Article # 131 – Vivre ! dans un monde imprévisible, Manuel de résilience pour surmonter les crises, Frédéric Lenoir, Éditions Fayard, Paris, 2020

J’ai lu pour vous

Sur cette page : un référencement du livre, des extraits de l’œuvre, une revue de presse, une présentation de l’auteur, des livres de l’auteur à télécharger gratuitement… Et MON RAPPORT DE LECTURE.

L'édition lue est celle du Le Livre de Poche dite « Édition mise à jour » publiée le 2 août 2021.
L’édition lue est celle du « Le Livre de Poche » dite « Édition mise à jour » publiée le 2 août 2021.

Frédéric Lenoir

Vivres ! dans un monde imprévisible

Manuel de résilience pour surmonter les crises

Éditions Fayard

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Date de sortie : 02 août 2021

Langue : Français

Éditeur : LE LIVRE DE POCHE

Collections : Le Livre de poche. Documents

Catégories : Essais / Sciences sociales

Nombre de pages : 137 pages

Composition  Contient un seul article

Support : Livre imprimé à couverture souple

Format : Livre de poche

Mesure : 18.0 cm (Hauteur), 11 cm (Largeur), 92 gr (Poids)

Couverture : Hokus Pokus

ISBN : 97-8-221-371923-8

EAN : 9782253104643


Fayard, 17 juin 2020 – 144 pages – EAN : 9782213717609 – EAN (numérique) : 9782213719238

Le Livre de Poche, 2 juin 2021 – 144 pages – EAN : 9782253104643


QUATRIÈME DE COUVERTURE

Il a suffi d’un virus lointain pour que le cours de nos vies soit bouleversé. « Vivre, ce n’est pas attendre que l’orage passe, c’est apprendre à danser sous la pluie », disaient les Anciens. Je suis convaincu que plus rien ne sera comme avant et qu’il nous faut apprendre à développer nos ressources intérieures pour vivre le mieux possible dans un monde imprévisible.
F. L.

Pour traverser ces temps difficiles, cet ouvrage optimiste nous invite à revenir à l’essentiel, à entretenir la joie et la sérénité malgré l’adversité. Frédéric Lenoir nous y montre comment les grands philosophes du passé, mais aussi les neurosciences et la psychologie des profondeurs, peuvent nous y aider, et pourquoi cette crise est une occasion de changer notre regard, nos comportements, de devenir davantage nous-mêmes, de mieux nous relier aux autres et au monde.

Frédéric Lenoir nous donne les clés du bonheur (presque) retrouvé.
Le Parisien Week-end.

Son livre invite à grandir.
Nice Matin.

Frédéric Lenoir est philosophe, sociologue et écrivain. Il est l’auteur de nombreux essais et romans vendus à plus de 7 millions d’exemplaires dans le monde.

Source : Éditions Fayard.


TABLE DES MATIÈRES

Avant-propos

1. Se sentir en sécurité

2. Entrer en résilience

3. S’adapter

4. Cultiver le plaisir et les émotions positives

5. Ralentir et savourer l’instant

6. Resserrer les liens

7. Donner du sens

8. Devenir libres

9. Apprivoiser la mort

10. Agir et consentir

Notes


EXTRAIT DU LIVRE AUDIO

EXTRAIT DU TEXTE DU LIVRE

Avant-propos

Qui aurait pu imaginer au début de l’année 2020 que, deux mois plus tard, la moitié de la population mondiale serait confinée, qu’il n’y aurait plus d’avions dans le ciel, plus de touristes à Venise et qu’on vivrait une récession économique mondiale historique ? La pandémie du Covid-19, qui n’est pourtant pas la plus grave que l’humanité ait connue, révèle l’extrême vulnérabilité du monde globalisé. Lorsque la peste noire a décimé plus du tiers des Européens (soit environ 25 millions de personnes) au milieu du XIVe siècle, les Chinois ou les Indiens n’étaient pas concernés, et ils n’en étaient sans doute même pas informés. Pour le meilleur et pour le pire, nous sommes aujourd’hui tous connectés, et un simple virus, surgi dans n’importe quel coin du globe, peut mettre l’économie mondiale à terre et impacter la vie de près de 8 milliards d’individus. Car ce sont bien toutes les dimensions de notre existence qui sont bouleversées par cette pandémie : notre vie familiale et professionnelle, comme notre rapport au monde, à l’espace et au temps. Nous sommes touchés ou angoissés – pour nous-même et pour nos proches – par la maladie et par la mort. Mais aussi par l’insécurité matérielle, par la perte de notre liberté de circuler, par l’impossibilité de nous projeter dans l’avenir.

Face à de tels bouleversements, nous pouvons serrer les dents et espérer que tout redevienne comme avant le plus rapidement possible. Cela me semble illusoire. Non seulement parce qu’on ne peut sortir d’un tel chaos en quelques mois, mais surtout parce que les causes profondes qui ont conduit à cette situation vont perdurer après la fin de la pandémie du Covid-19. Comme je l’ai déjà longuement expliqué en 2012 dans mon ouvrage La Guérison du monde, la crise contemporaine est systémique : toutes les crises que nous vivons dans notre monde globalisé – économique, sanitaire, écologique, migratoire, sociale, etc. – sont reliées entre elles par une même logique consumériste et de maximisation des profits, dans le contexte d’une mondialisation dérégulée. La pression exercée sur la planète et sur les sociétés humaines est intenable à long terme. Si nous cherchons à repartir « comme avant », nous irons de crise économique en crise économique, de crise écologique en crise écologique, de crise sociale en crise sociale et de crise sanitaire en crise sanitaire. La vraie solution consiste à changer de logique, à sortir de la frénésie consumériste, à relocaliser des pans entiers des activités économiques, à réguler la finance, à passer du « toujours plus » au mieux-être, de la compétition à la collaboration.

Ces grandes questions, capitales pour l’avenir de l’humanité et de la planète, font l’objet d’un autre livre auquel je travaille depuis plus d’un an avec Nicolas Hulot (qui sera vraisemblablement publié au second semestre 2020). Pour l’instant, la question que je souhaite aborder dans ce petit ouvrage est tout autre : comment vivre le mieux possible en temps de crise ? En attendant l’hypothétique changement de paradigme auquel nous sommes de plus en plus nombreux à aspirer, quelle solution intérieure pouvons-nous trouver pour faire face à la crise sanitaire, aux bouleversements de nos modes de vie et aux angoisses qui en découlent ? Comment essayer de rester serein, voire heureux, dans un monde de plus en plus chaotique et imprévisible ? Ou, pour le dire encore autrement : en attendant que le monde change, comment nous changer nous-mêmes ou transformer notre regard pour nous adapter le plus positivement possible à un réel qui nous déstabilise ?

J’ai donc conçu ce livre comme un manuel de survie et de croissance intérieure, c’est-à-dire un manuel de résilience, en apportant aux lecteurs des conseils pour vivre mieux en cette période douloureuse et déstabilisante à bien des égards. Je me suis beaucoup inspiré de philosophes du passé – comme les stoïciens, Montaigne ou Spinoza – qui ont vécu et pensé pendant des périodes de crise profonde et qui nous apportent des réflexions essentielles pour traverser au mieux l’adversité. Mais je m’inspire aussi de considérations plus contemporaines, issues notamment des neurosciences et de la psychologie, qui nous offrent des clés précieuses pour faire face aux perturbations de nos besoins biologiques, psychiques et affectifs fondamentaux.

Puisse ce petit livre, écrit dans l’urgence du temps présent, apporter durablement lumière et réconfort à tous ceux qui le liront.

1 – SE SENTIR EN SÉCURITÉ

CHAPITRE 1

Au moment où je commençais l’écriture de ce livre, j’ai eu un échange téléphonique avec une amie canadienne très chère, maître en yoga et en qi gong : Nicole Bordeleau. Elle m’a demandé quel était, selon moi, notre besoin le plus fondamental : celui du lien ou celui de la sécurité ? Je lui ai répondu sans hésiter : celui de la sécurité. Le lien est capital, et même vital, parce que, justement, il nous apporte avant tout ce dont nous avons le plus besoin : la sécurité, tant intérieure (psychique) que matérielle et sociale.

Pour mieux le comprendre, évoquons deux grandes théories : celle du conatus, du philosophe néerlandais Baruch Spinoza, et celle de la pyramide des besoins, du psychologue Abraham Maslow. Au XVIIe siècle, dans son ouvrage majeur, L’Éthique, Spinoza affirme que « chaque chose, selon sa puissance d’être, s’efforce de persévérer dans son être ». Cet effort (conatus en latin) est une loi universelle de la vie, comme le confirme le célèbre neurologue portugais Antonio Damasio, fervent disciple de Spinoza : « L’organisme vivant est construit de telle sorte qu’il préserve la cohérence de ses structures et de ses fonctions contre les nombreux aléas de la vie1. » Spinoza constate ensuite que, de manière tout aussi naturelle, chaque organisme vivant essaye de progresser, de grandir, de parvenir à une plus grande perfection. Il observe enfin que, chaque fois qu’il y parvient, sa puissance vitale augmente, il est habité par un sentiment de joie, alors que chaque fois qu’il rencontre un obstacle, qu’il se sent menacé dans son être ou que sa puissance vitale diminue, il est envahi par un sentiment de tristesse. Toute l’éthique spinoziste consiste dès lors à organiser notre vie grâce à la raison, pour préserver l’intégrité de notre être et augmenter notre puissance d’agir et la joie qui l’accompagne. Spinoza met au jour deux mécanismes de la vie : se préserver et augmenter sa puissance vitale et d’action. Dit autrement, il nous explique que la sécurité et la croissance sont nos deux besoins les plus fondamentaux.

Entre 1943 et 1970, le psychologue américain Abraham Maslow a élaboré et affiné une théorie de la motivation qui s’incarne dans une hiérarchisation universelle des besoins humains, et qui n’est pas sans lien avec la théorie spinoziste. À la base de la pyramide, on trouve d’abord nos besoins physiologiques élémentaires : respirer, boire, se nourrir, dormir, éliminer… Surgissent ensuite les besoins de sécurité : être en bonne santé et vivre dans un environnement stable et prévisible. Puis viennent les besoins d’appartenance et d’amour. Apparaissent enfin les besoins d’estime et de reconnaissance et, tout en haut de la pyramide, le besoin d’accomplissement de soi. L’idée développée par Maslow, fort bien illustrée par la forme pyramidale, est qu’une nouvelle motivation survient lorsque qu’un besoin plus fondamental est satisfait : je ne chercherai à m’accomplir que lorsque tous mes autres besoins auront été pris en compte.

Autant la typologie des besoins élaborée par Maslow me semble pertinente, autant leur hiérarchisation peut prêter le flanc à la critique. De nombreux auteurs ont constaté que certains besoins, comme l’appartenance ou la reconnaissance, étaient tout aussi fondamentaux pour vivre que les besoins physiologiques ou de sécurité. On sait par exemple qu’un bébé qui ne reçoit pas d’amour sera incapable de se développer psychiquement de manière harmonieuse, voire de survivre. On peut constater aussi que certaines personnes mettent tout en œuvre pour satisfaire un besoin de reconnaissance, alors que leurs besoins primaires ne sont pas pleinement satisfaits : un ado d’une famille pauvre préférera parfois avoir le même smartphone ou les mêmes baskets hors de prix que ses copains plutôt que bien s’alimenter ou vivre sous un toit décent. De même, le besoin de s’accomplir, qui inclut la dimension spirituelle et la foi, peut s’exprimer chez ceux dont les autres besoins n’ont pas été pleinement satisfaits. J’ai rencontré aux quatre coins du monde des gens très pauvres habités par une foi intense qui les aidait justement à supporter leur condition misérable.

Il ne faut donc pas faire un absolu de la hiérarchisation des besoins de Maslow. Néanmoins, on peut constater qu’en période de crise profonde, à l’instar de celle que nous vivons actuellement, elle semble retrouver une certaine pertinence. La survie est brutalement redevenue la principale motivation des humains. On l’a vu dès les premiers signes de la propagation du virus : les magasins d’alimentation ont été dévalisés. J’ai croisé au supermarché, en bas de chez moi, des personnes qui avaient un Caddy rempli à ras-bord de pâtes, d’eau minérale, de farine et de papier hygiénique, et qui se moquaient des sarcasmes ou des critiques d’autres clients. Le premier réflexe dans un contexte de survie, c’est de s’assurer que nos besoins physiologiques pourront être satisfaits, et peu importe qu’on apparaisse comme égoïste ou ridicule. En cas de crise majeure, les besoins primaires passent avant tout, et les besoins de sécurité viendront juste après : une fois le frigo plein, on se confine chez soi pour échapper à la contamination. Et ce n’est qu’une fois en sécurité qu’on pourra laisser s’exprimer notre besoin d’appartenance, en appelant nos proches et nos amis, en resserrant – dans une distance protectrice – nos liens affectifs et sociaux. Les besoins de reconnaissance et d’accomplissement viendront ensuite, lorsque tous les autres auront été satisfaits.

