponse laïque et didactique aux contestations de la science en classe, Guillaume Lecointre, Édition Belin / Humensis, 2018

Mon intérêt pour la pensée scientifique remonte à plus de 25 ans. Alors âgé d’une quarantaine d’année, PDG d’une firme d’étude des motivations d’achat des consommateurs, je profite des enseignements et de l’étude du processus scientifique de différentes sources. Je me concentre vite sur l’épistémologie…

Article # 67 – À l’école du doute – Apprendre à penser juste en découvrant pourquoi l’on pense faux, Marc Romainville, Presses Universitaires de France / Humensis, 2023

Ce livre m’a déçu en raison de la faiblesse de sa structure indigne de son genre littéraire, l’essai. L’auteur offre aux lecteurs une foule d’information mais elle demeure difficile à suivre en l’absence de sous-titres appropriés et de numérotation utile pour le repérage des énumérations noyés dans un style plus littéraire qu’analytique.

Article # 68 – Ébauche d’un annuaire : philothérapeutes, philosophes consultants, philosophes praticiens

En l’absence d’une association d’accréditation des philothérapeutes, philosophes consultants ou praticiens en francophonie, il est difficile de les repérer. Il ne nous reste plus que de nombreuses recherches à effectuer sur le web pour dresser une liste, aussi préliminaire soit-elle. Les intervenants en philothérapie ne se présentent pas tous sous la même appellation : « philothérapeute », « philosophe consultant » ou « philosophe praticien » « conseiller philosophique » « philosophe en entreprise », « philosophe en management » et autres.

Article # 69 – Guérir l’impossible – Une philosophie pour transformer nos souffrances en forces, Christopher Laquieze, Guy Trédaniel Éditeur, 2023

J’ai lu le livre GUÉRIR L’IMPOSSIBLE en me rappelant à chaque page que son auteur, Christopher Laquieze, est à la fois philosophe et thérapeute spécialisé en analyse comportementale. Pourquoi ? Parce que ce livre nous offre à la fois un voyage psychologique et philosophique, ce à quoi je ne m’attendais pas au départ. Ce livre se présente comme « Une philosophie pour transformer nous souffrances en forces ». Or, cette philosophie se base davantage sur la psychologie que la philosophie. Bref, c’est le « thérapeute spécialisé en analyse comportementale » qui prend le dessus sur le « philosophe ».

Article # 70 – Agir et penser comme Platon – Sage, penseur, philosophe, juste, courageux …, Nathanaël Masselot, Les Éditions de l’Opportun

Nathaniel Masselot maîtrise fort bien son écriture visiblement axée sur son accessibilité et sa compréhension par tous. Loin de la vulgarisation simpliste, l’auteur nous parle comme nous parlons. Loin de l’écriture hermétique, l’auteur n’a pas la tête dans les nuages et isolé dans une tour surplombant la société; il marche auprès de nous. Avec ses références à l’actualité, il campe son lecteur dans la réalité quotidienne où il évolue.

Article # 71 – 7 règles pour une vie (presque) sans problème, Simon Delannoy, 2022

Ma lecture de ce livre m’a procuré beaucoup de plaisir et de bonheur. Je recherche dans mes lectures les auteurs et les œuvres permettant aux lecteurs d’évoluer de prise de conscience en prise de conscience de la première à la dernière page, de ne plus être le même à la fin de la lecture. Et c’est ce que les lecteurs vivront à la lecture de ce livre.

Article # 72 – Les philo-cognitifs – Ils n’aiment que penser et penser autrement…, Fanny Nusbaum, Olivier Revol, Dominic Sappey-Marinier, Odile Jacob, Paris, 2019

Je n’ai pas aimé ce livre parce que son titre, LES PHILO-COGNITIFS, se réfère à la philosophie sans pour autant faire un traitement philosophique de son sujet. Mon achat reposait entièrement sur le titre de ce livre et je m’attendais à un livre de philosophie. Mais il s’agit d’un livre de psychologie. Mon achat fut intuitif. J’avais pleinement confiance dans l’usage du mot « PHILO » en titre d’un ouvrage pour que ce dernier ne puisse traiter d’un autre sujet que philosophique. Mais ce n’est pas le cas.

Article # 73 – Qu’est-ce que la philosophie ? Michel Meyer, Le livre de poche, Librairie générale française, Paris, 1997

J’aime beaucoup les livres d’introduction et de présentation de la philosophie parce qu’ils ramènent toujours les lecteurs à l’essentiel, aux bases de la discipline. À la question « Qu’est-ce que la philosophie ? », Michel Meyer répond : « La philosophie est depuis toujours questionnement radical. C’est pourquoi il importe aujourd’hui de questionner le questionnement, même si on ne l’a jamais fait auparavant. » MEYER, Michel, Qu’est-ce que la philosophie ? – Les questions ultime de la pensée, Le livre de poche © Librairie Générale Française, Paris, 1997. p. 18.

