Nous sommes généralement convaincus d’avoir raison de penser ce que nous pensons. C’est normal. Dans le cas contraire, nous changerions d’idée. Personne ne veut être irrationnel. C’est la raison pour laquelle il est difficile de convaincre autrui.
CORNELLIER, Louis, Débattre avec décence, Opinion – Chronique, Le Devoir, 9 novembre 2024.
Cette citation est le premier paragraphe de « Débattre avec décence » publié par le quotidien LE DEVOIR dans la section Opinion/Chronique et signée par Louis Cornellier, chroniqueur (Présence Info, Jeu), essayiste et poète, enseignant de la littérature au collégial.
Revenons à la première phrase : « Nous sommes généralement convaincus d’avoir raison de penser ce que nous pensons. » Puisque je dis moi-même depuis déjà plusieurs années qu’il ne faut pas prendre pour vrai ce que l’on pense uniquement parce qu’on le pense, je suis d’accord avec l’affirmation de Louis Cornellier.
Il ajoute « C’est normal » : « Nous sommes généralement convaincus d’avoir raison de penser ce que nous pensons. C’est normal. » Mais ce n’est pas normal de prendre pour vrai ce que nous pensons et ainsi se donner raison. « Penser » est un chose, « Avoir raison » en est une autre.
Louis Cornellier pour suit : « Dans le cas contraire, nous changerions d’idée. Personne ne veut être irrationnel. » Changer d’idée, ce n’est pas « être irrationnel ». Ce qui est irrationnel, c’est de prendre pour vrai ce que l’on pense pour se donner raison. Ce qui est tout aussi irrationnel, c’est d’être « convaincus d’avoir raison de penser ce que nous pensons ».
Enfin, il termine son paragraphe en soutenant : « C’est la raison pour laquelle il est difficile de convaincre autrui. » Chacun étant convaincu d’avoir raison, on peut comprendre qu’il soit effectivement « difficile de convaincre autrui ». Mais ce n’est certainement parce que je suis convaincu d’avoir raison que je veux nécessairement convaincre autrui. On peut tout aussi bien se donner raison tout seul dans son coin, dans sa caverne.
Cette Opinion/Chronique de Louis Cornellier se veut un recensement du livre L’ART DE NE PAS TOUJOURS AVOIR RAISON de MARTIN DESROSIERS dont j’ai fait rapport de ma lecture (cliquez ici pour le lire) et c’est pourquoi Louis Cornellier appelle en titre à « Débattre avec décence ». Il justifie clairement cet appel dans l’avant-dernier paragraphe de son texte :
L’échange d’idées s’accompagne inévitablement de désaccords, ce qui est normal et légitime, mais il devient stérile quand il dégénère en un « combat sans merci ». Si on exclut la possibilité de se corriger soi-même grâce à l’échange, si on réserve son esprit critique à l’autre sans jamais le tourner vers soi, on plastronne pour la galerie, on s’autocongratule, on fait monter la pression sociale, mais on méprise la justesse, la justice et l’esprit démocratique. Être un « interlocuteur décent » est un défi pour tous, pour moi y compris.
CORNELLIER, Louis, Débattre avec décence, Opinion – Chronique, Le Devoir, 9 novembre 2024.
Comment ne pas constater que tous ceux celles qui ne pensent que pour se donner raison vivent au rez-de-chaussé de l’édifice social, ce qui implique de ne disposer d’aucune possibilité de prendre du recul pour ainsi penser contre soi-même.
VOIR AUSSI
Article # 64 – Apocalypse cognitive – La face obscure de notre cerveau, Gérald Bronner, Presses Universitaires de France (PUF), 2021
Le philothérapeute (philosophe consultant ou philosophe praticien) a l’obligation de très bien connaître le contexte dans lequel évolue son client. Le développement de l’esprit critique de ce client passe inévitablement par une prise de conscience de sa cognition en vue de comprendre comment il connaît. Si, dès le départ, le client n’a pas conscience de son mode de pensées, il lui sera difficile de participer activement au dialogue avec son philothérapeute. L’objectif primaire du philosophe consultant demeure de déceler et de corriger les biais cognitifs de son client avant même d’abord une question philosophique. Bref, si la »machine à pensée » du client est corrompu par des «virus cognitifs », une «réinitialisation » s’impose en début de séance de consultation.

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