Dans le monde occidental relativement stable et opulent dans lequel nous vivons depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la plupart d’entre nous avions échappé à la peur de ne plus pouvoir satisfaire nos besoins vitaux et de sécurité les plus fondamentaux. On pourrait d’ailleurs regrouper les trois premiers besoins et motivations (physiologique, sécurité, appartenance) dans une même catégorie : celle de la sécurité. Tandis que les deux suivants (reconnaissance, accomplissement) relèveraient d’un autre ordre : celui de notre croissance (dans la société, mais aussi spirituel). Les trois premiers sont indispensables à la survie. Les deux suivants permettent le déploiement de la vie, tant sur le plan social que personnel. Nous retrouvons dès lors les deux grands besoins démontrés par Spinoza : se préserver (sécurité) et croître. Et on peut globalement affirmer que lorsque nos besoins de sécurité sont satisfaits on peut davantage se concentrer sur nos besoins de croissance, lesquels nous apportent les joies les plus profondes : joie de l’amour qui s’épanouit, de nos réalisations professionnelles qui nous permettent de nous accomplir et d’être reconnus, joies créatives, intellectuelles et spirituelles de notre esprit qui progresse, etc. Mais lorsque nous ressentons un profond sentiment d’insécurité, le besoin de protection l’emporte sur le besoin de croissance, et la recherche de la sérénité, de l’apaisement émotionnel, sur celui de la joie.

Il existe cependant une interaction importante entre la base et le sommet de la pyramide, entre notre besoin de sécurité (à travers ses diverses dimensions) et notre dimension spirituelle : la force de notre esprit peut nous aider à renforcer notre sentiment de sécurité ou, plus précisément, à mieux vivre en temps d’insécurité. Je l’ai déjà évoqué à propos de la foi religieuse, qui aide de nombreuses personnes démunies à mieux vivre, voire à être joyeuses. Il en va de même aujourd’hui en Occident pour des personnes qui ont une foi profonde, mais aussi pour des personnes non croyantes qui ont développé leur potentiel humain ou une forme de spiritualité laïque. Ceux qui cultivent leur esprit en lisant des livres de philosophie ou de poésie, ceux qui pratiquent régulièrement le yoga ou la méditation, ceux qui ont une activité créatrice, ceux qui développent l’amour et la compassion en s’engageant dans la société, ceux qui cherchent à donner un sens à leur existence sont sans doute mieux armés pour traverser les périodes difficiles de la vie. En effet, ils déploient des qualités spirituelles qui viennent soutenir le corps et stabiliser les émotions (notamment la peur), améliorer la qualité des liens affectifs et sociaux, renforcer la confiance et l’amour de la vie. Autant de qualités précieuses qui favorisent, après un choc ou une déstabilisation profonde comme celle que nous venons de vivre, la possibilité d’un rebond, d’un travail sur soi, d’une entrée en résilience.

____________

NOTE

1 Antonio Damasio, Spinoza avait raison. Joie et tristesse. Le cerveau des émotions, Paris, Odile Jacob, 2013, p. 40.

Source : © 2020 Librairie Arthème Fayard, 2020.

Note : Cet extrait est disponible sur le site web LESLIBRAIRES.CA.


REVUE DE PRESSE

Vivre! dans un monde imprévisible : le manuel de survie de Frédéric Lenoir, Plus on est de fous, plus on lit! Radio-Canada, 17 août 2020,

Frédéric Lenoir : un manuel de (sur)vie pour surmonter la pandémie, Sylvain Sarrazin, La Presse, 24 août 2020

Le petit manuel de reconstruction intérieure du sociologue Frédéric Lenoir, Marie-France Bornais, Le Journal de Québec, 9 août 2020

Frédéric Lenoir et sa philosophie pour affronter la pandémie, Julie Mainville, Radio-Canada, 23 juillet 2020

Il faut voir la crise actuelle comme une occasion à saisir, selon le philosophe Frédéric Lenoir, Bien entendu, Radio-Canada, 22 décembre 2020


THÈSES

Gilbert, Nathanaël (2019). Arthur Schopenhauer et ses divergences avec Emmanuel Kant. Mémoire. Trois-Rivières, Université du Québec à Trois-Rivières, 119 p.

La théorie du génie selon Arthur Schopenhauer par Nathanaël Gilbert

La notion d’inconscient dans la philosophie d’Arthur Schopenhauer : pour une nouvelle interprétation du lien entre Schopenhauer et Freud par Jean-Charles Banvoy


AU SUJET DE L’AUTEUR

https://www.fredericlenoir.com/

Philosophe et sociologue. Docteur de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS).

Ecrivain. Auteur d’une cinquantaine d’ouvrages (essais, romans, contes, encyclopédies), traduits dans une vingtaine de langues et vendus à dix millions d’exemplaires dans le monde, il écrit aussi pour le théâtre, la télévision (documentaires) et la bande dessinée.

En 2016, il crée l’association Ensemble pour les Animaux et en 2017, il cofonde la Fondation et l’association SEVE, Savoir Être et Vivre Ensemble (sous l’égide de la Fondation de France).

En novembre 2024, il fonde La Maison des sagesses afin de diffuser une connaissance philosophique au sens d’un art de vivre, tel que les Grecs l’entendaient.

Il partage sa vie entre sa résidence principale en Haute-Savoie, la Corse, Paris et le reste du monde où il fait de nombreux séminaires et conférences.

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DU MÊME AUTEUR

(Ouvrages disponibles)

ESSAIS ET DOCUMENTS

Méditer à cœur ouvert, Robert Laffont, 2018, Pocket, 2019.

La Sagesse expliquée à ceux qui la cherchent, Seuil, 2018.

Le Miracle Spinoza, Fayard, 2017, Le Livre de Poche, 2019.

Lettre ouverte aux animaux (et à ceux qui les aiment), Fayard, 2017.

Philosopher et méditer avec les enfants, Albin Michel, 2016.

La Puissance de la joie, Fayard, 2015.

François, le printemps de l’Évangile, Fayard, 2014, Le Livre de Poche, 2015.

Du Bonheur, un voyage philosophique, Fayard, 2013, Le Livre de Poche, 2015.

La Guérison du monde, Fayard, 2012, Le Livre de Poche, 2014.

Petit traité de vie intérieure, Plon, 2010 ; Pocket, 2012.

Comment Jésus est devenu Dieu, Fayard, 2010 ; Le Livre de Poche, 2012.

La Saga des francs-maçons, avec Marie-France Etchegoin, Robert Laffont, 2009 ; Points, 2010.

Socrate, Jésus, Bouddha, Fayard, 2009 ; Le Livre de Poche, 2011.

Petit traité d’histoire des religions, Plon, 2008 ; Points, 2011.

Tibet, 20 clés pour comprendre, Plon, 2008, Prix « Livres et droits de l’homme » de la ville de Nancy ; Points, 2010.

Le Christ philosophe, Plon, 2007 ; Points, 2009.

Code Da Vinci, l’enquête, avec Marie-France Etchegoin, Robert Laffont, 2004 ; Points, 2006.

Les Métamorphoses de Dieu, Plon, 2003, Prix européen des écrivains de langue française 2004 ; Plon, « L’Abeille » 2019.

L’Épopée des Tibétains, avec Laurent Deshayes, Fayard, 2002.

La Rencontre du bouddhisme et de l’Occident, Fayard, 1999 ; Albin Michel, « Spiritualités vivantes », 2001 et 2012.

Le Bouddhisme en France, Fayard, 1999.

FICTION

La Consolation de l’ange, roman, Albin Michel, 2019.

Cœur de cristal, conte, Robert Laffont, 2014 ; Pocket, 2016.

Nina, avec Simonetta Greggio, roman, Stock, 2013, Le Livre de Poche, 2014.

L’Âme du monde, conte de sagesse, NiL, 2012 ; version illustrée par Alexis Chabert, NiL, 2013, Pocket, 2014.

La Parole perdue, avec Violette Cabesos, roman, Albin Michel, 2011 ; Le Livre de Poche, 2012.

Bonté divine !, avec Louis-Michel Colla, théâtre, Albin Michel, 2009.

L’Oracle della Luna, roman, Albin Michel, 2006 ; Le Livre de Poche, 2008.

La Promesse de l’ange, avec Violette Cabesos, roman, Albin Michel, 2004, Prix des Maisons de la Presse 2004 ; Le Livre de Poche, 2006.

Le Secret, fable, Albin Michel, 2001 ; Le Livre de Poche, 2003.

ENTRETIENS

Oser l’émerveillement, avec Leili Anvar, Albin Michel, 2016.

Sagesse pour notre temps, avec Leili Anvar, Albin Michel, 2016.

Dieu, Entretiens avec Marie Drucker, Robert Laffont, 2011 ; Pocket, 2013.

Mon Dieu… Pourquoi ?, avec l’abbé Pierre, Plon, 2005.

Mal de Terre, avec Hubert Reeves, Seuil, 2003 ; Points, 2005.

Le Moine et le Lama, avec Dom Robert Le Gall et Lama Jigmé Rinpoché, Fayard, 2001 ; Le Livre de Poche, 2003.

Sommes-nous seuls dans l’univers ?, avec J. Heidmann, A. Vidal-Madjar, N. Prantzos et H. Reeves, Fayard, 2000 ; Le Livre de Poche, 2002.

Entretiens sur la fin des temps, avec Jean-Claude Carrière, Jean Delumeau, Umberto Eco, Stephen Jay Gould, Fayard, 1998 ; Pocket, 1999.

Le Temps de la responsabilité. Entretiens sur l’éthique, postface de Paul Ricœur, Fayard, 1991 ; nouvelle édition, Pluriel, 2013.

DIRECTION D’OUVRAGES ENCYCLOPÉDIQUES

La Mort et l’immortalité. Encyclopédie des croyances et des savoirs, avec Jean-Philippe de Tonnac, Bayard, 2004.

Le Livre des sagesses, avec Ysé Tardan-Masquelier, Bayard, 2002 et 2005 (poche).

Encyclopédie des religions, avec Ysé Tardan-Masquelier, 2 volumes, Bayard, 1997 et 2000 (poche).


MON RAPPORT DE LECTURE

Frédéric Lenoir

Vivre ! dans un monde imprévisible


Fayard, 17 juin 2020 – 144 pages – EAN : 9782213717609 – EAN (numérique) : 9782213719238

Le Livre de Poche, 2 juin 2021 – 144 pages – EAN : 9782253104643


J’ai longtemps résisté à l’achat des livres de Frédéric Lenoir car je craignais de tomber dans le développement personnel avec tous ses travers largement dénoncés dans mes rapports de lecture. Sur un coup de tête, avec l’achat de plusieurs livres de philosophie, j’ai glissé dans ma pile un titre de Frédéric Lenoir : « Vivres ! dans un monde imprévisible (édition mise à jour – Le Livre de Poche, 2021). Ma lecture de ce livre confirme crainte : nous sommes bel et bien dans un manuel de développement personnel plutôt qu’un livre de philosophie. Dès qu’un auteur se dit philosophe et d’une autre profession, on peut être certain de la contamination de la première par cette dernière. De plus, Frédéric Lenoir se réfère non seulement aux « grands philosophes du passé, mais aussi les neurosciences et la psychologie des profondeurs (…) ». La mention de la psychologie par un philosophe éveille en moi de forts mécanismes de défense. Il faut lire ma « Mise en garde contre le copinage entre la philosophie et la psychologie » pour comprendre ma réticence. Quand aux neurosciences, je m’en méfie tout autant depuis ma lecture du livre « Neuromania – Le vrai du faux sur votre cerveau » d’Albert Moukheiber, Docteur en neurosciences cognitives et psychologue clinicien, paru chez Allary Éditions en 2024 (voir mon rapport de lecture). Bref, j’ai lu ce livre les deux pieds sur les freins.

Pour traverser ces temps difficiles, cet ouvrage optimiste nous invite à revenir à l’essentiel, à entretenir la joie et la sérénité malgré l’adversité. Frédéric Lenoir nous y montre comment les grands philosophes du passé, mais aussi les neurosciences et la psychologie des profondeurs, peuvent nous y aider, et pourquoi cette crise est une occasion de changer notre regard, nos comportements, de devenir davantage nous-mêmes, de mieux nous relier aux autres et au monde.

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, Quatrième de couverture, Le Livre de Poche, 2 juin 2021.

Frédéric Lenoir accorde l’épigraphe de son livre à Carl Gustav Jung, psychanalyste et psychiatre, fondateur de la psychologie analytique, plutôt qu’à un philosophe.

« Les crises, les bouleversements, la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie. »

Carl Gustav Jung

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, Épigraphe, Le Livre de Poche, 2 juin 2021.

Personnellement et par défaut professionnel, je vérifie toujours les sources des citations mais celle-ci de Carl Gustav Jung n’est nulle part. En désespoir de cause, j’ai même demandé à l’intelligence artificielle Microsoft Copilot et Gemini Google :

Quelle est l’origine de la citation suivante : « Les crises, les bouleversements, la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie. » de Carl Gustav Jung

La citation que vous avez mentionnée est couramment attribuée à Carl Gustav Jung, le célèbre psychiatre suisse et fondateur de la psychologie analytique. Cependant, il semble qu’il n’existe pas de source écrite ou d’œuvre précise de Jung qui contienne cette citation exacte. Il est possible que cette phrase soit une interprétation ou une paraphrase des idées de Jung, qui accordait une grande importance à la signification des crises et des bouleversements dans le développement psychologique de l’individu. Si vous souhaitez en savoir plus sur la pensée de Jung, je vous recommande de lire ses œuvres, telles que « L’Homme à la découverte de son âme » et « Les Racines de la Conscience ».