Article # 74 – Présentations de la philosophie, André Comte-Sponville, Éditions Albin Michel, Le livre de poche, 2000

À l’instar de ma lecture précédente (Qu’est-ce que la philosophie ? de Michel Meyer), le livre PRÉSENTATIONS DE LA PHILOSOPHIE du philosophe ANDRÉ COMTE-SPONVILLE m’a plu parce qu’il met en avant les bases mêmes de la philosophie et, dans ce cas précis, appliquées à une douzaine de sujets :…

Article # 75 – Les théories de la connaissance, Jean-Michel Besnier, Que sais-je?, Presses universitaires de France, 2021

J’ai dévoré le livre LES THÉORIES DE LA CONNAISSANCE par JEAN-MICHEL BESNIER avec un grand intérêt puisque la connaissance de la connaissance me captive. Amateur d’épistémologie, ce livre a satisfait une part de ma curiosité. Évidemment, je n’ai pas tout compris et une seule lecture suffit rarement à maîtriser le contenu d’un livre traitant de l’épistémologie, notamment, de son histoire enchevêtrée de différents courants de pensée, parfois complémentaires, par opposés. Jean-Michel Besnier dresse un portrait historique très intéressant de la quête philosophique pour comprendre la connaissance elle-même.

Article # 76 – Philosophie de la connaissance – Croyance, connaissance, justification, textes réunis par Julien Dutant et Pascal Engel, Libraire philosophique J. Vrin, 2005

Ce livre n’était pas pour moi en raison de l’érudition des auteurs au sujet de la philosophie de connaissance. En fait, contrairement à ce que je croyais, il ne s’agit d’un livre de vulgarisation, loin de là. J’ai décroché dès la seizième page de l’Introduction générale lorsque je me suis buté à la première équation logique.

Article # 77 – Problèmes de philosophie, Bertrand Russell, Nouvelle traduction, Éditions Payot, 1989

Quelle agréable lecture ! J’ai beaucoup aimé ce livre. Les problèmes de philosophie soulevés par Bertrand Russell et les réponses qu’il propose et analyse étonnent. Le livre PROBLÈMES DE PHILOSOPHIE écrit par BERTRAND RUSSELL date de 1912 mais demeure d’une grande actualité, du moins, selon moi, simple amateur de philosophie. Facile à lire et à comprendre, ce livre est un «tourne-page» (page-turner).

Article # 78 – La dictature des ressentis – Sauver la liberté de penser, Eugénie Bastié, Éditions Plon, 2023

La compréhension de ce recueil de chroniques signées EUGÉNIE BASTIÉ dans le quotidien LE FIGARO exige une excellence connaissance de la vie intellectuelle, politique, culturelle, sociale, économique et de l’actualité française. Malheureusement, je ne dispose pas d’une telle connaissance à l’instar de la majorité de mes compatriotes canadiens et québécois. J’éprouve déjà de la difficulté à suivre l’ensemble de l’actualité de la vie politique, culturelle, sociale, et économique québécoise. Quant à la vie intellectuelle québécoise, elle demeure en vase clos et peu de médias en font le suivi. Dans ce contexte, le temps venu de prendre connaissance de la vie intellectuelle française, je ne profite des références utiles pour comprendre aisément. Ma lecture du livre LA DICTATURE DES RESSENTIS d’EUGÉNIE BASTIÉ m’a tout de même donné une bonne occasion de me plonger au cœur de cette vie intellectuelle française.

Article # 79 – À la découverte de la sagesse stoïcienne: L’histoire improbable du stoïcisme suivie du Manuel de la vie bonne, Dr Chuck Chakrapani, Éditions Stoa Gallica, 2023

À titre d’éditeur, je n’ai pas aimé ce livre qui n’en est pas un car il n’en possède aucune des caractéristiques professionnelles de conceptions et de mise en page. Il s’agit de la reproduction d’un texte par Amazon. Si la première de couverture donne l’impression d’un livre standard, ce n’est pas le cas des pages intérieures du… document. La mise en page ne répond pas aux standards de l’édition française, notamment, en ne respectant pas les normes typographiques.

Article # 80 – Le changement personnel – Histoire Mythes Réalités, sous la direction de Nicolas Marquis, Sciences Humaines Éditions, 2015

J’ai lu avec un grand intérêt le livre LE CHANGEMENT PERSONNEL sous la direction de NICOLAS MARQUIS. «Cet ouvrage a été conçu à partir d’articles tirés du magazine Sciences Humaines, revus et actualisés pour la présente édition ainsi que de contributions inédites. Les encadrés non signés sont de la rédaction.» J’en recommande vivement la lecture pour son éruditions sous les aspects du changement personnel exposé par différents spécialistes et experts tout aussi captivant les uns les autres.

Article # 81 – L’empire des coachs – Une nouvelle forme de contrôle social, Roland Gori et Pierre Le Coz, Éditions Albin Michel, 2006

À la lecture de ce livre fort intéressent, j’ai compris pourquoi j’ai depuis toujours une dent contre le développement personnel et professionnel, connu sous le nom « coaching ». Les intervenants de cette industrie ont réponse à tout, à toutes critiques. Ils évoluent dans un système de pensée circulaire sans cesse en renouvellement créatif voire poétique, système qui, malheureusement, tourne sur lui-même. Et ce type de système est observable dans plusieurs disciplines des sciences humaines au sein de notre société où la foi en de multiples opinions et croyances s’exprime avec une conviction à se donner raison. Les coachs prennent pour vrai ce qu’ils pensent parce qu’ils le pensent. Ils sont dans la caverne de Platon et ils nous invitent à les rejoindre.

Article # 82 – À quoi sert la philosophie ?, Marc Sautet, Éditions Pleins Feux, 1997

Ce petit livre d’une soixantaine de pages nous offre la retranscription de la conférence « À QUOI SERT LA PHILOSOPHIE ? » animée par Marc Sautet, philosophe ayant ouvert le premier cabinet de consultation philosophique en France et également fondateur des Cafés Philo en France.

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