Microsoft Copilot


Quelle est l’origine de la citation suivante : «Les crises, les bouleversements, la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie. » de Carl Gustav Jung

Il est important de noter que l’attribution exacte de certaines citations à Carl Gustav Jung peut parfois être sujette à interprétation. Cependant, l’idée générale exprimée dans la citation que vous avez fournie est tout à fait cohérente avec la pensée de Jung. Voici ce que nous pouvons dire à ce sujet :

La philosophie de Jung :Carl Gustav Jung, fondateur de la psychologie analytique, croyait profondément que les expériences de vie, y compris les crises et les maladies, avaient un sens et un but.

Il considérait que ces expériences pouvaient servir de catalyseurs pour la croissance personnelle et l’individuation, un processus de réalisation de soi.

Jung mettait l’accent sur l’importance de l’inconscient et de la recherche de sens dans la vie. Il pensait que les difficultés rencontrées pouvaient être des signaux de l’inconscient, nous invitant à explorer des aspects de nous-mêmes que nous avions négligés.

Les concepts clés de Jung :Le concept d’« individuation » est central dans la pensée de Jung. Il s’agit d’un processus de développement psychologique qui implique l’intégration des aspects conscients et inconscients de la personnalité.

Les crises et les bouleversements peuvent être vus comme des étapes nécessaires sur le chemin de l’individuation.

La maladie comme expérience précieuse. Jung a lui même expérimenté la maladie et en a tiré des expériences précieuses.

Il a notamment partagé des réflexions très profondes lors de sa maladie en 1944.

En résumé, bien que la formulation exacte de la citation puisse varier, l’idée qu’elle véhicule est profondément enracinée dans la psychologie jungienne.

Cela ne répond pas à ma question. Je cherche l’origine.

Vous avez raison de souligner que l’origine précise de cette citation est difficile à établir avec certitude. Bien qu’elle soit largement attribuée à Carl Gustav Jung, il est fréquent que des citations soient reformulées ou interprétées au fil du temps.

Voici ce que l’on peut dire à ce sujet :

La pensée jungienne comme source d’inspiration :Les concepts développés par Jung, notamment l’individuation, l’importance des symboles et la signification des expériences de vie, sont au cœur de cette citation.

Jung considérait que les crises et les maladies pouvaient être des manifestations de l’inconscient, nous invitant à prendre conscience de certains aspects de nous-mêmes.

Cette idée est très présente dans son œuvre, où il explore la relation entre le corps et l’esprit, ainsi que la dimension symbolique des maladies.

La diffusion de la citation :La citation a probablement été diffusée et popularisée à travers des ouvrages de vulgarisation de la psychologie jungienne, des conférences et des articles.

Il est possible qu’elle ait été reformulée ou adaptée au fil du temps, ce qui rend difficile son identification exacte dans les écrits originaux de Jung.

De nombreux site internet ou blog reprennent cette citation, mais sans indiquer sa source précise.

En résumé, bien que l’on puisse affirmer que l’esprit de cette citation est profondément jungien, il est difficile de retrouver sa formulation exacte dans ses écrits.

Gemini, Google


Citer Carl Gustav Jung sans en donner la source exacte aux lecteurs
atténue la crédibilité de l’auteur.


( Je poursuis mes recherches pour trouver l’origine de cette citation)


Bonjour,

Nous venons de publier un article Sur l’utilisation des citations de Carl Gustav Jung et nous déplorons comme vous que la plupart des citations ne sont pas sourcées. C’est un fléau sur internet, et si vous nous posez cette question c’est que vous n’avez pas trouvé l’information. Possiblement elle est tirée d’une phrase voisine, voire une paraphrase. En l’absence de source, prudence donc.

Sur l’utilisation des citations de Carl Gustav Jung


Bien à vous.

Jean-Pierre ROBERT

Espace Francophone Jungien cgjung.net

https://www.cgjung.net/


Bonjour,

Je suis désolé de ne pas pouvoir répondre à votre question. Peut-être que l’institut C.G. Jung pourra vous aider : https://junginstitut.ch/en/About-Us/Contact.

Meilleures salutations,

Oliver Ammann

ETH Zurich, Oliver Ammann, Rare Books, ETH Library, Rämistrasse 101, 8092 Zurich, Switzerland, Phone +41 44 632 49 05, oliver.ammann@library.ethz.ch,

www.library.ethz.ch/en/


Dear Mr. Guay

Thank you for your message and request, which we are unfortunately unable to answer. However, you are welcome to visit our library and carry out your research on site. The library is open on Friday between 9-12h and 13-16h.

May I mention at this point that in order to find a quotation, you would have to physically read through all of C.G. Jung’s works. Unfortunately, digital research is not possible. Thank you for your understanding.

With kind regards

Julia Budai

Library / Program & Event Organization
C.G. Jung-Institut Zürich, Küsnacht
Hornweg 28, CH-8700 Küsnacht
Tel.: +41 44 914 10 51, Fax: +41 44 914 10 50
budai@junginstitut.ch , www.junginstitut.ch


Dear Serge-André Guay,

I am sorry but it was not possible to find the German original of the quotation you are looking for. Frankly, I do not think it really is a sentence of Jung. It seems to have widely spread on French-speaking internet sites, but mostly in non-academic circles, often in the context of texts on the covid-pandemic or on sites by coaches/therapists. And there was not a single scientific reference (e.g. to Jungs Collected Works) to be found. I assume that someone attributed this sentence to Jung and then in spread in the French-speaking Internet.

I am very familiar with Jung, especially with his texts on healing. There is one quotation which comes a bit close to the one your are looking for – but at the same time it is very different.

« […] wir [müssen] zunächst den Weg der Krankheit gehen, den Irrweg, der die Konflikte noch verschärft und die Vereinsamung zur Unerträglichkeit steigert, in der Hoffnung, daß aus der Tiefe der Seele, aus der alle Zerstörung kommt, auch das Rettende wachse. » (GW 11, § 532)

« […] we [must] first take the path of illness, the wrong path that exacerbates the conflicts and increases the loneliness to the point of unbearability, in the hope that from the depths of the soul, from which all destruction comes, salvation will also grow. »

Wishing you all the best,

Christiane Neuen

(Board member of the C. G. Jung Society, Cologne)

TRADUCTION

Cher Serge-André Guay,

Je suis désolé mais il n’a pas été possible de trouver l’original allemand de la citation que vous recherchez. Franchement, je ne pense pas qu’il s’agisse vraiment d’une phrase de Jung. Elle semble s’être largement répandue sur les sites internet francophones, mais surtout dans des milieux non académiques, souvent dans le contexte de textes sur la covidopandémie ou sur des sites de coachs/thérapeutes. Et il n’y avait pas une seule référence scientifique (par exemple aux Collected Works de Jungs) à trouver. Je suppose que quelqu’un a attribué cette phrase à Jung et qu’elle s’est ensuite répandue sur l’internet francophone.

Je connais très bien Jung, en particulier ses textes sur la guérison. Il y a une citation qui se rapproche un peu de celle que vous recherchez – mais qui est en même temps très différente.

« […] wir [müssen] zunächst den Weg der Krankheit gehen, den Irrweg, der die Konflikte noch verschärft und die Vereinsamung zur Unerträglichkeit steigert, in der Hoffnung, daß aus der Tiefe der Seele, aus der alle Zerstörung kommt, auch das Rettende wachse. » (GW 11, § 532)

« […] nous [devons] d’abord prendre le chemin de la maladie, le mauvais chemin qui exacerbe les conflits et accroît la solitude jusqu’à l’insupportable, dans l’espoir que des profondeurs de l’âme, d’où vient toute destruction, grandira aussi le salut. »

Tous mes vœux de réussite,

Christiane Neuen

(membre du conseil d’administration de la Société C. G. Jung, Cologne)


Si vous la connaissez, écrivez-moi s’il-vous-plaît à : info@philotherapie.ca


Quel est notre besoin le plus fondamental ? Voici la réponse de Frédéric Lenoir :

Au moment où je commençais l’écriture de ce livre, j’ai eu un échange téléphonique avec une amie canadienne très chère, maître en yoga et en qi gong : Nicole Bordeleau. Elle m’a demandé quel était, selon moi, notre besoin le plus fondamental : celui du lien ou celui de la sécurité ? Je lui ai répondu sans hésiter : celui de la sécurité. Le lien est capital, et même vital, parce que, justement, il nous apporte avant tout ce dont nous avons le plus besoin : la sécurité, tant intérieure (psychique) que matérielle et sociale.

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 1. Se sentir en sécurité, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, p.17.

Frédéric Lenoir répond sans hésiter à la question du besoin le plus fondamental en pointant du doigt « celui de la sécurité ». Mais, il précise que la sécurité provient d’un autre besoin à combler, celui du lien. Sans lien, pas de sécurité. En vérité, le besoin le plus fondamentale est le lien qui débouche sur la sécurité. Il y a souvent confusion entre l’objet (le sujet), l’objectif fixé au sujet de l’objet et le moyen d’atteindre cet objectif.

La question était simple : Quel est notre besoin le plus fondamentale entre le lien et la sécurité. Frédéric Lenoir fait du lien un moyen pour combler le besoin de sécurité. Or, la question faisait du lien et de la sécurité deux besoins, non pas un besoin et un moyen. Le philosophe et sociologue affirme que « Le lien est capital, et même vital, parce que, justement, il nous apporte avant tout ce dont nous avons le plus besoin : la sécurité (…) ». Le moyen ne vient jamais avant l’objet et l’objectif. Si l’objectif demeure d’être sécurité, le moyen est le lien. mais là n’était pas la question.

Objet : Sécurité ou lien à titre de besoins fondamentaux

Objectif : déterminer lequel est le plus fondamental (avant tout).

Moyen : le lien (capital, et même vital).

Résultat : Sécurité.

La réponse adéquate était donc : le besoin le plus fondamental est le lien parce qu’une fois comblé il procurera la sécurité. À la base, un besoin ne comble pas un autre besoin. Ce ne sera que la réponse à un besoin dont on pourra déduire qu’il comblera un autre besoin. Il y a une logique à respecter, un ordre des choses. Il ne s’agit pas de jouer avec les mots.

Frédéric Lenoir enchaîne avec Baruch Spinoza, Abraham Maslow et Antonio Damasio :

Pour mieux le comprendre, évoquons deux grandes théories : celle du conatus, du philosophe néerlandais Baruch Spinoza, et celle de la pyramide des besoins, du psychologue Abraham Maslow. Au XVIIe siècle, dans son ouvrage majeur, L’Éthique, Spinoza affirme que « chaque chose, selon sa puissance d’être, s’efforce de persévérer dans son être ». Cet effort (conatus en latin) est une loi universelle de la vie, comme le confirme le célèbre neurologue portugais Antonio Damasio, fervent disciple de Spinoza : « L’organisme vivant est construit de telle sorte qu’il préserve la cohérence de ses structures et de ses fonctions contre les nombreux aléas de la vie1. » Pour mieux le comprendre, évoquons deux grandes théories : celle du conatus, du philosophe néerlandais Baruch Spinoza, et celle de la pyramide des besoins, du psychologue Abraham Maslow. Au XVIIe siècle, dans son ouvrage majeur, L’Éthique, Spinoza affirme que « chaque chose, selon sa puissance d’être, s’efforce de persévérer dans son être ». Cet effort (conatus en latin) est une loi universelle de la vie, comme le confirme le célèbre neurologue portugais Antonio Damasio, fervent disciple de Spinoza : « L’organisme vivant est construit de telle sorte qu’il préserve la cohérence de ses structures et de ses fonctions contre les nombreux aléas de la vie1. » Spinoza constate ensuite que, de manière tout aussi naturelle, chaque organisme vivant essaye de progresser, de grandir, de parvenir à une plus grande perfection. Il observe enfin que, chaque fois qu’il y parvient, sa puissance vitale augmente, il est habité par un sentiment de joie, alors que chaque fois qu’il rencontre un obstacle, qu’il se sent menacé dans son être ou que sa puissance vitale diminue, il est envahi par un sentiment de tristesse. Toute l’éthique spinoziste consiste dès lors à organiser notre vie grâce à la raison, pour préserver l’intégrité de notre être et augmenter notre puissance d’agir et la joie qui l’accompagne. Spinoza met au jour deux mécanismes de la vie : se préserver et augmenter sa puissance vitale et d’action. Dit autrement, il nous explique que la sécurité et la croissance sont nos deux besoins les plus fondamentaux.

____________

NOTE

1 Antonio Damasio, Spinoza avait raison. Joie et tristesse. Le cerveau des émotions, Paris, Odile Jacob, 2013, p. 40.

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 1. Se sentir en sécurité, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, pp.17-18.

Bon, Spinoza ne semble pas d’accord avec Frédéric Lenoir. Pour Spinoza, « la sécurité et la croissance sont nos deux besoins les plus fondamentaux ». Le besoin du lien n’est plus dans le décor, à moins qu’il faille le déterminer comme un moyen et non pas comme un besoin.

Je comprends ces différences dans le fait que Frédéric Lenoir fait le tour de la question avec différents points de vue.

J’aime bien quand Frédéric Lenoir nuance : « Il ne faut donc pas faire un absolu de la hiérarchisation des besoins de Maslow. » Personnellement, je ne vois pas en quoi il fut utile de parler de la pyramide des besoins de Maslow s’il faut s’en méfier. En abordant le sujet, j’aurais tout de suite prévenu le lecteur des critiques à venir.

Le livre « Vivre ! dans un monde imprévisible » de Frédéric Lenoir s’inscrit dans le temps ordonnée par la crise mondiale du COVID-19. Il nous guide afin de surmonter le ou les traumatismes créés par l’épidémie. Après le chapitre 1, « Se sentir en sécurité », il consacre le deuxième à la résilience.

Dans ce deuxième chapitre, « Entrer en résilience », on trouve cette définition :

(…) La résilience désigne dès lors le processus psychique qui permet à un individu affecté par un traumatisme profond de se reconstruire, de trouver en lui, sans rien nier de ce choc, les ressources nécessaires pour avancer dans la vie. (…)

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 2. Entrer en résilience, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, p. 30.

Selon les dictionnaires Le Robert – Dico en ligne, la résilience est une « capacité » : « Capacité à surmonter les chocs traumatiques ». La Confédération des associations de proches en santé mentale du Québec va dans le même sens : « La résilience est la capacité, de chacun, à reprendre un nouveau développement psychologique, après avoir vécu une épreuve significative. Les individus résilients vont avoir la capacité de s’adapter de manière flexible et ingénieuse aux situations qu’ils ne peuvent pas contrôler. En effet, ils vont puiser dans leurs qualités personnelles afin de modifier leurs comportements étant donné les nouveaux contextes auxquels ils font face. »

Pour le dictionnaire Larousse, la résilience est une « aptitude » : « Aptitude d’un individu à se construire et à vivre de manière satisfaisante en dépit de circonstances traumatiques ». Le dictionnaire USITO de l’Université de Sherbrooke (Québec, Canada) parle aussi d’une « aptitude » : « Aptitude à faire face avec succès à une situation représentant un stress intense ainsi qu’à se ressaisir, à s’adapter et à réussir à vivre et à se développer positivement en dépit de ces circonstances défavorables. »

« Processus » ou « Aptitude », la résilience implique nécessairement des « Attitudes », notamment mais pas exclusivement, celle engendrée par le traumatisme et qui vient d’en détrôner une autre désormais désuète. S’il faut parler de processus psychique, ce dernier doit conduire non seulement à un réajustement de ses perceptions et de ses valeurs mais aussi et surtout de son comportement face à l’adversité. Or, les changements de comportement surviennent généralement à la suite d’un traumatisme en raison de la nouvelle attitude qu’il a entraîné. On peut aussi associer les changements de comportement à des révélations soudaines de vérité permettant de se rendre à l’évidence d’une nouvelle compréhension de soi et/ou du monde.

Le processus de résilience fait l’objet de nombreuses recherches et théorie, mais on peut schématiquement évoquer trois étapes principales après le traumatisme : la résistance, l’adaptation et la croissance. Lorsqu’on est déstabilisé et en souffrance, on commence par résister, par se protéger pour éviter ce qui nous affecte. Cette première étape peut être salutaire, car il est souvent nécessaire de lutter contre l’angoisse et les effets destructeurs du traumatisme. Mais elle peut conduire à des mécanismes de défense extrêmes (déni, clivage, refuge dans une bulle psychique protectrice…) qui n’aideront pas la personne à guérir. Pour avancer, il est nécessaire de regarder la réalité en face et de tenter de nous adapter au mieux de la situation. Cette étape est cruciale, dans le processus de résilience, car elle signifie que nous ne sommes pas dans le déni, dans le refus du réel, dans une attitude passive. Nous agissons en prenant acte du caractère inéluctable de l’épreuve que nous traversons, de notre douleur physique ou psychique, et nous cherchons le meilleur moyen de nous adapter à cette situation difficile. La croissance nous conduit plus loin encore : il ne s’agit plus seulement de moins souffrir, mais de s’appuyer sur ce traumatisme pour grandir, évoluer, aller plus loin. La fameuse formule de Nietzsche dans Le Crépuscule des idoles l’exprime très bien : « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ».

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 2. Entrer en résilience, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, pp. 31-32.

La résistance « car il est souvent nécessaire de lutter contre l’angoisse et les effets destructeurs du traumatisme » ? Résister demande une somme considérable d’énergie à la personne qui, déjà, épuisée par la souffrance voire un mal-être profond, en dispose très peu. Je doute donc de l’efficacité de cette étape au profit d’une bonne hygiène de vie en prescription d’une baisse du stress post-traumatique.

À la suite de la résistance en première étape, voici la deuxième étape : « Pour avancer, il est nécessaire de regarder la réalité en face et de tenter de nous adapter au mieux de la situation. Cette étape est cruciale, dans le processus de résilience, car elle signifie que nous ne sommes pas dans le déni, dans le refus du réel, dans une attitude passive. » Traumatisé et conscient de l’être, on ne peut certainement pas être dans le déni de la cause et de son état. C’est la compréhension qui fait défaut. Nous avons le nez collé sur la réalité et dans l’incapacité de la regarder avec le recul nécessaire. Ainsi, la deuxième étape est de prendre du recul face au traumatisme et notre réaction face à ce dernier.

Pour prendre ce recul face à la réalité, Henri Laborit, médecin chirurgien, neurobiologiste, éthologue, eutonologue et philosophe, propose la fuite dans son livre « Éloge de la fuite » (voir aussi le livre en ligne en accès libres en format PDF). Il faut s’éloigner de la réalité et ainsi prendre du recul face à elle. Aussi bien fuir la vallée pour les sommets.

Henri Laborit - Éloge de la fuite - «Se révolter, c’est courir à sa perte, car la révolte, si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l’intérieur du groupe, et la révolte, seule, aboutit rapidement à la soumission du révolté… Il ne reste plus que la fuite.» Henri Laborit pose, à la lumière des découvertes biologiques, la question de notre libre arbitre, de notre personnalité même. La politique, la société, tout prend dès lors une autre dimension.
Henri Laborit – Éloge de la fuite – «Se révolter, c’est courir à sa perte, car la révolte, si elle se réalise en groupe, retrouve aussitôt une échelle hiérarchique de soumission à l’intérieur du groupe, et la révolte, seule, aboutit rapidement à la soumission du révolté… Il ne reste plus que la fuite.» Henri Laborit pose, à la lumière des découvertes biologiques, la question de notre libre arbitre, de notre personnalité même. La politique, la société, tout prend dès lors une autre dimension.

AVANT-PROPOS

Quand il ne peut plus lutter contre le vent et la mer pour poursuivre sa route, il y a deux allures que peut encore prendre un voilier : la cape (le foc bordé à contre et la barre dessous) le soumet à la dérive du vent et de la mer, et la fuite devant la tempête en épaulant la lame sur l’arrière, avec un minimum de toile. La fuite reste souvent, loin des côtes, la seule façon de sauver le bateau et son équipage. Elle permet aussi de découvrir des rivages inconnus qui surgiront à l’horizon des calmes retrouvés. Rivages inconnus qu’ignoreront toujours ceux qui ont la chance apparente de pouvoir suivre la route des cargos et des tankers, la route sans imprévu imposée par les compagnies de transport maritime.

Vous connaissez sans doute un voilier nommé «Désir ».

LABORIT, Henri, Éloge de la fuite, Collection Folio essais – no7, Éditions Gallimard, 2025 (Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1976) , Paris, p. 4.

Vue de loin, la réalité nous semblera plus abordable. Il sera plus aisé de s’y adapter.

Cela nous ramène à l’angoisse. Comment donner une « idée de l’Homme » sans parler d’elle? Je pense que l’on n’a pas suffisamment insisté jusqu’ici sur cette idée simple que le système nerveux avait comme fonction fondamentale de nous permettre d’agir. Le phénomène de conscience chez l’homme, que l’on a évidemment rattaché au fonctionnement du système nerveux central, a pris une telle importance, que ce qu’il est convenu d’appeler « la pensée » a fait oublier ses causes premières, et qu’à côté des sensations il y a l’action. Or, nous le répétons, celle-ci nous parait tellement essentielle que lorsqu’elle n’est pas possible, c’est l’ensemble de l’équilibre d’un organisme vivant qui va en souffrir, quelquefois jusqu’à entraîner la mort. Et ce fait s’observe aussi bien chez le rat que chez l’homme, plus souvent chez le rat que chez l’homme, car le rat n’a pas la chance de pouvoir fuir dans l’imaginaire consolateur ou la psychose. Pour nous, la cause primordiale de l’angoisse c’est donc l’impossibilité de réaliser l’action gratifiante, en précisant qu’échapper à une souffrance par la fuite ou par la lutte est une façon aussi de se gratifier, donc d’échapper à l’angoisse.

LABORIT, Henri, Éloge de la fuite, Une idée de l’Homme, Collection Folio essais – no7, Éditions Gallimard, 2025 (Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1976) , Paris, p. 21.

Personnellement, la première étape de ma fuite consiste et refermé la porte derrière moi, à ne plus permettre à la source du traumatisme de m’atteindre. Je coupe donc tous les liens avec le passé pour me concentrer sur le moment présent. Et je me permets avec un malin plaisir d’en informer cette source. Évidemment, cela fonctionne beaucoup mieux si je ne suis pas moi-même la cause de mon traumatisme. Car, dans ce cas, je ferme la porte à une part de moi-même, ce qui peut s’avérer périlleux.

Envisagée sous cet aspect, la création est bien une fuite de la vie quotidienne, une fuite des réalités sociales, des échelles hiérarchiques, une fuite dans l’imaginaire.

LABORIT, Henri, Éloge de la fuite, Une idée de l’Homme, Collection Folio essais – no7, Éditions Gallimard, 2025 (Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1976) , Paris, p. 23.

C’est donc dans mon imaginaire que je cherche le meilleur moyen de m’adapter à cette situation difficile.Mais le verbe d’action « adapter » ne me plaît pas réellement puisque je viens de fuit cette situation difficile pour me réfugier dans mon imaginaire créatif. Par ma fuite, j’abandonne cette situation difficile à elle-même et je me concentre sur le nouveau présent réservant mon énergie à la création d’un nouvel avenir.

La troisième étape proposée par Frédéric Lenoir se lit comme suit : « La croissance nous conduit plus loin encore : il ne s’agit plus seulement de moins souffrir, mais de s’appuyer sur ce traumatisme pour grandir, évoluer, aller plus loin. » Personnellement, je ne reconnais aucune source de créativité au traumatisme, donc de m’y appuyer « pour grandir, évoluer, aller plus loin. » Je ne pas de ceux qui cherchent à retourner une situation négative en situation positive. Au diable ! La situation négative. Je la fuis comme la peste.

Mais une étape s’impose avant la fuite : me relever, regarder en arrière pour voir si la situation difficile dans laquelle je me trouve est la conséquence d’une erreur de ma part. Il n’est pas question de vite me relever pour foncer tête baissée vers l’avant. Je ne souhaite pas répéter la même erreur à l’avenir. À elle seule, cette étape me valorise.

Je ne comprends pas l’usage du terme « croissance » dans cette troisième étape. La directive qu’il faille « grandir, évoluer, aller plus loin » et ainsi croître me pèserait sur les épaules comme une injonction. Or, en situation difficile suite à un traumatisme, j’ai besoin de toute ma liberté pour fuir, créer et décider de mon nouvel avenir. Je ne cherche pas nécessairement à être meilleur et, pour ce faire à aller plus loin.

La psychologie prescrit de chercher à être meilleur tout au long de notre vie, un travail sans fin jusqu’à la mort. Un fois au sommet de la montagne, on découvre une autre montagne à gravir plus haute que la première et ainsi de suite. La vie n’est pas une suite d’escalades de montagnes plus hautes les unes que les autres.

Enfin, je n’adhère à l’idée de Nietzsche dans le Crépuscule des idoles à l’effet que « Ce qui ne me tue pas me rend plus fort ». Je n’ai pas constaté cela au cours de ma vie.  Je ne suis pas plus fort que la vie elle-même. Je ne trouve rien qui puisse me rendre plus fort dans les traumatismes que j’ai vécu difficilement à chaque fois, pas plus que quoique ce soit qui me rende plus fort dans le mon moi traumatisé. On peut toujours croire l’affirmation de Nietzsche mais est-ce une vérité universelle ? Certainement pas.

Une des qualité qui peut le mieux nous aider à nous adapter à une situation douloureuse subie, c’est l’humour. L’humour, on le sait depuis Aristote, et notamment l’autodérision (se moquer de soi), permet de mettre le tragique à distance. Puisqu’on ne peut rien changer à la situation pénible ou absurde, mieux vaut en rire ! (…)

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 3. S’adapter, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, p. 44.

L’humour, le rire, l’ironie sont au cœur d’un courant philosophique dont je me sens très proche : le taoïsme. Apparu en Chine vers le VIe siècle avant notre ère, le taoïsme valorise l’humour comme facteur de détachement. Le rire nous permet de nous détacher d’une situation douloureuse, absurde, inconfortable, par la force de l’esprit. De prendre du recul et donc de faire preuve d’adaptabilité. (…)

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 3. S’adapter, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, p. 46.


Au Québec l’humour est une industrie culturelle très importante.


Le titre du quatrième chapitre trahit toute philosophie au profit de la psychologie positive et du développement personnel : « Cultiver le plaisir et les émotions positives ».

Lorsque nous sommes fragilisés, angoissés, déstabilisés, il n’y a sans doute pas de meilleur remède que de rechercher ce qui nous procure du plaisir ou de la joie : savourer des mets qu’on aime, faire du sport, cultiver son jardin, s’adonner à une activité créatrice, se promener dans la nature, téléphoner à un ami cher, écouter un morceau de musique qui nous apaise, faire du yoga, méditer, regarder un film qui nous met de bonne humeur, lire des poèmes, savourer un bon verre de vin… Cela m’évoque aussi ce qu’affirme Spinoza dans son livre IV de l’Éthique : « Un affect ne peut être supprimé ou contrarié que par un affect plus fort que l’affect à contrarier3. » Tout est dit : on ne peut quitter une émotion ou un sentiment de peur, de tristesse, de colère, une dépression, qu’en mobilisant une autre émotion ou sentiment positif : du plaisir, de la gratitude, de l’amour, de la joie. De manière générale, mais davantage encore en période de crise, recherchons toute expérience qui nous procure des émotions positives, de la satisfaction de vivre.

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NOTE

3 Spinoza, Éthique, IV, proposition 7.

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 4. Cultiver le plaisir et les émotions positives, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, pp 57-58.

Il n’y a rien qui me tombe plus sur les nerfs, et cela depuis mon adolescence, que la pensée positive.

La pensée positive désigne un mouvement pseudo-scientifique créé en 1952 par le pasteur Norman Vincent Peale et véhiculé dans les années 2010 par différents acteurs œuvrant dans le secteur économique du développement personnel.

Qui a inventé la pensée positive ?

Histoire. La psychologie positive a officiellement commencé aux États-Unis, en 1998, par le discours de Martin Seligman, nommé président de l'Association américaine de psychologie (APA) lors du congrès annuel de cette association.

Pensée positive, Wikipédia.
En fait, le terme « psychologie positive » a été inventé par Maslow dans son livre « Motivation et personnalité » (Maslow, 1954). Maslow détestait la préoccupation de la psychologie pour le désordre et le dysfonctionnement, affirmant qu'elle manquait d'une compréhension précise du potentiel humain.

Positive Psychology, 3 Dec 2024, The 5 Founding Fathers and A History of Positive Psychology, 12 Feb 2015 by Jo Nash, Ph.D., Scientifically reviewed by Tiffany Sauber Millacci, Ph.D.

« Sois positif ! » NON ! Je préfère et de loin être réaliste. Quand un malheur traumatisant m’accable, je ne mange pas mes émotions pour me vautrer dans les plaisirs de la table. Franchement, il tel conseil de la part d’un philosophe ! Et je ne vais pas « Ralentir et savourer l’instant » (chapitre 5)… Quel instant ! Celui de ma souffrance ! Celui de la dégustation d’un bon plat ? Ne suis-je pas immobiliser par l’angoisse ? Dans mon cas, j’ai déjà fui.

Puis, Frédéric Lenoir nous invite à « Resserrer les liens » dans le sixième chapitre de ce livre. Il nous laisse croire à une approche philosophique avec la première phrase de ce chapitre : « “L’Homme est un animal social” affirmait Aristote. Il est dans sa nature de vivre en relation étroite avec ses semblables, comme d’ailleurs la plupart des animaux. » Mais la philosophie prend vite le bord au profit de la psychanalyse en remontant à l’enfance, pour ne pas dire, au fœtus.

Le « développeur » personnel propose ensuite de « Donner du sens » dans son septième chapitre.

Après les étapes de résistance et d’adaptation, le processus de résilience – de reconstruction et de croissance intérieure – s’approfondit avec le resserrement de nos liens affectifs et sociaux, mais aussi par notre capacité à donner du sens à notre vie. Je dis bien « donner du sens à notre vie » et non « chercher le sens de la vie ». En effet, il ne s’agit pas tant qu’un questionnement métaphysique sur le sens de la vie humaine, si important soit-il, que de chercher à donner du sens à sa propre existence. Peut-être existe-t-il autant de sens que d’individus, peu importe. Ce qui compte, pour mieux vivre, mais aussi pour se reconstruire après un traumatisme, c’est que chaque individu puisse donner une signification à son existence.

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 7. Donner du sens, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, p. 87.

Quel philosophe recommande d’éviter « (…) un questionnement métaphysique sur le sens de la vie humaine (…) » lorsque vient le temps de donner du sens à sa vie ? Si je m’accorde aisément avec l’affirmation « Je dis bien “donner du sens à notre vie” et non “chercher le sens de la vie”. » Je crois que la vie n’a pas de sens en elle-même, qu’il faut lui en donner un. Mais, prudence, seul un sens partagé me satisfait par souci de mon humanité et non pas limité à mon existence personnelle. Je suis un Homme avant d’être un individu. Quant à resserrer les liens, aussi bien embrasser l’humanité. Après tout, c’est dans ma nature.

Face à un obstacle ou à une épreuve, nous demeurons libre de faire « contre mauvaise fortune bon cœur », comme le dit si bien l’expression populaire, ou bien de nous « ronger les sangs ». Nous demeurons libres de voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, de cherche à nous adapter au mieux, ou pas, à une situation déstabilisante. Et notre plus bel acte de liberté intérieure sera même de savoir utiliser une blessure, une contrainte, une maladie, un échec, un traumatisme de vie pour mobiliser nos ressources intérieures et grandir. C’est le sommet de la résilience, et les personnes qui ont fait ce chemin sont souvent les plus belles et les plus humaines qui soient.

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 8. Devenir libre, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, p. 103.

Comment un le plus bel acte de liberté intérieure peut être de savoir ? Frédéric Lenoir est-il en train de me dire que je suis libre de savoir ? Savoir « utiliser une blessure, une contrainte, une maladie, un échec, un traumatisme de vie pour mobiliser nos ressources intérieures et grandir ». Utiliser pour mobiliser ? Il me faut mobiliser avant d’utiliser.

Et je dois savoir utiliser ma blessure, ma contrainte, ma maladie, mon échec, mon traumatisme de vie pour grandir. Il vaut mieux faire table rase plutôt que de tourner le fer dans la plaie.

Il fallait bien un chapitre sur la mort et c’est le neuvième : « Apprivoiser la mort ».

Agissons donc avec raison et apprenons à apprivoiser la mort, c’est-à-dire à vivre avec l’idée que nous mourrons tous un jour et qu’elle fait partie intégrante de la vie… ne serait-ce que parce que si la mort n,existait pas, la vie sur Terre serait impossible ! (…)

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 9. Apprivoiser la mort, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, p. 114.

(…) Si le sage n’a pas peur de la mort, c’est qu’il est dans une profonde acceptation de la vie et de ses lois : la naissance, la croissance, le déclin, la mort. (…)

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 9. Apprivoiser la mort, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, p. 115.

Chapitre 10, « Agir et consentir » :

(…) Mais nous ne pouvons pas aller jusqu’au bout du processus de guérison intérieure qui si nous apprenons aussi à aimer la vie de manière inconditionnelle. Nous découvrirons alors que le bonheur et la joie sont en nous et non dans les conditions extérieures. Qu’ils résident dans notre capacité d’agir et de réagir, dans le regard que nous portons sur nous-mêmes et sur le monde. Comme le dit encore Épictète dans son Manuel : « Ce qui tourmente les Hommes, ce n’est pas la réalité, mais les jugements qu’ils portent sur elle. » Formule saisissante qui fait écho à celle de Tilopa, un moine bouddhiste du IXe siècle : « Ce ne sont pas les choses qui te lient, mais ton attachement aux choses. » Autrement dit, le bonheur, la sérénité ou la satisfaction de notre existence ne dépendent pas tant des événements toujours aléatoires du monde extérieur (santé, richesse, honneurs, etc.) que de l’harmonie de notre monde intérieur.

LENOIR, Frédéric, Vivre ! dans un monde imprévisible – Manuel de résilience pour surmonter les crises, chapitre 10. Agir et consentir, Le Livre de Poche, 2 juin 2021, pp. 129-130.

L’idée que le bonheur et la joie sont en moi, déjà en moi, ne me plaît du tout. À ce compte, le malheur est aussi en moi, et non pas dans les conditions extérieures. Ça ne tient pas la route. Qui plus est, je ne cherche pas le bonheur et la joie. Je les construis. Mon bonheur, s’il doit loger quelque part, est en l’Autre, dans l’Autre.


Si vous êtes un amateur de développement personnel légèrement épicé de philosophie, le livre Vivres ! dans un monde imprévisible de Frédéric Lenoir est pour vous. Votre bonheur durera le temps de la lecture de ce livre. C’est mieux que rien.

J’accorde à ce livre deux étoiles sur cinq.


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Article #125 – La Fatigue d’être soi – Dépression et société, Alain Ehrenberg, Éditions Odile Jacob, 1998.

Alain Ehrenberg

La Fatigue d’être soi

Dépression et société


Ce livre est accessible gratuitement sur le site CAIRN.INFO, section de l’université Laval (Québec)


Date de parution : 1 octobre 1998

Langue : Français

Éditeur : ODILE JACOB

Catégories : Psychologie / Psychologie/Psychiatrie

Nombre de pages : 318 pages

Support : Livre imprimé à couverture souple

Mesure : 24.0 cm (Hauteur), 16 cm (Largeur), 368 gr (Poids)

Ouvrage proposé par Édouard Zarifian

© ODILE JACOB, 1998, FÉVRIER 2008

15, RUE SOUFFLOT, 75005 PARIS

http://www.odilejacob.fr

ISBN : 978-2-7381-7531-1


QUATRIÈME DE COUVERTURE

Fatigue, inhibition, insomnie, anxiété, indécision : la plupart des difficultés rencontrées dans la vie quotidienne sont aujourd’hui assimilées à de la dépression. Pourquoi ce « succès » de la dépression ? Croisant l’histoire de la psychiatrie et celle des modes de vie, Alain Ehrenberg suggère que cette « maladie » est inhérente à une société où la norme n’est plus fondée sur la culpabilité et la discipline, mais sur la responsabilité et l’initiative ; elle est la contrepartie de l’énergie que chacun doit mobiliser pour devenir soi-même. Et si la dépression était surtout le révélateur des mutations de l’individu ?

Sociologue, Alain Ehrenberg dirige le groupement de recherche « Psychotropes, Politique, Société » du CNRS. La Fatigue d’être soi est le troisième volet d’une recherche qui, après Le Culte de la performance (1991) et L’Individu incertain (1995), s’attache à dessiner les figures de l’individu contemporain.

Source : Éditions Odile Jacob.


AU SUJET DE L’AUTEUR

Alain Ehrenberg

Sociologue, Alain Ehrenberg dirige le groupement de recherche « Psychotropes, Politique, Société » du CNRS. La Fatigue d’être soi est le troisième volet d’une recherche qui, après Le Culte de la performance (1991) et L’Individu incertain (1995), s’attache à dessiner les figures de l’individu contemporain.


Présentation

Mes recherches portent sur les transformations de la liberté et de l’égalité par les valeurs et les normes de l’autonomie à travers le vaste domaine de la « santé mentale ». Ils visent à mettre en lumière les nouvelles articulations entre le commun et le chacun dans une forme de vie imprégnée par les représentations collectives de l’autonomie.

Après avoir travaillé quelques années sur l’histoire du dressage militaire (Le Corps militaire. Politique et pédagogie en démocratie, 1983) un premier ouvrage a été consacrée à la diffusion de ces représentations collectives en France via les transformations de la compétition, de l’esprit d’entreprise et de la consommation (Le Culte de la performance, 1991), un deuxième à l’ascension d’une nouvelle culture de la souffrance psychique (L’Individu incertain, 1995), un troisième a consisté en une étude de cas permettant de mettre en relation les nouvelles manières d’agir et de subir en société via la dépression (La Fatigue d’être soi. Dépression et société, 1998, traduit en six langues).
Mon approche a ensuite évolué vers une approche comparative. Mon précédent livre, La Société du malaise (2010, traduit en italien et en allemand) traitait de la version psychanalytique de la condition autonome, dans ses variantes américaine et française, en mettant en question le thème canonique de l’opposition entre l’individu et la société. La Mécanique des passions. Cerveau, comportement, société (2018), un livre sur les neurosciences cognitives en tant que phénomène social s’attaque à la version neuroscientifique de la condition autonome à travers un autre grand thème canonique : l’opposition entre le biologique et le social. Source : Centre de recherche, médecine, sciences, santé, santé mentale, société – UMR CNRS 8211 – Unité Inserm 988 – EHESS – Université Paris Cité.


Curriculum Vitæ – Alain Ehrenberg – Sociologue, directeur de recherche au CNRS (PDF)


TABLE DES MATIÈRES


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EXTRAIT

Introduction

L’INDIVIDU SOUVERAIN OU LE RETOUR DE LA NERVOSITÉ

Cet extrait est disponible sur les site web des Éditions Odile Jacob

Cet extrait est aussi disponible sur le site web leslibraires.ca

La dépression décline aujourd’hui les différentes facettes du malheur intime. Au cours des années 1940, elle n’est qu’un syndrome repérable dans la plupart des maladies mentales et ne fait l’objet d’aucune attention dans nos sociétés. En 1970, la psychiatrie montre, chiffres à l’appui, qu’elle est le trouble mental le plus répandu dans le monde, tandis que les psychanalystes perçoivent une nette croissance des déprimés parmi leur clientèle. Elle capte aujourd’hui le regard psychiatrique comme les psychoses il y a cinquante ans. C’est sa réussite médicale. Parallèlement, quotidiens et magazines la tiennent pour une maladie à la mode, voire pour le mal du siècle. La dépression s’est transformée en outil pratique pour définir nombre de nos malheurs et les alléger éventuellement par des moyens multiples. Or les mots anxiété, angoisse ou névrose auraient pu prétendre au même succès par la généralité des troubles qu’ils désignent. C’est sa réussite sociologique.

Pourquoi et comment la dépression s’est-elle imposée comme notre principal malheur intime ? Dans quelle mesure est-elle révélatrice des mutations de l’individualité à la fin du XXe siècle ? Telles sont les deux questions auxquelles s’attache cette exploration du continent dépressif.

La dépression est une zone morbide particulièrement privilégiée pour comprendre l’individualité contemporaine, à savoir les nouveaux dilemmes qui en sont le lot. Elle occupe en psychiatrie une position carrefour pour une excellente raison : hier comme aujourd’hui, les psychiatres ne savent pas la définir. Dès lors, elle autorise une rare plasticité d’usages. Le « choix » de la dépression résulte de la combinaison d’éléments internes à la psychiatrie et de changements normatifs profonds dans nos modes de vie. Elle n’est certes pas la première maladie à la mode. L’hystérie et, surtout, la neurasthénie ont connu, à la fin du XIXe siècle, un succès analogue. L’histoire de la dépression n’est d’ailleurs pas sans lien avec ces deux pathologies. Les nerveux de la fin du XXe siècle semblent atteints par un mal aussi insaisissable que l’hystérie. Nous jouerait-elle un de ses nouveaux tours ?

En 1898, un médecin pouvait écrire dans un ouvrage de vulgarisation : « Chacun sait aujourd’hui ce que veut dire le mot neurasthénie — c’est, avec le mot bicyclette, un des termes les plus usuels de ce temps1. » Il en va de même avec la dépression, et ce grâce au succès d’une médication fort célèbre. C’est donc par la molécule qu’il faut aborder les rivages de la question dépressive.

Dans le langage de tous les jours, Prozac2 s’est substitué à antidépresseur comme Frigidaire à réfrigérateur ou Kleenex à mouchoir en papier. Comment un médicament en est-il venu à incarner à lui tout seul l’espoir, sans doute déraisonnable, mais aujourd’hui des plus compréhensibles, de se débarrasser de la souffrance psychique ? Aujourd’hui et non hier. Pour qu’un remède mental puisse incarner un tel fantasme, pour que se produise une telle rencontre entre une médication et des aspirations sociales, il a fallu que ladite souffrance vienne progressivement occuper une place centrale dans nos sociétés. Le langage du for intérieur est à ce point entré dans nos usages que chacun l’emploie spontanément afin de dire quelque chose à propos de lui-même ou de l’existence : il fait corps avec nous.

La dépression amorce sa réussite au moment où le modèle disciplinaire de gestion des conduites, les règles d’autorité et de conformité aux interdits qui assignaient aux classes sociales comme aux deux sexes un destin ont cédé devant des normes qui incitent chacun à l’initiative individuelle en l’enjoignant à devenir lui-même. Conséquence de cette nouvelle normativité, la responsabilité entière de nos vies se loge non seulement en chacun de nous, mais également dans l’entre-nous collectif. Cet ouvrage montrera que la dépression en est l’envers exact. Cette manière d’être se présente comme une maladie de la responsabilité dans laquelle domine le sentiment d’insuffisance. Le déprimé n’est pas à la hauteur, il est fatigué d’avoir à devenir lui-même.

Mais que signifie devenir soi ? La question n’est simple qu’en apparence. Elle soulève d’épineux problèmes de frontières : entre le permis et le défendu, le possible et l’impossible, le normal et le pathologique. L’intime, aujourd’hui, joue des rapports instables entre culpabilité, responsabilité et pathologie mentale.

Cette enquête est le troisième volet d’un travail visant à dessiner les contours de l’individu contemporain, c’est-à-dire le type de personne qui s’institue au fur et à mesure que nous sortons de la société de classes, du style de représentation politique et de régulation des conduites qui lui était attaché. Une première recherche tendait à montrer comment la montée en puissance des valeurs de la concurrence économique et de la compétition sportive dans la société française avait propulsé un individu-trajectoire à la conquête de son identité personnelle et de sa réussite sociale, sommé de se dépasser dans une aventure entrepreneuriale. Un second travail décrivait comment cette conquête s’accompagnait d’un souci inédit pour la souffrance psychique. Deux problèmes relevant des pratiques de masse étaient passés au crible : les mises en scène de soi avec les programmes télévisuels où des vies ordinaires se donnent en pâture, les techniques d’action sur soi avec les psychotropes qui stimulent l’humeur et multiplient les capacités individuelles sur le mode du dopage en sport3.

Une enquête sur l’histoire de la notion psychiatrique de dépression s’est ensuite imposée parce que le débat public tend depuis peu à rapprocher confusément médicaments psychotropes, qui traitent les pathologies mentales, et drogues illicites, qui modifient nos états de conscience. La différence entre les deux classes de psychotropes n’est plus aussi nette que la médecine le pensait (à juste titre) dans les années 1950, période au cours de laquelle sont découverts les médicaments de l’esprit. Il nous faudra de plus en plus vivre avec des psychotropes améliorant l’humeur, augmentant la maîtrise de soi et adoucissant peut-être les chocs de l’existence : autant prendre la mesure du mode de vie qu’ils révèlent.

Le succès médical et sociologique de la notion de dépression ne va en effet pas sans poser problème, comme en témoignent les polémiques confuses et décisives sur le Prozac : au bonheur sur ordonnance répond la chimie du désespoir ; à la médicalisation du mal-être s’oppose la dépression en tant qu’authentique maladie ; à la publicité faisant l’éloge d’un médicament miracle répond la contre-publicité d’une drogue sans toxicité ni risque de dépendance. La médicalisation de la vie est un phénomène général, mais elle semble poser des problèmes particuliers en psychiatrie.

L’ambivalence du Prozac ne tient pas à ce qu’il soit, comme tout médicament, remède et poison : on ne meurt pas d’une sur-dose de cet antidépresseur, alors que la dose létale est vite atteinte avec l’aspirine qui s’avère largement plus dangereuse. Nous en prenons bien en permanence pour alléger des symptômes de douleur, pourquoi devrait-il en être autrement avec un antidépresseur, à condition qu’il soit sans danger ? En suscitant l’espoir de surmonter toute souffrance psychique parce qu’ils stimuleraient l’humeur de personnes qui ne sont pas « véritablement » déprimées, la nouvelle classe d’antidépresseurs confortables, dont Prozac est le chef de file, incarne, à tort ou à raison, la possibilité illimitée d’usiner son intérieur mental pour être mieux que soi. On ne distinguerait plus se soigner de se droguer. Dans une société où les gens prennent en permanence des substances psychoactives qui agissent sur le système nerveux central et modifient ainsi articiellement leur humeur, on ne saurait plus ni qui est soi-même ni même qui est normal. Le « qui » apparaît comme le terme clé parce qu’il désigne le lieu où il y a un sujet. Assisterait-on à son éclipse ?

En effet, un lourd soupçon s’est manifestement installé : un bien-être artificiel prendrait insidieusement la place de la guérison. S’ensuit une série de questions non résolues. La souffrance est-elle utile ? et si oui, à quoi ? Allons-nous vers une société de confortables dépendances dans laquelle chacun prendra au quotidien sa pilule psychotrope ? Ne fabrique-t-on pas des hypocondriaques en masse ? Peut-on encore distinguer entre les malheurs et les frustrations de la vie ordinaire, et la souffrance pathologique ? Faut-il le faire ? Question des plus délicates, car elle suppose une distinction stable entre ce qui relève d’une « maladie » et ce qui n’en relève pas. Si la déontologie médicale contraint moralement le médecin à soulager la souffrance, même quand il ne peut guérir une maladie, pourquoi devrait-il en aller autrement en matière de souffrance psychique ?

Posé de cette manière, le problème reste obscur. Il faut donc dépasser les polémiques sur le traitement médicamenteux de la dépression par une mise en perspective historique.

Explorer les modes d’institution de la personne en suivant les avatars de la notion psychiatrique de dépression à partir des années 1940, moment où commence son histoire contemporaine avec l’usage de l’électrochoc, apportera quelques éclaircissements. Les transformations de la notion de personne sont un aspect de l’histoire de la démocratie. Elles concernent ses mœurs, ce que Montesquieu appelle l’esprit général d’une société : « Les lois sont établies, les mœurs sont inspirées ; celles-ci tiennent plus à l’esprit général, celles-là tiennent plus à une institution particulière4. »

Deux hypothèses sont ici proposées : la première porte sur la place prise par la dépression à la faveur des transformations normatives qu’a connues la société française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la seconde sur le rôle joué par la dépression dans les mutations de l’individualité pathologique en psychiatrie au cours de la même période. Ces deux hypothèses sont construites en fonction d’une grille d’interprétation dont les grandes lignes seront ensuite indiquées.

Rien n’est vraiment interdit, rien n’est vraiment possible

Les années 1960 ont ébranlé préjugés, traditions, entraves, bornes qui structuraient la vie de chacun. Les débats politiques, les bouleversements juridiques provoqués par ces changements sont les signes apparents d’un séisme profond. Nous sommes émancipés au sens propre du terme : l’idéal politique moderne, qui fait de l’homme le propriétaire de lui-même et non le docile sujet du Prince, s’est étendu à tous les aspects de l’existence. L’individu souverain, qui n’est semblable qu’à lui-même, dont Nietzsche annonçait la venue, est désormais une forme commune de vie.

C’est à ce point précis que l’on se méprend d’ordinaire à propos de l’individu. D’aucuns se contentent un peu légèrement de se lamenter sur la trop fameuse perte des repères de l’homme moderne, l’affaiblissement consécutif du lien social, la privatisation de l’existence qui en serait la cause, et le déclin de la vie publique la conséquence. Ces stéréotypes nous ramènent à des pleurnicheries sur le bon vieux temps. Illusions rétrospectives ! Querelles théologiques ! N’avons-nous rien gagné à cette liberté nouvelle ? Nous sommes bien plus confrontés à la confusion entre repères multiples qu’à leur perte (des nouvelles sagesses, philosophiques ou religieuses, aux programmes télévisuels destinés à donner du sens). L’offre accrue de repères n’est-elle d’ailleurs pas une condition sans laquelle cette liberté ne pourrait tout simplement pas exister ? Plutôt qu’à un déclin du public, nous avons affaire aux transformations des références politiques et des modes d’action publique qui se cherchent dans le contexte de l’individualisme de masse et de l’ouverture des sociétés nationales. Voulons-nous retourner dans l’étouffoir disciplinaire ? Plus encore, comment ferions-nous ? Il est temps d’aborder avec un minimum de sens historique et pratique la question de l’émancipation au lieu de s’apitoyer sur la souffrance qui désormais exsude de partout.

Cette souveraineté nouvelle ne nous rend pas tout-puissants ou libres de faire ce qui nous convient, elle ne signe pas le règne de l’homme privé. C’est là l’illusion individualiste même qui ne veut pas « convenir, selon Claude Lefort, que l’individu se dérobe à lui-même en se rapportant à lui-même, qu’il est aux prises avec son inconnu(e)5 ». Deux modifications fondamentales portant sur la place de la loi et celle de la discipline accompagnent cette souveraineté.

Le séisme de l’émancipation a d’abord bouleversé collectivement l’intimité même de chacun : la modernité démocratique — c’est sa grandeur — a progressivement fait de nous des hommes sans guide, nous a peu à peu placés dans la situation d’avoir à juger par nous-mêmes et à construire nos propres repères. Nous sommes devenus de purs individus, au sens où aucune loi morale ni aucune tradition ne nous indiquent du dehors qui nous devons être et comment nous devons nous conduire. De ce point de vue, le partage permis-défendu, qui normait l’individualité jusqu’aux années 1950-1960, a perdu de son efficacité. Le souci inflationniste pour le rappel de la loi, l’impérieuse nécessité de nouvelles références structurantes et de « limites-à-ne-pas-dépasser » trouvent là leur ressort. Le droit de choisir sa vie et l’injonction à devenir soi-même placent l’individualité dans un mouvement permanent. Cela conduit à poser autrement le problème des limites régulatrices de l’ordre intérieur : le partage entre le permis et le défendu décline au profit d’un déchirement entre le possible et l’impossible. L’individualité s’en trouve largement transformée.

Parallèlement à la relativisation de la notion d’interdit, la place de la discipline dans les modes de régulation de la relation individu-société s’est réduite. Ceux-ci ont moins recours à l’obéissance disciplinaire qu’à la décision et à l’initiative personnelles. Au lieu que la personne soit agie par un ordre extérieur (ou une conformité à la loi), il lui faut prendre appui sur ses ressorts internes, recourir à ses compétences mentales. Les notions de projet, de motivation, de communication sont aujourd’hui des normes. Elles sont entrées dans nos mœurs, elles sont devenues une habitude à laquelle, du haut en bas de la hiérarchie sociale, nous avons appris à nous adapter plus ou moins bien. Les acteurs publics et privés s’appuient sur ces notions ; on en use autant dans la gestion des entreprises que dans les politiques de réinsertion.

Faute d’intégrer dans notre réflexion ces transformations normatives, nous ne pourrons comprendre combien ont changé les relations aux inégalités, aux formes de domination et au politique. La mesure de l’individu idéal est moins la docilité que l’initiative. Ici réside l’une des mutations décisives de nos formes de vie, parce que ces modes de régulation ne sont pas un choix que chacun peut faire de manière privée, mais une règle commune, valable pour tous6 sous peine d’être mis en marge de la socialité. Ils tiennent à « l’esprit général » de nos sociétés, ils sont les institutions du soi7.

D’où une première hypothèse : la dépression nous instruit sur notre expérience actuelle de la personne, car elle est la pathologie d’une société où la norme n’est plus fondée sur la culpabilité et la discipline mais sur la responsabilité et l’initiative. Hier, les règles sociales commandaient des conformismes de pensée, voire des automatismes de conduite ; aujourd’hui, elles exigent de l’initiative et des aptitudes mentales. L’individu est confronté à une pathologie de l’insuffisance plus qu’à une maladie de la faute, à l’univers du dysfonctionnement plus qu’à celui de la loi : le déprimé est un homme en panne. Le déplacement de la culpabilité à la responsabilité ne va pas sans brouiller les rapports entre le permis et le défendu.

Laboratoire des ambivalences d’une société dans laquelle l’homme de masse est son propre souverain, la dépression est instructive au sens où elle rend visible ce double changement des contraintes structurant l’individualité : du côté intérieur, elles ne se montrent plus dans les termes de la culpabilité ; du côté extérieur, elles ne s’imposent plus dans les termes de la discipline.

Du point de vue d’une histoire de l’individu, peu importe qu’elle désigne un mal de vivre ou une vraie maladie : la dépression a ceci de particulier qu’elle marque l’impuissance même de vivre, qu’elle s’exprime par la tristesse, l’asthénie (la fatigue), l’inhibition ou cette difficulté à initier l’action que les psychiatres appellent « le ralentissement psychomoteur » : le déprimé, happé par un temps sans avenir, est sans énergie, englué dans un « rien n’est possible ». Fatigués et vides, agités et violents, bref, nerveux, nous mesurons dans nos corps le poids de la souveraineté individuelle. Déplacement décisif de la lourde tâche à bien se porter qui, selon Freud, est le lot du civilisé.

La dépression ou le déclin du conflit dans l’espace psychique

Le déplacement de la culpabilité à la responsabilité peut parfaitement être repéré en psychiatrie à condition de s’équiper d’une grille de lecture adéquate. Mais il faut d’abord formuler la seconde hypothèse.

L’individualisme en démocratie a cette singularité de reposer sur un double idéal : être une personne par soi-même — un individu — dans un groupement humain qui tire de lui-même la signification de son existence — une société. Nous ne sommes plus guidés par le religieux ni soumis à un souverain qui décide pour tous. Deux notions les ont remplacés, celle d’intériorité et celle de conflit.

Dans les sociétés démocratiques, l’esprit, plus encore que le corps, est l’objet de controverses interminables. Quelles que soient les avancées ou les découvertes des sciences biologiques, elles restent inaptes à mettre fin à la querelle sur l’esprit. Pas plus qu’en philosophie il n’y a aujourd’hui d’accord en neurobiologie8. Ces controverses s’imposent parce que nos croyances fondamentales sont ici en jeu. Au lieu d’une âme inséparable de la notion de péché, une nouvelle catégorie désigne le dedans de la personne : l’esprit, la psyché, le mental, bref, l’intériorité, cachée, dissimulée, mais manifestant son existence par des signes multiples. Sacrée comme l’âme, c’est un tabou pour les modernes qui ne peuvent la manipuler sans risque. L’intériorité est une fiction qu’ils ont fabriquée pour dire ce qui se passe à l’intérieur d’eux-mêmes. Mais cette fiction est aussi une vérité : nous y croyons comme d’autres croient en la métempsycose ou au pouvoir magique des ancêtres.

L’institutionnalisation du conflit permet la confrontation libre des intérêts contradictoires et l’obtention de compromis acceptables. Elle est la condition de la démocratie dans la mesure où elle permet de représenter sur une scène — politique — la division du social. De même, la conflictualité psychique est la contrepartie de l’autofondation qui caractérise l’individualité moderne. La notion de conflit est le moyen de maintenir un écart entre ce qui est possible et ce qui est permis. L’individu moderne est en guerre avec lui-même : pour être relié à soi, il faut être séparé de soi. Du politique à l’intime, la conflictualité est le noyau normatif du mode de vie démocratique.

De là, une deuxième hypothèse : le succès de la dépression repose sur le déclin de la référence au conflit sur laquelle s’est construite la notion de sujet que la fin du XIXe siècle nous a léguée. L’identification des notions de conflit et de sujet s’est faite avec l’invention de « la psychonévrose de défense » par Freud. Cet essai voudrait montrer que l’histoire psychiatrique de la dépression est caractérisée par la difficulté à en définir le sujet9.

Une autre difficulté à propos du « sujet » se voit dans un domaine voisin, celui des addictions ou des dépendances. Les psychiatres l’enseignent, l’addiction est un moyen de lutter contre la dépression : elle abrase les conflits par un comportement compulsif. Or addiction et dépression sont des thèmes qui se diffusent ensemble à partir des années 1970. L’une comme l’autre sont les manifestations d’une difficulté symbolique avec les notions de loi et de conflit.

Les addictions incarnent l’impossibilité d’une prise complète de soi sur soi : le drogué est l’esclave de lui-même, qu’il dépende d’un produit, d’une activité ou d’une personne. Sa capacité à faire sujet et, ce qui revient au même, à faire société est en cause. Il se trouve dans un rapport « impossible » à la loi. La liberté de mœurs, soit le déclin de la polarité permis/défendu, et le dépassement des limites qu’imposait la nature à l’humain, grâce aux progrès des sciences biologiques et de la pharmacologie, font que tout devient concrètement possible. Pour cette raison, le drogué est aujourd’hui la figure symbolique employée pour définir les visages d’un anti-sujet. C’était le fou qui occupait autrefois cette place. Si la dépression est l’histoire d’un introuvable sujet, l’addiction est la nostalgie d’un sujet perdu.

Comme la névrose guettait l’individu divisé par ses conflits, déchiré par un partage entre ce qui est permis et ce qui est défendu, la dépression menace un individu apparemment émancipé des interdits, mais certainement déchiré par un partage entre le possible et l’impossible. Si la névrose est un drame de la culpabilité, la dépression est une tragédie de l’insuffisance. Elle est l’ombre familière de l’homme sans guide, fatigué d’entreprendre de devenir seulement lui-même et tenté de se soutenir jusqu’à la compulsion par des produits ou des comportements.

De la névrose à la dépression et à l’addiction, j’explorerai la façon dont nous sommes passés d’une expérience collective de nous-mêmes à une autre, je tenterai de suivre quelques mutations de la subjectivité à travers celles de ses pathologies.

Le « déficit » et le « conflit », grille de lecture pour une histoire de la dépression

La constitution de la notion de névrose à la fin du XIXe siècle offre cette grille de lecture éclairant les déplacements de la culpabilité à la responsabilité. À la conception de Freud s’oppose celle de son grand concurrent : Pierre Janet. L’affaire est bien connue des historiens de la psychiatrie et de la psychanalyse. Freud et Janet ont modernisé la vieille nervosité en créant la notion du psychique ; ils ont rendu acceptable l’idée que l’esprit peut être malade sans qu’il y ait besoin d’une cause organique et ont « inventé » la psychothérapie en intégrant la vieille hypnose des charlatans dans la science médicale. Leurs oppositions sont notoires, mais j’en isole une parce qu’elle permet, me semble-t-il, d’interpréter les métamorphoses de la dépression en les reliant à celle de l’individualité. Freud pense la névrose à partir du conflit alors que Janet se réfère à un déficit ou à une insuffisance. S’il existe indubitablement un sujet de ses conflits, car le patient est considéré comme un agent, c’est beaucoup moins évident pour le déficit.

Cette étude historique sur la dépression se déroulera en trois temps. L’alliance subtile entre le déficit et le conflit fournira à la psychiatrie la référence pour traiter la dépression d’un sujet malade, paradigme de départ de la dépression contemporaine (première partie). Lorsque cette alliance se brisera au cours des années 1970, la névrose amorcera son déclin. La dépression sortira du champ médical sans qu’aucune innovation pharmacologique ne soit le vecteur de son expansion, mais dans un contexte où l’émancipation conduit à un changement de place de l’interdit, la culpabilité se dissimulant sous la montée de la responsabilité. Elle devient une maladie à la mode bien avant que ne soient lancés les antidépresseurs de type Prozac, bien avant aussi que notre société ne succombe au pessimisme d’aujourd’hui. La dépression apparaîtra non comme une pathologie du malheur, mais comme une pathologie du changement, celle d’une personnalité qui cherche à être seulement elle-même : l’insécurité intérieure sera le prix de cette « libération » (deuxième partie). À partir des années 1980, la dépression entre dans une problématique où dominent non pas tant la douleur morale que l’inhibition, le ralentissement et l’asthénie : l’ancienne passion triste se transforme en une panne de l’action, et cela dans un contexte où l’initiative individuelle devient la mesure de la personne. La notion de guérison entre parallèlement en crise à mesure que la dépression est redéfinie comme une maladie chronique sur le modèle du diabète. Mais parce qu’il s’agit d’esprit, cette chronicité conduit à une interrogation identitaire qui n’existait pas au cours des années 1960 : drogue ou médicament ? La dépression et l’addiction dessinent alors l’envers de l’individu de la fin du XXe siècle.

Note sur la démarche

Le mot clé de cette démarche est : éclaircissement. Elle consiste à mettre en relief les arguments contradictoires qui ont forgé l’image savante et populaire de la dépression. L’intention critique est donc politique. Elle vise moins une vérité scientifique qu’une contribution au débat public, elle cherche moins à juger qu’à comprendre. La critique sociale doit être à la fois réaliste en décrivant des mondes vraisemblables, prescriptive en évaluant des mondes vivables, et politique en proposant des démarches intellectuelles qui rendent l’action possible.

La dépression, comme toute pathologie mentale, ne fait pas partie des maladies assignables dans une partie du corps humain. Pour qui s’intéresse à l’histoire ou à l’anthropologie des catégories psychiatriques et des troubles mentaux, un double écueil en résulte : un penchant positiviste en sciences de la vie réduisant ces troubles à de purs dérèglements biologiques ; un penchant relativiste en sciences sociales ne prenant pas en compte la dimension biologique de l’humain et dissolvant la réalité de la pathologie dans des fonctions purement sociales (étiqueter une déviance, gérer certains désordres ou contrôler des comportements inadéquats). Le sociologue se contente trop souvent d’aborder ces questions en termes de médicalisation du mal-être10 ou de psychologisation des rapports sociaux. Ces deux penchants sont sans doute un aspect non négligeable de la difficulté à penser la place sociale de la notion de psychique dans nos sociétés.

Comment apprendrions-nous que souffrir, c’est ceci ou cela si nous n’avions pas les mots pour le dire ? Or la psychiatrie fournit précisément ce langage parce qu’elle est la seule spécialité médicale chargée du domaine de la personne pathologique. Si la dimension psychologique peut avoir une importance en dermatologie ou en cancérologie, la psychiatrie est un système de pratiques normées dont l’objet est l’individualité pathologique. Elle est un savoir privilégié pour observer comment les relations individu-société se transforment simultanément. D’où l’insistance de ce travail non sur les pratiques psychiatriques, mais sur le raisonnement psychiatrique, c’est-à-dire sur le type d’expérience de la personne qu’il perçoit et signale.

La psychiatrie ne peut déchiffrer avec certitude les signes morbides sur le corps du malade, dans son sang ou dans ses urines, la caractéristique d’un trouble mental étant qu’il désigne un sentiment, une émotion ou une image de soi. Toute l’histoire de cette discipline est traversée par une lancinante interrogation : comment objectiver le subjectif ? La psychiatrie se trouve dans une situation particulière : lorsqu’elle découvre la cause d’une pathologie mentale, comme ce fut le cas pour l’épilepsie, c’est que celle-ci n’était pas mentale. La psychiatrie traite généralement de pathologies dont la cause, ou le motif, ne peut faire consensus11. Le travail du clinicien consiste à interpréter symptômes et syndromes12 non pour distinguer le normal du pathologique, mais en vue d’un diagnostic13. Pourtant, cette distinction est obsédante aujourd’hui. Il faut moins y voir une insuffisante réflexion clinique, comme on pourra le constater dans cet ouvrage, qu’une conséquence pratique du caractère symbolique attaché à la notion d’intériorité dans la modernité. Les désaccords sur les causes, les définitions et les traitements des pathologies, les incertitudes qui accompagnent l’histoire du raisonnement psychiatrique14 sont particulièrement révélateurs des transformations de la personne. Il faut respecter ces difficultés en reconstituant leur cohérence.

La démarche suivie dans cet ouvrage a donc été de comprendre comment les psychiatres formulent les problèmes et quelles solutions ils leur apportent à travers leurs controverses. Une des particularités de la dépression est qu’aucun grand nom, aucune œuvre clé n’y sont attachés au contraire de la monomanie (Esquirol), de l’hystérie (Charcot, Janet et Freud), de la psychose maniaco-dépressive (Kraepelin), de la schizophrénie (Bleuler). Il a donc fallu manier un corpus aux multiples aspects pharmacologiques, cliniques, épidémiologiques, nosographiques, neurobiologiques, etc. Une grande partie des thèmes examinés ici ne sont qu’explorés faute de travaux sur l’histoire de la psychiatrie française au XXe siècle.

Cette enquête s’est appuyée sur une revue de la littérature psychiatrique française à partir des années 1930-1940 ainsi que sur un sondage dans les travaux anglo-américains15. La Revue du praticien, qui joue un rôle de formation permanente pour les généralistes, à partir du premier article sur les antidépresseurs en 1958, deux magazines féminins et un hebdomadaire ont été consultés16. Il a alors été possible d’établir des relations entre trois niveaux : débats internes à la profession psychiatrique, type d’expertise qu’elle fournit à la médecine générale et problèmes que celle-ci rencontre, manière dont le grand public a été initié à une grammaire de la vie intérieure, indiquant les règles permettant que se formule une demande sociale. Cette enquête ne traite donc pas des pratiques de la dépression, mais des conceptions, des manières de raisonner et des modèles de maladie en médecine mentale. Ainsi mis en scène pour mieux faire ressortir la multitude d’aspects à la fois hétérogènes et contradictoires qui façonnent une pathologie mentale, les textes permettront peut-être au lecteur de prendre une vue d’ensemble tout en respectant la complexité de la chose psychiatrique.

Source : Éditions Odile Jacob.


Chapitre premier

Genèse de la créature psychique

Lors de la conférence d’ouverture du premier colloque tenu en France sur les états dépressifs à Sainte-Anne en novembre 1954, un nom vient à la bouche de l’orateur : Pierre Janet. « Au début du siècle, déclare le Dr Julien Rouart, on insistait sur certaines dépressions névrotiques aujourd’hui quelque peu oubliées, comme la neurasthénie, et Pierre Janet fondait toute sa théorie de la psychasthénie sur la notion d’une “baisse de la tension psychologique”. En fait, […] les dépressions névrotiques s’opposaient aux psychotiques comme une faiblesse de constitution à une maladie [1]. » Asthénies, baisse, faiblesse : l’état dépressif est une insuffisance. Freud, les psychanalystes l’ont largement souligné depuis, a peu écrit sur la dépression [2] : l’angoisse est au centre de son attention. Y aurait-il une opposition entre l’angoisse et l’insuffisance ? En effet, la frontière de la culpabilité sépare leurs territoires respectifs. Freud a joué un rôle pivot dans l’histoire de l’homme coupable, et Janet dans celle de l’homme insuffisant.

D’anciennes questions philosophiques portant sur le statut de l’esprit et la spécificité de ce qui est psychologique, de vieilles querelles disciplinaires entre biologie et psychologie sur ce thème, des antinomies propres à chacune de ces disciplines encombrent depuis toujours les questions posées par la maladie mentale. Prenez garde au sujet, disent les uns, c’est-à-dire à l’humain ; n’oubliez pas le malade, c’est-à-dire le corps, rétorquent les autres. Une tension règne dans l’histoire des désordres de l’esprit entre une conception de l’humain en tant qu’animal, vivant par rapport au végétal, et une conception contraire en tant qu’être de parole, humain à l’intérieur du vivant animal. Opposition décisive, à l’origine des conflits quant aux causes de la maladie, sa définition, ses traitements et l’idée que l’on se fait de la guérison, mais opposition trompeuse à un autre niveau, dans la mesure où l’on ne voit pas très bien ce que pourrait être un sujet sans corps. En quoi serait-il un être « vivant » [3] ? Or les modes d’intégration de l’animalité dans la personnalité sont une des clés du type de subjectivité que la fin du xixe siècle nous léguera.

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EN COMPLÉMENT

Fatigue, énergie et modernité

Alain Ehrenberg

Si le souci collectif pour la fatigue dans les sociétés occidentales n’est nullement un phénomène nouveau, il a pris un tour particulier depuis la pandémie de Covid-19, avec une généralisation des problèmes de santé mentale. Pour le sociologue et directeur de recherche au CNRS Alain Ehrenberg, cette généralisation constitue, au-delà d’une problématique de santé publique, un langage permettant d’exprimer les tensions morales d’une société individualiste de masse.

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Annales Médico-psychologiques, revue psychiatrique
Volume 180, Issue 10, December 2022, Pages 987-994

L’anorexie mentale : une fatigue de ne pas être soi ?

Margaux Merand, UMR Inserm U 1253, UFR de médecine de l’Université de Tours, 2, Boulevard Tonnellé, 37032 Tours, France

Maël Lemoine, UMR 5164 « ImmunoConcept » ; équipe « Conceptual Biology and Medicine », Université de Bordeaux, 146, rue Léo-Saignat, 33000 Bordeaux, France

Le présent article comprend l’anorexie mentale comme une stratégie visant à se produire soi-même, en modelant le corps d’une manière déterminée, afin d’obtenir une reconnaissance intersubjective. Il s’agirait plus précisément d’une stratégie permettant de systématiser la réussite de trois objectifs caractéristiques de l’existence sociale moderne où les individus sont appelés à se réaliser au moyen de leurs propres ressources, en s’émancipant de toute tutelle. Soumis à l’injonction d’être « quelqu’un », et d’accomplir une performance individuelle remarquée, le sujet anorexique serait singulièrement sensible aux risques d’échec constitutifs de ces deux idéaux sociaux. Ainsi, 1) la maigreur permettrait au sujet anorexique de faire l’économie de la question de son identité, en produisant à travers le corps maigre un type d’identité plutôt qu’une véritable subjectivité. Effrayée à l’idée de ne pas parvenir à cerner les frontières et facultés du « soi », la personne anorexique se retrancherait derrière le type d’identité que suggère une apparence très amincie. 2) Travaillant sur son corps, le sujet anorexique échapperait aux aléas des formes conventionnelles de travail et d’accomplissement de soi, en choisissant un matériau – son propre corps – sur lequel il a un pouvoir immédiat et qui a priori ne met à l’épreuve que sa volonté, en supprimant tout aléa extérieur immaîtrisable. 3) Conscient des représentations sociales dont la maigreur est investie, le sujet anorexique contrôlerait le genre de jugement porté sur lui par les autres : il échapperait ainsi au risque, normalement structurel, de ne pas être reconnu par les autres sujets conscients, ou d’être incompris d’eux.

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Ehrenberg Alain, La fatigue d’être soi. Dépression et société. [compte-rendu]

Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot

Revue française de sociologie Année 1999 40-4 pp. 778-780

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Note #2 – Une « société des individus ».

Individus en société : individualisme versus communautarisme ?

Novembre 2024

L’individualisme croissant supposé de la société interroge et s’inscrit au cœur des réflexions menées par les collectivités pour accompagner les évolutions des modes de vie. Quelques précisions s’imposent alors pour comprendre la société. La modernité du XXe siècle a eu pour corollaire l’individualisation de la société. Aujourd’hui, l’individu est placé au centre de la société et est collectivement valorisé, créant pour les individus des impératifs de réalisation de soi et de singularité pour se distinguer des autres. Toutefois, la société des individus n’est pas pour autant une société individualiste par définition, de nouvelles formes de solidarités et manières de faire cohésion et communauté émergent en son sein.

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Fatigue d’être soi et souffrances de subjectivation.

Par Jacques Arènes

Imaginaire & Inconscient

« La fatigue d’être soi », renvoie au livre éponyme d’Alain Ehrenberg. Cette locution décrit les difficultés de subjectivation de l’individu contemporain. Le centre de ce type de souffrance de subjectivation est le sentiment de passivité et de déprise par rapport à son propre destin. La méthode analytique se trouve ainsi mise à l’épreuve, car elle bute sur une éternisation de son processus, avec des sujets qui ne semblent pas avancer, s’enfoncent progressivement dans une souffrance qu’aucune interprétation ne modifie. Une hypothèse clinique d’accompagnement de ceux qui ont du mal à saisir les possibles, et à incarner une dynamique de subjectivation, est celle d’un travail sur les épreuves de vie. Plutôt que d’adopter une posture « ferenczienne », favorisant la régression et la réparation psychique dans le lieu de la cure, le psychanalyste sera, en ce cas, particulièrement attentif aux événements à potentialité traumatique. L’épreuve de réalité peut alors s’avérer « thérapeutique », et le travail du négatif lié à la perte de l’objet peut, dans certaines conditions, rendre possible la sortie de la fatigue d’être soi.

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La souffrance des intervenants : perte d’idéal collectif et confusion sur le plan des valeurs

Par Lucie Biron

Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, n°36(1), 209-224.

Le présent essai propose l’idée selon laquelle l’état de désarroi qui marque le monde contemporain – en raison de l’absence de consensus sur ce qui pourrait constituer un horizon de sens – a un impact sur l’épuisement professionnel vécu par les intervenants psychosociaux. Désignés comme les experts du soulagement de la souffrance dans un monde qui fait du bonheur sa norme, les professionnels de la relation d’aide se trouvent dans une position paradoxale. Ils paraissent tiraillés entre, d’une part, le modèle productiviste qui domine les milieux de travail et, d’autre part, les idéaux éthiques au fondement d’un travail de solidarité humaine.

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Lire Alain Ehrenberg : une tâche impossible ?

Par Pierre-Henri Castel

La revue lacanienne, N° 13(2), 129-134

es travaux d’Alain Ehrenberg semblent frappés par la malédiction d’un malentendu total. Il est extrêmement courant de lui voir attribuer sinon la paternité, du moins le talent d’avoir particulièrement bien exprimé l’idée selon laquelle la dépression, dans les sociétés contemporaines, serait en augmentation du fait des grandes modifications sociétales en cours depuis la fin des années 1960. Récemment, et d’ailleurs dans la direction idéologique inverse, dans un échange pour La vie des idées avec Robert Castel, il a été considéré comme le promoteur d’un style d’individualisme plus américain que français, quelqu’un dont les analyses de l’idéal contemporain d’autonomie feraient le fourrier à peine caché d’une sorte de néolibéralisme niant la « souffrance psychosociale » et les besoins de protection des faibles.

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Société du malaise ou malaise dans la société ?

Réponse à Robert Castel

Alain EHRENBERG

La Vie des Idées

Pour Alain Ehrenberg, la lecture que Robert Castel a proposée de son livre dans La Vie des Idées repose sur un contresens. Loin d’ériger l’Amérique en modèle, sa démarche comparative vise à dégager les significations sociales de l’autonomie pour dépasser l’opposition libéralisme/antilibéralisme. Il s’agit alors de substituer à la sociologie individualiste une sociologie de l’individualisme.

Ce texte est une réponse au compte rendu de Robert Castel sur le livre d’Alain Ehrenberg (La Société du malaise, Odile Jacob, 2010), paru sous le titre « L’autonomie, aspiration ou condition ? », La Vie des Idées, 26 mars 2010.

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Un compte rendu de la revue Liberté

Volume 41, numéro 5 (245), octobre 1999, p. 110–116

L’individu à l’aune de la dépression

Alain Ehrenberg, La Fatigue d’être soi. Dépression et société, Paris, Odile Jacob, 1998, 318 p

Par Luis Carlos Fernandez

On sentait bien que l’ampleur sans précédent du phénomène dépressif — nouveau visage du malaise dans la civilisation — ne pouvait être étrangère à la façon dont l’époque conçoit l’individu. La Fatigue d’être soi montre à quel point on voyait juste. Dans ce troisième volet] de son analyse de l’individualité contemporaine, Alain Ehrenberg — sociologue, directeur du collectif de recherche « Psychotropes, Politique, Société » du CNRS à Paris — se livre à un examen attentif de ses transformations et de l’évolution concomitante de la dépression en tant qu’entité nosologique. Cela nous vaut un remarquable essai d’histoire de la psychiatrie, champ aussi fertile que peu labouré par les chercheurs français en sciences sociales depuis les travaux marquants de Robert Castel.

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